RÉFORME DE LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE : CE QUI CHANGE POUR LES ÉLEVEURS - Le Point Vétérinaire n° 437 du 01/01/2023
Le Point Vétérinaire n° 437 du 01/01/2023

PAC

Article original

Auteur(s) : Matthieu Leblanc

Fonctions : Responsable technique élevage
2 rue Victor Considérant
Coopérative Terre comtoise
25770 Vaux-les-Prés

La nouvelle politique agricole commune devrait entraîner des changements importants, surtout dans les élevages allaitants de grande taille.

La politique agricole commune (PAC) est un socle incontournable de l’agriculture européenne et française. Elle a permis le maintien de l’agriculture et de l’élevage en Europe et accompagne depuis plus de 60 ans les exploitants agricoles.

Cet article présente la situation des élevages français face aux évolutions des aides à l’élevage allouées par la PAC. Même si les informations principales contenues dans ce dossier ne devraient pas ou peu évoluer, il faut rappeler que la nouvelle politique agricole commune est en cours de validation au niveau européen et que des modifications sont encore susceptibles d’être apportées.

LES AIDES DE LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE

1. Aides actuelles pour les bovins allaitants

L’aide aux bovins allaitants (ABA) est calculée sur le nombre de vaches détenues depuis plus de six mois à la date de la déclaration. Le minimum de déclaration est soit de 10 UGB vaches, brebis ou chèvres dont 3 vaches allaitantes au minimum, soit de 10 vaches allaitantes sur toute la période de déclaration. Seules sont primables les vaches de race allaitante ou mixte destinées à l’élevage des veaux pour la production de viande. Les génisses ne sont pas éligibles au moment de la demande, mais un remplacement des vaches sorties de l’exploitation par des génisses (âge minimal : 8 mois) peut être fait par l’éleveur dans la limite de 30 % des femelles primables.

Le montant des primes pour la campagne 2022 est de 161 € par vache pour les 50 premières, 117 € par vache de la 51e à la 99e et 59 € par vache de la 100e à la 139e [1]. Une aide aux veaux sous la mère est également disponible s’ils sont issus des filières Label rouge, Indication géographique protégée (IGP), certifiés Agriculture biologique (AB) ou en cours de conversion.

2. Aides actuelles pour les bovins laitiers

L’aide aux bovins laitiers (ABL) est calculée sur le nombre de vaches détenues depuis plus de six mois à la date de la déclaration. Seules sont primables les vaches ayant vêlé, de race laitière ou mixte, destinées à la production de lait. Les génisses ne sont pas éligibles au moment de la demande, mais un remplacement des vaches sorties de l’exploitation par des génisses peut être réalisé par l’éleveur dans la limite de 30 % des femelles primables : 75 € par vache en zone de montagne, 37 € par vache en zone de plaine.

Dans le cas de troupeaux mixtes, le nombre de vaches laitières et/ou mixtes est calculé sur la base de la production laitière annuelle, à raison de la moyenne nationale (5 500 kg par vache laitière et par lactation), et majoré de 20 % qui correspondent aux vaches de réforme.

ÉVOLUTIONS DE LA NOUVELLE POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE

1. Nouvelle assiette de calcul

Avec la nouvelle PAC, prévue pour la campagne 2023, les aides (ABA et ABL) seront remplacées par une aide à l’unité gros bovin (UGB), qui se divise en UGB mâles et UGB femelles et selon la race (laitière ou mixte et allaitante). Le calcul tient donc compte des UGB, via la base de données nationale d’identification (BDNI), à la date de la déclaration. Le calcul de cette aide se fait en trois étapes (figure).

Déterminer les UGB éligibles

Le nombre d’UGB éligibles sera calculé sans tenir compte de la race :

– UGB pour les animaux de plus de 16 mois présents depuis plus de six mois sur l’exploitation ;

– UGB pour ceux vendus pour abattage à plus de 16 mois l’année précédente, détenus depuis plus de six mois sur l’exploitation et qui n’avaient pas l’âge à l’époque pour être primés.

Les UGB éligibles correspondent à la somme de ces deux catégories, réparties en UGB mâles et UGB femelles.

Évaluer les UGB primables et le type d’aide associée

Toutes les UGB éligibles ne seront pas comptabilisées de la même manière pour l’attribution des aides : les UGB à prime forte sont distinguées des UGB à prime faible.

Les UGB “à prime forte” (110 €) sont :

– les UGB éligibles mâles (viande ou lait) limitées à 1 UGB mâle par vache ;

– les UGB éligibles femelles (viande et croisées viande) limitées à deux fois le nombre de veaux sevrés de race à viande.

Les UGB « à prime faible » (60 €) sont :

– les UGB éligibles mâles (viande ou lait) au-delà du nombre de mères vaches ;

– les UGB éligibles femelles (viande et croisées viande) au-delà de deux fois le nombre de veaux sevrés de race à viande ;

– les UGB éligibles femelles de race laitière ou mixte.

Calculer le montant des aides couplées bovines

Une fois les UGB primables comptabilisées, les volumes de chacune des catégories “à prix fort” et “à prix faible” qui seront effectivement primées sont déterminés après l’application des règles suivantes :

– au maximum 120 UGB primables ou par exploitation (UGB à prix fort + faible dans le cas d’un troupeau mixte) ;

– au maximum 1,4 UGB “à prix fort” par hectare de surface fourragère principale (SFP), en intégrant les céréales autoconsommées par le troupeau ;

– au maximum 40 UGB “à prix faible” par exploitation, avec application de la transparence pour les Groupements agricoles d’exploitation en commun (Gaec).

Les UGB à prix fort sont primées en priorité, afin que le calcul soit le plus favorable à l’éleveur.

2. Évolutions pour les trois filières

Pour les élevages allaitants “naisseurs”, un point de rupture sera observé avec le système actuel au-delà de 90 vaches allaitantes présentes dans le troupeau, puisque le montant des aides n’évolue plus au-delà de ce nombre. Pour le lait conventionnel, cela représente une hausse mécanique d’environ 8 % en moyenne des aides couplées. Il en va de même pour les exploitations qui bénéficient d’une appellation d’origine protégée (AOP), sous certaines conditions (éco-régime supérieur atteint notamment).

3. Exemple pratique

Soit un Gaec de deux éleveurs laitiers (conventionnel ou en AOP, peu importe) de 70 vaches, avec 15 génisses de renouvellement de plus de 24 mois et 20 génisses de 16 à 24 mois destinées à l’export et au renouvellement. Aucun élevage de veaux mâles n’est effectué sur l’exploitation. La surface fourragère principale est de 110 hectares (ha).

• UGB éligibles : (70 vaches + 15 génisses) × 1 UGB + (20 génisses) × 0,6 UGB = 97 UGB femelles.

• UBG primables : tout est issu du troupeau laitier, donc 97 UGB à prix faible.

• Montant des aides :

– au maximum 120 UGB par exploitation : la condition est remplie ;

– au maximum 1,4 UGB par ha de SFP : 1,4 × 110 = 154 UGB, la condition est remplie ;

– au maximum 40 UGB à prix faible × 2 parts de transparence (Gaec), soit 80 UGB : il s’agit donc d’un facteur limitant.

Au total, cet élevage recevra (80 UGB × 60 €), soit 4 800 € d’aides couplées à l’UGB.

Si ce Gaec se met à élever les mâles pour faire des jeunes bovins au lieu de l’export, il lui faut toujours 70 vaches et 15 génisses de renouvellement de plus de 24 mois, mais il reste 10 génisses entre 16 et 24 mois destinées au renouvellement. En contre­partie, il élève une vingtaine de jeunes bovins dont 7 ont entre 16 et 24 mois à la date de la déclaration.

• UGB éligibles :

– (70 vaches + 15 génisses) × 1 UGB + (10 génisses) × 0,6 UGB = 91 UGB femelles ;

– (7 jeunes bovins) × 0,6 UGB = 4,2 UGB mâles.

• UGB primables : 91 UGB laitières, donc à prix faible, et 7 UGB mâles croisés (UGB mâles inférieures au nombre de mères), donc à prix fort.

• Montant des aides :

– au maximum 120 UGB par exploitation : la condition est remplie (91 + 7 = 98) ;

– au maximum 1,4 UGB par ha de SFP, soit 1,4 × 110 = 154 UGB : la condition est remplie ;

– au maximum 40 UGB à prix faible × deux parts de transparence (Gaec) = 80 UGB, il s’agit là encore d’un facteur limitant.

Au total, cet élevage recevra (80 × 60 €) + (7 × 110 €), soit 5 570 € d’aides couplées à l’UGB.

Si l’éleveur choisit de maintenir l’élevage des génisses pour l’export et d’ajouter l’élevage des jeunes bovins, le total des aides couplées à l’UGB sera le même (5 570 €), car les UGB à prix faible sont limitées à 80.

Référence

Conflit d’intérêts : Aucun

Points clés

• La nouvelle politique agricole commune devrait entrer en vigueur pour la campagne 2023.

• Les aides aux bovins allaitants et aux bovins laitiers seront remplacées par une aide à l’unité gros bovin (UGB).

• Cette aide est calculée selon les UGB mâles et femelles et le type de production (laitière ou mixte et allaitante).

• Pour les exploitations allaitantes de grande taille, le plafonnement au-delà de 90 UGB représente une réelle perte de revenus.

CONCLUSION

La nouvelle politique agricole commune entraîne des changements importants dans le montant des aides attribuées. Si certains élevages devraient s’en sortir convenablement, il apparaît que le plafonnement au-delà de 90 UGB ou ABA représente une réelle perte de revenus pour les exploitations allaitantes de grande taille. Il faut aussi inclure l’impact de ces changements dans la globalité du calcul de la PAC, qui évolue fortement vis-à-vis des productions végétales et de la diversité des assolements. Si l’évolution concernant le calcul des aides liées à l’élevage relève plutôt du constat de situation, le challenge est réel concernant la répartition de la surface fourragère principale pour tirer parti au mieux de cette aide européenne.

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