L’INSÉMINATION CHEZ LE CHIEN - Le Point Vétérinaire n° 431 du 01/07/2022
Le Point Vétérinaire n° 431 du 01/07/2022

ÉTAPE 4

La reproduction en 10 étapes

Auteur(s) : Tancrède Bonte

Fonctions : (dipECAR)
Cryodog
1 route de Maringues
63920 Peschadoires

Bien que l’insémination intravaginale reste la technique la plus utilisée, dans certains cas particuliers, la voie intra-utérine devrait être privilégiée afin d’optimiser les taux de gestation.

L’insémination est parfois une étape essentielle lors de la mise à la reproduction d’une chienne. Ses indications sont diverses : échec de saillie naturelle (refus de la chienne, incompatibilité conformationnelle ou incapacité du mâle à saillir, manque de libido), demande du propriétaire du mâle pour des raisons sanitaires (protection contre une éventuelle contamination), prise en charge d’une infertilité et utilisation d’une semence réfrigérée ou congelée. Le règlement de la Fédération cynologique internationale stipule que « l’insémination artificielle ne doit pas être pratiquée avec des sujets qui ne se sont pas reproduits naturellement auparavant » [2].

Pour certaines races, l’insémination est pourtant systématisée, avec pour conséquences des disproportions conformationnelles entre le mâle et la femelle de plus en plus fréquentes ou une libido quasi inexistante. Si l’insémination protège effectivement le mâle de la transmission d’une éventuelle affection vénérienne (telle que la brucellose, l’herpèsvirose canine, le sarcome de Sticker), cela n’est pas le cas pour la femelle, la semence pouvant être un vecteur de contamination.

LES TYPES DE SEMENCE

Trois types de semence peuvent être utilisés pour l’insémination :

– la semence fraîche, inséminée directement après le prélèvement et la réalisation d’un spermogramme, sans conditionnement. Le taux de gestation obtenu est d’environ 90 % lorsque le timing de l’insémination est optimal ;

– la semence réfrigérée : diluée avec une solution permettant sa conservation à 4 °C pendant cinq à dix jours, elle est généralement préparée la veille de l’insémination pour être utilisée dès sa réception. Les résultats obtenus sont similaires à ceux de la semence fraîche si le transport a bien été supporté (ce qui doit être vérifié par le vétérinaire via un spermogramme) ;

– la semence congelée, stockée dans l’azote liquide jusqu’à son utilisation, sans limite de temps. Elle peut être envoyée partout dans le monde en utilisant des conteneurs spécifiques (photo 1). Des taux de gestation de 60 à 70 % sont rapportés. Comme ils sont très dépendants de la valeur des “doses” utilisées, ils atteignent même parfois 80 à 90 % lorsque la qualité de la semence est optimale [1].

CHOIX DE LA PÉRIODE OPPORTUNE

Pour optimiser les chances de réussite d’une insémination, il est essentiel que celle-ci soit réalisée au moment le plus adapté. Un bon suivi de chaleurs est donc indispensable afin de déterminer le jour de l’ovulation. Comme la période fertile débute 48 heures après l’ovulation et s’étend sur deux à trois jours, l’idéal est de réaliser l’insémination 48 heures après l’ovulation, et de la répéter entre 24 et 48 heures plus tard en cas d’insémination intravaginale (une ou deux fois selon la qualité de la semence).

Avant de réaliser l’insémination, le praticien doit s’assurer que les deux chiens sont en bonne santé et ne présentent aucun signe de maladie sexuellement transmissible. En outre, il est indispensable de vérifier l’identification du mâle ainsi que la position de ses deux testicules, qui doivent se trouver en position scrotale. Un certificat vétérinaire attestant de l’état de santé et de l’identification du mâle doit impérativement accompagner les semences réfrigérées et congelées. La réalisation d’un spermogramme permet d’évaluer la qualité de la semence et peut orienter vers la technique d’insémination à privilégier. Ainsi, une mobilité inférieure à 70 %, un pourcentage d’anomalies morphologiques dépassant 30 % ou une numération inférieure à la normale pour la race motiveront la réalisation d’une insémination intra-utérine. La dose minimale inséminante rapportée dans les publications est de 150 à 200 millions de spermatozoïdes normaux et mobiles [3]. Néanmoins, ce seuil est fortement corrélé à la taille de l’animal(1).

MÉTHODES D’INSÉMINATION

Plusieurs méthodes d’insémination existent, chacune présentant des avantages et des inconvénients (tableau).

1. Insémination intravaginale

L’insémination intravaginale est réservée aux semences fraîches et aux reproducteurs qui présentent une fertilité normale. Dans le cas d’une insémination intravaginale, la semence est déposée dans la partie antérieure du vagin. Différents types de sondes sont commercialisés. La sonde utérine bovine, en plastique rigide, ne présente pas de dispositif antirefoulement, mais coûte moins de 0,20 € HT(2). La sonde semi-rigide, équipée d’un ballonnet à gonfler pour prévenir le reflux lors de l’instillation de la semence dans le vagin, coûte de 45 à 80 € HT et est généralement trop petite pour les races de taille géante (photo 2).

Lors d’une insémination intravaginale, la sonde est introduite dans le vagin au niveau de la commissure vulvaire dorsale en observant un angle de 45° avec l’axe vertical. Une fois la sonde passée au-delà du méat urinaire, une résistance se fait sentir et la sonde est alors dirigée horizontalement pour pouvoir continuer sa progression.

La chienne ne doit pas montrer de signe de douleur pendant l’ensemble de la procédure. Si c’est le cas, en raison d’un mauvais positionnement de la sonde par exemple, il convient de la retirer et de la réintroduire en prenant soin d’éviter la fosse clitoridienne ou le méat urinaire. Une fois en place, le dispositif antirefoulement, s’il existe, peut être gonflé à l’aide d’une seringue sèche. La semence est ensuite injectée lentement dans la lumière de la sonde. Le volume doit être d’environ 5 ml pour les races de petite taille et jusqu’à 10 ml pour celles de grand gabarit. Si le volume récolté est insuffisant, l’ajout d’un dilueur d’insémination, préalablement réchauffé à 37 °C, est indiqué.

Après l’insémination, il est recommandé d’élever les membres postérieurs de la chienne et de masser le plafond du vagin pour favoriser les contractions pendant une dizaine de minutes. La chienne peut ensuite être rendue à ses propriétaires et éventuellement rentrée directement dans la voiture ou promenée pendant dix minutes tout en évitant qu’elle urine.

2. Insémination intra-utérine

Le col de l’utérus jouant un rôle de “filtre naturel” pour la semence, l’insémination intra-utérine permet d’augmenter le nombre de spermatozoïdes susceptibles de féconder un ovocyte par rapport à une saillie naturelle ou à une insémination intravaginale. Cela est notamment utile si la semence est de mauvaise qualité ou réfrigérée, et devient absolument indispensable pour la semence congelée dont la survie n’est que de quelques heures après la décongélation. Le volume de semence devant être limité afin de réduire le reflux au minimum (de 1 ml pour les petits chiens à 3 ml pour les grands), il est particulièrement important de séparer les phases lors de la récolte de semence. Si cela n’est pas possible, il convient de la centrifuger.

Les méthodes d’insémination intra-utérine non chirurgicales ne nécessitent généralement aucune sédation, mais pour les chiennes agitées, une légère tranquillisation à l’aide d’un alpha2-agoniste peut être réalisée et réversée à la fin de la procédure.

Technique scandinave

La technique scandinave, mise au point en 1975, utilise une sonde norvégienne métallique associée à une gaine en plastique (photo 3). Une palpation transabdominale est effectuée d’une main afin de localiser le col de l’utérus pendant que la gaine est introduite dans le vagin de l’autre main. La sonde norvégienne est ensuite insérée dans la gaine et avancée dans le vagin. Son extrémité est dotée d’une bille qui peut être localisée par palpation. La sonde est ainsi amenée jusqu’au col et insérée au travers. La semence est ensuite injectée lentement à travers la sonde [7]. La procédure peut être répétée sans complications au cours du même cycle.

Cette méthode est rapide et ne nécessite ni sédation, ni matériel coûteux (compter une centaine d’euros pour la sonde). Cependant, un apprentissage est indispensable et ce type de sonde n’est pas facilement accessible.

Insémination par vaginoscopie

L’insémination par vaginoscopie, plus communément appelée TCI pour transcervical insemination, est décrite depuis 1993 (photo 4). Un endoscope rigide est introduit verticalement dans le vagin afin d’éviter de toucher la fosse clitoridienne ou le méat urinaire, avant d’être dirigé à l’horizontale. Une insufflation est parfois utile pour dilater légèrement le vagin et faciliter la visualisation des différentes structures anatomiques. La procédure est rapide, non douloureuse. Une inspection du vagin caudal est alors effectuée, puis l’optique est avancée dans le vagin cranial en suivant le repli dorsal du vagin. Le col de l’utérus est visualisé au fond du vagin cranial, attaché au plafond du vagin. Il peut alors être cathétérisé à l’aide d’une sonde à usage unique passée dans le canal opérateur de l’optique (photo 5). Dans certains cas, il est nécessaire de manipuler légèrement le col avec l’extrémité de l’optique afin de corriger sa position et de faciliter le passage de la sonde. La semence est ensuite injectée progressivement, puis la sonde est retirée [3, 6]. Différentes optiques peuvent être utilisées, comme des cystoscopes ou des urétéroscopes. Des optiques spécifiques ont également été mises au point, permettant leur emploi chez les chiens de toutes tailles et facilitant grandement la réalisation de l’insémination (photo 6).

Insémination chirurgicale

L’insémination chirurgicale est très répandue dans certaines régions du monde (Amérique du Nord, Europe de l’Est) en raison de sa simplicité de mise en œuvre et de l’absence de matériel spécifique. Cependant, elle reste rare en Europe de l’Ouest, et est même interdite pour des raisons éthiques en Norvège et en Suède notamment. Cette méthode nécessite une anesthésie générale de la chienne et l’insémination n’est réalisée qu’une fois par mise à la reproduction.

Une laparotomie par la ligne blanche est réalisée afin d’externaliser les cornes utérines. La semence est injectée lentement dans les cornes à l’aide d’une aiguille ou d’un cathéter, en occluant l’utérus en amont du col avec les doigts. L’utérus est massé afin de répartir la semence dans les cornes pour remédier à l’absence de motilité utérine sous anesthésie. Le cathéter est retiré et une compression est effectuée si un saignement est observé. La plaie de laparotomie est refermée de manière classique. La laparoscopie représente une solution alternative à la laparotomie, mais sa pratique reste très limitée.

Les inséminations chirurgicales ont longtemps été associées à de meilleurs résultats, notamment avec de la semence congelée, mais des publications récentes démontrent le contraire [5]. Cette technique devrait être réservée aux cas d’anomalie anatomique (synéchies intracervicales ou atrésie vaginale majeure, par exemple) empêchant le passage du col de l’utérus par une autre méthode – bien que cela soit aussi une contre-indication à la mise à la reproduction – ou lors de semence congelée de très mauvaise qualité.

3. Comparaison des différentes méthodes d’insémination

En cas d’insémination unique, la voie intra-utérine augmente d’environ 35 % les chances de gestation par rapport à une insémination intravaginale. Néanmoins, la différence est moindre si les inséminations intravaginales sont répétées. Une répétition des inséminations intra-utérines n’a aucun intérêt si l’acte est pratiqué au moment le plus adapté et si la semence est de bonne qualité [4, 7].

RÉGLEMENTATION DES TRANSFERTS DE SEMENCE

Les mouvements de semence, aussi bien réfrigérée que congelée, font l’objet d’une réglementation spécifique selon leur lieu d’origine.

1. Import depuis un pays tiers

Les semences en provenance d’un pays hors de l’Union européenne doivent être accompagnées d’un certificat sanitaire, signé par un vétérinaire officiel du pays d’origine dans les dix jours précédant l’arrivée, et d’une sérologie négative pour la brucellose, obtenue dans les trente jours précédant la collecte. Ces conditions s’appliquent notamment aux semences en provenance du Royaume-Uni depuis le 1er janvier 2021, ce qui rend difficile l’import de semences réfrigérées.

2. Mouvements de semences intra-européens

Depuis le 21 avril 2021, les mouvements de semences entre les États membres de l’Union européenne font également l’objet de restrictions. Ainsi, il est nécessaire que les chiens donneurs soient correctement identifiés et vaccinés contre la rage et indemnes de signes de maladie le jour de la collecte, qu’ils n’aient pas fait de saillie naturelle au cours des trente jours qui ont précédé la collecte et, pour certains pays, qu’ils aient reçu un traitement préventif contre l’échinococcose avant la collecte.

Le vétérinaire expéditeur et le vétérinaire destinataire doivent tous deux faire l’objet d’un enregistrement auprès des services vétérinaires nationaux (en France auprès de la Direction départementale de la protection des populations, ou DDPP). Ainsi, le premier produit un certificat électronique via le système Traces qui doit être validé par un vétérinaire officiel de la DDPP avant l’envoi de la semence. Les services vétérinaires du pays de destination en sont également informés. Comme les semences réfrigérées sont envoyées à la dernière minute, ces nouvelles mesures nécessitent une bonne organisation afin d’obtenir le certificat en temps voulu.

  • (1) Voir l’étape 3 : « Prélèvement, examen et réfrigération de la semence de chien ».

  • (2) IMV Technologies, France.

Références

  • 1. Farstad W. Bitch fertility a fter natural mating and after artificial insemination with fresh or frozen semen. J. Small Anim. Pract. 1984;25:561-565.
  • 2. Fédération cynologique internationale. Règlement international d’élevage de la FCI. 2019:9p.
  • 3. Mason SJ. A retrospective clinical study of endoscopie-assited transcervical insemination in the bitch with frozen-thawed dog semen. Reprod. Domest. Anim. 2017;52 (Suppl. 2):275-280.
  • 4. Mason SJ. Current review of artificial insemination in dogs. Vet. Clin. North Am. Small Anim. Pract. 2018;48 (4):567-580.
  • 5. Mason SJ, Rous NR. Comparison of endoscopic-assisted transcervical and laparotomy insemination with frozen-thawed dog semen: a retrospective clinical study. Theriogenology. 2014;82 (6):844-850.
  • 6. Romagnoli S, Lopate C. Transcervical artificial insemination in dogs and cats: review of the technique and practical aspects. Reprod. Domest. Anim. 2014;49 (Suppl. 4):56-63.
  • 7. Thomassen R, Sanson G, Krogenaes A et coll. Artificial insemination with frozen semen in dogs: a retrospective study of 10 years using a non-surgical approach. Theriogenology. 2006;66 (6-7):1645-1650.

Conflit d’intérêts : Aucun

Points clés

• Quelle que soit la technique utilisée, le respect d’un timing optimal pour l’insémination et la réalisation d’un spermogramme sont nécessaires pour maximiser les chances de réussite.

• La méthode intra-utérine est indiquée en cas d’infertilité ou d’insémination en semence réfrigérée, mais incontournable avec la semence congelée.

• Les mouvements de semences font l’objet de plus en plus de contrôles, lesquels sont importants pour garantir une bonne sécurité sanitaire

CONCLUSION

Les inséminations intravaginales restent la méthode d’insémination la plus fréquente et donnent de bons résultats lorsqu’un suivi de chaleurs rigoureux a été réalisé et que la semence est de bonne qualité. En cas d’infertilité, de semence réfrigérée ou congelée, ou d’insémination unique, la voie intra-utérine permet d’optimiser les chances de gestation.

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