PRISE EN CHARGE D’UNE FENTE PALATINE CHEZ UN CHIOT - Le Point Vétérinaire n° 439 du 01/03/2023
Le Point Vétérinaire n° 439 du 01/03/2023

CHIRURGIE

Chirurgie

Auteur(s) : Mélissa Pottier*, Kévin Minier**

Fonctions :
*(dipECVS)
Oncovet
Avenue Paul Langevin
59650 Villeneuve-d’Ascq

Un chiot berger allemand âgé de 2 mois est présenté en consultation par son éleveur après la découverte d’une fente palatine. Des écoulements nasaux bilatéraux séreux sont observés en permanence. Il perd également du lait par les narines autour des repas depuis sa naissance. Son état général est par ailleurs normal.

PRESENTATION DU CAS

Prise en charge de l’animal

L’examen buccal révèle une fente palatine presque complète rostro-caudalement, qui inclut le palais osseux et le palais mou (photo 1). Afin de permettre à l’animal de poursuivre sa croissance, des mesures alimentaires sont mises en place avec l’éleveur (passage à un complément d’alimentation moins liquide, assistance à l’alimentation, surveillance de la prise de poids et de l’aspect des sécrétions nasales). Le chiot est revu à l’âge de 4 mois et une prise en charge chirurgicale est décidée.

Traitement

L’animal est placé en décubitus dorsal sous anesthésie générale. Une incision de la muqueuse et du périoste est réalisée à la lame froide le long de l’arc dentaire gauche, sur toute la longueur du palais (site “donneur”). Du côté droit, une incision de la même longueur est réalisée à 2 mm de la fente palatine (site “receveur”). La muqueuse et le périoste sont élevés bilatéralement à l’aide d’une rugine, en prenant garde de ne pas léser l’artère palatine majeure, visualisée à sa sortie du foramen maxillaire en regard de la 4e dent prémolaire. Le tissu autour de l’artère est relâché délicatement afin de permettre la mobilisation du lambeau. Celui-ci est ensuite retourné (le périoste est donc exposé dans la gueule) et glissé dans la poche créée à droite, de manière à obtenir un bon contact entre les tissus connectifs des deux parties. Le lambeau est ensuite suturé à l’aide de monofilaments résorbables (photo 2). L’os palatin est laissé à nu à gauche. La lésion du palais mou est traitée par une incision dans l’épaisseur de celle-ci jusqu’au bord caudal des amygdales. Les bords sont ensuite suturés ensemble en deux plans (nasal et buccal).

Suivi

Le chiot est rendu à son propriétaire dès le lendemain de l’intervention avec pour consigne une surveillance de la réalimentation et de l’état général. Des contrôles de la plaie sont réalisés tous les quatre à cinq jours jusqu’à la cicatrisation complète. Un suivi téléphonique à six mois postopératoires confirme une prise alimentaire et une croissance normales.

DISCUSSION

Étiologie et signes cliniques

Les malformations congénitales du palais et/ou de la lèvre sont fréquentes chez le chien et résultent d’une anomalie de développement entre les 25e et 28e jours de gestation. Celle-ci peut être due à un traumatisme, à un stress, à l’administration d’un traitement à base de corticostéroïdes, ou à d’autres facteurs environnementaux [1].

Les signes cliniques présentés par l’animal dépendent de la localisation et de la gravité de la lésion. Ils incluent souvent des écoulements nasaux, une toux, des difficultés à la déglutition et un retard à la prise de poids.

Prise en charge

Lorsque l’anomalie est sévère, une assistance à la prise alimentaire est nécessaire et une intervention chirurgicale s’impose. Les tissus de la région palatine étant très fragiles avant l’âge de 2 mois, il est recommandé de dépasser ce délai. Cependant, au-delà de 5 mois d’âge, la croissance peut entraîner un élargissement de la fente palatine. L’intervention est donc idéalement réalisée chez les animaux âgés de 3 à 4 mois [1]. Des injections de gel à base d’acide hyaluronique au cours de la croissance du chiot contribueraient à diminuer la largeur de la fente palatine et rendraient la reconstruction chirurgicale moins complexe [2]. Il est important de prévenir les propriétaires que ce type de malformation peut exiger plusieurs interventions pour obtenir une fermeture complète. De plus, les malformations oropharyngées sont parfois associées à des anomalies du sphincter palatopharyngien. La prise en charge chirurgicale peut alors ne pas suffire à rétablir une déglutition normale chez l’animal [1].

Traitement

L’objectif de l’intervention chirurgicale est la fermeture de la fente palatine par des tissus bien vascularisés et sans tension. Le choix de la technique dépend en premier lieu de la largeur du défaut osseux, ainsi que de la quantité de tissu sain disponible et sa localisation. Préalablement à la plastie palatine, lorsque les dents (généralement les molaires) semblent en interférence avec le lambeau palatin, il est possible de limiter cette interférence par des extractions dentaires six à huit semaines avant l’intervention [1].

La chirurgie palatine est souvent sanglante, mais l’hémostase électrique ou au laser est déconseillée. La vascularisation du site opératoire doit rester optimale pour assurer une meilleure cica­trisation. Une manipulation douce des lambeaux est également importante, avec la mise en place de points de traction. Chaque lambeau doit mesurer plus de 1,5 fois la largeur du défaut qu’il doit combler. Idéalement, il ne doit pas exister de tension sur les tissus et une fermeture en deux plans est souhaitable [1].

Lorsqu’une fente palatine s’étend sur toute la longueur du palais osseux, comme dans le cas présenté, il est conseillé d’opter pour une overlapping flap technique, qui permet d’éviter le positionnement de la ligne de suture en regard de la fente et de la décaler face à l’os maxillaire, afin d’obtenir une surface de superposition supérieure des tissus connectifs. La cicatrisation en est ainsi renforcée [1]. Dans notre cas, l’os palatin à gauche a été laissé à nu en vue d’une cicatrisation par seconde intention. Cette dernière intervient généralement au cours des trois à quatre semaines qui suivent l’intervention [1]. Lorsque les défauts palatins sont trop larges, l’association de diverses techniques est possible et la réalisation de lambeaux axiaux (basés sur des artères) peut être envisagée. Le lambeau qui repose sur l’artère angularis oris est fréquemment utilisé pour la fermeture de fistules résiduelles après une première intervention [1]. L’emploi de prothèses palatines est aussi décrit [1]. Cependant, les animaux équipés d’un obtu­rateur présentent fréquemment une halitose et des soins réguliers, sous anesthésie générale, sont nécessaires à l’entretien de la prothèse.

La complication majeure de la fermeture d’une fente palatine est la déhiscence de la plaie qui peut provoquer des fistules oro-nasales persistantes. Ainsi, une surveillance régulière de la cica­trisation est nécessaire. Si une reprise chirurgicale s’impose, elle ne doit être réalisée qu’après la cicatrisation tissulaire complète de l’intervention précédente [1].

Références

  • 1. Johnston SA, Tobias KM. Palate In: Veterinary Surgery: Small Animal. Elsevier Saunders. 2018:2600p.
  • 2. Martínez-Álvarez C, González-Meli B, Berenguer-Froehner B et coll. Injection and adhesion palatoplasty: a preliminary study in a canine model. J. Surg. Res. 2013;183 (2):654-662.

Conflit d’intérêts : Aucun

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