REPRODUCTION DES NAC
Dossier
Auteur(s) : Céline Levrier*, Lucas Flenghi**
Fonctions :
*Exotic Clinic
38 rue d’Arqueil
77176 Nandy
Face à la demande croissante de méthodes alternatives à la chirurgie de la part des propriétaires, le praticien doit avoir connaissance des effets de l’utilisation des implants de desloréline chez le cochon d’Inde.
Le cochon d’Inde est un animal sociable de plus en plus présent dans les foyers et la demande de stérilisation de convenance est en augmentation car l’espèce est prolifique. Son statut “d’animal fragile” moins tolérant aux interventions chirurgicales que les carnivores domestiques ou les lagomorphes, ainsi que la nécessité d’une gestion de la reproduction dans les groupes, conduisent naturellement à envisager des méthodes de stérilisation peu invasives telles que les implants de desloréline, déjà utilisés chez d’autres espèces.
Le contrôle du cycle sexuel chez les petits mammifères passe par les gonades et l’axe hypothalamo-hypophysaire. L’hypothalamus sécrète l’hormone de libération des gonadotrophines hypophysaires (GnRH), induisant la production d’hormone lutéinisante (LH) et d’hormone folliculo-stimulante (FSH) par l’hypophyse [7]. Ces hormones sont à l’origine d’une stimulation de la sécrétion d’œstrogènes par les ovaires ou de testostérone par les testicules. Ces dernières hormones effectuent quant à elles un rétrocontrôle négatif sur l’axe hypothalamo-hypophysaire (figure) [7].
L’utilisation des implants de desloréline a particulièrement été étudiée chez le furet, chez lequel elle se révèle efficace [1, 6]. La desloréline contenue dans les implants commercialisés (Suprelorin 4,7 mg et Suprelorin 9,4 mg) est un agoniste de la GnRH (photo 1). Sa diffusion continue via l’implant agit, selon un mécanisme pour le moment mal connu, sur l’axe hypothalamo-hypophysaire en bloquant la stimulation de l’hypophyse par l’hypothalamus. Les hypothèses évoquées concernant le mode d’action sont le blocage de la sécrétion pulsatile de la GnRH, l’inhibition des récepteurs hypophysaires à la GnRH ou encore un changement de composition de l’hypophyse, mais à ce jour, aucune étude ne permet de favoriser l’une ou l’autre de ces hypothèses [7].
Il existe encore peu d’études concernant la stérilisation chimique des cochons d’Inde et elles n’incluent qu’un petit nombre d’individus.
En 2015, Kohutova et ses collaborateurs ont étudié l’effet d’implants de desloréline à 4,7 mg sur la fertilité de quinze femelles âgées de 3,5 à 4 mois [3]. Au cours de l’étude, l’implant a été posé au début du troisième œstrus et, pour chaque cochon d’Inde, les dosages d’œstradiol et de progestérone ainsi que l’aspect de la membrane vaginale ont été comparés avant et après la pose. L’étude met en évidence une atténuation incomplète du comportement sexuel, avec une ouverture de la membrane vaginale plus tardive et selon un schéma moins régulier après la pose de l’implant. De plus, si le taux de progestérone est significativement diminué pendant douze mois (après un effet rebond d’environ six jours), aucun changement n’est rapporté sur le taux d’œstradiol. Par ailleurs, un risque augmenté d’infections vaginales et d’atteintes du tractus génital (dont kystes ovariens, hyperplasie endométriale kystique, adénomyose, etc.) est rapporté [4]. Les auteurs concluent donc à l’efficacité des implants de desloréline dans la prévention de la gestation chez le cochon d’Inde femelle, mais en déconseillent l’utilisation en raison des risques d’effets indésirables.
En revanche, une autre étude, menée chez vingt cochons d’Inde mâles âgés de 4 à 12 mois, met en évidence l’inefficacité des implants de desloréline à 4,7 mg pour la castration chimique chez cette espèce [2]. En effet, pendant les cinq mois suivant la pose de l’implant, aucune modification significative n’a été observée, tant pour les dosages de testostérone que pour la spermatogenèse.
Enfin, une étude s’est intéressée à l’utilisation de la desloréline dans le traitement des kystes ovariens, une affection très fréquente chez le cochon d’Inde (photo 2). Parmi eux, les kystes folliculaires (dits sécrétants) peuvent répondre aux injections d’hormone chorionique gonadotrope humaine (hCG). Cependant, les observations semblent montrer que les implants de desloréline ne sont pas efficaces sur les kystes ovariens, bien qu’aucune distinction ne soit faite entre une utilisation sur des kystes sécrétants ou non sécrétants [5, 7]. Ainsi, bien qu’actuellement les données soient peu nombreuses, elles ne sont pas en faveur de la stérilisation chimique des cochons d’Inde. D’autres études devraient être menées afin de confirmer ou d’infirmer ces résultats. Les principales hypothèses avancées sont un dosage insuffisant de desloréline, une spécificité d’espèce dans la liaison entre la GnRH et son récepteur, ou une interaction avec la GnRH spécifique de l’espèce.
Conflit d’intérêts : Aucun
Face à la demande croissante de stérilisation des cochons d’Inde de la part des propriétaires, et en tenant compte du risque opératoire, la stérilisation chimique pourrait apparaître comme une perspective intéressante. Cependant, bien que les données scientifiques soient pour l’heure encore peu nombreuses, elles tendent à déconseiller cette méthode, mettant en évidence une absence d’efficacité chez les mâles et des effets indésirables trop délétères chez les femelles, en comparaison des bénéfices. La stérilisation chirurgicale reste donc actuellement la technique de choix, en privilégiant la castration des mâles qui vivent dans des groupes incluant des femelles, dans un but de gestion de la reproduction.