TORSION DE LOBE PULMONAIRE CHEZ UN CHIEN - Le Point Vétérinaire n° 431 du 01/07/2022
Le Point Vétérinaire n° 431 du 01/07/2022

CHIRURGIE

Chirurgie

Auteur(s) : Mélissa Pottier*, Kévin Minier**

Fonctions :
*Oncovet
Avenue Paul-Langevin
59650 Villeneuve-d’Ascq
**(dipECVS)

Un épanchement pleural important peut compliquer le diagnostic radiographique d’une torsion de lobe pulmonaire. La prise en charge d’urgence consiste en une stabilisation médicale puis une lobectomie.

Un chien carlin, âgé de 6 ans, est présenté en consultation pour une dyspnée et un abattement qui s’aggravent depuis une quinzaine de jours. À l’examen d’admission, une hyperthermie modérée (39,5 °C) et une dyspnée mixte sont notées. Les bruits respiratoires sont très diminués sur toute la zone d’auscultation.

PRÉSENTATION DU CAS

Diagnostic

Le bilan sanguin révèle une neutrophilie modérée (14,40 × 109/litre). L’examen radiographique du thorax met en évidence un épanchement pleural bilatéral en quantité importante qui empêche de visualiser correctement les lobes pulmonaires. Une thoracocentèse bilatérale permet de vidanger 700 ml de liquide caractérisé à l’analyse comme un exsudat non chyleux aseptique. De nouveaux clichés radiographiques du thorax montrent une petite quantité d’épanchement résiduelle, ainsi qu’une opacité anormalement augmentée dans le tiers moyen de l’hémithorax droit. Un examen scanner, réalisé sous anesthésie générale, confirme une consolidation du lobe moyen droit avec la présence de bulles d’emphysème au sein de ce lobe et un arrêt brutal du trajet aérique de sa bronche à 1 cm de son origine (photo 1). Les deux lobes pulmonaires adjacents présentent des signes d’atélectasie. Une torsion du lobe pulmonaire moyen droit est suspectée.

Traitement

Une lobectomie pulmonaire par thoracotomie intercostale droite est programmée. Une fois l’anesthésie induite et l’hémithorax droit préparé de façon aseptique, l’animal est placé sous respiration contrôlée. Des blocs analgésiques intercostaux sont réalisés au niveau des 4e, 5e et 6e espaces intercostaux droits avant de pratiquer une thoracotomie intercostale au niveau du 5e espace. Le lobe moyen est isolé et sa torsion confirmée (photo 2). Après avoir libéré le hile, sans le détordre, une lobectomie est réalisée à l’agrafeuse automatique. Un drain thoracique est ensuite mis en place et le thorax refermé de manière conventionnelle.

Le lobe retiré est envoyé au laboratoire pour une analyse histopathologique.

Suivi

Le drain thoracique est retiré après 48 heures d’hospitalisation, et la convalescence du chien se déroule sans incident. L’analyse histopathologique ne met pas en évidence de cellules tumorales, aucun suivi particulier n’est donc mis en place une fois la cicatrisation cutanée achevée. Un examen radiographique thoracique de contrôle est effectué par précaution trois semaines après l’intervention et ne montre aucune anomalie.

DISCUSSION

Épidémiologie et signes cliniques

La torsion de lobe pulmonaire est décrite chez le chien et le chat, et atteint préférentiellement les lobes moyen droit et cranial gauche. Cette affection peut être primaire ou secondaire à une tumeur pulmonaire, un traumatisme, une intervention chirurgicale thoracique préalable ou un chylothorax [3]. Le yorkshire terrier et le carlin sont des races prédisposées, et l’âge moyen des animaux atteints est de 4,5 ans [1, 3]. La plupart des torsions de lobe pulmonaire sont à l’origine d’une obstruction bronchique, lymphatique et veineuse, avec un maintien du flux artériel. Une congestion du lobe s’ensuit, souvent associée à un épanchement pleural dû à l’absence de drainage lymphatique. Des hémorragies sont fréquentes au sein du lobe atteint et la nécrose de celui-ci est ensuite constatée. Les signes cliniques sont peu spécifiques et souvent dus à l’épanchement pleural ou à la nécrose du lobe : une dyspnée, une tachypnée, une toux et une anorexie sont courantes. La présentation est soit aiguë, soit chronique (jusqu’à 120 jours) [1]. Le tableau clinique peut inclure de la fièvre et une douleur abdominale.

Diagnostic

Le diagnostic est établi via l’examen radiographique du thorax : l’épanchement pleural et une consolidation du lobe atteint sont observés, cette dernière plus facilement après le drainage de l’épanchement. Des bronchogrammes peuvent être visualisés durant les premiers jours, mais l’air est rapidement remplacé par du liquide, augmentant le contraste global du lobe. À l’examen scanner, une angulation anormale de la bronche affectée est visualisée, avec une fin brutale de son trajet aérique. Le lobe atteint ne rehausse pas le produit de contraste, contrairement aux lobes atélectasiés adjacents [1].

Traitement et pronostic

Une stabilisation médicale se révèle le plus souvent nécessaire et inclut une oxygénothérapie, le drainage de l’épanchement pleural et la mise sous perfusion afin de rétablir le volume circulant. Une thoracotomie intercostale est parfois possible lorsque le lobe atteint est identifié avec certitude, mais une sternotomie est exigée dans le cas contraire afin de pouvoir inspecter la cavité thoracique dans son intégralité. Une lobectomie pulmonaire est ensuite souhaitable. Pour prévenir une toxémie, le lobe atteint ne doit pas être détordu. L’utilisation d’une agrafeuse automa tique facilite l’intervention. Si ce type de matériel n’est pas disponible, le pédicule du lobe est clampé avant de le détordre et de pouvoir ligaturer les bronches et les vaisseaux distalement au clamp [1]. Chez l’humain, la détorsion et la pexie du lobe affecté constituent une option valable, avec un taux de survie équivalent à celui des patients traités par une lobectomie [3]. Un cas de torsion à mi-lobe est décrit chez un chien, traité avec succès par une lobectomie partielle à l’agrafeuse [2].

Le pronostic est bon une fois la phase postopératoire immédiate passée, mais le taux de survie périopératoire varie entre 50 et 61 %. Il semble cependant dépendre de la cause sous-jacente, les torsions idiopathiques bénéficiant d’un meilleur pronostic [1, 3].

Références

  • 1. Johnston SA, Tobias KM. Lungs. In: Veterinary Surgery: Small Animal. Elsevier, St. Louis. 2018:2044-2046.
  • 2. Hofeling AD, Jackson AH, Alsup JC et coll. Spontaneous midlobar lung lobe torsion in a 2-year-old Newfoundland. J. Am. Anim. Hosp. Assoc. 2004;40:220-223.
  • 3. Rossanese M, Wustefeld-Janssens B, Price C et coll. Long-term survival after treatment of idiopathic lung lobe torsion in 80 cases. Vet. Surg. 2020;49:659-667, 839.

Conflit d’intérêts : Aucun

CONCLUSION

La torsion d’un lobe pulmonaire est une affection grave qui nécessite une intervention chirurgicale rapide. Elle peut entraîner des symptômes respiratoires peu spécifiques et son diagnostic est parfois difficile à établir à l’examen radiographique. Le pronostic est réservé durant la phase postopératoire, mais bon à plus long terme.

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