PARALYSIE D’UN ANTÉRIEUR ET DYSPNÉE CHEZ UN CHAT DE 12 ANS - Le Point Vétérinaire n° 439 du 01/03/2023
Le Point Vétérinaire n° 439 du 01/03/2023

Cardiologie

Cardiologie

Auteur(s) : François Serres

Fonctions : (DESV de médecine interne, option cardiologie)
Oncovet
Avenue Paul Langevin
59650 Villeneuve d’Ascq

Un épisode de thromboembolie n’est pas toujours la conséquence d’une affection cardiaque préexistante.

Un chat européen mâle, sté­rilisé et âgé de 12 ans, est présenté pour une évaluation cardiaque à la suite de l’apparition d’une paralysie du membre antérieur droit, survenue deux jours auparavant et associée à une atteinte marquée de l’état général (dyspnée et dysorexie survenues depuis moins d’une semaine).

PRESENTATION DU CAS

Anamnèse

L’examen radiographique du membre thoracique réalisé chez le vétérinaire traitant, bien que normal, a incidemment montré la présence d’un épanchement pleural masquant partiellement les contours pulmonaires et cardiaques. Le protocole thoracic focused assessment with sonography for trauma (TFAST) a révélé la présence d’une quantité modérée de liquide pleural anéchogène et laissé suspecter une hypertrophie myocardique. Le traitement per os mis en place par le vétérinaire traitant associe le pimobendane (à la dose de 0,2 mg/kg toutes les douze heures) à un corticoïde (prednisolone à raison de 0,5 mg/kg par jour) et un diurétique (furosémide à la posologie de 2 mg/kg toutes les douze heures).

Examen clinique

Quarante-huit heures après le début du traitement, aucune amélioration clinique n’est visible et le chat est référé. Lors de la consultation, l’animal présente un état général correct, est normotherme et aucun signe net d’hypoperfusion n’est décelé.

Une légère polypnée sans discordance est mise en évidence, associée à une paralysie du membre antérieur droit. L’examen neurologique montre une disparition de la nociception profonde, avec l’absence du réflexe de retrait. Les coussinets sont cyanosés et froids.

Examens d’imagerie

Devant le tableau clinique fortement évocateur d’une thromboembolie aortique, un examen échocardiographique est réalisé. Le ventricule gauche présente une morphologie modifiée, avec un épaississement pariétal minime sans oblitération systolique de la cavité ventriculaire gauche. L’atrium gauche n’est pas dilaté et conserve une contractilité satisfaisante (fraction d’éjection de l’atrium gauche de 50 %), (photos 1a et 1b). Un épanchement pleural peu abondant est aussi observé. Un examen radiographique thoracique complet est effectué afin de rechercher des lésions pulmonaires sous-jacentes. Il met en évidence une lésion tissulaire bien délimitée située dans le lobe caudal gauche, associée à une opacification péribronchique et bronchique diffuse généralisée.

Diagnostic et pronostic

Le tableau clinique est en faveur d’une thromboembolie aortique sans lésion de cardiopathie sous-jacente, combinée à une masse pulmonaire et à un épanchement pleural. Ces éléments sont en faveur d’un processus néoplasique pulmonaire primaire (carcinome bronchique ou pulmonaire) ou métastatique. La présence de lésions pulmonaires métastatiques diffuses et d’une carcinomatose pleurale débutante est suspectée.

Le pronostic est réservé à court terme, en raison de l’association de signes de thrombose cliniquement bien tolérés et d’une affection sous-jacente potentiellement tumorale.

Traitement

La prise en charge préconisée combine la mise en place d’une héparinothérapie (à raison de 250 UI/kg toutes les huit heures par voie sous-cutanée), d’un traitement antalgique injectable (perfusion continue de fentanyl ou lidocaïne par voie intraveineuse) et l’administration de corticoïdes (méthylprednisolone à raison de 1 mg/kg toutes les douze heures par voie intraveineuse).

Une reprise rapide de l’appétit et une amélioration clinique sont espérées. En cas de nette amélioration clinique et de régression de la polypnée, un bilan d’extension tomodensitométrique du thorax serait à envisager, pour évaluer les possibilités de traitement (notamment chirurgical) de la lésion pulmonaire identifiée.

6. Suivi

Malgré le traitement mis en place, une majoration de la dyspnée est observée au cours de l’hospitalisation, associée à une hypotension qui entraîne la mort de l’animal moins de douze heures après sa présentation.

DISCUSSION

Lien entre tumeur pulmonaire et thromboembolie

La reconnaissance clinique et l’exploration étiologique d’une thromboembolie aortique sont souvent relativement simples. Ainsi, plus de 85 % des chats inclus dans l’une des premières études d’envergure présentaient une paralysie aiguë de type motoneurone périphérique d’un ou des deux membres postérieurs, associée à une affection cardiaque sous-jacente, une dilatation atriale gauche ayant favorisé la formation d’un thrombus [3]. Dans cette même étude, 12 % des chats présentaient une atteinte isolée d’un membre antérieur et 2 sur 127 un carcinome pulmonaire, bien que le mécanisme étiopathogénique sous-jacent ne soit pas connu. De nombreux cas similaires sont cependant rapportés ces dernières années, avec une thromboembolie aortique touchant le plus souvent un membre isolé et une tumeur épithéliale pulmonaire [4]. Il est possible que le “thrombus” observé dans ces cas puisse être un embole tumoral de grande taille. Étant donné que les carcinomes pulmonaires félins sont fréquemment conjugués à des métastases digitées, des auteurs suggèrent la présence, chez certains chats, d’emboles tumoraux “massifs” susceptibles de boucher une artère brachiale ou iliaque [4].

2. Distinction étiologique des thromboembolies aortiques

Dans le cas présenté, les modifications de la morphologie ventriculaire et l’épanchement pleural identifié font suspecter une origine cardiaque.

L’absence de dilatation atriale gauche et la contractilité atriale conservée ont cependant permis d’exclure une thromboembolie aortique cardiogénique.

Une étude récente semble en outre indiquer que, lors de cardiopathie symptomatique, les thromboembolies aortiques sont très rarement associées à un épanchement pleural, mais sont le plus souvent isolées ou alliées à un œdème pulmonaire [1]. Lors de thromboembolie aortique “non cardiogénique”, un examen radiographique thoracique doit être réalisé, même en l’absence de signe respiratoire évident, ce qui a été le cas chez ce chat.

Pronostic

Le pronostic lors de thromboembolie aortique secondaire à une affection cardiaque est réservé à court terme : près de la moitié des animaux meurent au cours des sept jours qui suivent le diagnostic [3]. Cependant, depuis quelques années, l’efficacité des anticoagulants comme le clopidogrel ou le rivaroxaban améliore le pronostic à moyen terme [2]. Lors de thromboembolie aortique associée à une tumeur pulmonaire, le pronostic semble en revanche systématiquement sombre. Dans la dernière série publiée, les trois animaux ont survécu moins de trois semaines, malgré une prise en charge lourde impliquant une lobectomie pulmonaire.

Dans notre cas, la faible quantité d’épanchement empêchant la réalisation d’une ponction pour analyse et la dégradation clinique rapide n’ont pas permis d’envisager des examens plus poussés pour confirmer la forte suspicion clinique. L’examen nécropsique a été décliné par les propriétaires.

Références

  • 1. Busato F, Drigo M, Zoia A. Reduced risk of arterial thomboembolism in cats with pleural effusion due to congestive heart failure. J. Feline Med. Surg. 2022;24 (8):e142-e152.
  • 2. Lo ST, Walker AL, Georges CJ et coll. Therapy with clopidogrel and rivaroxaban in cats with thromboembolic disease. J. Feline Med. Surg. 2022;24 (4):277-283.
  • 3. Smith SA, Tobias AH, Jacob KA et coll. Arterial thromboembolism in cats: acute crisis in 127 cases (1992-2001) and long-term management with low-dose aspirin in 24 cases. J. Vet. Intern. Med. 2003;17 (1):73-83.
  • 4. Van Stee L, Boston S, Singh A et coll. Monoparesis in association with feline pulmonary carcinoma: a literature review with 3 new cases. Can. Vet. J. 2014;55 (9):849-856.

Conflit d’intérêts : Aucun

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