REPRODUCTION
Thérapeutique
Auteur(s) : Anne Gogny*, Mouna Chakchouk**, Yassine Mallem***
Fonctions :
*Service de reproduction
des animaux de compagnie
d’Oniris, VetAgroBio
101 route de Gachet
44300 Nantes
**Unité de pharmacologie
et toxicologie d’Oniris,
VetAgroBio
Injecté entre 12 et 16 semaines d’âge, l’implant de desloréline permet de différer l’apparition des premières chaleurs chez la chienne prépubère.
Fin 2022, Suprelorin® 4,7 mg a obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne pour l’indication du report des premières chaleurs chez la chienne prépubère. Selon l’AMM, l’implant permet « l’induction d’une infertilité temporaire pour retarder le premier œstrus et les premiers signes de chaleurs et pour éviter une gestation à un jeune âge chez les chiennes immatures sexuellement, non stérilisées et en bonne santé » [2].
La desloréline est un agoniste plein des récepteurs de la gonadolibérine (GnRH), qui contrôle la sécrétion d’hormone lutéinisante (LH) et d’hormone folliculo-stimulante (FSH). Administrée sous la forme d’un implant sous-cutané (Suprelorin® 4,7 mg ou 9,4 mg), elle est libérée en continu et à dose faible pendant quelques mois. Au cours des jours qui suivent la pose de l’implant, la desloréline stimule la libération de LH et de FSH, ce qui augmente la sécrétion des hormones gonadiques. Dans un second temps, le traitement provoque une inhibition de la production d’ARN codant les sous-unités bêta des gonatrophines LH et FSH [7]. Il en résulte une inhibition progressive de la production des hormones gonadotropes et gonadiques, qui dure quelques mois à plusieurs années selon l’espèce et le dosage utilisé (figure).
Administré dans les conditions préconisées par l’AMM, c’est-à-dire injecté entre 12 et 16 semaines d’âge chez une chienne impubère en bonne santé, l’implant de desloréline dosé 4,7 mg provoque un report des chaleurs de l’ordre de cinq mois, soit 160 jours : chez les chiennes traitées, les premières chaleurs apparaissent après un délai médian de 377 jours après la pose de l’implant au lieu de 217 jours chez les chiennes non traitées [3]. Entre 5,5 et 24 mois après l’administration du produit, 98,2 % des chiennes traitées présentent un œstrus : 44,6 % entre 5,5 et 12 mois après l’injection et 53,6 % entre 12 et 24 mois après l’injection [3]. Toutefois, le délai de report des chaleurs peut être supérieur à 24 mois [5].
Une stimulation initiale de l’axe hypothalamo-hypophysaire (effet flare-up) est observée chez les animaux traités, avec une expression qui varie selon les individus. Ainsi, quel que soit l’âge au moment de la pose de l’implant, une augmentation du pourcentage de cellules vaginales kératinisées est notée au cours des huit à dix jours qui suivent l’injection chez toutes les chiennes traitées [3, 4, 6]. De même, une augmentation transitoire de l’œstradiolémie peut être mesurée [6, 5]. Par ailleurs, injecté après l’âge de 16 semaines, c’est-à-dire hors AMM, le traitement peut provoquer l’induction d’un œstrus clinique [3, 4, 1]. Ainsi, sur 34 chiennes traitées entre 16 et 18 semaines, trois ont présenté des chaleurs induites [3]. De même, 37,5 % des chiennes traitées vers l’âge de 7 à 8 mois (6 femelles sur 16) ont montré des signes cliniques d’œstrus huit jours après l’injection [4, 6]. Un traitement répété à 4,5 mois d’intervalle à partir de l’âge de 4,5 mois se traduit, à 18 mois, par une absence d’évolution de l’appareil génital qui reste à un stade immature, sur le plan macroscopique comme sur le plan histologique ; il n’existe pas d’étude sur l’évolution de l’appareil génital après l’arrêt du traitement [6].
Un traitement unique avec un implant de desloréline dosé à 4,7 mg ne semble pas avoir d’impact sur la périodicité des cycles ultérieurs [3]. Les données ne sont pas suffisamment nombreuses à ce jour pour que les effets du traitement sur la fertilité soient cernés avec certitude. Néanmoins, les quelques tentatives de mise à la reproduction (n = 9 chiennes), effectuées dans les deux ans après le traitement, n’ont pas montré d’anomalie sur la fertilité et ont permis d’obtenir des gestations et des portées normales [3].
L’absence de développement de la vulve peut favoriser l’apparition de vaginites ou de cystites [5]. Cet élément est par conséquent à prendre en compte dans la décision thérapeutique, surtout chez les chiennes déjà prédisposées à ces affections en raison d’un repli cutané périnéal important (par exemple mastiff, sharpei). Un traitement unique ne semble pas avoir d’effet sur le poids, la hauteur au garrot et la longueur de l’humérus. Cependant, la fermeture des cartilages de croissance est retardée de quelques semaines chez les chiennes traitées. Aucune fracture de type Salter-Harris en lien avec le traitement n’est toutefois rapportée [5]. Les effets indésirables décrits chez la chienne adulte (incontinence urinaire, métropathies, affections ovariennes) après la répétition du traitement ne sont à ce jour pas signalés chez la chienne impubère.
Conflit d’intérêts : aucun
Chez la chienne prépubère en bonne santé, l’implant de desloréline permet de différer la puberté de quelques mois. Les effets indésirables rapportés sont mineurs et le traitement ne semble pas avoir d’effet délétère sur la fertilité ultérieure. Cependant, tous les effets potentiels du traitement ne sont pas encore documentés. Administré après l’âge de 16 semaines, l’implant de desloréline peut provoquer l’induction d’un œstrus. Pour obtenir le report des chaleurs souhaité, il est donc important de respecter les conditions préconisées par l’AMM, c’est-à-dire d’injecter le traitement entre 12 et 16 semaines d’âge.