CHIRURGIE
Dossier
Auteur(s) : Alexandre Caron
Fonctions : AniCura TRIOVet
1D allée Eremengard d’Anjou
35000 Rennes
L’impression en 3D peut être utilisée comme un outil pédagogique pour les étudiants vétérinaires et sert à planifier et à mieux préparer certaines interventions chirurgicales.
L’impression en 3D se développe d’un point de vue technologique et devient de plus en plus facilement accessible, tant sur le point technique qu’économique. Ainsi, quelques vétérinaires passionnés de nouvelles technologies sont déjà équipés et l’utilisation régulière progresse de façon exponentielle. L’impression en 3D est souvent appelée fabrication additive par opposition aux méthodes de production traditionnelles. Ces dernières sont dites de fabrication soustractive car elles consistent à découper un bloc de matière pour produire une forme finale ou créer un moule. À l’inverse, l’impression en 3D, quelle que soit la technologie, a pour principe d’ajouter de la matière au fur et à mesure pour obtenir la forme finale. Depuis quelques années, les applications dans le milieu médical (humain et vétérinaire) se multiplient et touchent aussi bien l’enseignement, la pédagogie envers l’animal ou le propriétaire, la planification chirurgicale, la production de guides chirurgicaux ou même d’implants spécifiques aux animaux, voire de prothèses. L’impression en 3D permet l’essor d’une chirurgie spécifique au patient avec une planification et des instruments qui lui sont dédiés.
Dans le domaine de l’enseignement et de la pédagogie à destination des étudiants vétérinaires, l’impression en 3D offre une ressource inestimable en termes de quantité pour chaque unité d’enseignement, notamment en anatomie. L’impression d’un squelette est ce qui est le plus connu, mais tout organe peut être modélisé en trois dimensions à partir d’une acquisition scanner (de l’animal entier ou de l’organe isolé), donc reproduit physiquement. Il n’est plus indispensable de partir à la recherche d’un spécimen d’une certaine espèce, par exemple, ni de passer de longues heures à préparer un squelette ou de conserver un organe.
Dans le cadre de l’obtention de pièces anatomiques, l’impression en 3D peut permettre de contourner raisonnablement les questionnements éthiques que chacun doit désormais prendre en compte. Ainsi, à partir du seul scanner d’une pièce anatomique, une impression en 3D peut permettre à chaque étudiant impliqué, parfois au sein d’écoles différentes, de tenir dans sa main un exemplaire d’une pièce anatomique et de l’inspecter dans les moindres détails. Le risque de dégradation progressive de la pièce utilisée lors du module d’enseignement revêt une importance moindre puisque la reproduction est aisée et peu coûteuse. Au-delà du coût réduit de production, c’est aussi le moyen pour l’enseignant de standardiser la pièce anatomique évaluée et de limiter la variabilité interindividuelle qui pourrait compliquer le processus d’apprentissage, bien que cette notion de variabilité reste capitale. En allant au bout des choses, dans un avenir proche, l’impression en 3D pourrait permettre à chaque étudiant d’avoir à disposition un squelette entier de chien ou de chat par exemple, avec éventuellement ses organes à imbriquer. Selon la technologie utilisée, des couleurs, voire des matériaux différents pourraient être utilisés pour améliorer l’aspect pédagogique. En outre, l’essor de la réalité mixte ou virtuelle pourrait être un aspect additionnel de l’enseignement de demain, notamment en anatomie. Par ailleurs, une réduction d’échelle est très facilement réalisable et présenterait un intérêt pour l’étude des grands animaux. Il serait ainsi possible de disposer d’un squelette de girafe dans son bureau. Un article de synthèse récemment publié présente l’utilisation des technologies d’impression différentes (fused deposition modeling ou FDM, stereolithography ou SLA, colour jet printing ou CJP) dans le cadre de l’enseignement de l’anatomie vétérinaire [41]. Quatre exemples très parlants sont mis en avant : le doigt III d’un chien en taille réelle avec ses structures ligamentaires plantaires ou palmaires, un cœur de chat avec plusieurs coupes intracavitaires, l’appareil hyoïde d’un cheval et l’oreille interne d’un chevrotain indien (Moschiola meminna) en taille réelle et agrandie. Une méta-analyse a été réalisée concernant l’enseignement d’anatomie humaine dans les universités de médecine. Il en ressort que l’impression en 3D permet aux étudiants d’atteindre un niveau de formation égal ou supérieur aux méthodes traditionnelles d’enseignement, avec un degré de satisfaction ressentie plus élevé [43].
La neurologie est un domaine particulièrement complexe à appréhender. L’impression en 3D de modèles anatomiques a montré son efficacité pour limiter l’usage de pièces anatomiques réelles plastinées, plus spécifiquement du cerveau [34]. Les pièces plastinées nécessitent en effet d’être remplacées régulièrement à la suite de leur utilisation répétée. Il est également envisageable de développer, au moyen de l’impression en 3D, des modèles d’apprentissage cliniques. Ainsi, un modèle d’entraînement à l’anesthésie péridurale a été développé [28]. Selon cette étude, les étudiants vétérinaires ont réalisé leur première ponction péridurale avec une plus grande facilité grâce à ce modèle que sur un animal vivant. Un autre modèle similaire a été mis au point dans le cadre de l’enseignement visant à réaliser une ponction de liquide cérébrospinal. Un simulateur a été créé, incluant notamment l’impression en 3D d’une colonne vertébrale lombaire de chien. La performance de l’enseignement, pour des étudiants vétérinaires de dernière année, s’est révélée sensiblement identique entre ce modèle et un apprentissage sur cadavre [20]. Cela représente une évolution qui permet d’appliquer le concept du principe « jamais (d’acte) la première fois sur le patient ».
Dans la même orientation, un modèle pour un acte aussi “simple” qu’une otoscopie a également été fabriqué et il donne satisfaction aux étudiants vétérinaires [29]. En orthopédie, l’emploi de modèles imprimés en trois dimensions est intéressant pour l’apprentissage de l’anatomie vertébrale canine et féline, dont la détection de fractures luxations ou de fractures de la mâchoire, toujours complexes à appréhender, même pour un spécialiste en chirurgie maxillo-faciale [19, 37]. L’impression en 3D présente également un intérêt pour l’enseignement de la luxation de la patella chez le chien, ainsi que pour la préparation chirurgicale (planning) et la réalisation technique [13].
La médecine vétérinaire fait de gros progrès techniques, mais il reste capital d’impliquer les propriétaires dans la démarche décisionnelle. L’impression en 3D revêt un intérêt pédagogique particulier lors de la consultation en permettant la production à moindre coût de modèles explicatifs pour diverses affections ou interventions. Il devient alors simple de démontrer les anomalies du crâne d’un chien de race brachycéphale, d’expliquer comment stabiliser une instabilité atlanto-axiale ou à quoi correspond une bullectomie ventrale chez un chat, par exemple (photos 1a et 1b).
Le planning chirurgical correspond à toutes les méthodes qui permettent de préparer l’intervention, en anticipant les éventuelles complexités et complications de l’acte à réaliser.
La préparation de tout acte chirurgical nécessite une bonne compréhension de l’anatomie et de la physiopathologie singulière de l’animal traité, avant même de bien maîtriser l’acte technique. L’impression en 3D est d’une grande aide dans cette compréhension et dans l’appréhension du geste chirurgical en mettant le chirurgien dans de meilleures dispositions au moment de l’intervention. Dans le cadre d’une chirurgie orthopédique par exemple, pouvoir disposer en amont de l’os fracturé ou déformé et de l’os controlatéral sain permet d’obtenir des informations préopératoires (photo 2). Ces informations visuelles en 3D et manuelles ou physiques contribuent à une meilleure maîtrise du site chirurgical lors de l’intervention sur l’animal. Le geste peut ainsi être amélioré, avec une possible réduction du temps chirurgical, voire de l’approche qui peut être plus précise tout en maintenant un haut niveau de sécurité technique chirurgicale. Quelques études humaines ont essayé de quantifier le bénéfice du planning préopératoire sur un modèle imprimé en 3D par rapport aux méthodes traditionnelles en deux ou trois dimensions digitales (reconstruction multiplanaire d’un examen tomodensitométrique par exemple). Le temps passé à évaluer le modèle anatomique était significativement plus court avec un modèle imprimé en 3D et l’expérience a semblé plus utile aux étudiants en médecine qu’aux chirurgiens ou aux radiologues [21].
L’impression en 3D joue un rôle majeur dans l’amélioration de la prise en charge des déformations angulaires ou des fractures complexes par le biais de nouvelles méthodes de planification. Au-delà des méthodes de planification informatiques ou digitales en amont, l’impression en 3D permet de répéter l’acte chirurgical en réalisant par exemple une ostéotomie ou ostectomie sur un modèle imprimé de l’os déformé (photo 3). La position et la direction de la coupe sont alors validées ou corrigées avant l’intervention. Cela permet un gain de temps important pour le chirurgien, mais renforce aussi la confiance dans sa planification. Par ailleurs, la production à partir de l’os controlatéral en miroir (os gauche transformé en os droit, ou inversement) d’un os d’apparence normale à l’échelle réelle constitue l’objectif à atteindre. À partir de ce modèle imprimé, il est alors possible de choisir avec certitude l’implant d’ostéosynthèse définitif, et de le contourner (photo 4a à 4c). Toutes ces étapes réalisées en dehors du bloc opératoire réduisent le temps chirurgical, au bénéfice de l’animal. Pour le chirurgien, cela contribue à améliorer la planification et l’anticipation de l’intervention. Le doute qui persiste parfois en fin d’intervention, avant que l’imagerie postopératoire ne le lève, est alors limité. Un exemple publié d’une application “simple” est le traitement d’une mal-union fémorale [27]. L’impression en 3D des deux segments osseux conduit à leur réalignement ex vivo (digital ou postimpression en 3D) avec la correction des déformations angulaires dans les trois plans de l’espace. Les implants à utiliser sont alors sélectionnés puis préparés (contournés) afin de valider la stabilisation osseuse et réduire la durée de l’acte au bloc opératoire sous anesthésie générale.
L’utilisation de l’impression en 3D dans le cadre de la chirurgie dentaire, notamment la mise en place d’implants, est bien développée en médecine humaine. Ces interventions nécessitent en effet une planification importante pour une implantation précise, tant au niveau de la position que de la direction. L’impression en 3D est également utilisée en médecine vétérinaire dans le cadre de la chirurgie maxillo-faciale (photos 5a et 5b). L’anatomie étant complexe dans ces régions, le planning en trois dimensions à partir de modèles imprimés revêt alors tout son intérêt [17]. Ainsi, tant dans le cadre de tumeurs maxillo-faciales, où les marges d’excision et la technique chirurgicale peuvent être peaufinées, que dans les cas de fracture complexe, de défauts osseux ou d’ankylose temporo-mandibulaire ou même d’orthodontie, l’impression en 3D a démontré son efficacité [6, 17, 36, 38, 42]. L’affection traitée peut être évaluée directement, le geste chirurgical répété et validé, et les implants éventuels modelés en amont de l’acte. Le résultat final est amélioré, le chirurgien étant désormais mieux placé pour réparer une fracture mandibulaire et obtenir une occlusion buccale satisfaisante, conjointement à un gain de temps opératoire significatif de l’ordre d’une heure [17]. L’ensemble de ces nouveaux processus de planification préopératoire nécessite du temps en amont de l’intervention chirurgicale. Au-delà de l’amélioration du résultat technique chirurgical, ce temps est gagné sur celui de l’anesthésie et bénéficie à l’animal. Les protocoles internes d’implémentation de l’impression en 3D au sein des établissements médicaux (humains comme vétérinaires) sont un vrai sujet de développement, en constante amélioration pour plus d’efficacité et de précision.
De nombreuses applications cliniques de l’impression en 3D ont vu le jour en chirurgie ces dernières années, notamment pour la production de guides chirurgicaux dont l’objectif est de simplifier un acte complexe. Ainsi, en médecine humaine, le bénéfice de l’implémentation en pratique de l’impression en 3D a été évalué par le biais de méta-analyses : sur 3 084 études, dont près de 60 % relatives à la chirurgie maxillo-faciale et 25 % à l’orthopédie, les bénéfices principalement identifiés sont la diminution du temps chirurgical et l’amélioration de la précision opératoire [5]. Les dispositifs imprimés doivent ainsi permettre d’obtenir un résultat final plus proche du bénéfice souhaité qu’avec les méthodes traditionnelles d’application du planning chirurgical lors de l’intervention. Déformations angulaires, fractures complexes, hypophysectomie ou tout autre acte dans une zone difficile d’accès sont autant d’applications chirurgicales où l’impression en 3D constitue une révolution. Le facteur limitant le développement de ces applications cliniques est le manque de compétence des vétérinaires pour la conception en 3D des guides par le biais de logiciels de modélisation parfois complexes. Cette compétence peut cependant être déléguée à d’autres professionnels avant que la jeune génération vétérinaire n’acquière une expertise spécifique et n’internalise ces techniques.
La difficulté du traitement d’une fracture réside d’abord dans l’obtention d’une réduction adéquate dans les trois plans de l’espace, puis dans la mise en place satisfaisante des implants. L’impression en 3D, au-delà d’aider à choisir les implants, offre également la possibilité d’une réduction guidée et d’une mise en place assistée.
Un exemple d’aide au traitement d’une fracture comminutive médio-diaphysaire de l’humérus chez un chat a été publié [30]. À partir d’un scanner préopératoire du membre fracturé et du membre controlatéral, un guide de réduction est conçu puis imprimé. Il permet alors la restauration quasi parfaite d’une angulation dans les trois plans de l’espace malgré un abord mini-invasif.
Avec une planification ou une conception intégrant l’expérience d’un chirurgien, ce guide a également facilité le positionnement des implants qui avaient été choisis et contournés à partir du modèle osseux de l’humérus controlatéral miroir. Ce cas illustre l’apport de la conception assistée par ordinateur et de l’impression en 3D en matière de traumatologie vétérinaire. Les traitements mini-invasifs, en plein développement, gagnent nettement en précision et en efficacité grâce à ces techniques qui, bien que nécessitant des compétences en conception 3D, n’exigent pas de recourir à une instrumentation complexe, comme la fluoroscopie. Une étude sur cadavres a ainsi démontré que l’emploi d’un guide d’alignement imprimé en 3D et spécifique au chien traité, sur un modèle de fracture fémorale, permettait d’obtenir une bonne réduction anatomique avec un contournement précis de la plaque utilisée malgré un abord chirurgical minimal [33]. De même, la production d’un guide de visée personnalisé lors du traitement d’une disjonction sacro-iliaque chez le chien semble améliorer la qualité de soins avec une réduction de l’incision cutanée nécessaire pour le placement satisfaisant d’une vis sacro-iliaque [4].
L’impression en 3D offre par ailleurs la possibilité d’avoir à disposition, au sein de la clinique, une collection d’os représentatifs de la majorité des races canines et félines (photos 6a et 6b) [25]. Dans la planification de la stabilisation interne d’une fracture complexe, cela permet d’utiliser un os de la banque dont la géométrie aura été identifiée comme sensiblement similaire à celui fracturé, à partir de simples radiographies pour contourner les implants en amont de l’intervention. Il est alors possible, dans ce cadre, grâce à un référencement précis des modèles, d’éviter les frais et le temps consécutifs à la réalisation d’un scanner préopératoire. À titre d’exemple, dans notre clinique, l’optimisation du processus d’impression en 3D permet de disposer d’un hémibassin de chien imprimé en 3D au plus tôt, le lendemain matin de l’admission d’un animal.
L’impression en 3D contribue à adapter le traitement au chevet de l’animal, à moindre coût. La médecine personnalisée offre une qualité de traitement, ainsi qu’un confort et surtout une sécurité de travail pour le soignant, notamment en chirurgie orthopédique. Ainsi, il est démontré que l’utilisation de guides de visée, spécifiques à l’animal, augmente sensiblement la précision de l’implantation des vis (luxation sacro-iliaque, stabilisation vertébrale cervicale, throracolombaire ou lombosacrée, fissure humérale intracondylaire, etc.) [1, 7, 8, 24, 11, 12, 22, 39]. À titre d’exemple, une déviation moyenne de 4° environ est relevée cranio-caudalement et dorso-ventralement lors de l’utilisation d’un guide de visée spécifique à l’animal pour une stabilisation sacro-iliaque, alors que la déviation moyenne est de 12° environ en l’absence de guide [24]. Lors d’une stabilisation vertébrale, qui représente un geste complexe notamment en cas de déformation congénitale, un positionnement optimal des vis pédiculaires a été identifié dans 97 % des cas grâce à l’utilisation d’un guide spécifique à l’animal imprimé en 3D, et de nombreuses études confirment cette tendance [8].
Un bon exemple d’application de l’impression en 3D à l’assistance chirurgicale est la correction des déformations angulaires, quel que soit l’os incriminé. Le radius curvus est ainsi une affection bien connue chez le chien, mais les cas complexes de luxation patellaire, associés à des déformations fémorales et/ou tibiales, sont également un exemple courant de correction d’une déformation angulaire. Une baisse drastique des coûts de fabrication est rendue possible par l’impression en 3D, ainsi qu’une latitude de conception jusqu’alors inatteignable par des méthodes de fabrication soustractive traditionnelles. Cette liberté s’observe dès la phase de prototypage, qui permet d’optimiser les fonctionnalités de ces dispositifs et d’apporter un support essentiel à la compréhension et à la concrétisation des besoins des vétérinaires.
Utilisée conjointement aux technologies digitales de planification préopératoire, l’impression en 3D fournit aux chirurgiens des outils leur permettant d’assurer leur approche chirurgicale (modèle anatomique avant et après correction, guide de coupe ou de réduction et plaque spécifique) (photos 7a à 7c). La fabrication additive d’un modèle en 3D physique de l’anatomie de départ, puis du résultat escompté, permet non seulement une compréhension tactile et visuelle de l’anatomie de l’animal traité, mais aussi d’anticiper les enjeux opérationnels propres à chaque intervention. Elle permet également de faciliter le contournement de la plaque qui sera utilisée lors de l’acte chirurgical, économisant une étape parfois fastidieuse et chronophage au bloc opératoire (photos 8a et 8b). Le recours à une instrumentation personnalisée favorise en outre la réalisation d’opérations de haute précision, telles que le guidage d’une scie lors d’une ostéotomie ou ostectomie et d’un perçage pour l’insertion d’une vis ou d’une broche. Il est ainsi démontré que l’alignement obtenu est très proche (1 à 2° de déviation) du résultat souhaité grâce à l’emploi de guides de coupe et de réduction [16]. L’aide opératoire des guides personnalisés peut aller jusqu’à parfaire la préparation osseuse avant l’implantation d’une prothèse de hanche ou de grasset, même chez le chien [3, 10].
Dans les cas de déformation osseuse associée à une dégénérescence articulaire, les deux anomalies peuvent être traitées conjointement avec une précision jusqu’alors inégalée.
L’impression en 3D peut aller jusqu’à la fabrication d’implants en métal correspondant parfaitement à l’anatomie de l’animal, optimisant leur positionnement sur l’os. Au-delà des exigences liées à la géométrie du dispositif adapté à la surface de l’os traité, la conception d’un implant spécifique offre au chirurgien une liberté sans pareille pour personnaliser la position et l’orientation de chacune des vis dans les trois plans de l’espace, tout en travaillant sur la résistance de la plaque. De nouveaux métiers apparaissent alors, la conception de ces implants nécessitant des compétences nouvelles qui ne relèvent pas de l’enseignement vétérinaire classique. In fine, une meilleure compréhension de l’anatomie propre à chaque cas est apportée par les éléments imprimés en 3D, ainsi qu’une optimisation non seulement du temps mais aussi de la qualité technique de chaque acte chirurgical. Par voie de conséquence, une intervention complexe peut devenir plus simple grâce aux outils que sont le design et l’impression en 3D. Il est aussi possible d’espérer réduire le risque de complications postopératoires et améliorer les résultats fonctionnels, même lors d’opération réputée délicate.
La chirurgie des tissus mous n’est pas en reste. Avec l’utilisation d’une imprimante multijet par exemple, des structures complexes peuvent être imprimées en 3D avec des couleurs et des matériaux différents, pour mieux coller à la réalité et potentiellement constituer des modèles d’entraînement au plus proche de la réalité [31].
Les chirurgies d’atténuation ou de ligature d’un shunt hépatique sont courantes, mais la variabilité de la morphologie des shunts est bien connue [18, 40]. Au-delà du placement de la bande d’atténuation ou de la ligature du shunt, la difficulté chirurgicale réside également dans l’identification précise du vaisseau anormal. À la suite de l’acquisition d’un angioscanner, une impression en 3D de qualité de la vascularisation hépatique et du shunt est possible (photo 9). Le chirurgien peut alors localiser précisément, sur le modèle imprimé, le vaisseau anormal, dans la même position qu’au bloc opératoire, afin de faciliter et de valider l’identification peropératoire. Cette technique revêt un intérêt tout particulier lors de traitement par chirurgie ouverte d’un shunt intrahépatique.
La chirurgie neurologique, au-delà des stabilisations vertébrales dont la technicité se rapproche de la chirurgie orthopédique, bénéficie de l’apport de l’impression en 3D pour deux aspects principaux. L’hypophysectomie est une intervention peu pratiquée, car l’accès à l’hypophyse est complexe. Les conséquences d’une mauvaise localisation de la fenêtre chirurgicale pourraient se révéler désastreuses. Ainsi, grâce à une planification chirurgicale avancée, un guide spécifique à chaque animal peut être conçu pour piloter la fraise vers la zone d’intérêt [9, 32]. L’os basisphénoïde peut être pénétré directement sur la zone d’intérêt, ce qui permet une dissection précise de la selle turcique et un retrait maîtrisé de l’hypophyse. L’acte reste délicat, même pour un neurochirurgien expérimenté, et requiert une bonne maîtrise de l’anatomie locale et du geste chirurgical. Par ailleurs, l’impression en 3D ouvre la porte à la réalisation de biopsies cérébrales via la création de guides spécifiques façonnés sur la base d’un examen tomodensitométrique ou d’imagerie par résonance magnétique préopératoire [15, 35]. La précision obtenue ex vivo lors de l’utilisation de ces guides est de l’ordre du millimètre. L’impression en 3D contribue ainsi aux progrès dans le traitement des tumeurs cérébrales chez le chien et le chat.
Concernant les stabilisations vertébrales, la difficulté technique réside dans la capacité à positionner les broches ou les vis au sein de la vertèbre sans pénétrer le canal vertébral et endommager potentiellement la moelle épinière ou les racines nerveuses. Cette réussite technique est doublement importante, car le bon positionnement au sein de l’os est également le gage d’une résistance mécanique adaptée du montage réalisé. Chez le chien, une amélioration du positionnement des vis a été obtenue grâce à l’usage de guides de perçage, créés par conception assistée par ordinateur et imprimés en 3D, par exemple lors de stabilisation atlantoaxiale, thoracolombaire ou lombosacrée [14, 26, 44].
La chirurgie oncologique dans son ensemble, au-delà des tumeurs osseuses, peut bénéficier des techniques d’impression en 3D. Dans ce cadre, la planification digitale (scanner) sans impression en trois dimensions est bien développée pour déterminer les marges d’excision, mais l’impression en 3D permet au chirurgien de disposer directement du modèle au bloc opératoire.
Comme toute nouvelle technologie, l’impression en 3D peut être perçue initialement comme la solution à tous les problèmes. Le milieu médical requiert cependant une précision sans faille et la confiance des équipes soignantes dans le système doit être inébranlable.
Une méta-analyse en médecine humaine a évalué les avantages et les inconvénients de l’impression en 3D en chirurgie [23]. Bien que le bénéfice pour le planning préopératoire et la précision de l’intervention soient des arguments souvent cités, le temps nécessaire à la mise en œuvre du processus d’impression en 3D (conception assistée par ordinateur et temps d’impression et de préparation de l’objet), les coûts additionnels, voire le défaut de précision n’atteignant pas le niveau désiré sont régulièrement rapportés comme des inconvénients à ne pas négliger. De même, la technologie ne remplace pas totalement l’expérience du chirurgien, nécessaire malgré tout pour faire face aux aléas inhérents à toute intervention chirurgicale, comme le démontre une étude où un jeune chirurgien ne parvient pas à obtenir un meilleur placement des broches pédiculaires lombosacrées qu’un chirurgien expérimenté [2].
L’impression en 3D a ouvert une nouvelle voie en médecine humaine dans le cadre de la préservation de membres gravement atteints ou a minima d’une fonction, en évitant l’amputation totale du membre. Par exemple, dans l’appareillage orthopédique (prothèse d’amputation partielle), la 3D peut être utilisée au cours de différentes étapes du processus : la prise d’empreinte du patient humain, la conception, la fabrication (au stade expérimental chez l’humain) et éventuellement la modélisation. La prise d’empreinte est une étape où l’impression en 3D peut jouer un rôle important. Cette phase est plus compliquée qu’il n’y paraît, car il ne s’agit pas simplement d’obtenir une forme de membre ou de moignon, mais de réaliser un moulage “orienté”, c’est-à-dire dans lequel chaque segment et chaque structure sont orientés dans les trois plans de l’espace, qu’il s’agisse d’os ou de tissus mous. L’utilisation de l’imagerie en 3D, puis de l’impression en 3D, peut alors mener à des dérives.
Le membre à appareiller ne doit pas être considéré comme un bloc figé, mais comme un ensemble de structures et de tissus avec des élasticités, des tonicités, et des plasticités fondamentalement différentes (os, ligament, muscle, etc.). Sur un moignon en appui, un os ne bougera pas de la même façon qu’un muscle ou que la peau. Par exemple, le moignon de cuisse chez une femme amputée du fémur est globalement composé de tissus mous et du fémur. En position debout, et sous l’action de la gravité, les tissus mous plus ou moins flasques tombent. Une fois placés dans la prothèse, ils bougent et remontent. Si le moulage a été réalisé sans orienter ces masses, la personne sera équipée d’une prothèse beaucoup trop grande, sans aucune contention.
Le design et l’impression en 3D nécessitent un examen scanner. Scanner le moignon d’un patient implique cependant de ne pas poser les mains sur lui. Dans le cas d’une attelle de correction, le membre est donc pris avec sa déformation. L’étape de rectification permet alors de modifier cette forme. Il serait logique de penser que si la prise d’empreinte numérique n’a pas permis au membre d’être orienté correctement, il est possible d’y remédier au moment de l’étape de rectification en modifiant numériquement la forme. C’est exact en théorie, mais en pratique, l’ordinateur gère la forme du moignon comme un ensemble de triangles qui interagissent de façon homogène, et ne peut donc pas imiter les nombreuses interactions différentes qui se seraient produites lors d’un moulage manuel (les muscles ne s’étirent pas de la même façon qu’un ligament, qu’un os, etc.). La modélisation est donc très loin de la complexité et des nuances du vivant, propres à chaque patient.
Dans ce cadre, l’impression en 3D permet cependant de fabriquer une prothèse rapidement et à moindres frais. Elle n’est toutefois utilisée que de façon très exceptionnelle en raison de ses insuffisances dans la gestion du corps du patient, comme décrit ci-dessus (tissus mous, mobilités tissulaires variables, etc.). À ce jour, en appareillage orthopédique, la 3D ne permet pas de réaliser des objets qui ne seraient pas réalisables de façon traditionnelle. Elle offre du “moins cher et plus rapide”, mais pas du “mieux ou plus précis”. Elle permet toutefois à un jeune diplômé sans expérience de réaliser une empreinte d’un moignon en quelques minutes, là où le même geste avec du plâtre lui aurait demandé davantage de temps et un long apprentissage avec beaucoup d’entraînement. La technologie ne remplace pourtant pas l’expérience puisque les points soulevés précédemment amènent encore les orthoprothésistes nouvellement diplômés à développer leur expérience avec des moulages en plâtre plus traditionnels.
L’impression en 3D dans le cadre de prothèses d’amputation reste une technique intéressante qui ne doit pas être diabolisée. Le design et l’impression en 3D sont des outils très utiles qu’il faut savoir maîtriser et qui vont encore s’améliorer, mais cela reste des outils. Il serait dommage de se cacher derrière ces technologies pour gagner en confort, en rendement, mais perdre en qualité. Il demeure capital pour tout praticien, orthoprothésiste, chirurgien ou vétérinaire de bien maîtriser les bases médicales, et notamment l’anatomie, sans imaginer pouvoir les remplacer par une quelconque technologie.
Conflit d’intérêts : Aucun
L’impression en 3D et les technologies qui gravitent autour, notamment le design, sont en plein essor, avec des applications de plus en plus nombreuses dans le milieu médical dans son ensemble. L’enseignement vétérinaire doit pouvoir profiter de ces nouvelles technologies pour que les jeunes diplômés soient meilleurs à leur sortie d’école que ne l’étaient leurs prédécesseurs, en parallèle des progrès exponentiels de la science vétérinaire. Par ailleurs, le temps des interventions spécifiques à chaque animal est venu, avec de meilleurs résultats techniques et fonctionnels dans un cadre sécurisé. Il convient cependant de laisser à ces technologies la place qui leur revient, celle d’outils dont l’objectif est d’aider le vétérinaire à mieux soigner un animal. Cela passe par une réduction des temps de traitement, mais doit surtout aboutir à un meilleur résultat clinique. Il est alors capital de maintenir une expertise et une maîtrise des méthodes de planification traditionnelles au sein de notre profession. Il reste en effet crucial pour un chirurgien de savoir s’adapter aux situations peropératoires inattendues et de rester en mesure d’improviser pour obtenir un résultat technique et fonctionnel satisfaisant. Malgré les études publiées, de nombreux domaines médicaux sont encore inexplorés et une évaluation rigoureuse de l’impression en 3D appliquée au domaine médical doit encore être réalisée à long terme pour confirmer le bien-fondé de son intégration aux standards de soins en médecine humaine.