PERSISTANCE DU CANAL ARTÉRIEL CHEZ UN CHIOT BORDER COLLIE - Le Point Vétérinaire n° 436 du 01/12/2022
Le Point Vétérinaire n° 436 du 01/12/2022

CHIRURGIE

Chirurgie

Auteur(s) : Mélissa Pottier*, Kévin Minier**

Fonctions :
*Oncovet
Avenue Paul Langevin
59650 Villeneuve-d’Ascq

Le canal artériel, nécessaire durant la vie fœtale, se ferme physiologiquement au cours des jours qui suivent la naissance. Sa persistance impose une correction chirurgicale le plus précocement possible dans la vie de l’animal.

Une chienne border collie, âgée de 3 mois, est présentée après la découverte d’un souffle cardiaque lors de la consultation vaccinale. L’animal ne présente aucun symptôme.

PRÉSENTATION DU CAS

L’auscultation cardiaque confirme l’existence d’un souffle systolo-diastolique gauche de grade 5 sur 6, avec la présence d’un thrill palpable en avant du choc précordial. Le reste de l’examen général est normal.

1. Diagnostic

Un examen échocardiographique permet de visualiser la persistance d’un flux gauche-droite dans le canal artériel (vidéo). Le diamètre du canal est mesuré à environ 3 mm. Aucune autre modification architecturale importante du cœur n’est détectée. Une fermeture chirurgicale du canal par thoracotomie est décidée.

2. Traitement

Une thoracotomie intercostale est réalisée au niveau du quatrième espace intercostal gauche. Après la réclinaison caudale des lobes pulmonaires et dorsal du nerf vague, les émergences du tronc pulmonaire et de la crosse aortique sont abordées. Les limites du canal artériel sont visualisées, et le canal est délicatement disséqué afin d’en faire le tour (photo 1). Deux ligatures non résorbables sont mises en place et la disparition du thrill, confirmée par palpation après le serrage des ligatures (photos 2a et 2b). L’incision de thoracotomie est ensuite refermée de manière conventionnelle avec la mise en place d’un drain thoracique.

3. Suivi

Le drain thoracique est retiré 24 heures après l’intervention et l’animal rendu à ses propriétaires. La cicatrisation se déroule sans complications. Un examen échocardiographique effectué un mois après l’intervention montre une fonction cardiaque redevenue normale.

DISCUSSION

1. Étiologie et épidémiologie

Le canal artériel est une structure vasculaire normale qui permet de dévier le sang du tronc pulmonaire vers l’aorte, durant la phase fœtale pendant laquelle il n’est pas nécessaire de perfuser les poumons. Ce vaisseau se ferme au cours des jours suivant la naissance, à la suite de la chute de la pression pulmonaire lors de la première inspiration, et il devient un ligament inerte, le ligamentum arteriosum [2]. La persistance d’un flux dans le canal artériel est l’une des anomalies congénitales cardiaques les plus fréquentes chez le chien. Les femelles sont plus souvent touchées par cette anomalie. Plusieurs races sont prédisposées (bichon, berger des pyrénées, caniche, etc.) [2].

2. Diagnostic

La persistance du canal artériel entraîne le passage d’une partie du sang directement de l’aorte vers le tronc pulmonaire, ce qui entraîne par compensation une surcharge volumique sévère du cœur gauche à l’origine de sa dilatation [2]. Les chiots présentant une persistance du canal artériel ne montrent souvent aucun symptôme initialement, le cœur “compensant” l’anomalie par une augmentation de son débit. Des modifications de la morphologie cardiaque s’installent alors progressivement et peuvent être détectées à l’échographie. Si l’anomalie n’est pas corrigée, une phase de “décompensation” s’ensuit, au cours de laquelle le cœur n’est plus en mesure d’apporter un débit suffisant, et des signes d’insuffisance cardiaque apparaissent (fatigue, œdème pulmonaire, etc.). Une fibrillation atriale peut compliquer la défaillance cardiaque. Les animaux non traités ont une espérance de survie qui dépasse rarement une année [2]. Plus rarement, une hypertension pulmonaire est associée à l’anomalie, inversant le sens du flux dans le canal artériel et entraînant un shunt dans le sens droite-gauche, une hypoxie et une cyanose [2]. L’anomalie est souvent suspectée lors de la première consultation vaccinale du chiot. À l’auscultation cardiaque, un souffle de grade 4 à 6 sur 6 est audible à la base du cœur à gauche. Ce souffle continu, présent en systole et en diastole, ressemble à un “roulement de tambour” [2]. Une vibration, couramment appelée thrill, est souvent palpable cranialement au choc précordial. Un examen échocardiographique est nécessaire afin d’établir le diagnostic, d’évaluer les éventuelles modifications cardiaques associées et de vérifier le sens et la vitesse du flux dans le canal.

3. Traitement et pronostic

Une correction chirurgicale doit être réalisée le plus tôt possible dans la vie de l’animal. Elle est souhaitable dès le diagnostic d’une persistance du canal artériel en présence d’un flux gauche-droite. Les modifications cardiaques ne sont pas toujours réversibles, mais la fermeture du canal est bénéfique, même en cas d’insuffisance cardiaque congestive. Toutefois, il convient de stabiliser ces animaux par une gestion médicale avant l’intervention [2]. Lorsque le flux dans le canal est droite-gauche, la fermeture chirurgicale est contre-indiquée et seule une prise en charge médicale est possible. Le pronostic est alors sombre à court terme [2].

La mise en place d’une ligature par thoracotomie est la technique la plus commune chez l’animal de compagnie. Lors du serrage des ligatures, une augmentation de la pression et une bradycardie sont parfois visualisées et constituent le réflexe de Branham [2].

L’occlusion du canal artériel est également envisageable par voie endovasculaire. Sous contrôle fluoroscopique et/ou par échographique transœsophagienne, un guide est introduit par l’artère fémorale de l’animal et amené dans le canal artériel après son passage dans l’aorte descendante. Un occluder est alors déployé dans le canal, entraînant son occlusion [1]. Cependant, comme ce matériel est coûteux, il n’est pas toujours accessible aux propriétaires d’animaux.

Le pronostic postopératoire est excellent lorsque la fermeture chirurgicale est réalisée tôt, avant les modifications de la morphologie cardiaque. Bien que souvent réversible, l’insuffisance cardiaque associée peut entraîner une augmentation de la morbidité, voire de la mortalité en phase peropératoire. Le principal risque peropératoire est la déchirure du canal qui peut provoquer une hémorragie rapide et sévère, souvent fatale. Cette complication est décrite dans 0 à 10 % des cas selon les études, ce pourcentage étant en grande partie lié à l’expérience du chirurgien [2]. Un léger flux résiduel est parfois visualisé en phase postopératoire, mais n’a souvent aucune répercussion clinique. La chirurgie par déploiement d’un occluder limite le risque hémorragique. Toutefois, un flux résiduel plus important lui est plus fréquemment associé. Des migrations de l’implant sont également décrites [1].

Références

  • 1. Gordon SG, Saunders AB, Achen SE et coll. Transarterial ductal occlusion using the Amplatz Canine Duct Occluder in 40 dogs. J. Vet. Cardiol. 2010;12(2):85-92.
  • 2. Johnston SA, Tobias KM. Patent ductus arteriosus. In: Veterinary Surgery: Small Animal. Elsevier Saunders. 2017:2062-2064.

Conflit d’intérêts : Aucun

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