DYSPNÉE CHEZ UNE JEUNE CHATTE - Le Point Vétérinaire n° 437 du 01/01/2023
Le Point Vétérinaire n° 437 du 01/01/2023

TRAUMATOLOGIE

Quel est votre diagnostic ?

Auteur(s) : Grégoire Bonnel*, Léonore Dreuil**

Fonctions :
*CHV Pommery
226 boulevard Pommery
51100 Reims
**Clinique Meridien’Vet
1 bis rue des Gabarres
11000 Carcassonne

PRÉSENTATION CLINIQUE

Une chatte sibérienne stérilisée, âgée de 1 an, est référée pour une dyspnée qui évolue depuis 24 heures et ne répond pas à l’administration de furosémide, d’amoxicilline et de buprénorphine. L’animal présente également une boiterie du membre postérieur gauche. L’examen clinique met en évidence une respiration discordante, profonde et tachypnéique, sans anomalie à l’auscultation cardiaque et pulmonaire. Les muqueuses sont roses. La manipulation des membres pelviens ne révèle pas de douleur. Des radiographies thoraciques sont réalisées afin d’explorer l’origine de la détresse respiratoire (photos 1 et 2).

Qualité et description des images radiographiques

→ L’animal est bien positionné, le contraste et l’exposition des images sont corrects. La qualité des clichés est suffisante pour l’interprétation. Une structure de forme ovoïde, à la densité aérique et délimitée par une fine membrane est observée entre les deuxième et quatrième espaces intercostaux. Elle est située sur la zone de projection de la trachée, dont les contours normaux ne sont pas identifiés à ce niveau. Cette structure sépare deux abouts trachéaux à l’aspect normal, situés respectivement cranialement et caudalement à celle-ci. Une zone de densité aérique est visible autour de la trachée thoracique. Les lobes pulmonaires présentent un volume réduit et une opacification interstitielle marquée. Un contenu aérique est visualisé en périphérie des poumons.

Interprétation et diagnostic

→ Les radiographies sont évocatrices d’un pneumomédiastin et d’un pneumothorax, consécutifs à une avulsion ou une rupture trachéale. Les lésions pulmonaires sont en faveur d’une atélectasie secondaire au pneumothorax, mais des contusions pulmonaires concomitantes ne sont pas exclues.

DISCUSSION

Une avulsion de la trachée thoracique peut occasionner un pneumomédiastin, une lésion diagnostiquée chez 0,0006 % des chats [1, 2, 3]. La cause la plus fréquente est l’intubation pendant une anesthésie générale qui représente 38 % des cas, tandis que des facteurs traumatiques sont identifiés dans 27 % des cas [3]. Chez ce chat, aucune intubation endotrachéale n’a été pratiquée, aucune plaie de morsure n’est apparente et la boiterie du membre postérieur gauche est apparue au même moment que la dyspnée, associée à une luxation sacro-iliaque. Ces commémoratifs sont en faveur de la survenue d’un traumatisme brutal, à l’origine de ces lésions. Un traumatisme peut en effet provoquer une hyperextension du cou conduisant à un déchirement circonférentiel de la trachée intrathoracique [1, 2]. La voie aérienne est maintenue grâce au tissu adventice péritrachéal ou par un épaississement du tissu médiastinal qui crée une « pseudo-trachée ». Les abouts de la trachée peuvent ensuite se sténoser, en raison du processus de cicatrisation, et mener ainsi à une aggravation des signes cliniques [1]. La présentation clinique inclut un emphysème sous-cutané dans 66 % des cas de pneumomédiastin, une tachypnée dans 60 % des cas et une douleur dans 44 % des cas [3]. Des radiographies du thorax permettent d’établir le diagnostic. Chez ce chat, elles montrent un pneumomédiastin, un pneumothorax et une discontinuité des parois trachéales [1, 2]. La trachéoscopie peut être utilisée pour confirmer le diagnostic et permettre une visualisation directe de la rupture circonférentielle ou de la sténose trachéale [1].

L’anesthésie et le traitement chirurgical sont techniquement difficiles. Une thoracotomie droite (au niveau du troisième ou du quatrième espace intercostal) ou une sternotomie peuvent être réalisées. La pseudo-trachée est ouverte et un tube endotrachéal est introduit dans le segment trachéal distal. Les anneaux trachéaux lésés sont réséqués, des points simples discontinus sont préplacés et le tube endotrachéal est retiré avant de réaliser l’anastomose et permettre à nouveau une ventilation classique via ce dernier. Après la correction chirurgicale, le taux de réussite et le pronostic à long terme sont bons, avec un suivi postopératoire de cinq mois à sept ans sans aucun signe clinique rapporté [1, 2].

Références

  • 1. Brockman DJ, Holt DE, ter Haar G. BSAVA Manual of Canine and Feline Head, Neck and Thoracic Surgery, 2nd edition. 2019;(chap. 14):241-246.
  • 2. Johnston SA, Tobias KM. Veterinary Surgery: Small Animal, 2nd edition. Elsevier Saunders. 2017;(chap. 102):1963-1982.
  • 3. Thomas EK, Syring RS. Pneumomediastinum in cats: 45 cases (2000-2010). J. Vet. Emerg. Crit. Care (San Antonio). 2013;23 (4):429-435.

Conflit d’intérêts : Aucun

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