ÉTAPE 10 : GESTION DE LA MÈRE ET DES NOUVEAU-NÉS EN PÉRIODE POST-PARTUM - Le Point Vétérinaire n° 439 du 01/03/2023
Le Point Vétérinaire n° 439 du 01/03/2023

La reproduction en 10 étapes

Auteur(s) : Sylvie Chastant

Fonctions : NeoCare
ENV de Toulouse
23 chemin des Capelles
31300 Toulouse

Au cours des jours et des semaines qui suivent la mise bas, qu’elle ait lieu par voie chirurgicale ou par voie naturelle, une attention particulière doit être portée à la mère et aux jeunes.

Le propriétaire d’une chienne ou d’une chatte doit être accompagné dans la surveillance de la période post-partum. En effet, après la phase purement obstétricale, le bon déroulement des périodes néonatale et pédiatrique permet de maximiser le nombre de chiots ou de chatons en bonne santé physique et comportementale atteignant l’âge de la vente.

LA MÈRE

1. Surveillance clinique

Santé utérine

Il convient de contrôler les écoulements vulvaires (aspect, odeur) et l’état général de la femelle (température rectale, appétit, intérêt pour ses petits, plaintes des jeunes témoignant d’un déficit en lait). La présence de pertes vulvaires est normale après une mise bas (naturelle ou non) pendant quatre semaines. Ces pertes sont rouge-brun, inodores, et leur quantité diminue avec le temps. Cependant, trois affections doivent être surveillées. En premier lieu, l’hémorragie utérine peut survenir au cours des deux premiers jours post-partum. La métrite apparaît durant la semaine qui suit l’intervention et se manifeste par des écoulements vulvaires marron-violet ou purulents, nauséabonds et, souvent, une hyperthermie. Enfin, des écoulements vulvaires sanguins en faible quantité plus de quatre semaines après la parturition peuvent évoquer une subinvolution des zones d’insertion placentaire. Une administration d’ocytocine (à la dose de 0,025 à 0,04 UI/kg par voie intraveineuse ou 0,15 UI/kg par voie intramusculaire) peut être réalisée le jour de la mise bas pour favoriser l’involution utérine. Cela est particulièrement conseillé lors de césarienne, notamment si celle-ci a été programmée ou si les zones d’insertion placentaire ont beaucoup saigné.

Santé mammaire

Il s’agit d’une part de surveiller la mise en route de la lactation, et d’autre part de vérifier l’absence de mammite sur une ou plusieurs glandes. Tout changement de couleur de la peau et tout durcissement du tissu suggèrent le développement d’une mammite.

Autres paramètres à suivre

Au cours du premier mois post-partum, une infection, notamment cutanée ou auriculaire, doit être prise en charge rapidement en raison d’un risque de septicémie chez les jeunes. Après une césarienne, la plaie est à surveiller quotidiennement par le propriétaire, et à nettoyer avec une simple compresse imbibée de chlorure de sodium. La plaie n’est pas recouverte d’un pansement, car les glandes mammaires jouent un rôle de protection. Une attention particulière doit être portée à la gestion de la douleur pour favoriser la lactation et le développement du comportement maternel, aussi bien après une césarienne qu’après une mise bas par voie vaginale, à l’aide de tramadol chez la chatte (à la dose de 5 mg/kg per os, deux fois par jour) et d’anti-inflammatoires non stéroïdiens chez la chienne.

2. Surveillance de la lactation

En cas de mortalité de toute la portée, la lactation est tarie à l’aide de 5 µg/kg de cabergoline (par voie orale pendant une semaine) pour prévenir le risque de galactostase, donc de mammite. Afin de favoriser la production de lait, les jeunes sont autant que possible laissés avec la mère pour contribuer à la stimulation mammaire. De plus, de la nourriture et de l’eau fraîche sont mises à la disposition de la femelle ad libitum [10]. L’alimentation doit être riche en énergie, avec une concentration supérieure à 4 200 kcal d’énergie métabolisable par kilo de matière sèche (EM/kg de MS), ainsi qu’en protéines (30 à 35 % pour la chienne, plus de 34 % pour la chatte) [10]. La consommation doit être surveillée, car certaines femelles excessivement attachées à leur portée refusent de quitter les jeunes pour s’alimenter. Enfin, la synthèse de prolactine peut être stimulée par l’administration per os ou par voie parentérale de métoclopramide (Emeprid®, Métomotyl 5®) à raison de 0,2 à 0,5 mg/kg trois fois par jour pendant vingt-quatre à quarante-huit heures, jusqu’à 1 à 5 mg/kg toutes les six à huit heures si l’effet attendu n’est pas obtenu [2]. Du fait du passage hémato­méningé, une surveillance du comportement de la mère vis-à-vis des jeunes est nécessaire, notamment chez la chatte. La prise de poids des jeunes permet d’évaluer si la production laitière est suffisante ou non. En cas de production insuffisante de colostrum ou de lait, des substituts (PuppyProTech® ou colostrum canin congelé) ou des compléments (lait maternisé) doivent être administrés aux nouveau-nés (photos 1 et 2) [1]. Une vermifugation ciblée permet d’éviter la transmission par la voie lactogène de Toxocara, responsable de troubles digestifs, d’un retard de croissance et d’une septicémie, les larva migrans charriant des bactéries à travers l’organisme. Mère et jeunes sont traités simultanément tous les quinze jours (à partir du lendemain de la mise bas pour la mère) avec des produits à base de pipérazine ou de benzimidazoles.

3. Surveillance du comportement

Plus la mise bas a été dystocique, plus le comportement maternel risque de s’installer difficilement car il est inhibé par la douleur. C’est également le cas lorsqu’une césarienne a été réalisée, du fait de la possible douleur postopératoire et de l’absence de stimulation mécanique cervico-vaginale par le passage des fœtus. La primiparité est également un facteur de risque de faible développement du comportement maternel.

Pour favoriser l’installation de ce comportement chez la mère, celle-ci ne doit pas être équipée d’une collerette qui l’empêcherait de prendre soin de ses nouveau-nés. De plus, la femelle doit autant que possible être installée dans un espace situé à l’écart des zones de passage pour créer une certaine intimité avec sa progéniture, tout en favorisant la création du lien et en les plaçant dans une relative biosécurité microbiologique. Cette situation permet également de pouvoir maintenir une température adaptée. En élevage, l’existence d’un local de maternité dédié est obligatoire [8]. Un système de type case de mise bas, en matériau désinfectable, est optimal : la femelle doit pouvoir en sortir librement, mais pas les jeunes avant d’être autonomes. L’eau et la nourriture sont placées à l’extérieur de la zone dans laquelle se trouvent les jeunes pour éviter les noyades. Il convient également de penser à sortir la chienne de la zone pour ses défécations et mictions, car certaines refusent de sortir pour faire leurs besoins en raison d’un attachement excessif. Enfin, le stress de la mère doit être géré, notamment chez les primipares, car il risque de conduire soit au désintérêt pour la portée, soit inversement à une anxiété. Chez la chienne, la diffusion de phéromones apaisantes (Adaptil®) semble donner de bons résultats en matière de comportement maternel lors d’une mise bas par voie vaginale, avec une exposition ayant débuté sept jours auparavant [11]. Une évaluation de leur intérêt en période postopératoire après une césarienne, ainsi que de leurs équivalents chez la chatte, serait intéressante.

LA PORTÉE

1. Premiers soins

L’absence d’anomalies congénitales visibles (fente palatine, imperforation anale, hernie abdominale, etc.) doit être vérifiée avant la première tétée. En cas de fente palatine, le propriétaire doit décider s’il est en mesure d’assumer une alimentation par sondage orogastrique jusqu’à ce qu’une reconstruction chirurgicale du palais soit possible (vers l’âge de 3 mois).

Les nouveau-nés doivent être mis à téter le plus tôt possible après la naissance (ou après le réveil de la mère en cas de césarienne), et dans tous les cas au cours des huit premières heures qui suivent la naissance, en prenant les précautions nécessaires chez les chatons (encadré). L’objectif est d’optimiser le transfert d’immunité passive. Si cette première tétée se déroule à la clinique, donc sous la responsabilité du vétérinaire, elle doit impérativement être surveillée. En effet, laisser les nouveau-nés seuls avec leur mère les expose à un risque de cannibalisme en cas de trouble du comportement maternel (photo 3). La sortie de la mère et de sa portée n’a lieu qu’après cette tétée colostrale, sauf si la compétence du propriétaire à gérer cette première tétée a été vérifiée. Si la césarienne a été pratiquée en situation de dystocie, la capacité d’absorption intestinale des jeunes est probablement diminuée par l’anoxie subie. Il convient alors d’augmenter les quantités ingérées par la répétition des tétées ou, si nécessaire, par l’administration via un sondage orogastrique du colostrum obtenu par la traite chez la chienne au cours des huit premières heures post-partum. Cette dernière option est quasiment impossible chez la chatte. En l’absence de colostrum, l’administration de sérum par voie orale n’a pas d’intérêt en matière de transfert d’immunité passive [1, 3].

2. Soins après la sortie

Les nouveau-nés doivent être maintenus au chaud, sans risque de brûlure, dès leur sortie de la clinique, pendant toute la durée du transport, puis chez le propriétaire.

Au cours de la première semaine de vie, la température idéale est de 24 °C au niveau des jeunes en présence de la mère et 28 °C si la mère est absente. La partie extra-abdominale des vaisseaux ombilicaux est désinfectée au minimum deux fois par jour, par un trempage dans une solution de teinture d’iode (desséchante et désinfectante) ou de povidone iodée, ou encore de chlorhexidine (uniquement désinfectante). La désinfection est poursuivie jusqu’à la chute des vestiges, à environ 3 jours de vie, et la cicatrisation cutanée, vers l’âge de 5 à 6 jours en général. En cas de mort d’un ou des jeunes, il est utile de réaliser une autopsie et des prélèvements, et de décider ensuite de les envoyer ou non pour une analyse.

3. Suivi du poids

Le suivi quotidien de la prise de poids par la simple pesée de chaque nouveau-né permet d’évaluer si les quantités de lait maternel (ou maternisé) bues sont suffisantes. Pour cela, les nouveau-nés sont identifiés par un collier en laine, en scoubidou ou un lien velcro de couleur. Entre la naissance et l’âge de 2 jours, le poids ne doit pas avoir baissé. Une diminution est indicative d’un déficit de transfert de l’immunité passive [3].

Le risque de faible croissance au cours des trois premiers jours de vie est augmenté lors de naissance par césarienne ou de part languissant [12, 13]. Au-delà, le poids doit suivre la courbe de la race ou du groupe racial (courbes disponibles via le logiciel Royal Start® mis à la disposition des éleveurs par Royal Canin) [9]. Tout décrochement doit motiver un examen clinique du ou des nouveau-nés pour détecter précocement une affection, mais aussi de la mère pour vérifier l’importance de la production laitière.

Si une supplémentation apparaît nécessaire, il convient de rappeler au propriétaire que la mesure de la température rectale est indispensable avant toute administration de lait maternisé, qui doit être préalablement chauffé. En effet, en dessous de 35 °C, les enzymes digestives ne sont plus efficaces et le transit digestif tend à s’arrêter. Le lait administré stagne alors dans le tube digestif sans être digéré, favorisant le développement bactérien à l’origine de septicémies et de mortalités.

LE PROPRIÉTAIRE

Il doit rester attentif au comportement maternel, notamment au cours des deux premiers jours après la mise bas. L’une des difficultés est de réussir à observer la femelle sans la perturber. Lorsque la mère préfère rester avec son maître plutôt qu’avec sa progéniture, qu’elle montre des signes d’agressivité envers la portée ou refuse de se coucher pour les tétées sont autant de signes de stress ou d’un comportement maternel inadapté. Cependant, une femelle stressée peut, à l’inverse, montrer un excès de soins, un léchage et des déplacements fréquents des nouveau-nés d’un endroit à l’autre. Il convient également de demander au propriétaire d’enregistrer, au moins quotidiennement, le poids des nouveau-nés, et de ne pas organiser de visites de la mère et de sa portée pour respecter le calme et la biosécurité.

Références

  • 1. Chastant-Maillard S, Mila H, Grellet A. Les solutions alternatives au colostrum canin ou félin. Point Vét. 2020;(407-408):30-33.
  • 2. Chastant S. Le défaut de production de lait chez la chienne ou la chatte. Point Vét. 2020;(407-408):24-27.
  • 3. Chastant-Maillard S, Mila H, Viaud C et coll. Le transfert d’immunité passive chez le chiot. Bull. Acad. Vét. France. 2018;(171):137-146.
  • 4. Conze T, Büttner K, Wehrend A. Parameters in canines after cesarean sections. Front. Vet. Sci. 2022;9:886691.
  • 5. De Cramer KGM. Preparturient caesarean section in the bitch: justification, timing, execution and outcome evaluation. Thèse doct. vét. Université de Pretoria (Afrique du Sud). 2017:414p.
  • 6. Fournier A, Chastant-Maillard S. Focus sur l’isoérythrolyse néonatale. Point Vét. 2017;(381):37-39.
  • 7. Grant C. Comment suivre la croissance des chiots. Vet Focus. 2022;32:1. Publié le 20/04/2022. https://vetfocus.royalcanin.com/fr/scientifique/ et https://www.waltham.com/resources/puppy-growth-charts
  • 8. Journal officiel. Arrêté du 3 avril 2014 fixant les règles sanitaires et de protection animale auxquelles doivent satisfaire les activités liées aux animaux de compagnie d’espèces domestiques. www.legifrance.gouv.fr
  • 9. Kocevar G, Rioland M, Laxalde J et coll. Growth charts for small sample sizes using unsupervised clustering: application to canine early growth. Vet. Res. Comm. 2022.
  • 10. Lemoine F. Alimentation de la femelle durant la gestation et la lactation. Point Vét. 2020;(407-408):28-29.
  • 11. Santos NR, Beck A, Blondel T et coll. Influence of dog-appeasing pheromone on canine maternal behaviour during the peripartum and neonatal periods. Vet. Rec. 2020;186 (14):449.
  • 12. Schiebel E. Déroulement de la mise bas chez la chienne : facteurs de variation et conséquences sur la santé du chiot en race labrador. Thèse doct. vét. ENV de Toulouse. 2020:124p.
  • 13. Zakosek Pipan M, Kajdic L, Kalin A et coll. Do newborn puppies have their own microbiota at birth? Influence of type of birth on newborn puppy microbiota. Theriogenology. 2020;152:18-28.

Conflit d’intérêts : L’auteure est la conceptrice du lait maternisé PuppyProTech® (commercialisé par Royal Canin), mais ne reçoit aucune rémunération sur les ventes de ce produit.

Points clés

• Le suivi du poids dès le jour de la naissance et durant les premières semaines de vie est un indicateur de santé à court et à long termes.

• La première tétée est cruciale pour le transfert d’immunité passive et nécessite une surveillance particulière.

• Après la mise bas, il convient de surveiller la santé utérine, mammaire et comportementale chez la mère.

ENCADRÉ : PREMIÈRE TÉTÉE CHEZ LES CHATONS

Lorsqu’une chatte est de groupe B ou inconnu, il est nécessaire de se poser la question de la compatibilité des chatons avec la mère avant la première tétée, afin de prévenir le risque d’isoérythrolyse néonatale [6]. Le groupe sanguin des chatons peut être déterminé à la naissance à partir d’une goutte de sang ombilical. Ceux qui sont de groupe A ou AB doivent être séparés de la mère pendant vingt-quatre heures, soit jusqu’à la fermeture complète de la barrière intestinale. Pendant cette période, ils peuvent être alimentés avec du lait maternisé ou un substitut colostral partiel (PuppyProTech®). Comme ils restent agammaglobulinémiques jusqu’à 3 à 4 semaines de vie au moins, il convient de les placer dans d’excellentes conditions d’hygiène et de surveiller particulièrement l’apport énergétique via la prise de poids. En l’absence du risque d’interférence des anticorps maternels, les chatons peuvent être vaccinés dès l’âge de 4 semaines.

CONCLUSION

En cas de césarienne, la fertilité ultérieure de la mère est réputée normale [4]. Cependant, le risque de césarienne lors de la deuxième portée est douze fois plus élevé chez les femelles de race berger allemand qui ont mis bas leur première portée par césarienne [5]. Concernant les nouveau-nés, la croissance des premières semaines de vie participe au risque ultérieur de surpoids à l’âge adulte : la croissance ne doit donc pas être maximale, mais juste « optimale ». Les courbes de croissance, fournies au “naisseur” jusqu’à l’âge de 2 mois puis aux propriétaires de l’adoption jusqu’à l’âge adulte, constituent un bon outil pour accompagner cette phase cruciale de la vie [7].

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