ÉLEVAGE LAITIER
Article original
Auteur(s) : Ellen Schmitt
Fonctions : Bovilogique
12 rue des Merisiers
53700 Villaines-la-Juhel
De plus en plus de publications concernent le bien-être du prétroupeau laitier et son impact sur les performances.
Avec l’agrandissement des cheptels, les effectifs des prétroupeaux ont parallèlement augmenté. La volonté de maîtriser les coûts, la situation sanitaire et la main-d’œuvre sont les principaux facteurs qui ont orienté les changements de méthodologie d’élevage des veaux vers un sevrage précoce, l’utilisation d’un aliment d’allaitement sans poudre de lait écrémé, la mise en place d’une buvée par jour pour les génisses en phase lactée ou d’un abreuvement automatisé sous la forme de distributeurs automatiques de lait, d’un vêlage à l’âge de 2 ans ou encore d’un élevage avec ou sans pâturage.
L’élevage du prétroupeau reste coûteux, laborieux et hasardeux. Une étude américaine récente estime le prix d’élevage d’une génisse entre 1 200 et 2 000 €. Dans ce montant, le coût de la main-d’œuvre représente environ 800 € [17]. Selon une autre étude américaine, l’aspect hasardeux de l’élevage des génisses est illustré par des taux de morbidité et de mortalité estimés autour de 40 % et 8 %, respectivement [31]. Des publications locales françaises (L’Orne, La Bretagne, La Mayenne) laissent à penser qu’en France, ces taux pourraient même être supérieurs. Les mouvements sociétaux demandent aux éleveurs un meilleur respect du bien-être des animaux. Les consommateurs soutiennent un mode de vie jugé « naturel » avec « des interactions sociales ». Ils s’opposent, entre autres, à certaines pratiques d’élevage comme la séparation précoce des veaux de leurs mères et le concept “zéro pâturage” [19, 21]. Pour répondre à cette demande, beaucoup de travaux de recherche ont été lancés avec l’objectif de mieux comprendre les besoins des bovins. Ensuite, des études de terrain ont été menées pour tester les différentes théories et étudier leurs possibilités d’application.
Cet article, qui fait partie d’une série de trois, passe en revue une partie de ces publications [27, 28]. En outre, il s’interroge sur la façon dont les partenaires de la filière pourraient s’inspirer de ces nouvelles informations autour des besoins en bien-être pour améliorer leurs performances, aussi bien sur les aspects sanitaires qu’économiques.
En élevage laitier, la séparation précoce du veau et de sa mère est considérée comme une bonne pratique, puisqu’elle repose sur le concept que la mise en case rapide du veau évite un contact prolongé avec l’environnement des vaches adultes et les préserve de leur microbisme. De plus, l’administration rapide du colostrum en quantité suffisante et dans de bonnes conditions améliore le processus de formation de la microflore dans les intestins du veau, ce qui le protège contre les maladies [15, 25]. Mais les consommateurs s’opposent à cette pratique. Ils privilégient les interactions sociales et la tétée du veau sous la mère (photo 1). Depuis, des études ont été conduites afin d’évaluer les possibilités de faire cohabiter dans les élevages ces deux aspects importants du bien-être : les interactions sociales et la prévention des maladies [2]. Beaver et ses collaborateurs concluent que les données publiées sur le contact veau-vache (aussi appelé cow-calf contact) ne soutiennent pas l’hypothèse selon laquelle une séparation précoce protège contre les maladies [2]. Cependant, ils estiment également que des études complémentaires sont nécessaires pour clarifier plusieurs points. En résumé, leurs conclusions sont les suivantes :
– le contact veau-vache améliore la santé de la vache, puisque la reproduction comme la qualité du lait sont optimisées lorsque le veau est laissé un certain temps avec sa mère. Côté reproduction, l’incidence des non-délivrances est plus faible chez les vaches allaitantes que chez les laitières ;
– l’attachement naturel entre la vache et son veau est clairement démontré, même après des périodes de contact courtes (sept jours). Le revers de la médaille est que l’événement de la séparation (inévitable ?) est associé à des émotions négatives. Des changements sont observés du côté de la mère, dont les vocalisations augmentent et qui montre une réelle volonté de retourner vers son veau, même après une cohabitation courte de sept jours. La séparation diminue (temporairement) la production laitière de la vache et la croissance du veau ;
– les éleveurs qui pratiquent le contact veau-vache constatent que les veaux élevés dans ces conditions sont plus résistants et moins malades. Cependant, ces observations ne sont soutenues par aucun article scientifique valable, comparant réellement l’incidence des maladies entre des situations dans lesquelles le veau tète sa mère à volonté sans apport de colostrum supplémentaire, et des situations dans lesquelles le veau est séparé de sa mère avant de téter et reçoit ensuite une quantité correcte de bon colostrum ;
– étonnamment, le concept du contact veau-vache est aussi bien testé et approuvé dans les bâtiments avec aire paillée que dans les bâtiments équipés de logettes ;
– lorsque le contact veau-vache dure plus de sept jours, le veau consomme alors, dès le 7e jour, du lait susceptible d’être commercialisé.
Dans tous les cas, le veau consomme du lait de remplacement à partir de sept jours de contact avec la vache. Donc, bien que le concept de contact veau-vache ne semble pas facile à mettre en place, il existe des pistes intéressantes pour améliorer simultanément la performance et le bien-être du troupeau. Le contact veau-vache améliore la santé des vaches sans forcément détériorer celle des veaux. En plus, au niveau de la charge de travail, le fait de ne pas être obligé de séparer toute suite le veau de la mère fluidifie la tâche des éleveurs. Dans les élevages équipés d’installations autorisant le contact veau-vache et qui maîtrisent les aspects sanitaires, ce concept pourrait donc être testé.
Le zéro pâturage est devenu un vrai sujet avec la mise en place de l’objectif des vêlages à 24 mois ou moins. Pour que la génisse pèse 600 kg au vêlage, l’objectif de croissance est par déduction de 750 g par jour. Cet objectif est atteignable dans des conditions de logement correct et avec une alimentation couvrant les besoins des animaux, mais elles sont plus faciles à réunir en bâtiment qu’au pâturage. Côté alimentation, la pousse d’herbe est aléatoire et dépend des conditions météorologiques. Même avec un pâturage dynamique tournant, une ingestion d’herbe couvrant les besoins des animaux peut difficilement être garantie. Complémenter la pousse ou la quantité d’herbe disponible, avec l’apport d’autres aliments, apparaît souvent compliqué. Côté logement, les vaches montrent une vraie motivation pour pâturer et adorent l’accès au pâturage [28]. Mais elles sont aussi très demandeuses d’un abri pour se protéger lors de grosses intempéries, surtout pendant les fortes chaleurs. L’ingestion d’herbe et par conséquent la croissance seront fortement réduites pendant ces épisodes.
Reculer l’âge au vêlage et/ou aménager des périodes de croissance compensatrices pour récupérer les retards sont des méthodes parfois appliquées, mais sans résultat convaincant(1). Les vétérinaires sont régulièrement confrontés aux problèmes de performance des lots de génisses qui n’ont pas le poids ou la taille nécessaire au vêlage sans pouvoir inverser ces contre-performances. De nombreuses études autour du pâturage des animaux, y compris des génisses, ont été menées dans les conditions d’élevage actuelles (climat, génétique des animaux et végétaux). Les résultats montrent, là encore, l’importance d’une croissance planifiée et régulière des génisses pour garantir leurs performances et leur longévité. Une génisse qui n’obtient pas le poids minimal de 600 kg au premier vêlage sera pénalisée pour le reste de sa carrière, avec davantage de vêlages dystociques et de problèmes d’infertilité, de moins bonnes performances laitières et une moindre longévité que celle qui s’est développée correctement [16].
Décaler les vêlages pour s’affranchir de la pression d’une croissance de 750 g par jour ne semble pas une solution non plus. Une étude effectuée chez les génisses élevées en bâtiment (115 291 prim’holstein, 113 cheptels) montre que celles qui vêlent avant l’âge de 23 mois ou après 26 mois présentent plus de problèmes de dystocie et des lactations moins performantes [1]. La même chose est observée chez des génisses jersiaises en système de pâturage permanent [18]. De plus, le modèle mathématique utilisé dans cette étude prédit que la production laitière dépend de la croissance avant l’insémination : une génisse qui affiche un gain de 820 g par jour pendant cette période produira 1 120 kg de lait en plus que celle qui connaît, pendant la même période, une croissance de 550 g par jour. En résumé, le système de pâturage des génisses doit favoriser une croissance régulière, soutenue et planifiée. Plusieurs systèmes d’élevage sont actuellement à l’étude [3, 14]. L’objectif est de donner accès à la pâture, mais aussi d’offrir un abri aux animaux. Une alimentation couvrant les besoins des génisses doit aussi être disponible en permanence. Pour les éleveurs, il sera très difficile de faire pâturer les génisses tout en maintenant leur croissance, donc de valoriser les investissements en élevage. Pour autant, il est peu probable que l’envie de faire pâturer les animaux disparaisse. L’aide des vétérinaires peut donc être précieuse pour réfléchir aujourd’hui au système personnalisé idéal de demain.
Actuellement, la loi impose de loger les veaux en groupe à partir de 8 semaines d’âge. Avant cela, ils peuvent être maintenus dans des cases individuelles, à condition d’avoir un contact avec leurs congénères. Toutefois, à l’étranger, certaines laiteries privées ont déjà pris en compte l’importance que les consommateurs accordent aux interactions sociales, en interdisant à leurs producteurs le logement en cases individuelles et en leur imposant la cohabitation d’au moins deux veaux.
L’idée d’isoler les veaux dans des cases séparées date des années 80. L’agrandissement des cheptels et parallèlement l’augmentation du nombre de vêlages et de veaux présents sur le site nécessitaient une amélioration de la gestion sanitaire. Une solution évidente et efficace était alors d’isoler les animaux pour diminuer les risques de maladie. Pourtant, si elle a des effets positifs sur la maîtrise des aspects sanitaires, la séparation des veaux montre également des effets négatifs, en raison de la privation d’interactions sociales et de possibilités d’expression des comportements naturels. Les veaux logés par deux (par paire) connaissent plus de développement social et cognitif que les veaux logés seuls. Ils présentent une meilleure capacité d’adaptation aux changements et une meilleure résistance au stress. Ils supportent mieux les transitions alimentaires ainsi que le sevrage et, par conséquent, bénéficient d’une meilleure croissance [8]. Néanmoins, selon cette étude, une maîtrise des aspects sanitaires est un préalable nécessaire. Jennifer Van Os, de l’university of Wisconsin(2), a publié un guide expliquant aux éleveurs comment passer graduellement d’un système de logement individuel à un système par paire, en insistant notamment sur les avantages du logement par deux, l’influence sur l’incidence des maladies, la gestion de l’hygiène, le choix des veaux, la mise en lot à la suite du logement par paire, la méthode d’alimentation et comment éviter que les veaux se tètent entre eux, ou encore la gestion de l’écornage. Le logement et la gestion des veaux nouveau-nés doivent résulter d’une collaboration essentielle entre éleveurs et vétérinaires. Les éleveurs qui maîtrisent les aspects sanitaires pourraient alors profiter des avantages du logement “par paire”.
L’absence de maladies fait partie des cinq critères retenus pour définir le bien-être animal. Actuellement, le niveau de morbidité élevé des veaux en élevage laitier est déjà un sérieux problème, mais il pourrait l’être encore davantage dans le cadre de la mise en place des exigences liées au bien-être, avec le logement en groupe dès le plus jeune âge. Les questions autour de la gestion de l’immunité, du logement, de l’alimentation et de l’hygiène doivent de nouveau être posées pour ces nouvelles formes de cohabitation. Dans ce contexte, le diagnostic précoce des maladies est un enjeu important, d’autant que la mise en groupe le rend plus difficile. De nouveaux outils pourraient faciliter ce diagnostic précoce (encadré). L’amélioration des conditions d’élevage des veaux est un message récurrent adressé aux éleveurs mais, malgré leur bonne volonté, sa mise en œuvre est souvent complexe.
À partir de 14 jours d’âge, un veau peut être intégré au sein d’un groupe ; plus jeune, il n’est pas encore assez résistant pour supporter la compétition qui règne dans les groupes [13]. La taille des lots a aussi son importance : les regroupements de moins de douze veaux présentent des niveaux de morbidité moindres et les animaux souffrent moins de la compétition autour de la buvée. Les groupes de plus de vingt veaux sont à éviter [23, 30, 32]. En pratique, la question autour de la gestion des entrées et des sorties se pose. Halbach (2022) a proposé une méthode intéressante(3), également applicable avec des effectifs plus réduits (figure 1). Le système fonctionne avec des “groupes”, séparés entre eux par des panneaux pleins (tapis de carrière, panneau sandwich). Plusieurs groupes forment une “unité”. Les règles suivantes s’appliquent :
– la formation d’un groupe étant idéalement de sept jours et pouvant durer quatorze jours au maximum, l’écart d’âge dans un groupe ne peut donc pas dépasser quatorze jours ;
– lorsque le groupe est complet ou que la période de quatorze jours est terminée, l’éleveur commence à former un nouveau groupe ;
– les groupes d’une unité d’élevage se forment en trois semaines au maximum, donc trois semaines après l’entrée du premier veau, plus aucun animal ne doit être ajouté à l’unité ;
– après le sevrage du veau le plus jeune d’un groupe, tous les veaux du groupe doivent quitter l’unité ;
– les groupes se vident progressivement jusqu’à ce que l’unité soit complètement vide ;
– l’unité doit rester vide pendant quatorze jours, le temps du nettoyage et du vide sanitaire.
La pertinence de cette approche réside dans le respect du délai de remplissage maximal. En respectant deux semaines de remplissage pour un groupe et trois semaines pour une unité, l’écart d’âge des veaux reste toujours faible. Ainsi, la transmission des agents pathogènes des animaux plus âgés aux plus jeunes s’en trouve réduite. Bien entendu, le fonctionnement détaillé du système doit être adapté à chaque élevage. Cependant, le protocole mis en place devra s’inspirer de ce concept.
Les surfaces minimales à respecter pour le logement des veaux, définies dans les critères de bien-être, sont de 1,5 m2 pour les veaux de 3 semaines à 3 mois et de 1,7 m2 pour ceux de 3 à 6 mois. Cependant, Halbach préconise une surface de 3,5 m2 pour un veau de 3 semaines et jusqu’à 6,5 m2 pour une génisse de 450 kg [13].
Les observations issues du nesting score des veaux présentent aussi un intérêt du point de vue sanitaire (figure 2) [20]. Ce score juge le confort de couchage du veau par la visibilité de ses membres. Une litière en paille qui couvre complètement les membres offre ainsi un couchage confortable où les veaux peuvent se réchauffer, même dans des conditions plus froides et difficiles. Un score de 3, correspondant à des veaux dont les membres ne sont plus visibles, car cachés par la paille, est donc l’objectif visé. Lago et ses collaborateurs observent dans leurs études que l’incidence des maladies respiratoires augmente dès lors que ce nesting score est inférieur à 3 (p < 0,02
Humidité
L’humidité de la litière est également un élément clé pour la santé des veaux. Ainsi, elle doit toujours être la plus sèche possible. L’incidence des maladies respiratoires augmente avec l’humidité de la litière [4]. Cette corrélation peut s’expliquer par deux phénomènes différents. D’abord, l’humidité impacte le confort, puisque le veau n’arrive pas à se reposer correctement. Ensuite, l’humidité contribue à accroître la quantité de bactéries dans l’air, ce qui facilite leur transmission. Évaluer le degré d’humidité de la litière est facile : il suffit de rester 30 secondes agenouillé dessus, les genoux devant rester secs. Une autre possibilité consiste à examiner les genoux des veaux, qui doivent être secs et propres à tout moment.
La ventilation sert à changer l’air dans un bâtiment, afin de maintenir sa qualité. D’un côté, une ventilation trop forte crée un courant d’air inconfortable pour les animaux. De l’autre, une ventilation trop faible diminue la qualité de l’air dans leur zone de vie. Il y a plusieurs façons d’exprimer la qualité de la ventilation : en mètre cube par heure et par animal, ou en nombre de changements d’air par jour pour un bâtiment. Les normes de ce type de valeurs ne sont pas identiques pour toutes les catégories d’animaux [3]. Des études récentes montrent que ces normes ne doivent pas être considérées comme des valeurs fixes, mais que de nombreux facteurs d’élevage influencent les besoins en ventilation. Le facteur dominant est la densité des animaux. Lorsqu’elle est doublée, la ventilation doit être multipliée par dix, ce qui est impossible sans créer un courant d’air [20]. Dans le cadre de la prévention des maladies respiratoires, il est donc primordial de ne pas surcharger les bâtiments. Là encore, l’humidité dans les locaux, liée aux conditions climatiques ou résultant de l’humidité de la litière, accroît la quantité de bactéries dans l’air [4]. Donc, si l’humidité dans le bâtiment et/ou dans la litière augmente, le niveau de ventilation doit augmenter aussi. D’où l’intérêt de renouveler souvent la paille des veaux. Ces informations sont applicables à chaque élevage : surveiller la surcharge des étables et l’humidité dans l’environnement des veaux est l’un des éléments clés dans la lutte contre les maladies respiratoires.
Les maladies intestinales sont responsables d’une grande partie de la mortalité et de la morbidité observées chez les veaux. Brunauer et ses collaborateurs montrent que, au niveau mondial, la combinaison de rotavirus et de Cryptosporidium parvum est la plus souvent identifiée lors de maladies intestinales [5]. De leur côté, Rodier et son équipe ont passé en revue les données publiées autour de la gestion de ces agents pathogènes en élevage [26].
Des études suggèrent que la présence massive de Cryptosporidium parvum dans les ateliers de veaux laitiers pourrait trouver son origine dans la quantité de lait restreinte proposée aux veaux. Pour faciliter l’ingestion des concentrés, la quantité de lait, entier ou en poudre, est souvent plafonnée autour de 10 % du poids de l’animal. Cependant, les jeunes veaux n’ont pas encore d’enzymes pour digérer l’amidon ; ces enzymes sont produites par le pancréas, encore immature chez ces jeunes animaux. Un groupe de chercheurs des Pays-Bas a étudié la digestion de plusieurs types d’amidon chez les veaux de 13 semaines d’âge [11]. Cette étude montre que, même en cas d’apport très faible d’amidon, la digestion enzymatique n’est pas complète. Mesurée au niveau de l’iléon, la digestion de l’amidon n’est que de 60 %, alors qu’elle est de 97 % pour le lactose. Le reste de l’amidon est digéré par fermentation, qui engendre systématiquement, chez tous les veaux, une baisse du pH dans l’intestin et de la matière sèche dans les bouses. En élevage, des veaux à l’arrière-train souillé sont observés, même en l’absence de maladie. Cette fermentation de l’amidon dans les intestins y modifie le microbiote [9]. Les intestins des veaux exclusivement nourris avec le lait de leur mère pendant les cinq premiers jours de vie, puis avec une poudre de lait, contiennent de nombreux Lactobacillus sp. Lorsque de l’amidon est ajouté à la ration des veaux, la population de Lactobacillus sp. est partiellement remplacée par des Faecalibacterium sp. [10]. Cela peut avoir des conséquences sur la santé intestinale du veau, car Lactobacillus sp. a notamment montré des effets antiparasitaires, entre autres vis-à-vis de Cryptosporidium parvum [29].
La quantité de lait dans les rations des veaux doit-elle donc être revue ? Des observations effectuées au cours d’études menées autour du bien-être des veaux confirment cette orientation. Un veau consomme volontairement au moins 9 litres de lait par jour. Lorsque l’ingestion de lait est restreinte, il développe un sentiment de frustration qui se manifeste par un changement de vocalisations, une diminution du comportement de jeu et une augmentation du nombre de visites au distributeur automatique de lait [24]. Augmenter la quantité de lait par jour et par veau de 10 à 20 % de son poids améliore donc son bien-être, mais probablement aussi sa santé, sa croissance et son futur potentiel laitier. Ces avantages sont à relativiser selon le coût du lait supplémentaire et la main-d’œuvre nécessaire pour sa distribution. Au final, l’adaptation de l’alimentation des jeunes bovins au respect de leur bien-être pourrait diminuer l’incidence des maladies au sein du prétroupeau. Les bonnes conditions d’élevage se reconnaissent d’ailleurs à la propreté des genoux et de l’arrière-train des veaux (photos 2a et 2b).
(1) http://www.fidocl.fr/content/elevage-des-genisses-6-mois-tout-est-joue
(3) https://animalwelfare.cals.wisc.edu/wp-content/uploads/sites/243/2022/06/05-grouping.pdf
Conflit d’intérêts : Aucun
• Le contact entre la mère et son veau améliore la santé des vaches sans détériorer celle des veaux.
• Lorsque les aspects sanitaires sont maîtrisés, les éleveurs pourraient profiter des avantages du logement des veaux “par paire” (davantage d’interactions, meilleure résistance au stress et aux transitions alimentaires, etc.).
• La conduite en groupe des veaux est possible si les écarts d’âge dans chaque groupe et la taille des groupes restent faibles.
• Des outils existent pour évaluer le confort de couchage du veau, notamment l’humidité de la litière.
• Pour permettre une ventilation adéquate, les bâtiments ne doivent pas être surchargés.
Après les vaches, c’est au tour des veaux d’être connectés [6, 7]. Les transpondeurs du distributeur automatique de lait sont adaptés pour récupérer d’une façon organisée des informations autour des buvées (quantité de lait ingérée, vitesse d’ingestion et nombre de visites acceptées et refusées pour le moment) [22]. Ces paramètres, intégrés dans des algorithmes ciblés, vont permettre la détection précoce des maladies grâce au comportement alimentaire des animaux. Ces observations constitueront une aide précieuse pour les éleveurs. Guo et ses collaborateurs ont réussi à développer une technique d’analyse du comportement des veaux dans différentes conditions [12]. Grâce à leur technique et sans doute à d’autres, il sera prochainement possible de définir le comportement normal ou optimal, par exemple concernant les heures de couchage, le temps consacré à l’alimentation, les interactions sociales, etc. La connaissance de profils de comportement va, au niveau d’un groupe de veaux, faciliter le jugement sur la pertinence des conditions d’élevage. La comparaison du profil de comportement observé en condition d’élevage au profil de comportement souhaité permettra de juger objectivement le bénéfice pour le veau de certaines conduites (logement en igloo, alimentation sans poudre de lait écrémé, moment de l’écornage ou du sevrage). De plus, au niveau individuel, des déviations par rapport au profil de “référence” pourraient servir d’indicateurs précoces de maladie.
L’amélioration du bien-être du prétroupeau n’est pas incompatible avec celle de la rentabilité ou des aspects sanitaires. Au contraire, une collaboration fructueuse entre éleveurs et vétérinaires, reposant sur des travaux et des résultats concrets, est possible pour œuvrer dans le sens d’une meilleure prise en compte des besoins des animaux à tous les niveaux : interactions sociales, logement, alimentation, sevrage, etc.