AMPUTATION PÉNIENNE ET URÉTROSTOMIE SCROTALE CHEZ UN CHIEN - Le Point Vétérinaire n° 437 du 01/01/2023
Le Point Vétérinaire n° 437 du 01/01/2023

CHIRURGIE

Chirurgie

Auteur(s) : Mélissa Pottier*, Kévin Minier**

Fonctions :
*(dipECVS)
Oncovet
Avenue Paul Langevin
59650 Villeneuve-d’Ascq

La prise en charge des tumeurs péniennes chez le chien nécessite parfois une amputation du pénis associée à la réalisation d’une urétrostomie scrotale. La procédure est généralement bien tolérée.

Un labrador âgé de 6 ans est référé par son vétérinaire traitant après l’exérèse, deux semaines auparavant, d’un nodule cutané de 2 cm de diamètre environ, situé sur la face dorsale du tiers moyen du pénis.

PRÉSENTATION DU CAS

Diagnostic

L’analyse histopathologique de la masse excisée révèle une tumeur mastocytaire de grade 2 selon Patnaïk (Ki-67 inférieur à 10 %). Les marges d’exérèse sont étroites (inférieures à 5 mm). Un bilan d’extension local et à distance effectué par scanner ne montre pas d’anomalie au niveau thoracique ou abdominal. Une lymphoangiographie, également réalisée par scanner, désigne le nœud lymphatique inguinal gauche comme le nœud lymphatique sentinelle.

Traitement

Une reprise chirurgicale large de la zone est décidée, impliquant une amputation pénienne, afin d’améliorer les marges chirurgicales. L’exérèse du nœud lymphatique sentinelle est également réalisée en vue d’une analyse histo­pathologique.

Après l’induction d’une anesthésie générale, la tonte et l’asepsie de la zone incluant un rinçage du prépuce à la povidone iodée diluée à 5 %, une sonde urétrale est mise en place. Le corps pénien est ensuite abordé et le muscle rétracteur du pénis est ôté après la section de ses attaches. Quelques points résorbables sont posés entre l’albuginée et le tissu sous-cutané afin de limiter les tensions ultérieures sur le site d’urétrostomie. La muqueuse urétrale ventrale est incisée à la lame froide sur 2 cm environ puis apposée à la peau par un surjet résorbable à l’aide d’un fil monofilament 5/0 (photo 1). Une incision elliptique est réalisée autour du pénis en incluant la zone de la cicatrice et des marges de 2 cm autour de celle-ci (photo 2). La base du pénis est disséquée puis sectionnée caudalement à l’os pénien. L’hémostase du corps caverneux est assurée par une fusion tissulaire. La plaie est ensuite suturée de manière conventionnelle et la sonde urinaire retirée (photo 3).

Suivi

L’animal est hospitalisé durant 48 heures pour la gestion de la douleur et la surveillance des saignements au cours de la période postopératoire immédiate. De la vaseline est appliquée trois fois par jour autour de la plaie. L’analyse histopathologique montre quelques foyers tumoraux résiduels de mastocytome cutané, avec des marges supérieures à 2 cm, sans infiltration ganglionnaire.

Un suivi par palpation des nœuds lymphatiques loco-régionaux ainsi qu’un examen échographique de l’abdomen sont conseillés tous les trois mois.

DISCUSSION

Prise en charge du mastocytome

Le mastocytome est la tumeur cutanée maligne la plus fréquente chez le chien (14 à 21 % des cas) [2]. Le diagnostic est souvent établi par l’analyse cytologique après une ponction à l’aiguille fine. Lorsqu’un nœud lymphatique loco-régional est palpable, il peut également être ponctionné [2].

Le pronostic et la mise en place de traitements adjuvants chez le chien atteint de mastocytome (radiothérapie, chimiothérapie, etc.) dépendent du stade de la maladie. Celui-ci est défini par de multiples facteurs cliniques, ainsi que par des analyses cytologiques et/ou histologiques [2]. La “dose chirurgicale”, c’est-à-dire la largeur des marges latérales et profondes, dépend du grade de la tumeur. Il est recommandé d’obtenir des marges saines de 2 cm et d’inclure un plan de fascia sain en profondeur [2]. De nombreuses études visent à affiner ces recommandations, qui pourraient par exemple être adaptées à la taille de la tumeur. Dans le cas présenté, la localisation du mastocytome a nécessité la réalisation de l’amputation pénienne. Le mastocytome métastase souvent en premier lieu au niveau des nœuds lymphatiques de drainage. La recherche du nœud lymphatique sentinelle est donc importante afin d’en réaliser l’exérèse en vue d’une analyse histologique. Plusieurs techniques sont disponibles pour définir le nœud lymphatique sentinelle. La plus accessible en médecine vétérinaire est le lymphangioscanner : l’injection d’un liquide de contraste iodé autour de la tumeur permet d’en suivre le trajet au scanner jusqu’au premier nœud lymphatique de drainage [2].

Amputation pénienne

La réalisation d’une urétrostomie scrotale est courante chez le chien, la première cause étant l’obstruction urétrale par des calculs. Les tumeurs péniennes sont rares dans cette espèce. La plus fréquente est le sarcome de Sticker, une tumeur vénérienne transmissible sexuellement traitée par chimiothérapie et/ou radiothérapie [1].

Chez le chien mâle entier, une castration doit être réalisée afin de dégager le site d’urétrostomie. Une scrotectomie est ensuite pratiquée en prenant garde de conserver suffisamment de peau pour envisager une apposition cutanéo-muqueuse sans tension de l’urétros­tomie. La muqueuse urétrale est fragile et doit être manipulée avec précaution. Il est important de réaliser l’urétrostomie sur une longueur suffisante, le site ayant tendance à se réduire d’un tiers à la moitié de sa taille durant la cicatrisation [2]. L’incision de l’urètre donne souvent lieu à une hémorragie qui doit être contrôlée par pression et ne s’atténue souvent qu’après la réalisation de la stomie [2]. Le port d’une collerette est impératif durant les deux à trois semaines qui suivent l’intervention. Les saignements du site opératoire sont souvent postmictionnels et se prolongent jusqu’à une semaine postopératoire [1]. La complication principale de l’urétrostomie est une déhiscence de la suture qui peut entraîner une sténose du site. Néanmoins, elle est rare chez le chien [1].

L’amputation pénienne présente peu de complications spécifiques et est souvent bien tolérée par l’animal. Une amputation partielle est possible lorsqu’elle permet d’obtenir des marges suffisantes [1].

Références

  • 1. Burrow RD, Gregory SP, Giejda AA et coll. Penile amputation and scrotal urethrostomy in 18 dogs. Vet. Rec. 2011;169 (25):657.
  • 2. Johnston SA, Tobias KM. Penis and prepuce. In: Veterinary Surgery: Small Animal. Elsevier Saunders. 2017:1762-1769.

Conflit d’intérêts : Aucun

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