UROLOGIE
Thérapeutique
Auteur(s) : Patrick Joubran*, Jack-Yves Deschamps**, Yassine Mallem***
Fonctions :
*Service d’urgences
Soins intensifs d’Oniris
CHUV d’Oniris
École vétérinaire de Nantes
101 route de Gachet
44300 Nantes
**Unité de pharmacologie
et toxicologie d’Oniris
Les médicaments alphabloquants n’ont jamais montré leur intérêt dans la diminution des récidives de l’obstruction urétrale chez le chat.
L’obstruction urétrale est une urgence fréquente chez le chat mâle. Sa prise en charge passe dans tous les cas par un cathétérisme urétral. Lorsque l’obstruction est due à une lithiase (10 % des cas), le calcul doit être délogé. Dans les 90 % autres cas, il n’existe pas de cause identifiable et un spasme urétral est alors suspecté.
Le taux de récidives des obstructions urétrales idiopathiques est élevé, compris entre 10 et 20 % au cours des heures ou des jours qui suivent le retrait de la sonde urétrale. Certains auteurs suggèrent que les médicaments antagonistes alpha-1 adrénergiques (appelés “alphabloquants” dans la suite de cet article) pourraient diminuer la contraction du sphincter urétral interne et limiter ainsi le risque de récidives. En effet, le sphincter urétral interne est gouverné par le système orthosympathique via des récepteurs alpha-1 adrénergiques [8].
Chez le chat mâle, les médicaments alphabloquants sont très utilisés lors d’obstruction urétrale [1, 2, 4, 6]. Ils sont tous destinés à la médecine humaine. La prazosine (Minipress®(1) 1 mg) est le médicament le plus étudié [1, 3, 4, 7]. La dose préconisée varie de 0,25 à 0,5 mg toutes les douze heures per os. L’alfuzosine (Xatral®(1) 2,5 mg) est fréquemment utilisé par les vétérinaires français, sans dose indiquée chez le chat. Malgré cette popularité, son usage ne semble pas pertinent.
Les médicaments alphabloquants sont destinés à l’homme et il n’existe pas de conditionnement adapté au chat : les comprimés devraient être reconditionnés, mais ils le sont rarement en pratique. Comme il est difficile de diviser un comprimé en plus de quatre parties, la molécule est souvent surdosée et le dosage imprécis. De plus, le comprimé coupé provoque une salivation due à l’amertume, ce qui rend l’administration délicate. Des effets indésirables sont en outre rapportés, même s’ils sont sans gravité [7].
Aucune étude clinique n’a fait la démonstration de l’intérêt des alphabloquants pour diminuer les récidives. Les deux études princeps qui suggèrent un tel intérêt n’ont pas de lots témoins non traités aux alphabloquants [2, 4]. Les deux études prospectives actuellement disponibles n’incluent pas suffisamment de cas pour permettre des conclusions [3, 7]. Les études rétrospectives ont l’inconvénient de recenser des chats traités avec des protocoles variés, ce qui rend leur interprétation difficile [1].
Chez le chat comme chez l’humain, le sphincter urétral interne est composé de fibres musculaires lisses localisées essentiellement dans le tiers proximal de l’urètre [5, 8]. Or, l’obstruction urétrale idiopathique du chat mâle a lieu au niveau de l’urètre distal (photo). Une fois franchi l’obstacle situé en avant du pénis, le plus souvent à l’occasion d’une hydropulsion rétrograde, la progression de la sonde urétrale est aisée jusqu’à la vessie : il n’y a pas de résistance au niveau du tiers proximal de l’urètre, là où sont supposés agir les alphabloquants. L’urétrostomie périnéale prévient les récidives, ce qui atteste que l’obstruction urétrale ne concerne que la portion pénienne de l’urètre.
Conflit d’intérêts : Aucun
Bien que largement utilisés depuis une décennie, les alphabloquants n’ont jamais montré leur intérêt dans la diminution des récidives d’obstruction urétrale chez le chat. L’utilisation des médicaments alpha-1 antagonistes est une extrapolation des pratiques de la médecine humaine pour le traitement des obstructions urétrales et des dysuries liées aux affections de la prostate. La situation n’est pourtant pas transposable : si chez l’homme l’obstacle est situé au niveau de l’urètre proximal, chez le chat il est situé distalement, là où il n’y a plus, ou presque plus, de récepteurs alpha-1 adrénergiques. À ce jour, ni les myorelaxants, ni les anti-inflammatoires, ni le lavage vésical, ni la taille de la sonde urétrale, ni le protocole anesthésique n’ont montré un quelconque effet bénéfique sur la prévention des récidives.