COMPORTEMENT
Thérapeutique
Auteur(s) : Jean-Claude Desfontis*, Yassine Mallem**
Fonctions :
*Unité de pharmacologie
et toxicologie d’Oniris
101 route de Gachet
44300 Nantes
Les différentes situations ou bruits susceptibles de générer de l’anxiété ou de la peur chez le chien (visites chez le vétérinaire, feux d’artifice, tonnerre, travaux, alarmes, etc.) peuvent ponctuellement profiter d’une prise en charge médicamenteuse par différents produits, dont deux sont évoqués dans cet article.
L’imépitoïne (Pexion®), structurellement proche de la phénytoïne, se lie de manière non sélective au site de la benzodiazépine du complexe récepteur-canal ionique de l’acide gamma-aminobutyrique A (Gaba-A). Ainsi, il potentialise l’action du Gaba, mais avec une efficacité partielle par rapport aux agonistes complets comme le diazépam [6, 13]. L’imépitoïne bloque aussi les canaux calciques voltage dépendants de manière dose dépendante. Ces actions inhibent l’activité nerveuse et contribuent à s’opposer aux effets excitateurs du glutamate (acide aminé excitateur du système nerveux). Les décharges de glutamate sont impliquées dans certains troubles neurologiques [7]. L’usage chronique de l’imépitoïne est autorisé grâce à son profil d’absorption prolongée et surtout à l’absence de tolérance pharmacodynamique, contrairement aux benzodiazépines.
L’imépitoïne se présente sous la forme de comprimés de 100 mg ou 400 mg à faire avaler. La posologie est de 20 mg/kg per os, à moduler entre 5 et 30 mg/kg selon la réponse de l’animal, avec une administration toutes les douze heures, en débutant deux jours avant l’événement anxiogène. L’action biologique produite est un effet anxiolytique après un à deux jours de traitement. Le médicament présente une très bonne sécurité d’emploi et tolérance pour un traitement à long terme.
La dexmédétomidine (Siléo®) est un agoniste alpha2-adrénergique qui passe la barrière hémato-encéphalique et génère une diminution de la libération de catécholamines (noradrénaline principalement) par les neurones noradrénergiques (rétrocontrôle négatif sur la terminaison présynaptique des neurones) [9]. Cette noradrénaline localisée dans le locus cœruleus participe à la veille et à la vigilance de l’individu, mais une augmentation de sa décharge est associée aux situations générant de l’anxiété et de la peur.
La dexmédétomidine se présente sous la forme d’un gel oral que l’animal ne doit pas avaler. Le médicament est appliqué sur les muqueuses, jusqu’à cinq fois par jour au maximum [5, 15]. Seulement 4 % du composé est absorbé dans la circulation systémique.
La posologie est de 125 µg/m2 soit, par exemple, 0,25 ml (25 µg) entre 2 et 5,5 kg, 1 ml (0,1 mg) entre 20 et 30 kg jusqu’à cinq fois par jour, avec un intervalle de 90 à 120 minutes entre deux applications. L’action biologique produite est un effet anxiolytique induit en vingt minutes, avec un pic d’action en une heure et une durée de deux à trois heures.
L’imépitoïne réduit significativement les signes d’anxiété et de peur chez le chien, tels que courir partout, saliver, se cacher, détruire des objets, se recroqueviller, s’agiter, agresser, s’immobiliser, aboyer-gémir-hurler, haleter, vomir-déféquer-uriner, rechercher son propriétaire, être en état de vigilance ou scruter l’environnement, répondre exagérément à la surprise, se secouer ou trembler, bâiller, se lécher les babines, fuir [8, 14]. Des études contrôlées contre placebo ont montré l’efficacité de l’imépitoïne dans la prise en charge de l’anxiété et de la peur générées par les bruits comme les feux d’artifice, la tempête ou le tonnerre [1, 2, 10, 11, 12].
La dexmédétomidine peut être administrée à titre prophylactique ou interventionnel. Ses propriétés pharmacodynamiques en font le choix à privilégier pour les bruits de situation qui ne sont pas attendus ou ne peuvent pas être anticipés deux jours à l’avance [3]. Les propriétés anxiolytiques de la dexmédétomidine sont mesurables, cliniquement pertinentes et statistiquement significatives selon une étude menée chez des chiens souffrant d’anxiété aiguë et de peur associées aux feux d’artifice. La dexmédétomidine a significativement réduit les comportements de peur et d’anxiété de ces animaux par rapport au placebo [5]. Par ailleurs, une étude montre également le bénéfice de la dexmédétomidine, en traitement préalable à la visite chez le vétérinaire, chez des chiens qui avaient présenté antérieurement des signes d’anxiété ou de peur lors des consultations [4]. La molécule est plutôt conseillée pour la prise en charge rapide d’un animal en bonne santé, tandis que l’imépitoïne concerne davantage une gestion à plus long terme, ou qui peut être anticipée (tableau).
Conflit d’intérêts : Aucun
L’imépitoïne (Pexion®) et la dexmédétomidine (Siléo®) présentent tous les deux un intérêt avéré pour la prise en charge de l’animal phobique dans différentes situations génératrices d’anxiété ou de peur. Ces molécules peuvent être d’une aide précieuse dans le cadre d’une thérapie comportementale globale d’apprentissage, afin de faire disparaître ces troubles comportementaux face aux stimuli déclencheurs.