La dermatologie en 10 étapes
Auteur(s) : Mélanie Legain*, Didier Pin**, Adrien Idée***, Marion Mosca****, Pauline Panzuti*****
Fonctions :
*VetAgro Sup
1 avenue Bourgelat
69280 Marcy l’Étoile
**(DipECVD,
professeur en dermatologie)
***CHV Languedocia
395 rue Maurice Béjart
34080 Montpellier
Les examens complémentaires permettent de mettre en évidence les éléments figurés présents à la surface ou en profondeur de la peau, d’établir le diagnostic et de choisir le traitement le plus approprié pour l’animal.
Les examens complémentaires en dermatologie sont souvent indispensables pour aboutir à un diagnostic et peuvent aussi aider à affiner le pronostic. Ils sont, pour la plupart, faciles à réaliser et peu coûteux, mais doivent être effectués dans l’objectif de répondre à des hypothèses diagnostiques. Les examens complémentaires sont d’autant plus nécessaires que la sémiologie des lésions cutanées est peu spécifique.
Les examens directs et cytologiques sont des examens complémentaires à résultats immédiats qui nécessitent un matériel limité et permettent de repérer des éléments figurés tels que des parasites, des champignons, des bactéries ou des cellules (tableau).
Le brossage du pelage se fait à rebrousse-poil, à l’aide d’un peigne ou des doigts au-dessus d’une feuille de papier pour récupérer les débris (photo 1). Le matériel récolté est déposé sur une lame de verre, dans du lactophénol ou de l’huile minérale, puis recouvert d’une lamelle et observé au microscope avec le diaphragme fermé, afin d’obtenir un contraste maximal. La récolte de ce matériel peut également s’effectuer en appliquant une bande de cellophane adhésive à plusieurs endroits et en la collant sur une lame de verre, par-dessus du lactophénol ou de l’huile minérale. Le brossage permet de mettre en évidence les puces ou leurs déjections, les poux ou leurs lentes, les Cheyletiella spp. ou leurs œufs, mais également Dermanyssus gallinae, Chorioptes spp. ou leurs œufs [2].
Lors d’une trichoscopie, les poils sont prélevés par épilation au sein d’une lésion. En cas d’évolution centrifuge de cette dernière, les poils sont prélevés en périphérie (du côté de la lésion et non du côté sain) et pas au centre de la lésion. Ils sont ensuite déposés sur une lame de verre, dans le même sens, dans du lactophénol, et recouverts d’une lamelle afin d’être observés au microscope avec le diaphragme fermé. Cet examen met en évidence des éléments figurés comme des lentes, des œufs de cheyletielles, parfois des spores et des filaments fongiques, et permet d’observer la morphologie du poil. Les dermatoses prurigineuses se traduisent par des poils fracturés avec une image dite en “bois vert”, qui se différencie d’une section mécanique, plutôt nette. L’interprétation d’une anomalie de répartition du pigment mélanique au sein du poil est délicate car elle peut être observée chez des animaux sans lésion cutanée. Lors de teigne, le poil est anormal et la structure pilaire n’est plus discernable dans la zone parasitée. Au grossissement x 40, les spores sont visibles autour du poil, disposées en chaînettes ou en manchons.
Le raclage permet de récupérer les parasites présents à la surface de la peau, dans l’épaisseur de l’épiderme et dans les follicules pileux, en raclant la surface d’un pli de peau. Le raclage a lieu toujours dans le même sens, à l’aide d’une lame de scalpel émoussée, préalablement enduite de lactophénol ou d’huile minérale. L’ensemble du matériel est ensuite déposé sur une lame de verre, délayé dans du lactophénol ou de l’huile minérale, puis couvert d’une lamelle et observé au microscope avec le diaphragme fermé. Pour augmenter la sensibilité de l’examen, plusieurs raclages doivent être réalisés. Les poils de la zone d’examen peuvent être coupés aux ciseaux. Les lésions à racler doivent être choisies avec soin, celles qui sont très remaniées sont à éviter. La profondeur du raclage dépend des hypothèses diagnostiques. La recherche de Sarcoptes spp., de Demodex spp., de Notoedres spp. ou de Trixacarus spp. nécessite des raclages jusqu’à la rosée sanguine, tandis que pour l’observation des Cheyletiella spp. ou des trombiculidés, des raclages superficiels suffisent (photos 2a à 2d) [2]. Dans les cas de teigne, l’association d’un raclage de la lésion et de l’épilation de poils au sein de celle-ci affiche une plus grande sensibilité (environ 85 %) que le raclage cutané seul (79 %) ou l’épilation isolée (60 %) [3]. L’absence du parasite recherché dans le produit des raclages n’exclut pas définitivement l’hypothèse d’une ectoparasitose, sauf pour Demodex spp., Cheyletiella spp. et les larves de trombiculidés, à condition que les raclages aient été multiples et centrés sur des lésions cliniques compatibles et que le produit de raclage ait été correctement préparé et examiné [7].
La lampe de Wood est une lumière ultraviolette filtrée permettant d’identifier les poils infectés par Microsporum canis. La ptéridine, un métabolite produit par les filaments fongiques dans le cortex et la médulla du poil, produit une fluorescence de couleur jaune-verte. La lampe doit avoir été allumée cinq à dix minutes avant l’examen réalisé dans une pièce sombre, et les lésions doivent être illuminées suffisamment longtemps pour que les yeux de l’observateur s’habituent à l’obscurité (photo 3). Toutefois, selon une compilation d’études incluant des chats traités et non traités, le praticien n’identifie une fluorescence que dans 72 % des cas [4]. Une absence de fluorescence ne permet pas d’exclure l’hypothèse de teigne à Microsporum canis.
À l’aide d’une curette de Volkmann ou d’un écouvillon, du cérumen est récolté dans le conduit auditif puis est délayé, sur une lame de verre, dans une goutte de lactophénol ou d’huile minérale et recouvert d’une lamelle de microscope. Cet examen permet de mettre en évidence les parasites auriculaires responsables d’otite, comme Otodectes cynotis, Psoroptes cuniculi ou plus rarement Demodex spp.
L’examen cytologique cutané permet d’évaluer la réaction inflammatoire au sein d’une lésion, d’identifier certains micro-organismes (bactéries et levures, principalement) et de distinguer un processus néoplasique d’une réaction inflammatoire.
Un calque par apposition consiste à appliquer une lame de verre sur une lésion cutanée humide (érosion, ulcère, pustule préalablement ouverte, etc.) ou sur la face inférieure d’une croûte. Des variantes existent comme le calque par écouvillonnage, qui consiste à recueillir le produit de sécrétion des conduits auditifs externes ou le pus d’une pustule à l’aide d’un écouvillon, puis à l’étaler sur une lame de verre, en roulant l’extrémité de l’écouvillon sur la lame. Le calque par étalement consiste à recueillir sur une lame de verre le produit d’une cytoponction à l’aiguille fine. Enfin, le calque par raclage cutané consiste à racler une lésion avec une lame de bistouri émoussée, puis à étaler le matériel obtenu sur une lame de verre. Ce dernier examen s’applique aux érosions ou aux ulcères dont le fond est raclé ou aux nodules dont la cytoponction est difficile. Le prélèvement est ensuite séché puis coloré en utilisant des colorants dits rapides (RAL 555). L’observation au microscope est effectuée avec un diaphragme ouvert.
Un morceau de scotch cristal, d’environ 10 cm de long, est pressé sur la lésion à prélever. À la différence du calque par apposition, les lésions de choix pour cet examen sont sèches. Le scotch est ensuite coloré en utilisant les colorants rapides, comme précédemment, à l’exception du fixateur, qui dissout la colle du scotch et rend la lecture plus difficile. Après la coloration, le scotch est rincé, séché, collé sur une lame de verre et observé au microscope avec un diaphragme ouvert, à l’immersion.
Toutes les cellules inflammatoires peuvent être observées via ces examens cytologiques.
Les neutrophiles prédominent dans une lésion infectée, traumatique ou aiguë, les éosinophiles évoquent plutôt une hypersensibilité ou une ectoparasitose, tandis que les macrophages témoignent de la chronicité de la lésion [9].
Les kératinocytes acantholysés sont observés dans le pus du pemphigus foliacé, mais aussi dans celui de certaines pyodermites. Les bactéries sont colorées en bleu foncé.
Les cocci (comme Staphylococcus pseudintermedius) sont ronds et disposés par groupe de deux ou plus, en grappe, alors que les streptocoques adoptent une disposition en chaînette.
Les bacilles (par exemple Pseudomonas aeruginosa) ont une forme de bâtonnet. Les spores de dermatophytes sont rondes, bleu foncé et entourées d’un halo clair.
Les levures fréquemment rencontrées sont des Malassezia spp. et, plus rarement, des Candida spp. Les Malassezia spp. ont une forme ronde, ovale ou, plus typiquement, “en bouteille de Perrier” (photos 4a et 4b) [4].
Le nombre de micro-organismes par champ n’est pas un indicateur diagnostique. Il faut relier les résultats de l’examen clinique et de l’examen cytologique pour conclure.
La biopsie cutanée permet de confirmer le diagnostic établi grâce à l’examen histopathologique, de réaliser une culture fongique ou bactérienne, ou encore d’aider le praticien à orienter son diagnostic en cas de dermatose à l’aspect inhabituel ou grave. Aucune préparation du site n’est nécessaire, hormis une tonte douce. L’antisepsie postopératoire est suffisante pour éviter les complications infectieuses. Le prélèvement peut être réalisé à l’aide d’un trépan emporte-pièce (punch à biopsie) ou au bistouri, suivant la technique de l’incision en “côte de melon” (photo 5).
Selon le caractère de l’animal ou la zone à biopsier, une anesthésie locale sous-cutanée peut suffire. Le diamètre du trépan est à choisir d’après la zone à prélever (4 mm pour une lésion de la truffe, des coussinets ou des oreilles, de 6 à 8 mm pour le reste du corps). Le trépan est tourné dans un seul sens, avec une pression modérée, jusqu’à une profondeur au niveau de laquelle une baisse de résistance des tissus est perçue, signant l’atteinte de l’hypoderme. La biopsie est saisie avec une pince plate, sans la serrer pour ne pas détériorer les cellules, avant d’en couper la base. La plaie est fermée à l’aide d’un point cutané.
Après avoir épongé le sang en excès à l’aide d’une compresse, la biopsie est placée dans du formol à 10 % et envoyée à un laboratoire vétérinaire avec la fiche de commémoratifs complétée.
La culture bactérienne et l’antibiogramme sont d’autant plus importants que la prévalence de Staphylococcus pseudintermedius résistant à la méticilline augmente [6]. Ces examens sont recommandés lors de pyodermite chronique (récidivante ou grave) ou ne répondant pas au traitement antibiotique, en cas d’antécédent d’infection à un germe multirésistant, lorsque des bacilles sont isolés ou s’il est nécessaire d’avoir recours à un antibiotique critique. Le prélèvement est réalisé à l’aide d’un écouvillon stérile. Le choix de la lésion à prélever est important : elle doit être fermée (pustule ou furoncle), ouverte avec une aiguille, avant de prélever le contenu à l’aide de l’écouvillon stérile. Il n’est pas recommandé de pratiquer un nettoyage chirurgical de la zone à prélever car les lésions sont fragiles, mais un rinçage délicat au sérum physiologique stérile reste possible. En cas de pyodermite profonde, le prélèvement peut consister en une biopsie cutanée, réalisée dans des conditions stériles. L’épiderme est séparé du derme, puis ce dernier est envoyé pour la culture.
Une culture fongique est à programmer en cas de suspicion de mycose cutanée pour identifier l’espèce de champignon. Dans le cas d’une mycose superficielle (teigne), le matériel envoyé pour la culture est le produit de raclages cutanés (squames et poils) ou un carré de moquette, stérile, frotté sur l’ensemble du pelage. En cas de mycose profonde, le prélèvement est une biopsie cutanée, effectuée de la même façon que pour la culture bactérienne. L’utilisation d’un milieu de culture de type dermatophyte test medium (DTM) n’est pas recommandée, car il est souvent à l’origine de faux négatifs ou de faux positifs [5].
L’otoscopie et la vidéo-otoscopie sont des outils qui permettent l’évaluation des otites (intégrité de la membrane tympanique, remaniements du conduit auditif, présence d’un corps étranger ou d’une masse intra-auriculaire). L’éclairage, le grossissement et l’introduction des instruments sont grandement améliorés par la vidéo-otoscopie par rapport à l’otoscopie. Les indications sont les mêmes que celles de l’examen otoscopique bien que la vidéo-otoscopie soit fortement recommandée en cas d’otite chronique, de suspicion de corps étrangers, de nodules intra-auriculaires ou de lavage de la bulle tympanique à la suite d’une myringotomie [8].
Lors d’otite chronique, l’imagerie de l’oreille externe et moyenne (cavités et bulles tympaniques) permet d’évaluer le degré d’atteinte de l’oreille et d’affiner le pronostic.
L’examen tomodensitométrique, ou scanner de la tête, est utile en cas d’otite moyenne et d’otite externe chronique ou récidivante pour la recherche de polypes et de tumeurs intra-auriculaires. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est privilégiée en cas de syndrome vestibulaire car le contraste des tissus mous est meilleur, ce qui permet de faire la différence entre un syndrome vestibulaire central et un syndrome vestibulaire périphérique [1].
Conflit d’intérêts : Aucun
• Les examens complémentaires ne doivent être entrepris que pour répondre à des hypothèses diagnostiques.
• Les examens à résultats immédiats (directs et cytologiques) permettent, dans la majorité des cas, de restreindre les hypothèses diagnostiques, voire de conduire à un diagnostic de certitude.
• Les examens différés (culture fongique ou bactérienne et analyse histopathologique) doivent être reliés au tableau clinique pour être correctement interprétés.
• La gestion des otites chroniques nécessite parfois des examens complémentaires peu accessibles en clinique vétérinaire généraliste (scanner, vidéo-otoscopie).
Les examens complémentaires en dermatologie sont nombreux. Le praticien doit avoir émis des hypothèses diagnostiques précises afin de savoir lesquels utiliser. Les examens à résultats immédiats sont faciles à réaliser, peu onéreux et aboutissent souvent au diagnostic. Quand ils ne suffisent pas, d’autres analyses, à résultats différés, peuvent être entreprises. Les otites chroniques nécessitent des examens complémentaires spécifiques, parfois non réalisables en clinique généraliste, obligeant le praticien à référer ces cas à une structure qui possède les équipements adaptés.