BONNE PRATIQUE DE L’EXAMEN DU CONDUIT AUDITIF EXTERNE LORS D’OTITE CHEZ LE CHIEN - Le Point Vétérinaire n° 435 du 01/11/2022
Le Point Vétérinaire n° 435 du 01/11/2022

DERMATOLOGIE

Dossier

Auteur(s) : Marion Mosca

Fonctions : (dipECVD)
VetAgro Sup
1 avenue Bourgelat
69280 Marcy-l’Étoile

Une évaluation macroscopique puis microscopique de la partie externe de l’oreille permet d’obtenir de nombreux éléments diagnostiques et de préciser certaines caractéristiques de l’otite.

Lorsqu’un chien est présenté en consultation pour une otite, il est important de reprendre les étapes de la démarche diagnostique, communes à toutes les consultations de dermatologie vétérinaire (recueil des commémoratifs et de l’anamnèse, examen clinique général et dermatologique, hypothèses diagnostiques et examens complémentaires). Dans le cadre des otites, les facteurs primaires, secondaires, de prédisposition et d’entretien doivent être envisagés et hiérarchisés (figure). Il est possible d’identifier ces facteurs grâce à un examen attentif, minutieux et rigoureux du conduit auditif externe du chien.

1. RAPPELS ANATOMIQUES SUR LE CONDUIT AUDITIF EXTERNE

L’oreille du chien est composée de trois parties : l’oreille externe, l’oreille moyenne et l’oreille interne. Cet article s’intéressera seulement à l’oreille externe.

L’oreille recueille et conduit les ondes sonores jusqu’au tympan. Elle est composée du pavillon auriculaire et du conduit auditif externe. Ce dernier commence à la base du pavillon et il est possible de le localiser, juste au niveau de l’incisure inter­tragique (entre le tragus et le processus médial de l’anti­tragus) (photo 1). Sa longueur varie de 3 à 10 cm selon la race. Le conduit est divisé en deux parties, l’une verticale et l’autre horizontale. Il est recouvert de peau et contient des follicules pileux ainsi que des glandes sébacées et sudoripares. Dans cette zone, les glandes sudoripares, appelées glandes cérumineuses, sont spécialisées et plus nombreuses dans la partie verticale du canal [6, 8]. Les sécrétions normales de l’oreille, appelées cérumen, se composent des cornéocytes qui desquament naturellement et des productions des glandes. La migration épithéliale correspond au mouvement des kératinocytes depuis le centre du tympan vers l’extérieur du canal auditif. Elle permet le renouvellement du revêtement épithélial du tympan et du conduit auditif externe et l’extériorisation progressive du cérumen, empêchant l’accumulation de ce dernier et le développement d’agents pathogènes [7]. Physiologiquement, la face interne du pavillon auriculaire et l’entrée du conduit auditif sont peu velues et ne présentent pas de lésions cutanées.

2. OBSERVATION DE L’ENTRÉE DU CONDUIT AUDITIF EXTERNE

Une observation attentive de l’entrée du conduit permet d’évaluer différents éléments. Un facteur prédisposant d’otite, comme l’hypertrichose, peut être suspecté et sera confirmé par l’examen otoscopique de l’ensemble du conduit auditif externe. Une sténose du conduit, liée à la race ou à un facteur d’entretien, est parfois visible (shar-peï, races brachycéphales). Ainsi, une étude montre que chez les races brachycéphales, les marges osseuses latérales du conduit auditif sont plus petites et la sténose est significativement plus fréquente que pour les autres races [9]. Une dermatite de contact à un topique auriculaire peut être suspectée en fonction des lésions du pavillon et de l’entrée du conduit auditif et selon l’anamnèse (érythème marqué, vésiculations, desquamation, croûtes, ulcères) [6]. Un tissu prolifératif et nécrosé, très évocateur d’une otite proliférative, peut également être mis en évidence lors de cet examen [1].

De plus, des lésions sont fréquemment présentes sur la face interne du pavillon auriculaire et à l’entrée du conduit, témoignant de la sévérité et de la chronicité de l’otite. L’observation d’un érythème sévère associé à des sécrétions jaunâtres et à des ulcères est souvent le signe d’une otite suppurée à bacilles, dont la gestion sera plus complexe qu’une otite caractérisée par un érythème modéré et des sécrétions brunâtres. Un érythème et une lichénification accompagnent fréquemment les otites chroniques. Après un traitement quotidien de longue durée à base de dermocorticoïdes, il est possible d’observer la présence d’une peau fine et squameuse. Une sténose due à une otite (facteur perpétuant) peut être évaluée dès l’exploration macroscopique du conduit auditif externe (photos 2a à 2d).

3. RÉCOLTE DU MATÉRIEL PRÉSENT DANS LE CONDUIT AUDITIF EXTERNE

Il existe différentes techniques pour récolter le contenu du conduit auditif externe. Quelle que soit la technique choisie, il est primordial d’effectuer une bonne contention de l’animal, à la fois pour assurer sa sécurité, car une otite est généralement une affection particulièrement douloureuse, et pour éviter de blesser l’animal (curette de Volkmann) ou de casser le manche de l’écouvillon dans l’oreille.

Pour observer les parasites Otodectes cynotis, l’utilisation d’une curette de Volkmann semble plus pertinente (sensibilité de 93 %) que celle d’un coton-tige (57 %) (photos 3a et 3b). Cette sensibilité atteint une valeur de 100 % lorsque le prélèvement est associé à une observation otoscopique [3]. Dans une étude, de l’huile de paraffine tiède a été instillée dans les oreilles de chatons chez lesquels un examen otoscopique avait montré la présence d’Otodectes cynotis. La récupération et l’observation de cette huile ont permis la mise en évidence du parasite dans la totalité des cas [5].

Les otites érythémato-cérumineuses dues à Demodex sp. sont rares. La visualisation des Demodex est possible via la récolte du cérumen à l’aide d’un écouvillon ou par l’instillation d’huile minérale, récupérée ensuite à la seringue. L’écouvillon est conseillé pour récupérer le contenu du conduit auditif externe (cérumen, cellules inflammatoires, agents infectieux secondaires) et réaliser un examen cytologique après l’étalement sur une lame de verre [4].

4. VISUALISATION MACROSCOPIQUE DU CÉRUMEN

Lorsque le contenu du conduit auditif externe est recueilli, il est important de l’observer à l’œil nu. Sa couleur, brune ou jaune, permet en effet d’orienter le praticien sur la nature érythémato-cérumineuse ou suppurée d’une otite. Un cérumen abondant, très sec et foncé (noir) est fréquemment observé en cas de gale d’oreille, mais n’est pas pathognomonique de cette affection. L’aspect visqueux (similaire à du mucus nasal) peut évoquer la présence d’un biofilm (photos 4a et 4b).

5. OBSERVATION MICROSCOPIQUE DU MATÉRIEL PRÉLEVÉ DANS LES CONDUITS AUDITIFS EXTERNES

Examen direct

L’examen direct est réalisé par l’application du matériel prélevé sur une lame recouverte de liquide (hydroxyde de potassium, huile minérale ou chloral-lactophénol). Si le prélèvement est sec et ferme, il convient de le dilacérer dans le liquide à l’aide d’une lame de scalpel et de l’homogénéiser avant d’y appliquer une lamelle. L’observation au microscope s’effectue avec le diaphragme fermé, au petit grossissement (objectif 4 ou 10). Toute la lame doit être balayée. Cet examen permet de confirmer ou d’infirmer les hypothèses de gale d’oreille due à Otodectes cynotis et d’otite due à Demodex sp. (photos 5a et 5b) [2]. La présence de ces parasites confirme le diagnostic, l’absence de Demodex infirme le diagnostic, mais l’absence d’Otodectes doit être interprétée avec précaution car la technique de prélèvement peut avoir une sensibilité plus faible.

Examen cytologique

L’examen cytologique est possible à la suite de la fixation et de la coloration du prélèvement. Il convient d’étaler le contenu du conduit auditif récolté à l’aide d’un écouvillon sur une lame identifiée (oreille droite ou gauche) (photo 6a). Il est conseillé de toujours réaliser un prélèvement sur les deux oreilles, avec un écouvillon par oreille (même en cas d’otite unilatérale) [2].

En dermatologie vétérinaire, la coloration RAL®555 est classiquement utilisée, variante rapide de la coloration de May-Grunwald Giemsa. Le kit est composé de trois flacons : un fixateur violet clair (méthanol), un colorant rose vif (éosine) et un colorant violet foncé (bleu de méthylène). Pour observer le prélèvement, il suffit de plonger la lame durant cinq secondes dans chaque bain dans l’ordre énoncé ci-dessus, en l’égouttant à chaque fois. L’excèdent de colorant est enlevé en plaçant la lame sous un mince filet d’eau, puis cette dernière est séchée en la tapotant avec un papier absorbant propre.

La lame colorée doit être placée sous le microscope, diaphragme ouvert. Une visualisation au petit grossissement (objectif 4) permet de sélectionner une zone d’intérêt avant d’augmenter le grossissement (objectif 100). Les bactéries ne sont visibles qu’à l’immersion, alors que les Malassezia peuvent être observées à l’objectif 40 même si elles sont plus faciles à reconnaître à l’immersion également.

Les polynucléaires neutrophiles sont visibles au plus petit grossissement (objectif 4), mais il est intéressant de les observer au plus fort grossissement pour mettre en évidence d’éventuelles images de phagocytose. Par exemple, lors d’otite due à une cellulite juvénile, des polynucléaires neutrophiles, des macrophages et parfois des hématies sont visibles en l’absence d’agent infectieux. Enfin, il est possible d’observer du biofilm, le grossissement × 1 000 étant alors le plus intéressant, car il met en évidence les bactéries protégées à l’intérieur du matériel protéiforme visible (photos 6b à 6f).

Il est indispensable de caractériser les agents infectieux présents, l’aspect suppuré et le biofilm de l’otite pour établir le diagnostic et mettre en place un traitement adapté et efficace.

Références

  • 1. Aslan J, Shipstone MA, Mackbie JT. Carbon dioxide laser surgery for chronic proliferative and obstructive otitis externa in 26 dogs. Vet. Dermatol. 2021;32 (3):262-e72.
  • 2. Carlotti DN, Pin D. Diagnostic dermatologique : approche clinique et examens immédiats, 2e édition. Masson-Afvac, Paris. 2007:69-81.
  • 3. Combarros D, Boncea AM, Brément T et coll. Comparison of three methods for the diagnosis of otoacariasis due to Otodectes cynotis in dogs and cats. Vet. Dermatol. 2019;30 (4):334-e96.
  • 4. Griffin CE. Otitis techniques to improve practice. Clin. Tech. Small Anim. Pract. 2006;21 (3):96-105.
  • 5. Lefkaditis MA, Koukeri SE, Mihalca AD. Prevalence and intensity of Otodectes cynotis in kittens from Thessaloniki area, Greece. Vet. Parasitol. 2009;163 (4):374-375.
  • 6. Miller WH, Griffin CE, Campbell KL. Muller and Kirk’s Small Animal Dermatology, 7th edition. Elsevier. 2012:300.
  • 7. Tabacca NE, Cole LK, Hillier A et coll. Epithelial migration on the canine tympanic membrane. Vet. Dermatol. 2011;22 (6):502-510.
  • 8. Tobias KM, Johnston SA. Veterinary Surgery: Small Animal, 2nd edition. Saunders. 2018:2054-2055.
  • 9. Töpfer T, Köhler C, Rösch S et coll. Brachycephaly in French bulldogs and pugs is associated with narrow ear canals. Vet. Dermatol. 2022;33 (3):214-e60.

Conflit d’intérêts : Aucun

CONCLUSION

Pour établir le diagnostic d’otite, il convient de confirmer ou d’infirmer les hypothèses diagnostiques à l’aide des examens complémentaires. L’objectif est de pouvoir décrire cette affection d’une façon précise : otite unilatérale ou bilatérale, érythémato-cérumineuse ou suppurée, le ou les facteurs primaires, le ou les facteurs secondaires (cocci, bacilles, Malassezia classiquement), otite externe ou moyenne (une caractéristique déterminée après l’examen otoscopique). Si des facteurs prédisposants sont identifiés, il est important de les préciser également. Grâce à une évaluation approfondie du conduit auditif externe, de nombreux éléments du diagnostic peuvent être mis en évidence. Le diagnostic final sera établi à l’aide d’un examen otoscopique, voire par le biais d’examens d’imagerie plus poussés.

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