CORRECTION CHIRURGICALE D’UN SYNDROME BRACHYCÉPHALE CHEZ UN BOULEDOGUE FRANÇAIS - Le Point Vétérinaire n° 445 du 01/09/2023
Le Point Vétérinaire n° 445 du 01/09/2023

CHIRURGIE

Chirurgie

Auteur(s) : Mélissa Pottier*, Kévin Minier**

Fonctions :
*Oncovet
Avenue Paul Langevin
59650 Villeneuve-d’Ascq
**(dipECVS)

Un ensemble de techniques permet de faciliter le passage de l’air dans le nasopharynx. Une oxygénothérapie est parfois nécessaire durant les premières 24 heures postopératoires, mais le pronostic à long terme est bon.

Un bouledogue français mâle, âgé de 2 ans, est présenté en consultation à la suite de la dégradation de la fonction respiratoire. L’animal souffre depuis toujours d’une intolérance à l’effort avec une dyspnée inspiratoire sévère. Un cornage inspiratoire est désormais audible, même au repos. Le chien présente des régurgitations quotidiennes, exacerbées par l’excitation. La consultation est motivée par une syncope survenue la semaine précédente après une phase d’activité.

PRÉSENTATION DU CAS

Examen clinique et démarche diagnostique

L’état général de l’animal est bon à son arrivée, hormis une dyspnée inspiratoire modérée qui s’aggrave au fil de l’examen. L’auscultation cardiaque ne révèle pas d’anomalie. À l’examen radiographique du thorax, la trachée apparaît de taille normale. Aucun signe de bronchopneumonie ou de hernie hiatale n’est noté. Un examen endoscopique des voies respiratoires et digestives sous anesthésie confirme la présence de plusieurs composantes du syndrome obstructif respiratoire des races brachycéphales : un voile du palais long et épais qui s’engage entre les aryténoïdes, une éversion des ventricules laryngés et une sténose des narines (photo 1).

Traitement

Un raccourcissement avec désépaississement du voile du palais est réalisé via une incision à la lame froide, afin que la ligne de suture soit située cranialement au bord caudal des amygdales. L’hémostase est pratiquée à l’aide d’une pince bipolaire. Le palais mou est reconstruit par un surjet simple apposant au monofilament résorbable (photo 2). Le chien est ensuite extubé momentanément et les ventricules laryngés sont retirés par une traction et une section aux ciseaux de Metzenbaum. Une plastie en coin verticale des narines est ensuite réalisée en prenant soin de retirer le maximum de cartilage alaire (portion ventrale du cartilage nasal dorso-latéral) pour obtenir une ouverture de la narine latérale, mais également caudalement dans la partie rostrale de la cavité nasale (photo 3).

Suivi

Une sonde nasotrachéale est mise en place pour le réveil du chien puis retirée après douze heures d’hospitalisation. L’animal est rendu à ses propriétaires 24 heures après l’intervention, avec pour consigne la poursuite d’un repos strict pendant quinze jours. De la cortisone est administrée à la posologie de 0,5 mg/kg une fois par jour pendant une semaine, puis à doses dégressives. Un traitement antiacide (oméprazole à la posologie de 1 mg/kg une fois par jour pendant trois semaines) et anti émétique prokinétique (métoclopramide à raison de 3 mg/kg deux fois par jour) est mis en place. Le chien est réexaminé deux mois après l’intervention. Les propriétaires rapportent la reprise d’une vie normale, avec un cornage résiduel minime lors des périodes d’activité intense et la quasidisparition des troubles digestifs.

DISCUSSION

Épidémiologie

Le syndrome obstructif respiratoire des brachycéphales atteint principalement le carlin, le bouledogue et le cavalier king charles [2]. Les animaux sont souvent présentés jeunes, avec une possible aggravation clinique à un âge moyen. Lorsque cette aggravation survient plus tardivement, après l’âge de 7 ou 8 ans en moyenne, il est important de vérifier qu’aucune anomalie acquise n’est associée aux malformations initiales (masse, collapsus laryngé ou trachéal, etc.) [2].

Signes cliniques et prise en charge immédiate

Les chiens atteints de ce syndrome présentent souvent une dyspnée inspiratoire exacerbée par les conditions extérieures (température estivale, excitation, jeu, lieu clos). Une détresse respiratoire sévère avec un état de choc dit “coup de chaleur” peuvent alors survenir. Dans ce cas, une hyperthermie, une hypoxie ou hypercapnie avec une cyanose des muqueuses et une tachycardie sont observées. La prise en charge de l’animal comprend la gestion du stress, de l’état de choc et le rétablissement de la perméabilité des voies respiratoires. Une sédation est souvent requise, voire une intubation endotrachéale pour mettre en place une oxygénothérapie. L’hyperthermie est traitée par un refroidissement lent et progressif du chien. L’administration de corticoïdes permet de diminuer l’œdème laryngé. Un œdème pulmonaire non cardiogénique peut survenir lors des crises de dyspnée inspiratoire. Son origine est mal connue, mais le pronostic est alors très assombri [1].

Lorsque l’animal est stabilisé, un examen radiographique du thorax est réalisé afin d’exclure une agénésie trachéale et de rechercher les signes éventuels d’une bronchopneumonie [1]. Des troubles digestifs, tels qu’une hypersalivation, des vomissements et des régurgitations, sont aussi fréquents chez les animaux atteints du syndrome brachycéphale [1]. Une hernie hiatale est parfois associée aux malformations oropharyngées et doit être recherchée si ces signes persistent après la correction chirurgicale des composantes respiratoires. Le diagnostic est établi via un examen de la cavité orale sous anesthésie, qui peut être couplé à la correction chirurgicale des anomalies observées.

Traitement chirurgical et pronostic

La résection du voile du palais peut être pratiquée au laser, par thermofusion ou à la lame froide, auquel cas une coagulation bipolaire est souhaitable [1]. La plastie des narines doit être systématique, le flux de l’air au travers de celle-ci étant directement proportionnel au rayon de la narine à la puissance 4. Une augmentation minime de l’ouverture nasale entraîne donc une nette amélioration clinique [1]. Chez certains chiens brachycéphales, les amygdales occupent une place importante dans la cavité buccale et contribuent à entraver le passage de l’air. Dans ce cas, une tonsillectomie bilatérale est associée à l’intervention [1]. La complication la plus fréquente de la prise en charge chirurgicale du syndrome brachycéphale est l’aggravation postopératoire de la dyspnée inspiratoire, consécutive à un œdème des tissus pharyngés et laryngés. L’administration peropératoire et postopératoire de cortisone atténue ce phénomène. Une sonde nasotrachéale peut être mise en place pour assurer l’oxygénothérapie lors de la phase de réveil. Néanmoins, elle pourrait participer au maintien de l’inflammation localement et son utilisation doit donc être adaptée au cas par cas [2]. L’animal ne doit ni boire ni manger avant le retrait de la sonde, le risque de fausse route étant nettement augmenté [1].

Les complications sévères nécessitant une oxygénation surviennent le plus souvent au cours des 24 heures qui suivent l’intervention. Durant cette période, une surveillance particulière est donc souhaitable. Cependant, une étude récente rapporte l’intérêt d’un retour au domicile le jour même, pour les animaux les plus anxieux. Les complications postopératoires augmentent avec l’âge de l’animal [2]. Le pronostic est bon après ce type d’intervention, mais les résultats définitifs ne sont observés que quelques semaines plus tard, après la diminution de l’inflammation tissulaire. Les propriétaires doivent être prévenus que les signes cliniques peuvent persister, voire s’aggraver durant cette phase de convalescence.

Références

  • 1. Johnston SA, Tobias KM. Palate. In: Veterinary Surgery: Small Animal, 2nd edition. Elsevier Saunders. 2017:1935-1946.
  • 2. Lindsay B, Cook D, Wetzel JM et coll. Brachycephalic airway syndrome: management of post-operative respiratory complications in 248 dogs. Aust. Vet. J. 2020;98 (5):173-180.

Conflit d’intérêts : Aucun