DERMATOLOGIE
Dossier
Auteur(s) : Line-Alice Lecru
Fonctions : (dipECVD)
Clinique Vet Olympe
205 route des Trois Lucs à la Valentine
13011 Marseille
Étape incontournable pour établir un bilan lésionnel, cet examen permet également de suivre l’évolution d’une otite. En utilisant le matériel approprié, des prélèvements sont envisageables.
La prise en charge d’une otite chez le chien repose sur l’évaluation des facteurs primaires, secondaires, prédisposants et perpétuants. L’examen otoscopique est indispensable lors de gêne auriculaire, de douleur, de port de tête penché, de secouement de tête, d’odeur nauséabonde, de suppurations. Il permet d’objectiver les lésions du conduit auditif externe, les modifications anatomiques liées à la chronicité, d’adapter le traitement et d’apprécier son efficacité. Qu’il soit manuel ou équipé d’une caméra, l’otoscope reste un outil indispensable pour aborder une otite chez le chien.
L’otoscope est un instrument médical qui permet d’inspecter le conduit auditif externe et le tympan (photos 1a et 1b). Il est constitué d’un manche et d’une tête munie d’un système lumineux, d’une lentille grossissante et d’un spéculum jetable ou non. Il focalise de la lumière à l’intérieur de l’oreille pour une vision large et nette de la membrane tympanique et l’exploration des conduits externes à travers une lentille grossissante. Cet éclairage à fibre optique est amélioré par la technologie LED de certains otoscopes. Quelques modèles disposent d’une fenêtre d’observation pivotante qui permet l’insertion simultanée d’une pince (à corps étranger ou à biopsie).
Les spéculums disponibles sur le marché sont en plastique recyclé (à usage unique ou réutilisables) ou en métal stérilisable après une désinfection préalable. Différentes tailles sont proposées afin de s’adapter au gabarit de l’animal (photo 2).
Pour débuter l’examen otoscopique, le spéculum est posé sur l’incisure intertragique. Contrairement à celui de l’humain, le conduit auditif externe du chien est coudé selon un angle de 75°, variable selon les races, avant de se prolonger par une deuxième partie horizontale [2]. Il est nécessaire de prendre en compte cette particularité anatomique lors de l’observation du conduit auriculaire chez le chien. Ainsi, une légère traction du pavillon auriculaire vers le haut permet de rendre le canal rectiligne, ce qui facilite l’exploration des structures proximales (figure 1).
Les deux oreilles doivent être examinées, même lors de la suspicion d’une otite unilatérale. Dans ces cas-là, il est conseillé de commencer par l’oreille la moins affectée. Une désinfection ou un changement de cône de l’otoscope sont toutefois recommandés entre l’examen de chaque oreille [3]. Les embouts doivent être désinfectés et si possible stérilisés après chaque utilisation. D’après une étude de 2006, un trempage de vingt minutes dans une solution antiseptique (Cetylcide II® ou solution de chlorhexidine) serait plus efficace qu’une désinfection à la gaze avec de l’eau, de l’alcool à 70 % ou une solution antiseptique [7].
L’examen otoscopique permet d’apprécier certains paramètres lésionnels regroupés dans le système de gradation appelé score Otis-3 (pour otitis index score) (encadré et figure 2) [8]. Plusieurs anomalies peuvent être mises en évidence, telles que des corps étrangers (qui peuvent aussi être retirés), des parasites comme Otodectes, des bouchons cérumineux, un érythème, une hyperplasie des glandes cérumineuses, une suppuration, des ulcères ou des masses (photos 3 à 8). Des polypes nasopharyngés sont parfois décrits chez le chien, même s’ils sont moins fréquents que dans l’espèce féline. Ils proviennent de la muqueuse du nasopharynx, de la trompe d’Eustache ou de la bulle tympanique et peuvent donc être à l’origine d’otites moyennes et externes. Des tumeurs épithéliales (carcinomes épidermoïdes) et annexielles (follicules pileux, glandes cérumineuses) sont également visualisées [9].
L’examen otoscopique permet en outre de réaliser des prélèvements en vue d’une analyse bactériologique ou de pratiquer une biopsie. Un nettoyage des conduits peut aussi être effectué sous contrôle otoscopique. Enfin, l’appréciation de l’intégrité de la membrane tympanique et une paracentèse, voire une myringotomie (la première étant une ponction, la seconde une incision) ou un flush de la bulle tympanique sont réalisables lors de cet examen.
L’oto-endoscopie offre des avantages en comparaison de l’examen otoscopique conventionnel (manuel) :
– confort d’examen ;
– sensibilité accrue grâce au grossissement permettant la visualisation des lésions de petit calibre ;
– visualisation du canal, des modifications anatomiques, et aide au choix du traitement ;
– visualisation des signes d’inflammation précoces chez un chien prédisposé à la dermatite atopique ;
– observation du tympan et de ses lésions (examen sous irrigation pour évaluer son intégrité) ;
– assistance vidéo pour réaliser des examens complémentaires tels qu’une analyse bactériologique, le retrait de corps étrangers, une biopsie ou le retrait de masses, un nettoyage (avec la possibilité d’utiliser une brosse), une myringotomie, la vidange de la bulle tympanique (extraction de pus ou de mucus) ;
– enregistrement d’images ou de vidéos permettant un suivi de qualité ;
– bon outil de communication avec le propriétaire qui visualise le conduit auditif externe (motivation thérapeutique), capture de photos et de vidéos (photo 9) [3].
Cette technique nécessite parfois une tranquillisation, voire une anesthésie générale, pour le confort de l’animal et de l’opérateur. Enfin, l’oto-endoscopie ne remplace pas les examens d’imagerie plus poussés pour l’exploration des otites chroniques avec suspicion d’atteinte moyenne.
La mise en place d’une anesthésie générale, qui permet de réaliser l’examen otoscopique dans des conditions confortables pour le chien et le vétérinaire, ne doit pas être négligée. Le simple recours à une anesthésie locorégionale du pavillon et du conduit auriculaire externe (bloc auriculaire) est également possible. Dans ce cas-là, une injection de lidocaïne ou de bupivacaïne est réalisée dans le nerf auriculo-temporal et le nerf grand auriculaire (figure 3). Peu de données sont disponibles sur cette technique qui s’inscrit dans le cadre d’un protocole d’analgésie multimodal [5, 10].
La gestion de la douleur est parfois nécessaire pour optimiser l’examen otoscopique en consultation. Une ancienne technique, décrite par McKeever et Richardson, a recours à une association de kétamine (1,36 à 2,2 mg/kg), de midazolam (0,023 mg/kg) et d’acépromazine (0,023 mg/kg) injectée par voie intraveineuse lente. Une sédation de vingt minutes environ est obtenue, permettant l’examen otoscopique et le nettoyage éventuel des deux oreilles [6]. Une solution alternative consiste en l’utilisation de xylazine (à la dose de 1 à 2 mg pour 10 kg de poids par voie intraveineuse) qui assure une sédation de vingt minutes également. La médétomidine (à raison de 20 à 40 µg/kg) est intéressante car elle permet d’obtenir un effet réversible par l’administration d’atipamézole [4].
En cas d’érythème et/ou d’hyperplasie, l’utilisation préalable de corticoïdes topiques ou systémiques pendant deux à trois semaines est nécessaire pour contrôler l’inflammation et la douleur et faciliter l’examen otoscopique [1, 3].
Conflit d’intérêts : Aucun
Le score Otis-3 (otitis index score) est un système de gradation des lésions canalaires, validé dans le cadre de la recherche clinique, qui permet de mieux apprécier l’importance de l’atteinte et de faciliter le suivi. Cette méthode repose sur l’observation de quatre critères dont la sévérité lésionnelle est notée de 0 à 3 : érythème, hyperplasie/sténose, exsudation (cérumineuse et/ou suppurée) et ulcération. Des scores totaux supérieurs ou égaux à 4 sont associés à une otite clinique et des scores inférieurs à 4 caractérisent une oreille normale avec une sensibilité de 91 % et une spécificité de 100 % [8]. La présence d’ulcères et/ou d’hyperplasie est toujours pathologique et nécessite une prise en charge thérapeutique.
L’examen otoscopique est une étape incontournable de la prise en charge d’une otite chez le chien. Néanmoins, il s’inscrit dans une démarche diagnostique et thérapeutique multimodale. L’identification des facteurs primaires, secondaires, prédisposants et perpétuants est indispensable pour prévenir les échecs thérapeutiques. Enfin, il doit être associé aux examens complémentaires d’imagerie, notamment en cas d’atteinte suppurée chronique.