TOXICOLOGIE
Toxicologie
Auteur(s) : Charlène Sénéchal
Fonctions : Clinique Amalthea
LD Marfisola
20243 Prunelli-di-Fiumorbo
La processionnaire du pin Thaumetopoea pityocampa est un insecte lépidoptère dont les formes larvaires (à partir des stades L3 à L5) peuvent être responsables d’une envenimation, ou érucisme, chez l’animal ou l’humain. Les chenilles possèdent des poils urticants qui libèrent, lors de leur rupture, plusieurs allergènes irritants, dont le plus important est la thaumétopoéïne. Cette atteinte est à suspecter lorsqu’un chien présente des troubles buccaux aigus et évolutifs, dans une zone plantée de résineux et pendant la période de procession, c’est-à-dire lorsque les températures remontent, généralement de mars à mai selon les régions.
Une chienne croisée cavalier king charles non stérilisée, âgée de 10 ans et pesant 10 kg, est présentée en urgence en consultation fin mars en Corse. Les propriétaires rapportent une modification soudaine de son comportement après l’avoir vue jouer avec un élément non identifié présent au sol en forêt. L’animal a immédiatement présenté un prurit buccal intense, des signes d’agitation, ainsi que des gémissements.
L’examen clinique général d’admission est réalisé environ une heure après le contact avec l’élément supposé vulnérant. Il révèle principalement un abondant ptyalisme, ainsi qu’une tachypnée, un halètement et une tachycardie modérée sans anomalie à l’auscultation pulmonaire. Une hyperthermie modérée (39,3 °C) est également notée. L’examen de la cavité buccale ne met en évidence aucun corps étranger ni aucune lésion initialement visible. L’inspection étendue à l’ensemble de la tête et des membres, en contact avec la gueule lors des démangeaisons, ne révèle pas d’anomalie. Une légère glossite avec un œdème lingual discret semble cependant apparaître au cours de l’examen.
Les signes cliniques suraigus d’une atteinte buccale douloureuse marquée par un ptyalisme abondant et l’évolution d’une glossite avec un œdème lingual doivent être rapprochés des commémoratifs de jeu en forêt au printemps.
Le diagnostic différentiel comprend :
– une envenimation par les chenilles processionnaires ou les amphibiens (crapauds, salamandres) ;
– un phénomène d’hypersensibilité aux piqûres d’arthropodes (guêpes, frelons, abeilles, araignées) ;
– une brûlure par un toxique (produits caustiques ménagers, hydrocarbures), peu probable en forêt ;
– un corps étranger intralingual ou constricteur à la base de la langue, non visualisé lors de l’examen.
Aucun examen complémentaire spécifique ne permet de confirmer le diagnostic. Malgré le peu de lésions initiales, probablement en lien avec la précocité de la consultation, l’envenimation par les chenilles processionnaires est considérée comme l’hypothèse la plus probable, qui reste à confirmer selon l’évolution clinique.
La chienne est hospitalisée sous surveillance rapprochée afin d’observer l’évolution des signes locaux pouvant confirmer le diagnostic, et de traiter précocement d’éventuels signes généraux dès leur apparition. La pose d’un cathéter veineux périphérique permet l’administration d’un glucocorticoïde à action rapide, l’hémisuccinate de méthylprednisolone (Solumedrol® à la dose de 1 mg/kg), et la mise en place d’une fluidothérapie d’entretien à l’aide d’un soluté cristalloïde isotonique (Ringer lactate® à raison de 2 ml/kg par heure). La gestion de la douleur passe par l’administration de buprénorphine (Bupaq® à la posologie de 10 µg/kg par voie intraveineuse). Immédiatement après, la prise en charge consiste à laver abondamment la cavité buccale de la chienne vigile avec de l’eau froide, sans frotter pour ne pas rompre les poils urticants et en se protégeant avec des gants. Un pansement gastrique à base de phosphate d’aluminium (Phosphaluvet® à la dose de 1 ml/kg per os) est administré, même en l’absence de vomissements.
Durant la première heure d’hospitalisation, l’œdème lingual progresse, la stomatite s’accentue également avec l’apparition de vésicules et d’ulcères qui augmentent la suspicion d’envenimation par les chenilles processionnaires. Un antihistaminique, la prométhazine (Phénergan® 2,5 % à raison de 2 mg/kg par voie intraveineuse), est alors ajouté au traitement. La chienne est placée dans une cage à oxygène au calme, pour soulager les difficultés respiratoires et réduire l’agitation. La détresse respiratoire s’aggrave dans l’heure qui suit en raison de l’évolution spectaculaire de la macroglossie, malgré les traitements médicaux (photo 1). À ce stade, les propriétaires sont informés de l’assombrissement du pronostic et donnent leur accord pour une trachéotomie devenue indispensable à la survie de la chienne au bord de l’étouffement.
Une prémédication à la médétomidine (Medetor® à la posologie de 30 µg/kg par voie intraveineuse), suivie d’une induction rapide à la kétamine (à la dose de 5 mg/kg par voie intraveineuse), permet une intubation orotrachéale in extremis. L’examen de la cavité orale une fois l’animal anesthésié confirme l’occlusion presque complète de l’oropharynx. Le gonflement lingual est maximal et maintient à lui seul la mâchoire grande ouverte. Le larynx n’est pas visible, seulement palpable du bout du doigt en pressant fortement sur la langue. La pose d’une sonde nasotrachéale, une solution alternative moins invasive que la trachéotomie, ne semble pas pertinente dans ces conditions. La sonde endotrachéale est d’ailleurs placée à l’aveugle en remplacement du doigt. La chienne est alors mise directement sous oxygène pour corriger l’hypoxémie suspectée, et envisager l’intervention dans de meilleures conditions qu’en situation d’urgence. L’entretien de l’anesthésie est réalisé à l’aide de bolus de kétamine (à raison de 2,5 mg/kg par voie intraveineuse) à la demande, le relais gazeux à l’isoflurane ayant été jugé inadapté à la procédure de trachéotomie.
La chienne est placée en décubitus dorsal, le cou en extension et les membres antérieurs maintenus le long du thorax. Une tonte large de la partie ventrale du cou ainsi qu’une désinfection chirurgicale du site sont réalisées.
La trachée est abordée par une incision médiane en regard des premiers anneaux trachéaux. Les muscles sterno-hyoïdiens sont séparés sur le plan médian et réclinés latéralement. Une incision transversale du ligament annulaire entre le troisième et le quatrième anneau trachéal est pratiquée. Un fil de traction, positionné sur les anneaux distaux, facilite l’introduction du tube. Ne disposant pas de sonde de trachéotomie, une sonde endotrachéale est utilisée, après avoir été coupée. Elle est choisie d’un diamètre inférieur à celui de la sonde employée pour l’intubation de la chienne afin de faciliter sa mise en place, limiter les lésions de la trachée et permettre le passage de l’air en cas d’obstruction de la sonde. Le ballonnet n’est pas gonflé. Les muscles sterno-hyoïdiens sont rapprochés par des points simples et la peau est refermée autour de la sonde, sécurisée par un bandage autour du cou (photo 2).
Au réveil, la chienne retrouve son calme et respire correctement par la sonde. Une antibiothérapie à base de céfalexine (Rilexine® à la dose de 15 mg/ kg toutes les douze heures par voie intramusculaire) est instaurée et maintenue jusqu’à la sortie d’hospitalisation. Des soins postopératoires particuliers sont apportés pendant toute la durée du maintien de la sonde de trachéotomie. Le bandage est changé deux fois par jour afin d’effectuer une désinfection de la sonde et de la plaie à la chlorhexidine. Une aspiration du mucus éventuellement présent étant indispensable pour éviter toute obstruction de la sonde, elle est pratiquée après une préoxygénation. Enfin, une humidification de l’air inspiré est réalisée par des instillations régulières de sérum physiologique.
Dès le lendemain, l’état général de la chienne est stabilisé, la douleur est modérée et l’analgésie est poursuivie avec la buprénorphine trois fois par jour durant les deux premiers jours. La macroglossie ne se résorbant que de manière très progressive, la corticothérapie est maintenue à l’aide de dexaméthasone (Dexadreson® à la dose de 0,1 mg/kg/j par voie intraveineuse) pendant trois jours (photo 3).
Deux jours après l’envenimation, si la macroglossie diminue peu à peu, les voies respiratoires supérieures restent obstruées, ce qui oblige à maintenir en place la sonde de trachéotomie. Les soins de la langue sont difficiles à assurer en raison de l’agressivité de l’animal : un rinçage à la chlorhexidine des zones ulcérées et nécrosées est pratiqué deux fois par jour, mais aucune application locale n’est envisageable. La chienne tente de boire malgré la persistance de difficultés de déglutition. La fluidothérapie est donc maintenue. D’autre part, elle refuse de s’alimenter, mais la pose d’une sonde naso-œsophagienne à l’état vigil se révèle également inenvisageable.
Quatre jours après l’envenimation, la chienne est à nouveau capable de respirer normalement, ce qui est confirmé par un test d’occlusion avant le retrait de la sonde. L’agressivité de l’animal oblige à recourir à une sédation pour retirer la sonde de trachéotomie, ce qui permet également de suturer la plaie afin qu’elle ne soit pas souillée par les écoulements buccaux, d’évaluer les lésions linguales et le sillon disjoncteur maintenant bien visible, et de mettre en place une sonde naso-œsophagienne nécessaire à la réalimentation (photos 4 et 5). Les lésions linguales évoluent favorablement en même temps que l’état général de la chienne s’améliore. Après le retrait de sa sonde naso-œsophagienne, elle est alimentée par gavage à la seringue, la déglutition étant normalisée.
La partie de langue nécrosée commence à se détacher six jours après l’envenimation, et tombe le septième jour (photo 6). L’animal retrouve alors immédiatement une prise alimentaire spontanée. Cependant, la langue fortement écourtée rend la prise de nourriture assez difficile. Une alimentation de consistance molle est alors proposée dans une gamelle à fond creux pour faciliter la préhension (photo 7).
La chienne est rendue à ses propriétaires qui rapportent au cours des semaines qui suivent un excellent état général, malgré la persistance de salissures lors de l’abreuvement et des repas. La langue est bien cicatrisée.
En France, les envenimations par les chenilles sont principalement dues à Thaumetopoea pityocampa, la chenille processionnaire du pin, classée nuisible depuis avril 2022. Cette espèce est actuellement présente sur une grande partie de la France métropolitaine, à l’exception jusqu’à présent du Nord-Est et d’une partie du Massif central, mais elle y poursuit sa progression ces dernières années en raison du réchauffement climatique. Les cocons de soie blanche, bien visibles sur les résineux, abritent les larves en hiver (photo 8) [8]. Les chenilles entament leur procession quand le climat devient favorable, en fin d’hiver et au printemps généralement, mais cela peut aller d’octobre à mai selon les régions lorsque la température remonte. Elles quittent leur nid en file indienne et vont s’enfouir dans le sol pour la nymphose (photo 9) [8]. C’est au moment de leur procession que les chenilles constituent un danger pour les animaux et l’humain, lors de contact direct avec leurs poils urticants. Le chien, par son comportement exploratoire à préhension buccale, est l’espèce la plus touchée. Les signes cliniques observés, principalement linguaux, sont impressionnants [9].
Par ailleurs, quand la chenille est agressée, elle peut projeter activement ses soies jusqu’à une distance de 30 cm environ. Les poils restent toxiques même lorsqu’ils sont détachés de la chenille et peuvent persister dans les cocons, au sol ou être dispersés par le vent. Ils présentent une sorte de harpon, se fixent sur la peau ou les muqueuses et provoquent alors des démangeaisons qui entraînent leur rupture et la libération de la principale substance urticante : la thaumétopoéïne. Cette toxine histaminolibératrice déclenche alors une cascade de réactions inflammatoires locales, voire générales [8].
Les signes cliniques sont variables d’un individu à l’autre selon la zone exposée aux poils urticants [1]. Ils apparaissent rapidement, quelques minutes à plusieurs heures après l’exposition. Les troubles buccaux et digestifs sont les plus fréquents et ont un caractère évolutif [2]. L’inflammation se traduit dans un premier temps par un œdème lingual, sous-lingual ou labial. La glossite provoque une gêne à la déglutition et un ptyalisme abondant. Des ulcérations plus ou moins étendues de la langue et de la muqueuse buccale sont également fréquentes. La compression vasculaire à la base de la langue peut entraîner une cyanose en quelques heures, et la coagulation dans les vaisseaux linguaux provoque la nécrose qui, lorsqu’elle survient, évolue classiquement vers une perte de substance au cours des jours qui suivent [8]. En cas d’ingestion, des vomissements sont possibles, secondaires à une gastrite [5].
Lors d’atteinte cutanée, des lésions d’urticaire sont visibles sur les zones de peau fine ou pauvre en poils de la face, avec un érythème, voire un œdème des babines, du chanfrein, des paupières ou des oreilles, plus rarement du ventre et des membres, tandis que les autres parties du corps sont protégées par le pelage. Le même type de lésion pouvant apparaître sur la peau des propriétaires et du personnel vétérinaire, il est donc indispensable de se protéger au moins avec des gants avant de manipuler l’animal [1, 2]. En cas d’inhalation de poils, l’atteinte respiratoire peut se caractériser par un œdème de la truffe, une rhinite, voire une bronchite avec une toux et une dyspnée. Des lésions oculaires sont possibles en association avec les autres signes ou de manière isolée, lorsque les poils sont transportés par le vent. Une conjonctivite, une blépharite ou une kératite ulcéreuse peuvent également se développer, nécessitant un examen ophtalmologique complet [2].
Aux symptômes locaux s’ajoutent parfois des signes généraux plus rares, mais plus graves, susceptibles de mettre en jeu la vie de l’animal à court terme. Ils sont soit liés à l’action directe de la thaumétopoéïne, soit dus à l’évolution des lésions locales. L’animal peut présenter un abattement ou une hyperthermie. Une détresse respiratoire peut s’installer à la suite de l’œdème lingual ou laryngé, comme dans le cas présenté. Chez l’humain, un état de choc anaphylactique peut aussi survenir.
Il est indispensable de surveiller l’état d’hydratation de l’animal afin de prévenir le risque d’insuffisance rénale aiguë. Quelques phénomènes parfois rencontrés dans d’autres types d’envenimation (ophidienne notamment) restent anecdotiques dans les cas d’exposition aux chenilles processionnaires et n’ont jamais été décrits dans les rares études rétrospectives réalisées chez le chien. Il s’agit du risque de coagulation intravasculaire disséminée, une affection qui peut être due à l’action directe de la toxine ou consécutive à des processus ischémiques et nécrotiques. Lorsque ces derniers sont sévères, il convient de surveiller tout saignement (pétéchies, suffusions, hématomes, hématurie, etc.). Des phénomènes thromboemboliques, avec défaillance organique, sont également possibles.
Le traitement éliminatoire local doit être instauré le plus précocement possible, tout en prenant la précaution de manipuler l’animal avec des gants. Il conditionne l’intensité des lésions et influe sur le pronostic [8]. Le rinçage abondant de la cavité buccale à l’eau froide est indispensable pour évacuer les poils non fixés ainsi que les toxines et provoquer une vasoconstriction. L’utilisation d’une solution alcaline de bicarbonate de sodium à 1,4 % permettrait de dénaturer la thaumétopoéïne. L’application de compresses humides ou de bandes adhésives aide à retirer les poils non implantés sans frotter pour éviter de les casser et de libérer la toxine. Une antisepsie locale, avec une solution de povidone iodée diluée au dixième, complète les soins. Un rinçage des yeux au sérum physiologique est également fortement conseillé [3, 9]. Dans notre cas, le lavage n’a pas été le premier acte pratiqué en raison de l’absence de diagnostic de certitude, mais il a tout de même été réalisé très rapidement, dans un délai inférieur à deux heures après le contact.
Pour lutter contre les effets de la thaumétopoéïne, l’administration de corticoïdes à action rapide est recommandée : l’hémisuccinate de méthylprednisolone (à la dose de 0,5 à 1 mg/kg toutes les douze heures par voie intraveineuse) ou la dexaméthasone (à raison de 0,1 à 0,2 mg/kg par voie intraveineuse) possèdent des propriétés anti-œdémateuses et anti-inflammatoires. Un antihistaminique tel que la prométhazine peut être utilisé localement ou par voie générale (à la dose de 0,2 à 0,4 mg/kg). Un antibiotique à large spectre et à diffusion salivaire, comme la spiramycine (à la posologie de 75 000 à 90 000 UI/kg par jour pendant sept à dix jours), est préconisé lors de nécrose linguale pour prévenir les surinfections, mais en cas de glossite simple une antibiothérapie ne semble pas indispensable. La fluidothérapie intraveineuse permet de prévenir et de corriger la déshydratation de l’animal, qui ne peut ni s’abreuver ni s’alimenter. Elle est également utilisée pour rétablir la volémie et corriger les déséquilibres électrolytiques et acido-basiques si nécessaire. Les éventuels troubles digestifs liés à une gastrite ou à une œsophagite sont traités à l’aide d’un pansement gastrique à base de phosphate d’aluminium et d’antiacides (par exemple, cimétidine à raison de 10 mg/kg toutes les huit heures per os ou pantoprazole à la dose de 1 mg/kg toutes les vingt-quatre heures par voie intraveineuse).
La prise en charge de la douleur est également essentielle, notamment avec de la morphine par voie générale (à la posologie de 0,1 à 0,4 mg/kg toutes les quatre heures). D’autres molécules peuvent être utilisées selon le palier de douleur évalué au cours de l’hospitalisation (buprénorphine, méthadone, fentanyl, etc.). L’application d’un anesthésique local à base de lidocaïne est controversée pour ses effets vasodilatateurs, de perte de réflexes ou de retard de cicatrisation. Il est possible d’appliquer sur les lésions des crèmes constituées d’anti-inflammatoires et d’antibiotiques. Les injections intralinguales de corticoïdes ou d’héparine n’ont pas, quant à elles, prouvé leur efficacité. Enfin, le parage chirurgical précoce est inutile, mais une plastie peut se révéler nécessaire dans un second temps pour rétablir une forme fonctionnelle [3].
Au cours des premières heures qui suivent l’envenimation aux chenilles processionnaires, une attention particulière doit être portée à l’évolution des phénomènes inflammatoires, dans les régions oropharyngée et laryngée, susceptibles de provoquer l’obstruction des voies respiratoires supérieures. Cela rend indispensable la réalisation d’une trachéotomie par sonde ou d’une trachéostomie temporaire(1). Cette intervention chirurgicale permet de court-circuiter les voies aériennes supérieures et d’assurer une ventilation par l’intermédiaire d’un tube inséré dans l’incision trachéale pour une durée de quelques heures à trois semaines [4]. Elle est cependant rarement nécessaire dans un contexte d’envenimation.
La réalimentation est aussi un point clé du traitement. Les animaux présentent souvent une anorexie liée à la douleur ou à la perte de mobilité linguale. De plus, il existe un risque de fausse route tant que la glossite ne permet pas une bonne déglutition. Il est donc fortement conseillé de mettre en place une alimentation entérale assistée [3]. Le sondage naso-œsophagien suffit pour une durée assez courte, de l’ordre de quelques jours. L’hospitalisation est en général suspendue lorsque l’animal se réalimente seul. Dans le cas présenté, cela n’a été possible qu’après la chute de la langue nécrosée, au bout du septième jour.
L’évolution des lésions dépend de la précocité du traitement, ainsi que de l’intensité de la réaction inflammatoire et de l’étendue de la région en contact avec la substance urticante [6, 7]. Le pronostic est généralement bon, mais il existe plusieurs périodes critiques susceptibles de l’assombrir en l’absence de prise en charge adaptée. Dès l’admission, le risque de mort par étouffement, lié à l’œdème lingual ou laryngé, ne doit pas être négligé. Il aurait pu être fatal chez la chienne suivie, dont les symptômes initiaux étaient minimes. Au cours des deux premiers jours qui suivent l’envenimation, la surveillance des troubles hémodynamiques doit faire l’objet d’une attention particulière. Il convient aussi d’attendre une semaine pour juger des séquelles buccales, après la chute de la partie nécrosée de la langue. Si les chiens se réalimentent en général facilement malgré une langue écourtée de 30 à 50 %, comme dans notre cas, une nécrose plus sévère peut conduire à l’euthanasie.
Dans une étude rétrospective menée chez 109 chiens envenimés, le taux de survie est de 97 % [7]. Au total, 37 % des animaux ont souffert d’une nécrose linguale avec perte de substance sans conséquence majeure sur la qualité de vie. Le temps écoulé entre le contact et le premier rinçage oral semble être un élément clé pour la progression des lésions nécrotiques. Les meilleurs résultats sont observés lorsque le rinçage intervient dans les six heures après le contact [7]. Une autre étude sur 41 cas conclut que l’intervention médicale doit avoir lieu au cours des deux premières heures pour minimiser la nécrose linguale [6]. Dans le cas présenté, le rinçage très précoce n’a pas suffi à empêcher cette nécrose ni l’œdème sévère. La substance urticante avait probablement déjà été libérée massivement avant la prise en charge de la chienne, comme le suggère le commémoratif de prurit intense rapporté par ses propriétaires.
Conflit d’intérêts : Aucun
• L’envenimation du chien par les chenilles processionnaires survient le plus souvent au printemps, lors d’un contact avec les poils urticants qui libèrent plusieurs substances urticantes et allergisantes dont la principale est la thaumétopoéïne.
• Les symptômes dominants sont des lésions buccales qui évoluent vers une glossostomatite ulcéreuse à nécrosante, mais des signes généraux peuvent également se déclarer.
• La progression des lésions nécrotiques dépend de la précocité du traitement, notamment du rinçage oral, et de l’étendue de la région en contact avec la substance urticante.
• Au cours des premières heures qui suivent l’envenimation, une attention particulière doit être portée à l’évolution des phénomènes inflammatoires de la région oropharyngée susceptibles d’entraîner l’obstruction des voies respiratoires supérieures et imposant, dans de rares cas, la réalisation d’une trachéotomie.
• Le pronostic à long terme est généralement bon si la perte de substance linguale n’entrave pas la prise alimentaire.
Une suspicion d’envenimation par les chenilles processionnaires du pin doit faire l’objet d’une prise en charge précoce, même si les signes cliniques initiaux paraissent minimes. Un rinçage abondant est indispensable à l’élimination des poils urticants et de la toxine principale, la thaumétopoéïne, afin de limiter la gravité des lésions locales. Un traitement médical est également nécessaire et les signes généraux doivent être surveillés, principalement la détresse respiratoire. En cas d’œdème provoquant l’obstruction des voies respiratoires hautes, un traitement pour reperméabiliser les voies aériennes est requis et, en l’absence de solution alternative, une trachéotomie peut permettre de sauver l’animal. La nécrose de la langue entraîne une perte de substance à laquelle l’animal peut s’adapter si elle n’est pas trop importante pour empêcher la prise alimentaire et l’abreuvement.