INTÉRÊT DE L’ANTIBIOTHÉRAPIE INHALÉE LORS D’AFFECTIONS RESPIRATOIRES CHEZ LE CHAT - Le Point Vétérinaire n° 437 du 01/01/2023
Le Point Vétérinaire n° 437 du 01/01/2023

PNEUMOLOGIE FÉLINE

Thérapeutique

Auteur(s) : Salomé Prigent*, Juan Hernandez**, Hervé Pouliquen***, Yassine Mallem****

Fonctions :
*Service de médecine interne
des animaux de compagnie
**Unité de pharmacologie
et toxicologie
***Unité de pharmacologie
et toxicologie
Oniris
101 route de Gachet
44300 Nantes

La prescription d’une antibiothérapie inhalée, même si elle permet l’administration locale d’un antibiotique, doit rester une pratique exceptionnelle.

L’aérosolthérapie est une modalité de traitement qui consiste à faire respirer de l’air contenant des microgouttelettes d’eau obtenues par nébulisation. Elle est préconisée pour hydrater les voies respiratoires et faciliter le fonctionnement de l’escalator mucociliaire, pour fluidifier les sécrétions de mucus et pour délivrer des molécules pharmacologiquement actives (antibiotiques, glucocorticoïdes) directement dans les voies respiratoires.

PRINCIPES DE L’ANTIBIOTHÉRAPIE INHALÉE

L’antibiothérapie inhalée consiste à diluer un antibiotique sous une forme galénique hydrosoluble dans un soluté isotonique et à utiliser les microgouttelettes produites par nébulisation pour le véhiculer dans les voies respiratoires. L’antibiotique est ainsi déposé directement sur le site de l’infection présumée, sans passage systémique. La profondeur de pénétration de l’antibiotique dans les voies aériennes dépend de la taille des microgouttelettes, donc des caractéristiques du matériel utilisé. Plus elles sont petites, plus elles pénètrent profondément dans l’arborisation bronchique. Le diamètre de masse médian est un paramètre, mentionné sur la notice du nébuliseur, qui permet de savoir si l’appareil utilisé est adapté. Un diamètre de masse médian de l’ordre de 4 mm permet un traitement des bronchopathies profondes, tandis que celui de l’ordre de 7 mm est utile pour le traitement des affections nasales et trachéales [7]. À titre informatif, le prix d’un nébuliseur avec ces caractéristiques avoisine 80 €.

UTILISATIONS DE L’ANTIBIOTHÉRAPIE INHALÉE

Bien que l’antibiothérapie inhalée soit fréquemment employée en médecine vétérinaire, notamment en cas d’infection avérée et grave, les données de la littérature sont assez limitées et beaucoup d’empirisme guide son utilisation. À ce jour, seules deux études ont été publiées sur l’usage de la gentamicine pour le traitement des infections trachéo-bronchiques à Bordetella bronchiseptica chez le chien [1, 2]. Chez le chat, aucune donnée publiée n’est disponible. La plupart des informations sont donc extrapolées de l’humain ou du chien.

1. Syndrome coryza chez le chat

Il n’existe actuellement pas de preuve permettant de recommander l’administration intranasale d’antibiotiques pour le traitement des infections bactériennes des voies respiratoires supérieures chez le chat. Des nébulisations de soluté isotonique salé à 0,9 % permettent d’obtenir un effet mucolytique léger et sont efficaces pour éliminer les sécrétions nasales [5].

2. Trachéo-bronchite et broncho-pneumonie bactériennes

L’antibiothérapie inhalée est utilisée en complément de l’antibiothérapie sys­témique lors de trachéo-bronchite ou de broncho-pneumonie bactérienne [4]. Outre l’effet hydratant des voies respiratoires et fluidifiant des sécrétions, les concentrations d’antibiotiques obtenues localement semblent favoriser le contrôle de l’infection. Cette théorie prévaut lors de la prescription de gentamicine inhalée pour le traitement de l’infection à Bordetella bronchiseptica chez le chien [2, 7].

COMMENT PROCÉDER EN PRATIQUE ?

1. Protocole

En médecine féline, il n’existe pas de recommandation établie pour le dosage ou les formulations des antibiotiques à utiliser en nébulisation. Les pratiques les plus fréquentes sont l’utilisation de gentamicine à la dose de 6 à 8 mg/kg une fois par jour, diluée dans 5 à 10 ml de soluté isotonique salé. La solution obtenue est déposée dans le réservoir du nébuliseur. En pratique, il s’agit de l’emploi, hors autorisation de mise sur le marché, de Forticine®, de G4® ou de Pangram® (solution aqueuse administrable par voie intraveineuse). Il convient de ne pas dépasser 25 mg/ml [4]. Il est impossible d’estimer la concentration qui atteint le site de l’infection [6].

2. Mise en place

Afin de maximiser la fraction inhalée et d’optimiser la pénétration des particules dans les voies respiratoires profondes, il est recommandé d’utiliser un masque facial adapté (photo). Toutefois, il est souvent plus pratique de placer l’animal dans une cage de transport recouverte d’un drap. La respiration nasale du chat ainsi que l’anatomie complexe des cavités nasales limitent certainement la pénétration de l’antibiotique dans l’arbre respiratoire profond.

Avant de commencer les nébulisations, il est important d’habituer l’animal au bruit de l’appareil et au port du masque, le cas échéant. Il convient de verser 3 à 5 ml d’un soluté isotonique salé stérile (NaCl à 0,9 %) dans le réservoir du nébuliseur puis d’y ajouter l’antibiotique. Les séances de nébulisation durent entre dix et vingt minutes [7]. Comme toute substance inhalée, les antibiotiques peuvent entraîner une broncho-constriction lors d’hyperréactivité bronchique chez 5 à 10 % des chats [7]. Si des signes d’obstruction bronchique (dyspnée avec sifflements audibles à l’auscultation) sont décelés, un prétraitement à l’aide d’un bronchodilatateur permet de réduire cette réaction et optimise l’absorption de l’antibiotique. La terbutaline, à raison de 0,1 mg par animal (solution injectable de Bricanyl® à 0,5 mg/ml), doit être administrée par voie sous-cutanée quinze minutes avant la séance de nébulisation [3].

UNE UTILISATION CONTROVERSÉE

L’antibiorésistance est une préoccupation de santé publique majeure, notamment lors de prescription répétée d’antibiotiques [6]. L’antibiothérapie inhalée est une pratique empirique dont la balance bénéfice-risque pour l’individu et l’environnement n’a pas été évaluée. Elle expose largement les microbiotes respiratoire, oculaire et cutané, mais cette exposition ne semble a priori pas plus importante que lors d’une antibiothérapie systémique.

Cependant, l’exposition du propriétaire par contact avec le pelage de son animal, où l’antibiotique s’est également déposé, n’a pas encore été mesurée. Il n’existe pas actuellement de recommandations pour limiter la dissémination d’antibiotiques dans l’environnement et l’exposition des propriétaires. D’après la Haute autorité de santé, « l’utilisation de la tobramycine inhalée ne requiert pas de mesure spécifique de protection du patient et de son environnement ». Des règles de bonnes pratiques doivent toutefois être appliquées [2] :

– attendre dix minutes après la fin de la nébulisation pour ouvrir la cage ou soulever la serviette ;

– en cas de recours au masque, se tenir à distance de l’animal et réduire la distance entre le nez et le masque ;

– dans l’idéal, porter un masque et des gants lors de la réalisation des nébulisations.

Références

  • 1. Bemis DA, Appel MJ. Aerosol Nolvasan treatment of Bordetella bronchiseptica in dogs. Vet. Med. Small Anim. Clin. 1977;72 (1):53-55.
  • 2. Canonne MA, Roels E, Menard M et coll. Clinical response to 2 protocols of aerosolized gentamicin in 46 dogs with Bordetella bronchiseptica infection (2012-2018). J. Vet. Intern. Med. 2020;34 (5):2078-2085.
  • 3. Cohn LA. Inhalant drug therapy (Proceedings). DVM 360. 2010.
  • 4. Ettinger SbJ, Feldman EC, Côté E. Textbook of Veterinary Internal Medicine: Diseases of the Dog and the Cat, 8th edition. Elsevier Saunders. 2016:2182p.
  • 5. Lappin MR, Blondeau J, Boothe D et coll. Antimicrobial use guidelines for treatment of respiratory tract disease in dogs and cats: antimicrobial guidelines working group of the International Society for Companion Animal Infectious Diseases. J. Vet. Intern. Med. 2017;31 (2):279-294.
  • 6. Restrepo MI, Keyt H, Reyes LF. Aerosolized antibiotics. Respir. Care. 2015;60 (6):762-761, discussion 771-773.
  • 7. Rozanski EA, Bach JF, Shaw SP. Advances in respiratory therapy. Vet. Clin. North Am. Small Anim. Pract. 2007;37 (5):963-974.

Conflit d’intérêts : Aucun

CONCLUSION

L’aérosolthérapie reste avant tout un moyen d’humidifier les voies respiratoires et de fluidifier les sécrétions. Elle peut servir de vecteur à une antibiothérapie locale lors de la suspicion d’une infection naso-sinusienne ou broncho-pulmonaire importante. L’impact sur les microbiotes environnementaux n’ayant jamais été évalué, le recours à l’antibiothérapie inhalée doit rester occasionnel et respecter les règles de bonnes pratiques.

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