PRINCIPES GÉNÉRAUX DE LA PRISE EN CHARGE DES OTITES AIGUËS EXTERNES - Le Point Vétérinaire n° 448 du 01/12/2023
Le Point Vétérinaire n° 448 du 01/12/2023

DERMATOLOGIE

Dossier

Auteur(s) : Pauline Panzuti

Fonctions : CHV Languedocia
395 rue Maurice Béjart
34080 Montpelllier

Une otite aiguë ne doit pas être négligée. Bien qu’il n’existe aucun consensus sur le traitement à mettre en place, celui-ci doit être efficace et rapide afin de prévenir les récidives et le passage à la chronicité.

La majorité des otites rencontrées en pratique courante sont aiguës (moins d’un mois d’évolution) et n’affectent que le conduit auditif externe. En dépit de la douleur et du prurit qui altèrent la qualité de vie du chien, la plupart des otites sont bénignes et guérissent rapidement grâce à un traitement adapté. Néanmoins, les récidives, l’apparition de facteurs perpétuants et/ou le passage à la chronicité peuvent compliquer la prise en charge, voire nécessiter à terme le recours à la chirurgie auriculaire. Pourtant, de nombreux actes chirurgicaux visant à traiter l’otite chronique, comme l’ablation complète du conduit auditif suivie d’une trépanation de la bulle tympanique par une approche latérale (total ear canal ablation and lateral bulla osteotomy, ou Teca-LBO), pourraient être évités avec une prise en charge précoce et adaptée.

Le traitement des otites aiguës s’organise autour de la gestion des facteurs primaires et secondaires(1). Néanmoins, l’identification des facteurs prédisposants et perpétuants ainsi que leur maîtrise sont également indispensables afin de limiter les récidives ou le passage à la chronicité. Il n’existe ni consensus ni traitement universel de l’otite aiguë. L’élaboration du plan thérapeutique dépend de l’examen du tégument et des trois examens complémentaires nécessaires en otologie (examen otoscopique, examen direct et examen cytologique du cérumen). Les otites aiguës étant pour la plupart externes, cet article ne détaille pas la prise en charge des otites moyennes.

1. OTITE ÉRYTHÉMATO-CÉRUMINEUSE VERSUS OTITE SUPPURÉE

La plupart des otites, qu’elles soient aiguës ou chroniques, peuvent être classées dans deux catégories. Les otites érythémato-cérumineuses se caractérisent par un érythème accompagné d’un écoulement cérumineux. Les oreilles peuvent être simplement enflammées, mais le plus souvent une prolifération de levures Malassezia ou de bactéries de type cocci (staphylocoques ou streptocoques) est observée. Les bactéries Gram négatif sont moins fréquentes. Ces otites, qui ont tendance à être davantage prurigineuses que douloureuses, constituent la grande majorité des formes aiguës.

Les otites suppurées sont caractérisées par un érythème, une ulcération et un écoulement d’aspect purulent souvent accompagné d’un biofilm. La plupart des cas sont associés à la présence de neutrophiles et de Pseudomonas spp., les autres bactéries Gram négatif ou positif étant moins fréquentes (photo). Les levures Malassezia sont plus rares lors d’otite suppurée. L’otite suppurée non infectée (absence de bactérie à la cytologie du cérumen) est peu courante, mais peut être observée lors de réactions d’irritation à des traitements topiques ou à des maladies à médiation immunitaire comme la cellulite juvénile (dermatite et lymphadénite pyogranulomateuse stérile) qui affectent le conduit auditif. L’otite suppurée est fréquemment très douloureuse. Il est important de ne pas se fier à l’aspect visuel des sécrétions auriculaires pour distinguer la forme érythémato-cérumineuse de la forme suppurée. Le diagnostic doit se fonder sur l’observation cytologique des sécrétions. Cette dichotomie entre l’otite érythémato-cérumineuse et l’otite suppurée est essentielle pour le choix du nettoyant auriculaire et du topique traitant [5, 11].

2. CHOIX RAISONNÉ DU NETTOYANT AURICULAIRE

Que l’otite soit aiguë, chronique, érythémato-cérumineuse ou suppurée, le nettoyage des oreilles est la pierre angulaire d’une bonne prise en charge. De nombreux nettoyants auriculaires sont disponibles sur le marché vétérinaire et leur composition et indications sont nombreuses (tableau 1). Les nettoyages sont bénéfiques sur plusieurs plans. D’une part, ils permettent d’éliminer l’excès de cérumen, les débris épithéliaux, les exsudats, les agents infectieux et leurs toxines et certains corps étrangers. D’autre part, ils améliorent la qualité de l’examen otoscopique lors de la consultation, permettant la visualisation du conduit auditif externe et du tympan. Ils peuvent également potentialiser l’effet d’un traitement auriculaire [5]. L’élimination des sécrétions purulentes est essentielle, notamment lors de l’utilisation d’antibiotiques de la famille des aminosides et avec la polymyxine B dont l’activité est considérablement réduite en présence de pus. Le choix du nettoyant auriculaire repose sur :

- la visualisation ou non du tympan à l’examen otoscopique. Si celui-ci ne peut pas être évalué, le choix d’un nettoyant auriculaire réputé non ototoxique est conseillé ;

- l’évaluation visuelle et cytologique des sécrétions auriculaires (quantité et qualité du cérumen, cérumen sec, bouchon de cérumen, présence de pus, suspicion de biofilm, etc.) ;

- le type d’agents infectieux présents à l’examen cytologique (activité antibactérienne versus antifongique, cocci versus bacilles).

Les nettoyants céruminolytiques et lubrifiants sont classiquement distingués des nettoyants antiseptiques, mais bon nombre de nettoyants disponibles possèdent une activité mixte via le mélange d’un lubrifiant avec une molécule antiseptique. En pratique, sans lire en détail la composition du produit, un nettoyant céruminolytique ou lubrifiant sera huileux ou sous forme de lait, tandis qu’un nettoyant rinçant antiseptique sera plutôt une solution liquide.

Les céruminolytiques et les lubrifiants

Un céruminolytique rompt le cérumen en lysant l’agglomérat de squames tandis qu’un lubrifiant agit en ramollissant le cérumen. Les principales molécules céruminolytiques sont le dioctyl sulfosuccinate, le peroxyde de carbamide, le lauryl sulfate ou sodium de lauryl sulfate, et la triéthanolamine. Ils ont des propriétés céruminolytiques puissantes, mais sont parfois irritants et pour la plupart ototoxiques. Ils ne doivent donc pas être utilisés lors d’une perforation du tympan [7].

La principale molécule lubrifiante retrouvée dans les nettoyants auriculaires est le squalène dont l’avantage est d’être non irritant et non ototoxique. Il peut être utilisé en cas de doute sur l’intégrité du tympan ou si sa visualisation est impossible.

Les nettoyants rinçants antiseptiques

Les nettoyants antiseptiques sont indiqués dans la gestion des causes secondaires. Leur formulation étant très liquide, ils permettent aussi un rinçage important du conduit auditif externe lors d’otite suppurée. Les antiseptiques les plus courants sont :

- les acides (lactique, salicylique ou acétique), qui possèdent une action antibactérienne grâce à leur pH acide, mais peuvent être irritants en cas d’ulcération du conduit auditif externe ;

- le chloroxylénol ou para-chloro-méta-xylénol (PCMX), aux propriétés antibactériennes et antifongiques ;

- la chlorhexidine, dont l’effet bactérien n’est pas ototoxique à 0,2 % (l’action antifongique n’est observée qu’à une concentration de 0,3 %) ;

- l’EDTA ou Tris-EDTA antibactérien, en particulier sur les bactéries Gram négatif, adapté en cas d’otite à Pseudomonas ou en présence de biofilm [3].

Les anti-biofilms

Même s’il est surtout présent lors d’otite suppurée chronique, un biofilm peut être observé lors d’otite aiguë [4, 11]. Les biofilms sont des agencements complexes et dynamiques de micro-organismes (bactéries, levures, etc.) qui adhèrent à un substrat tel que la peau et les poils du conduit auditif externe. La population microbienne sécrète une matrice extracellulaire adhésive et protectrice, à l’aspect visqueux ou mucoïde, composée d’un ensemble complexe de polysaccharides, de protéines, de lipides et d’ADN. Le biofilm se développe principalement lors d’otite à Pseudomonas spp., mais aussi parfois lors d’otite suppurée à Staphylococcus pseudintermedius ou à Malassezia [14]. La présence de biofilm peut avoir des conséquences importantes sur la prise en charge de l’otite. En effet, les populations microbiennes protégées par celui-ci se retrouvent à l’abri des antiseptiques, des antimicrobiens et de l’immunité innée et adaptative. Il est donc essentiel d’éliminer tout biofilm des conduits auditifs et des pavillons auriculaires avant le traitement de l’otite.

Parmi les molécules anti-biofilm, la N-acétyl-cystéine (NAC) est utilisée pour dégrader le biofilm, abaisser les concentrations minimales inhibitrices (CMI) et améliorer l’efficacité des antibiotiques systémiques [8, 9]. Une solution de Tris-EDTA et de NAC, disponible dans le commerce (Tris-NAC®), facilite l’élimination des biofilms dans les canaux auditifs. La chlorhexidine, le polyhexanide et le Tris-EDTA sont d’autres composés qui possèdent une activité anti-biofilm [4].

Fréquence des nettoyages

Aucun consensus n’existe sur la fréquence des nettoyages. La détermination de la fréquence reste empirique et est à adapter selon la quantité de sécrétions. En pratique, un nettoyage quotidien est réalisé jusqu’à l’obtention d’une oreille “propre”, puis la fréquence est progressivement diminuée de tous les deux jours à une fois par semaine. Les nettoyages sont arrêtés au bout de quelques semaines s’il s’agit d’une otite aiguë isolée. En cas d’otite récidivante ou chronique, il peut être recommandé de les maintenir au long cours. Il est aussi conseillé de décaler dans le temps le nettoyage du traitement, afin de ne pas diluer le topique traitant et de ne pas diminuer l’efficacité de certains antibiotiques (fluoroquinolones et aminosides) lors de l’utilisation d’un nettoyant à pH acide.

3. GESTION DES FACTEURS PRIMAIRES

Dans un grand nombre de cas d’otite aiguë isolée, aucune cause primaire n’est identifiée. Seul un facteur prédisposant est éventuellement rapporté, tel qu’une baignade, une épilation du conduit lors d’un toilettage, la présence d’un nodule ou d’une masse au niveau du conduit auditif externe. Néanmoins, il est essentiel de rechercher systématiquement les causes primaires. Les trois principales sont les ectoparasites, les dermatoses allergiques et les corps étrangers (1).

Ectoparasites

Le principal parasite responsable d’une otite externe est Otodectes cynotis. Plus rarement, d’autres acariens sont identifiés, tels que Demodex canis [15]. Avec la révolution des isoxazolines, les traitements auriculaires acaricides disponibles sont souvent délaissés aujourd’hui, bien que seul Simparica® dispose d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour la gale otodectique chez le chien. En l’absence de complications infectieuses secondaires importantes, un nettoyant auriculaire lubrifiant avec ou sans antiseptique, en association avec un acaricide systémique, est efficace dans la majorité des cas. Il est important de respecter les règles de prescription du produit (par exemple, certaines isoxazolines sont à administrer au moment d’un repas) et de traiter tous les animaux d’espèce sensible du foyer en même temps afin d’éviter un échec thérapeutique (tableau 2).

Corps étrangers

La recherche d’un corps étranger lors d’otite aiguë, en particulier unilatérale, doit être systématique. Les complications bactériennes ou fongiques secondaires seront traitées en fonction des résultats de l’examen cytologique du cérumen. Les corps étrangers sont une cause fréquente d’otite aiguë suppurée à Pseudomonas aeruginosa. En cas de visualisation à l’examen cytologique d’une population homogène de petits bacilles, souvent par deux, une culture bactérienne peut confirmer la présence de Pseudomonas et permettre une prise en charge rapide adaptée. En l’absence de complications infectieuses, un nettoyant antiseptique est suffisant, associé à une corticothérapie par voie orale pendant quelques jours. Un contrôle sept ou dix jours plus tard est conseillé.

Dermatoses allergiques

Notamment lors d’otite récidivante (nouvel épisode tous les trois mois ou moins) ou chronique, associée à une épidémiologie et à des signes cliniques compatibles, les deux principales dermatoses allergiques à envisager sont la dermatite atopique et la dermatite par allergie aux piqûres de puce, souvent oubliée mais encore d’actualité. Si l’éviction des puces empêche les récidives dans le second cas, l’instauration d’un traitement de fond se révèle nécessaire lors d’une otite concomitante à une dermatite atopique. Ce dernier repose sur la mise en place d’un nettoyage mixte (lubrifiant et antiseptique) ainsi que sur l’administration d’un dermocorticoïde auriculaire utilisé en traitement proactif une à deux fois par semaine [1].

4. TRAITEMENT DES CAUSES SECONDAIRES

Choix raisonné de l’antibiotique topique

Le choix de l’antibiotique est fondé sur le type de bactéries (cocci ou bacilles) visualisées à la cytologie du cérumen [5, 13]. Staphylococcus pseudintermedius est la bactérie la plus fréquemment rencontrée dans les otites aiguës. Moins souvent, Streptoccocus canis peut être observé [13]. En présence principalement de cocci, un antibiotique ayant une bonne activité sur les staphylocoques sera choisi, en préférant en première intention une molécule telle que l’acide fusidique, la framycétine ou le florfénicol (tableau 3). Bien que très efficaces contre les staphylocoques, les aminosides sont déconseillés en première intention, en particulier la gentamicine, et doivent être réservés aux otites à Pseudomonas spp. [2, 5, 6, 11]. Les otites aiguës à Pseudomonas spp. sont plus rares et surviennent souvent à la suite d’une baignade, d’un toilettage ou à cause d’un corps étranger.

La culture bactérienne est rarement nécessaire dans le cadre d’une otite aiguë, sauf si l’examen cytologique du cérumen montre uniquement des bacilles en présence de granulocytes neutrophiles, afin d’identifier précocement une otite à Pseudomonas spp. En revanche, les résultats de l’antibiogramme sont à interpréter avec précaution. En effet, les concentrations en antibiotique dans les topiques auriculaires (en mg/ml) dépassent très largement les concentrations minimales inhibitrices (en µg/ml) définies pour la voie systémique. Par conséquent, une bactérie identifiée comme résistante à tel antibiotique peut tout de même être sensible lorsque celui-ci est utilisé à des concentrations telles que celles des topiques auriculaires. Cela n’est néanmoins pas garanti en cas de résistance acquise de haut niveau, et seul un suivi clinique et cytologique régulier permet de juger de l’efficacité de l’antibiotique choisi. De plus, les résultats d’un test in vitro ne reflètent pas nécessairement la réalité in vivo et l’ensemble des facteurs locaux qui peuvent influencer l’efficacité d’un antibiotique, comme la présence de pus (inactivation de la polymyxine B par exemple), d’un biofilm, d’une sténose du conduit empêchant la bonne instillation, etc.

Il est conseillé de décaler le nettoyage du traitement pour ne pas diluer le topique traitant et diminuer l’efficacité de certains antibiotiques (fluoroquinolones et aminosides) lors de l’utilisation d’un nettoyant à pH acide. De plus, cela permet d’éliminer toutes les sécrétions purulentes au préalable, potentialisant ainsi l’action de différents antibiotiques qui peuvent être inhibés en présence de pus, tels que la polymyxine B ou les aminosides. En outre, afin d’optimiser le traitement, des quantités suffisantes doivent être instillées dans les conduits auditifs. Beaucoup de praticiens s’accordent sur le fait que les quantités recommandées dans les résumés des caractéristiques des produits (RCP) sont souvent insuffisantes ou difficiles à contrôler (par exemple, le comptage des gouttes avec la canule insérée dans le conduit auditif) et conseillent plutôt un volume de 1 ml, soit une “bonne pression” de produit, voire de remplir le conduit (prescription hors AMM).

Dans de nombreux cas d’otite aiguë, l’utilisation précoce de nettoyants antiseptiques associés à un dermocorticoïde ou à quelques jours de corticothérapie (prednisolone à la dose de 0,5 à 1 mg/kg par jour) peut être suffisante et permet de limiter la prescription d’antibiotiques dans un contexte d’antibiorésistance croissante. Les antibiotiques par voie orale sont rarement indiqués lors d’otite aiguë.

Choix de l’antifongique topique

Différentes molécules antifongiques efficaces contre Malassezia sont présentes dans l’ensemble des topiques auriculaires : famille des azolés (clotrimazole, miconazole ou posaconazole), famille des allylamines (terbinafine), famille des polyènes (nystatine). Tous les topiques auriculaires sont composés de l’association d’un antibiotique, d’un antifongique et d’un dermocorticoïde. Néanmoins, l’utilisation de tels topiques polyvalents pour traiter les otites à Malassezia est un sujet de préoccupation. Dans l’objectif de limiter l’administration inutile d’un antibiotique, l’emploi d’un nettoyant antiseptique seul efficace contre les Malassezia (par exemple contenant du PCMX), ou en association avec un topique antifongique à usage humain (hors AMM) à base d’un azolé ou de terbinafine, avec un dermocorticoïde auriculaire ou une corticothérapie systémique, peut se justifier. Comme pour l’antibiotique, il est conseillé de décaler dans le temps le nettoyage du traitement afin de ne pas diluer le topique traitant. Les antifongiques par voie orale sont rarement indiqués en cas d’otite aiguë [5, 11, 13].

5. RECHERCHE ET GESTION DES FACTEURS PRÉDISPOSANTS

À eux seuls, les facteurs prédisposants ne déclenchent que rarement une otite. Néanmoins, ils peuvent ralentir ou empêcher sa bonne résolution. Si la plupart sont des facteurs anatomiques ou conformationnels sur lesquels il est difficile d’agir, ceux liés au mode de vie ou à la gestion de l’animal peuvent être contrôlés [12]. Lors d’hypertrichose des conduits auditifs, une épilation du conduit permet par exemple une meilleure application des topiques auriculaires. En cas de sténose distale du conduit auditif chez le shar-peï, l’utilisation d’un dermocorticoïde puissant ou d’un corticoïde par voie orale est parfois utile pour lever la sténose, même si les cas les plus sévères nécessitent une procédure chirurgicale dite de Zepp (résection latérale du conduit auditif vertical). Lors d’otite consécutive à un excès de baignade, un nettoyage antiseptique est conseillé. Le port d’un swim snood peut aussi être efficace.

6. GESTION DU PRURIT ET DE LA DOULEUR

Une otite aiguë peut être extrêmement prurigineuse et/ou douloureuse, en particulier en cas d’inflammation importante. En l’absence d’une analgésie adéquate, les chiens deviennent rapidement réticents au nettoyage des oreilles et au traitement. La prise en charge repose essentiellement sur l’utilisation de corticoïdes topiques ou systémiques. L’ensemble des topiques auriculaires contient un dermocorticoïde plus ou moins puissant. Lors d’otite aiguë externe isolée, la puissance du dermocorticoïde présent dans le topique auriculaire a moins d’importance que lors d’otite récidivante dans le cadre d’une dermatite atopique, ou lors d’otite chronique en présence d’une forte modification morphologique du conduit auditif externe. Le choix raisonné du topique est donc fondé sur la sélection de l’antibiotique et/ou de l’antifongique selon les résultats de l’examen cytologique. Face à de fortes démangeaisons et/ou douleur, il convient d’ajouter quelques jours de corticoïdes (prednisolone à la dose de 0,5 à 1 mg/kg par jour) en association ou non avec un antidouleur (paracétamol(2), morphinique, etc.) par voie orale, afin d’obtenir une résolution rapide des signes cliniques et faciliter l’application des traitements topiques par le propriétaire [11]. En cas de douleur ou de difficultés pour les propriétaires d’effectuer les soins, le recours à un traitement topique à action prolongée est conseillé [15]. Néanmoins, en présence de bacilles à la cytologie, il convient de réaliser un examen bactériologique pour identifier le type en cause. En effet, l’antibiotique contenu dans les deux produits à action prolongée disponibles, le florfénicol, est efficace sur les bacilles de type Escherichia coli, Klebsiella ou Proteus spp., mais pas sur Pseudomonas spp. [11].

7. DURÉE DU TRAITEMENT

Il n’existe aucun consensus concernant la durée d’un traitement auriculaire. En revanche, de nombreux praticiens s’accordent à dire que les durées indiquées dans les RCP des différents topiques auriculaires sont très souvent insuffisantes, en particulier en cas d’otite chronique. Lors d’otite aiguë, une durée d’environ quinze à vingt jours est généralement suffisante, mais seule une consultation de suivi avec un examen cytologique du cérumen et un examen otoscopique permet de constater la guérison et de justifier l’arrêt du traitement (prescription hors AMM pour la majorité des topiques auriculaires). En pratique, le topique traitant est arrêté dans un premier temps et la fréquence des nettoyages est progressivement diminuée. Des consultations de suivi tous les quinze à vingt jours sont donc indispensables. Une durée trop courte du traitement ou l’absence de contrôle cytologique et otoscopique avant son arrêt conduisent souvent à une récidive rapide.

8. PRÉVENTION DE LA CHRONICITÉ

Une exploration approfondie de l’oreille de tous les chiens présentés pour un examen physique permet de détecter précocement les cas bénins d’otite. En présence d’une affection précoce de l’oreille, l’éducation du propriétaire et un bilan complet (examens direct et cytologique du cérumen, examens otoscopique et de suivi fréquents) peuvent contribuer à prévenir le développement de complications susceptibles d’entraîner une otite chronique, une perte auditive, une otite moyenne et le stade terminal de l’affection de l’oreille. Dans le cadre d’une otite secondaire à une dermatite atopique, des traitements proactifs tels que des nettoyages antiseptiques et l’application bihebdomadaire d’un dermocorticoïde peuvent être utiles dans la prise en charge multimodale de la maladie [1]. La plupart des opérations du canal auditif pourraient être évitées lorsque l’otite aiguë ou récurrente est correctement prise en charge à un stade précoce.

  • (1) Voir le dossier « Démarche diagnostique lors d’otite chez le chien » paru dans Le Point vétérinaire n° 435 de novembre 2022.

  • (2) Utilisation hors autorisation de mise sur le marché.

Références

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  • 2. Barnard N, Foster A. Pseudomonas otitis in dogs: a general practitioner’s guide to treatment. In Pract. 2017;39(9):386-398.
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Conflit d’intérêts : Aucun

CONCLUSION

Bien qu’il n’existe aucun consensus sur le traitement des otites aiguës chez le chien, l’établissement d’un bilan clinique complet permet d’adapter la prise en charge médicale à chaque animal avec l’objectif d’optimiser l’efficacité thérapeutique et l’observance, de diminuer rapidement la douleur et le prurit, mais surtout de prévenir les récidives et le passage à la chronicité. Aucune otite aiguë, même d’aspect bénin, ne doit être négligée en raison de ses conséquences potentielles.