BILAN D’EXTENSION LORS D’OTITE EXTERNE CHRONIQUE CHEZ LE CHIEN - Le Point Vétérinaire n° 435 du 01/11/2022
Le Point Vétérinaire n° 435 du 01/11/2022

DERMATOLOGIE

Dossier

Auteur(s) : Pauline Panzuti*, Robin Cavalerie**

Fonctions :
*(dipECVD)
Centre hospitalier vétérinaire
Languedocia
395 rue Maurice Béjart
34080 Montpellier
**(résident ECVN)

Lorsqu’une otite évolue depuis plus d’un mois et ne répond pas au traitement de première intention, il convient de poursuivre les investigations via la réalisation d’un examen au scanner ou par résonance magnétique, selon les signes cliniques observés.

La plupart des otites rencontrées en pratique courante sont aiguës (moins d’une semaine d’évolution) et n’affectent que le conduit auditif externe. Le diagnostic de ces otites repose sur un examen du cérumen (direct et cytologique) ainsi que sur un examen otoscopique ou oto-endoscopique minutieux, sans que d’autres investigations se révèlent nécessaires. Néanmoins, en cas d’otite externe récidivante ou chronique, ou lors de l’apparition de certains signes cliniques neuro­logiques, un bilan d’extension de l’otite, à l’aide d’examens d’imagerie médicale spécifiques, est indispensable afin de rechercher la cause primaire, comme une tumeur par exemple, et/ou les facteurs d’entretien non identifiables à l’examen otoscopique, en particulier s’il s’agit d’une otite moyenne et/ou interne ou d’une calcification du cartilage auriculaire.

1. RAPPELS ANATOMIQUES ET DÉFINITIONS

L’oreille moyenne est constituée de la cavité tympanique remplie d’air, des trois osselets (marteau, enclume et étrier) et de la membrane tympanique (figure). La cavité tympanique est composée de trois parties : le récessus épitympanique contenant la tête du marteau et l’enclume, la cavité tympanique (ou mésotympan) au sens strict, juste en arrière du tympan, et la cavité ventrale, large cavité formée par la bulle tympanique (ou hypotympan). La cavité tympanique est recouverte d’un épithélium squameux simple ou cuboïde. L’oreille moyenne est reliée au nasopharynx par la trompe auditive (ou trompe d’Eustache). L’otite moyenne se caractérise par une inflammation ou une infection d’une ou de plusieurs portions de la cavité tympanique. De son côté, l’oreille interne contient les organes sensoriels impliqués dans l’audition et le système vestibulaire. Localisée dans la partie pétreuse de l’os temporal, elle est composée d’un labyrinthe osseux moulant un labyrinthe membraneux qui forme d’une part le centre de genèse des signaux afférents vestibulaires (composé par le vestibule, le saccule, l’utricule et les canaux semi-circulaires), et d’autre part la cochlée impliquée dans l’audition. Une otite interne correspond à une inflammation ou à une infection de l’une de ces structures.

Les oreilles moyenne et interne sont étroitement associées à de nombreuses structures nerveuses. Cela explique les différents signes cliniques nerveux susceptibles d’être observés lors d’une atteinte de ces formations anatomiques. Les nerfs postganglionnaires du système sympathique oculaire voyagent du ganglion cervical cranial, localisé ventro-médialement, à la bulle tympanique et aux structures oculaires. Leur trajet n’est pas parfaitement défini dans la région de la bulle tympanique, mais en est très proche, puisqu’ils cheminent au sein de sa lumière ou le long de sa paroi médiale. Ces nerfs innervent les muscles périorbitaires, le muscle dilatateur de la pupille, ainsi que les muscles des paupières (dont celui de la membrane nictitante). Le nerf vestibulo-cochléaire (nerf crânien VIII) rejoint, via le méat acoustique interne, les structures de l’oreille interne situées dans la partie pétreuse de l’os temporal. Il transporte les signaux afférents vestibulaires et auditifs vers l’encéphale et il s’agit donc d’un nerf sensitif essentiel aux fonctions d’audition et d’équilibre. Le nerf facial (nerf crânien VII) émerge avec le nerf vestibulo-cochléaire via le méat acoustique interne, puis il transite dans le canal facial de la partie pétreuse de l’os temporal qui s’ouvre dans la cavité tympanique. Il ressort ensuite de l’os temporal par le foramen stylo-mastoïdien pour longer le conduit auditif externe ventro-rostralement. Le nerf facial innerve les muscles responsables de l’expression faciale (oreilles, paupières, nez, lèvres). Il contrôle également, par un contingent parasympathique, les productions des glandes lacrymales et nasales [2, 5, 11].

2. LES TECHNIQUES D’IMAGERIE AVANCÉE EN OTOLOGIE

Bien que disponible dans la quasi-totalité des structures vétérinaires et peu coûteuse, la radiographie n’est pas adaptée au bilan d’extension des otites en raison de la complexité de cette région anatomique et des superpositions osseuses multiples au sein de l’os temporal. L’évaluation radiographique du conduit auditif externe et de l’oreille moyenne requiert de nombreuses vues avec des positionnements précis de l’animal qui demandent une sédation poussée ou une anesthésie générale. De plus, l’interprétation des clichés nécessite une bonne expertise. Pour toutes ces raisons, l’examen radiographique est considéré comme peu sensible et, dans 25 à 30 % des cas d’otite moyenne, aucune anomalie n’est radiographiquement visible.

La radiographie a donc laissé la place aux techniques avancées que sont le scanner ou l’imagerie par résonance magnétique (IRM). Cependant, ces examens doivent être prescrits de manière raisonnée, selon les commémoratifs, l’anamnèse, l’examen du système nerveux, celui du cérumen et l’examen otoscopique ou oto-endoscopique du conduit auditif externe. En effet, dans de nombreux cas d’otite externe aiguë, ils n’apportent aucune information supplémentaire par rapport à celles obtenues par les examens précédents. De plus, ils doivent être réalisés et interprétés par des praticiens qui possèdent cette expertise afin d’en extraire le maximum d’informations. Enfin, une anesthésie de mauvaise qualité, un positionnement inadapté ou un paramétrage incorrect altèrent considérablement la qualité des clichés obtenus.

Une position en décubitus sternal ou dorsal, qui garantit l’obtention d’images parfaitement symétriques, est donc indispensable.

Le scanner

Le scanner offre une meilleure résolution que la radiographie conventionnelle et résout les difficultés d’interprétation liées aux superpositions osseuses de la région temporale. Le traitement des images après l’acquisition va en outre mettre l’accent sur les structures osseuses et/ou les structures tissulaires. Comme avec la radiographie conventionnelle, les structures osseuses ou minéralisées sont hyperatténuantes et apparaissent blanches, les tissus mous et les liquides sont d’atténuation intermédiaire et apparaissent dans un dégradé de gris, la graisse est hypoatténuante et affiche un gris sombre proche du noir (photo 1). Les produits de contraste sont utilisés de la même façon qu’en radiologie conventionnelle. Le temps d’acquisition des images est relativement court, entre cinq et dix minutes environ. Le scanner permet une évaluation détaillée des structures osseuses. En l’absence de signes cliniques nerveux, il est l’examen de choix lors d’un bilan d’extension d’otite du fait d’une meilleure accessibilité, d’une anesthésie plus courte et d’un coût moins important qu’un examen d’IRM [4, 11]. L’analyse par un radiologue expérimenté, connaissant bien les variabilités anatomiques propres à chaque race canine, est primordiale. En effet, un certain nombre “d’anomalies” peuvent être physiologiques chez certaines races : les spaniels et les brachycéphales tels que le bouledogue français et le carlin ont un conduit auditif externe étroit, tandis que les races chondrodystrophiques peuvent présenter des minéralisations des parois. Les races brachycéphales, principalement le cavalier king charles, présentent parfois une accumulation de matériel liquidien (mucus) sans otite externe associée, probablement due à un dysfonctionnement du tube auditif conduisant à un défaut d’évacuation. Les principales anomalies recherchées sont :

– un épaississement ou une sténose du conduit auditif externe ;

– un rehaussement pariétal des conduits ;

– une minéralisation pariétale du conduit auditif externe ;

– la présence de matériel dans les conduits auditifs externes ;

– la présence de matériel dans les cavités tympaniques et son intensité ;

– l’épaississement et le rehaussement de la muqueuse de la paroi de la bulle tympanique ;

– un changement de contour de la bulle tympanique ;

– un épaississement ou une lyse de la paroi de la bulle tympanique ;

– des anomalies au niveau des structures environnantes (photos 2 à 5).

L’imagerie par résonance magnétique

L’IRM repose sur les propriétés magnétiques de l’atome d’hydrogène exploitées par l’utilisation combinée d’un champ magnétique externe et d’ondes de radiofréquence pour créer une image en coupe. Les structures dites hyperintenses selon une certaine pondération apparaissent en blanc et les structures dites hypo-intenses apparaissent en noir, avec des variations suivant les séquences utilisées. L’IRM permet un examen détaillé des tissus mous bien supérieur à celui du scanner. En revanche, le temps d’acquisition des images est plus long, soit entre 30 et 90 minutes selon le modèle. Néanmoins, de nouveaux protocoles d’IRM “bulla mini-scan” se développent et permettent de réduire ce temps à 15 minutes environ [7]. Même si le scanner et l’IRM sont complémentaires, cette dernière est la technique de choix en cas d’otite associée à des troubles nerveux car elle permet une bonne visualisation du labyrinthe membraneux, ainsi que des structures nerveuses périphériques et centrales en cas d’extension intracrânienne (photos 6a et 6b). En revanche, sa sensibilité est inférieure pour les lésions osseuses telles qu’un début d’ostéolyse de la bulle tympanique ou une calcification du conduit auditif externe [4, 10]. Les principales anomalies recherchées sont les mêmes qu’au scanner, avec une meilleure sensibilité pour les atteintes des tissus para-auriculaires, du labyrinthe membraneux, de l’oreille interne, des nerfs à proximité, ainsi que des méninges et du tronc cérébral en regard de l’oreille interne affectée.

3. LES OTITES MOYENNES

Étiologie

Une otite moyenne peut être aiguë (évolution inférieure à une semaine) ou chronique (évolution supérieure à un mois). Elle peut se développer par voie descendante à partir d’une affection du conduit auditif externe, par voie ascendante lors de l’extension d’une affection du nasopharynx via le tube auditif (principalement chez le chat), par le biais d’une affection primaire concernant uniquement la cavité tympanique (tumeur ou otite moyenne primaire sécrétante) ou encore, très rarement, par voie hématogène. Les otites moyennes sont communes chez le chien et dérivent dans la grande majorité des cas de l’extension d’une otite externe, en particulier en cas d’otite suppurée, ou lorsqu’un corps étranger perfore la membrane tympanique. En l’absence de troubles nerveux, une otite moyenne est difficile à distinguer d’une otite externe. Même si la présence d’un tympan percé est souvent associée à une otite moyenne, celui-ci n’est pas toujours facilement identifiable. D’après une étude récente, le tympan n’est pas visualisé dans 34 % des cas et, particulièrement chez les races brachycéphales, il est difficilement repérable même en l’absence d’otite externe [7, 12]. De plus, il est démontré que 15 % des tympans sont intacts lors de l’observation otoscopique, même en présence d’une otite moyenne [7]. Par conséquent, l’observation d’un tympan intact et à l’aspect proche de la normale ne permet pas d’éliminer l’hypothèse d’une otite moyenne.

Une étude rétrospective récente menée chez 250 chiens révèle que 40 % des animaux souffrant d’une otite externe chronique depuis plus de six mois ont présenté des anomalies de l’oreille moyenne au scanner, dont 18 % une cavité tympanique remplie de matériel, 20 % un épaississement de la paroi de la bulle tympanique et 3 % une lyse osseuse de la bulle tympanique [1]. En outre, des anomalies de la cavité ou de la bulle tympanique sont observées dans 57 % des cas d’otite externe suppurée versus seulement 23 % des cas d’otite externe érythémato-cérumineuse. En effet, la présence de cellules inflammatoires telles que des granulocytes neutrophiles pourrait entraîner la production de cytokines pro-inflammatoires et de protéases susceptibles de provoquer la rupture de la membrane tympanique. Enfin, 70 % des cas d’otite externe proliférative ont présenté des signes d’otite moyenne au scanner [1]. Une deuxième étude confirme ces résultats : 21 % des chiens atteints d’otite externe chronique ont aussi présenté une otite moyenne, et le risque était majoré avec l’observation de cellules inflammatoires à l’examen cytologique du cérumen [7]. L’existence d’une otite externe proliférative chronique ou d’une otite externe suppurée chronique doit donc impérativement faire suspecter une otite moyenne concomitante [5, 7, 12]. Quelques cas particuliers peuvent être distingués, tels que l’otite primaire moyenne sécrétante et le tympanokératome (encadré).

Signes cliniques

Une otite moyenne doit être suspectée lors :

– de tympan percé ou présentant un aspect anormal ;

– d’une otite récidivante ou chronique (plus d’un mois d’évolution) malgré des traitements adaptés et bien conduits, en particulier en cas d’otite suppurée ou proliférative ;

– d’une paralysie faciale et/ou d’un syndrome de Claude Bernard-Horner, mais aussi de l’apparition d’un syndrome vestibulaire périphérique ou central (seulement s’il existe une atteinte concomitante de l’oreille interne avec ou sans extension intracrânienne) ;

– d’une surdité de conduction partielle ou totale ;

– d’un prurit ou d’une douleur auriculaire en l’absence d’otite externe ;

– de douleurs à la mastication ou à l’ouverture de la bouche.

Lors de paralysie faciale (atteinte du nerf VII), une ptôse de la babine et de la paupière inférieure, un ptyalisme unilatéral, une absence de fermeture de la fente palpébrale et une diminution ou une absence du réflexe palpébral et de la réponse à la menace peuvent être observés du même côté que l’oreille atteinte. Très rarement, une kérato-conjonctivite sèche ou une hyperkératose nasale ipsilatérale sont notées, dues à l’altération d’innervation parasympathique des glandes lacrymale et nasale. Toutefois, bien qu’une paralysie faciale puisse survenir lors d’otite moyenne, la cause la plus fréquente de ce trouble nerveux chez le chien reste la neuropathie faciale/vestibulaire idiopathique. La différenciation de ces deux entités est effectuée le plus souvent grâce à l’IRM.

Le syndrome de Claude Bernard-Horner (secondaire à une atteinte des nerfs postganglionnaires du système sympathique oculaire voyageant dans la cavité tympanique) se caractérise par une énophtalmie, un myosis, une procidence de la membrane nictitante, une ptôse de la paupière supérieure et une hyperhémie conjonctivale. En cas d’otite moyenne, un test à la néosynéphrine entraîne une rémission rapide des signes cliniques (en moins de 20 minutes).

Imagerie

La principale anomalie observée lors d’otite moyenne aiguë est une accumulation de sécrétions dans la cavité tympanique. Une concentration de matériel liquidien dans la cavité tympanique, sans inflammation, peut être visualisée en particulier chez le cavalier king charles ou d’autres races brachycéphales. Cependant, lors d’otite moyenne chronique, la présence de sécrétions est souvent associée à un épaississement de la paroi de la bulle tympanique dû à la présence d’un tissu de granulation. En effet, l’inflammation chronique au sein de la cavité tympanique entraîne des modifications du mucopérioste, l’épithélium de revêtement de la bulle tympanique. Celui-ci passe d’un épithélium cuboïdal à un épithélium pseudo-stratifié cylindrique. Le chorion sur lequel le mucopérioste repose s’épaissit en réponse à l’inflammation chronique et un tissu de granulation se forme. Plus tard au cours de l’évolution, une ostéite de la bulle tympanique est parfois observée, voire une ostéolyse. D’autres causes d’otite moyenne, telles qu’un tympanokératome ou une tumeur de l’oreille moyenne bénigne (polype, adénome) ou maligne (adénocarcinome, carcinome épidermoïde), pourront aussi être identifiées (photo 7) [5].

4. LES OTITES INTERNES

Étiologie

Chez le chien, une otite interne se développe dans la grande majorité des cas par l’extension d’une otite externe et moyenne à l’oreille interne.

Signes cliniques

Tous les symptômes précédemment décrits lors d’otite moyenne peuvent être observés. De plus, un syndrome vestibulaire est parfois présent, signant l’éventualité d’une otite interne ou d’une extension intracrânienne (une otite moyenne seule n’induit pas de syndrome vestibulaire). Dans une étude récente, les otites internes, associées ou non à une otite moyenne, représentent la deuxième cause de syndrome vestibulaire chez le chien (26 % des cas). Néanmoins, d’après cette même étude, un syndrome vestibulaire reste idiopathique dans 68 % des cas [8]. Contrairement à une otite interne non prise en charge, ce syndrome vestibulaire idiopathique s’améliore spontanément en quelques jours, avec une stabilisation en quelques semaines. Il est possible de distinguer deux types de syndrome vestibulaire selon la portion du système atteint. Le syndrome périphérique, secondaire à une otite interne, apparaît à la suite d’une lésion du vestibule de l’oreille interne ou du nerf vestibulo-cochléaire (nerf crânien VIII). Le syndrome central, plus rare, est une complication de l’otite moyenne qui n’apparaît qu’en cas d’extension intracrânienne jusqu’au tronc cérébral.

En général, les signes cliniques observés lors de syndrome vestibulaire associé à une otite sont :

– une tête penchée du côté de la lésion ;

– une ataxie vestibulaire asymétrique (en cas d’otite unilatérale) qui se manifeste par des chutes, voire des roulades latérales du côté de la lésion, ou par une marche sur le cercle serré du côté de la lésion ;

– un nystagmus pathologique (mouvement involontaire rythmique de l’œil décomposé en une phase rapide et une phase lente), spontané quand la tête est en position physiologique statique, ou positionnel lorsque la tête est mise dans une position particulière par le praticien (décubitus dorsal ou latéral, tête mise à l’envers). Le nystagmus est également caractérisé par la direction de la phase rapide (horizontale, rotatoire ou verticale). Lors d’un syndrome vestibulaire périphérique, la phase rapide du nystagmus est du côté opposé à la lésion ;

– un strabisme ventral ou ventro-latéral du côté de la lésion, particulièrement visible lors de l’extension de la tête ;

– des nausées et/ou des vomissements.

Une paralysie faciale et/ou un syndrome de Claude Bernard-Horner peuvent aussi être détectés lors d’atteinte associée de l’oreille moyenne. Il est important de rechercher les signes évocateurs d’un syndrome vestibulaire central, qui doivent conduire à la réalisation d’examens d’imagerie en coupe dans les plus brefs délais, comme :

– une hémiparésie et des déficits posturaux (proprioceptifs) ipsilatéraux au syndrome vestibulaire ;

– une atteinte des nerfs crâniens (du V au XII) entraînant une perte de la sensibilité faciale et de la cornée (nerf trijumeau), une dysphagie combinée à une diminution/perte du réflexe de déglutition, une dysphonie (nerfs glossopharyngien et vague), un strabisme latéral (nerf abducens) ou une diminution de la motricité de la langue (nerf hypoglosse) ;

– une hypovigilance, due à une atteinte de la formation réticulée ascendante au sein du tronc cérébral ;

– un nystagmus positionnel (plus fréquemment rencontré lors d’atteinte centrale) et/ou vertical (uniquement rencontré lors d’atteinte centrale).

Globalement, toutes ces anomalies qui caractérisent un syndrome vestibulaire périphérique peuvent aussi être observées lors d’une atteinte vestibulaire centrale, mais pas le contraire.

Imagerie

Dès lors qu’une otite interne est suspectée, un examen d’IRM est recommandé du fait de sa meilleure sensibilité pour l’évaluation des structures tissulaires, dont le labyrinthe membraneux. De plus, l’IRM a une meilleure sensibilité que le scanner en cas d’extension intracrânienne otogène, en particulier si celle-ci est débutante.

5. SYNTHÈSE DU BILAN D’EXTENSION

Le bilan d’extension consiste donc d’une part en une recherche des signes cliniques spécifiques témoignant d’une atteinte moyenne et/ou interne, et d’autre part en la réalisation d’un examen d’imagerie en coupe. Il permet ainsi d’établir un pronostic et de choisir une option thérapeutique médicale ou chirurgicale. Les otites moyennes et/ou internes sans collection dans la cavité tympanique bénéficient d’un bon pronostic. Le pronostic médical passe ensuite de moyen à réservé, voire très réservé, en présence respectivement d’une collection dans la cavité tympanique, d’un épaississement important de la paroi de la bulle tympanique, d’une ostéite ou d’une ostéolyse de la bulle tympanique. Les facteurs de risque d’un échec thérapeutique sont :

– une hyperplasie irréversible de l’épithélium du conduit auditif ;

– une métaplasie osseuse étendue du cartilage auriculaire ;

– une tumeur du conduit auditif horizontal ou dans la cavité tympanique ;

– une otite moyenne avec comblement de la cavité tympanique associée à des remaniements inflammatoires marqués du mucopérioste, en cas d’ostéite importante ou d’ostéolyse ;

– un tympanokératome.

En l’absence de facteurs pronostiques négatifs, un grand nombre d’otites moyennes et/ou internes associées à une otite externe répondent favorablement à une prise en charge médicale. Néanmoins, les traitements peuvent être longs (environ trois à quatre mois en moyenne), fastidieux, et leur coût est élevé pour les propriétaires. Il est donc judicieux d’effectuer un état des lieux avant d’entreprendre une prise en charge médicale afin d’identifier tous les facteurs qui pourraient mener à un échec thérapeutique. De plus, les examens d’imagerie en coupe peuvent permettre de suivre et d’évaluer l’efficacité d’un traitement médical (photos 8a et 8b).

Références

  • 1. Belmudes A, Pressanti C, Barthez P et coll. Computed tomographic findings in 205 dogs with clinical signs compatible with middle ear disease: a retrospective study. Vet. Dermatol. 2017:29 (1):45-e20.
  • 2. Cole LK. Anatomy and physiology of the canine ear. Vet. Dermatol. 2009:20 (5-6):412-421.
  • 3. Cole LK. Primary secretory otitis media in Cavalier King Charles spaniels. Vet. Clin. North Am. Small Anim. Pract. 2012;42 (6):1137-1142.
  • 4. Garosi LS, Dennis R, Schwarz T. Review of diagnostic imaging of ear diseases in the dog and cat. Vet. Radiol. Ultrasound. 2003;44 (2):137-146.
  • 5. Harvey RG, Paterson S. Otitis Externa: an Essential Guide to Diagnosis and Treatment. CRC Press. 2014:168p.
  • 6. Imai A, Kondo H, Suganuma T et coll. Clinical analysis and nonsurgical management of 11 dogs with aural cholesteatoma. Vet. Dermatol. 2019;30 (1):42-e12.
  • 7. Lorek A, Dennis R, van Dijk J et coll. Occult otitis media in dogs with chronic otitis externa: magnetic resonance imaging and association with otoscopic and cytological findings. Vet. Dermatol. 2020;31 (2):146-153.
  • 8. Orlandi R, Gutierrez-Quintana R, Carletti B et coll. Clinical signs, MRI findings and outcome in dogs with peripheral vestibular disease: a retrospective study. BMC Vet. Res. 2020;16 (1):159.
  • 9. Ostevik L, Rudlang K, Holt Jahr T et coll. Bilateral tympanokeratomas (cholesteatomas) with bilateral otitis media, unilateral otitis interna and acoustic neuritis in a dog. Acta Vet. Scand. 2018;60 (1):31.
  • 10. Paterson S. Otitis media with effusion in the boxer: a report of seven cases. J. Small Anim. Pract. 2018;59 (10):646-650.
  • 11. Paterson S, Tobias K. Atlas of Ear Diseases of the Dog and Cat. Wiley-Blackwell. 2013:165p.
  • 12. Töpfer T, Köhler C, Rösch S et coll. Brachycephaly in French bulldogs and pugs is associated with narrow ear canals. Vet. Dermatol. 2022;33 (3):214-e60.

Conflit d’intérêts : Aucun

Encadré : CAS PARTICULIERS D’OTITE MOYENNE

Otite primaire moyenne sécrétante

L’otite primaire moyenne sécrétante, ou otite moyenne effusive, est une entité particulière observée essentiellement chez le cavalier king charles, mais aussi chez d’autres races brachycéphales [3, 10].

Une étude récente montre que jusqu’à 44 % des chiens brachycéphales présentent une effusion de l’oreille moyenne. Cette effusion au sein de la cavité tympanique ne correspond pas à proprement parler à une otite puisque, dans la plupart des cas, aucune inflammation stricto sensu n’est présente. Dans de nombreux cas, il s’agit d’une découverte fortuite sans aucun signe clinique. Bien que l’étiopathogénie de cette entité ne soit pas totalement élucidée, un dysfonctionnement du tube auditif lié à la conformation des races brachycéphales, à l’origine d’un défaut de drainage du mucus de l’oreille moyenne, est fortement suspecté. En effet, l’association entre une plus grande épaisseur du palais mou, une ouverture nasopharyngée réduite et une otite moyenne effusive est démontrée chez le cavalier king charles. Il est extrêmement rare d’observer une otite externe associée. Les signes cliniques décrits peuvent être une gêne ou une douleur dans la région cervicale, une perte d’audition ou des troubles nerveux secondaires à une augmentation de la pression dans la cavité tympanique due à l’accumulation du mucus. Les cultures bactériennes réalisées sur l’effusion après une myringotomie sont, dans tous ces cas, stériles [10]. Néanmoins, de nombreux chiens ne présentent aucun symptôme et il s’agit souvent d’une découverte fortuite lors d’un examen d’imagerie pour une suspicion de syringohydromyélie cervicale (correspondant à une cavitation liquidienne de la moelle spinale généralement associée à une malformation de type Chiari) ou de discopathie cervicale. En l’absence de signes cliniques, il est conseillé de ne pas intervenir.

Tympanokératome

Le tympanokératome (anciennement appelé cholestéatome) correspond à une invagination du tympan dans le récessus épitympanique, formant alors un kyste qui se remplit de débris kératinisés [6]. Plusieurs hypothèses sont avancées concernant sa formation : il peut s’agir de la complication d’une otite externe avec une lésion du tympan et/ou d’une otite moyenne chronique, ou encore d’une invagination du tympan par pression négative dans la cavité tympanique secondaire à un dysfonctionnement du tube auditif. L’évolution est progressive et les chiens atteints présentent souvent des signes d’otite externe chronique, moyenne ou interne. En fin d’évolution, les tympanokératomes entraînent une lyse osseuse importante de la bulle tympanique avec un possible envahissement des tissus adjacents et une extension de l’infection bactérienne secondaire à l’oreille interne ou au système nerveux central, par exemple [9].

CONCLUSION

Le bilan d’extension, qui va de la recherche de signes cliniques spécifiques à l’imagerie en coupe, a toute son utilité dans la prise en charge des otites chroniques et devrait être envisagé lorsqu’une otite, en particulier suppurée, évolue depuis plus d’un mois et ne répond pas à un traitement de première intention.

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