MARQUAGE D’UN NŒUD LYMPHATIQUE SENTINELLE AU BLEU DE MÉTHYLÈNE CHEZ UN CHIEN - Le Point Vétérinaire n° 435 du 01/11/2022
Le Point Vétérinaire n° 435 du 01/11/2022

CHIRURGIE

Chirurgie

Auteur(s) : Mélissa Pottier*, Kévin Minier**

Fonctions :
*(dipECVS)
Oncovet
Avenue Paul Langevin
59650 Villeneuve-d’Ascq

La recherche et l’analyse histopathologique du nœud lymphatique sentinelle d’une tumeur constituent des étapes fondamentales en oncologie, tant pour la détermination du pronostic que pour la mise en place du traitement.

Un cavalier king charles âgé de 5 ans est présenté en consultation après la découverte d’une masse dans la région mandibulaire rostrale gauche qui entraîne des saignements ponctuels lors des repas. Le chien est par ailleurs en très bon état général et aucune autre anomalie n’est détectée lors de l’examen clinique.

PRÉSENTATION DU CAS

Diagnostic

Un examen scanner de la tête et du thorax de l’animal est réalisé. La masse mandibulaire rostrale gauche provoque une lyse osseuse importante, dépasse le plan médian de la symphyse mandibulaire et s’étend caudalement jusqu’à la dent 305. Les nœuds lymphatiques régionaux ont un aspect normal et aucune métastase pulmonaire n’est détectée. Une lymphangiographie, réalisée par injection péritumorale de produit de contraste iodé, révèle le nœud lymphatique mandibulaire gauche comme nœud lymphatique sentinelle. Des cytoponctions à l’aiguille fine de la masse et du nœud lymphatique sont envoyées au laboratoire en vue d’une analyse cytologique. Celle-ci laisse suspecter un carcinome épidermoïde sans cellule métastatique à distance.

Traitement

Une mandibulectomie rostrale est décidée. Après l’induction de l’anesthésie générale et la préparation chirurgicale du chien, une injection de bleu de méthylène est effectuée en périphérie et au sein du tissu tumoral (photo 1). Une dizaine de minutes après l’injection, un abord chirurgical de la zone rétromandibulaire gauche est réalisé. La coloration bleutée du nœud lymphatique permet son repérage immédiat (photo 2). Celui-ci est alors disséqué et retiré pour une analyse histopathologique. La muqueuse buccale est incisée autour de la masse avec des marges de 2 cm. Deux broches intermandibulaires sont mises en place caudalement au site de section, puis les mandibules sont sectionnées à la scie oscillante caudalement aux dents 306 à gauche et 404 à droite. Après l’hémostase des artères mandibulaires et la réalisation de forages d’ancrage osseux, le site est reconstruit en trois plans (photo 3).

Suivi

L’analyse histopathologique de la masse confirme qu’il s’agit d’un carcinome épidermoïde, retiré en marges saines, sans métastase ganglionnaire. Le bilan d’extension étant négatif, une surveillance locale est mise en place via la réalisation d’un scanner loco-régional et thoracique conseillé tous les trois mois la première année.

DISCUSSION

Mandibulectomie

La mandibulectomie rostrale est une intervention chirurgicale bien tolérée chez le chien, avec une reprise de l’alimentation autonome après une phase d’adaptation de quelques semaines.

La mise en place de broches intermandibulaires est controversée, car elle augmente la stabilité de la mâchoire en phase postopératoire, mais peut être source de complications (migration des implants notamment) [2]. La réalisation d’ancrages osseux (forés à l’aide d’une mèche de 1 mm par exemple) dans l’os mandibulaire permet de fixer le tissu sous-cutané profond plus solidement et de diminuer la tension sur les sutures superficielles.

Détermination du nœud lymphatique sentinelle

Le premier nœud lymphatique sur la chaîne de drainage d’un site tumoral prend le nom de sentinelle. La recherche du nœud lymphatique sentinelle est une démarche bien établie en médecine humaine. L’analyse histopathologique de ce nœud lymphatique permet de déterminer s’il existe une invasion loco-régionale, cette éventualité influant directement sur le pronostic, mais surtout sur le traitement à mettre en place [2]. En médecine humaine, l’analyse extemporanée d’un nœud lymphatique retiré chirurgicalement permet également de savoir s’il est indiqué de poursuivre le curetage de la chaîne de drainage (si la pièce examinée est métastatique) ou si cette manœuvre, non dénuée de morbidité, n’est pas nécessaire [1]. De même, un nœud lymphatique métastatique laissé en place pourrait être la source d’une nouvelle dissémination lymphatique et venir assombrir le pronostic [2]. Chez l’animal de compagnie, cette démarche devient courante, la prise en charge des affections oncologiques étant de plus en plus souvent demandée par les propriétaires. L’évaluation de la taille d’un nœud lymphatique (par palpation ou imagerie) n’est pas un critère suffisant pour confirmer ou exclure une métastase loco-régionale [2]. La connaissance anatomique de la localisation des nœuds lymphatiques est importante, mais ne permet pas de prédire quel sera le nœud lymphatique sentinelle. Ainsi, la première étape de la recherche d’un nœud lymphatique sentinelle est réalisée via l’imagerie. Elle est possible par la scintigraphie, mais également par l’examen scanner, plus accessible en pratique courante. Du produit de contraste iodé est injecté dans les tissus péritumoraux ou, a posteriori, dans la cicatrice d’exérèse d’une tumeur. Quelques minutes plus tard, l’examen scanner de la zone permet de repérer le trajet lymphatique menant au nœud lymphatique sentinelle [1].

Si la cytologie est un bon examen de départ (sensibilité autour de 80 % mais avec une variabilité selon le type tumoral), l’examen histopathologique reste la méthode diagnostique de référence [2]. Dans le cas présenté, en l’absence d’une recherche par imagerie du nœud lymphatique sentinelle, il aurait été recommandé de retirer les nœuds lymphati­ques mandibulaires et rétropharyngiens ipsilatéraux et controlatéraux. Cette procédure connaît un taux de morbidité non négligeable, notamment en raison de la formation de séromes.

Repérage peropératoire

Lorsque le nœud lymphatique sentinelle présente une taille normale, son repérage chirurgical est parfois difficile malgré la connaissance anatomique de la zone. De plus, certaines localisations ne permettent pas un curetage agressif (vicinité de structures nerveuses ou vasculaires). Le marquage peut être réalisé directement par une injection échoguidée de colorant dans le nœud lymphatique sentinelle en phase préopératoire. Il est également possible, comme dans le cas décrit, d’injecter le colorant dans la zone péritumorale (ou péricicatricielle) et d’attendre quelques minutes le marquage du nœud lymphatique sentinelle [1]. Dans le cadre des masto­cytomes, l’injection péritumorale est préférable à l’injection intratumorale afin d’éviter le relargage cellulaire. Le bilan d’extension à distance ne doit pas être oublié, la voie hématogène permettant la dissémination de métastases même lorsque le nœud lymphatique sentinelle est sain [2].

Références

  • 1. Brissot HN, Edery EG. Use of indirect lymphography to identify sentinel lymph node in dogs: a pilot study in 30 tumours. Vet. Comp. Oncol. 2017;15 (3):740-753.
  • 2. Johnston SA, Tobias KM. Lymphatic system. In: Veterinary Surgery: Small Animal, 2nd edition. Elsevier, St. Louis. 2018:2600p.

Conflit d’intérêts : Aucun

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