CHIRURGIE
Chirurgie
Auteur(s) : Mélissa Pottier*, Kévin Minier**
Fonctions :
*(dipl. ECVS)
Oncovet
Avenue Paul-Langevin
59650 Villeneuve-d’Ascq
L’insulinome doit faire partie du diagnostic différentiel des troubles nerveux chez le chien. Un suivi de la glycémie est essentiel lors des phases préopératoire et postopératoire.
Un chien braque allemand, âgé de 10 ans, est présenté en consultation pour l’exploration de crises épileptiformes apparues trois semaines plus tôt. À l’admission, les examens clinique et nerveux ne révèlent aucune anomalie. Le bilan sanguin met uniquement en évidence une hypoglycémie (0,55 g/l).
Une augmentation de l’insulinémie (35 µU/ml) concomitante à l’hypoglycémie est notée. Un examen scanner de l’abdomen montre un nodule d’environ 8 mm situé sur le lobe droit du pancréas (photo 1). Aucune anomalie hépatique ni adénomégalie n’est observée.
Un traitement médical à base de prednisolone (à la dose de 0,5 mg/kg une fois par jour) est mis en place pour stabiliser la glycémie, dont le suivi est facilité par la pose d’un capteur transdermique. Une excision chirurgicale de la tumeur est envisagée.
Une laparotomie xipho-pénienne permet d’extérioriser le duodénum de l’abdomen par une traction douce. Le nodule est visualisé sur le lobe droit du pancréas, à distance des papilles duodénales majeure et mineure (photo 2). La partie du lobe pancréatique distale au nodule est disséquée et une pancréatectomie partielle de cette zone est réalisée par fusion tissulaire. Le reste du pancréas est inspecté et délicatement palpé à la recherche d’autres lésions.
Une biopsie hépatique est réalisée en dépit de l’absence de lésion hépatique macroscopique. Aucune adénomégalie n’est visualisée ni palpée.
La glycémie de l’animal se normalise dès la phase postopératoire, permettant de confirmer le retrait de toute la lésion sécrétante. L’hospitalisation est poursuivie pendant 48 heures pour maîtriser la douleur et pouvoir intervenir lors d’éventuels signes précoces de pancréatite ou d’hyperglycémie rebond à la suite du retrait de l’insulinome.
L’analyse histopathologique confirme le diagnostic d’insulinome de type adénome, sans métastase hépatique. Des contrôles via un examen échographique de l’abdomen sont programmés tous les trois mois. Au huitième mois postopératoire, le chien est de nouveau présenté pour des crises de faiblesse exacerbées par l’exercice. Des nodules hépatiques sont visualisés par échographie à ce stade, et des dosages sanguins montrent une récidive de l’hypoglycémie associée à une hyperinsulinémie. Un traitement à base d’un corticoïde (à raison de 0,5 mg/kg une fois par jour pendant quinze jours) n’apporte aucune amélioration. La dose est alors doublée, permettant ainsi la normalisation de la glycémie. Le chien présentant de nouveau des crises convulsives onze mois après l’intervention, ses propriétaires décident de procéder à son euthanasie.
L’insulinome représente la majeure partie des tumeurs pancréatiques endocrines chez le chien. Environ 60 % de ces masses sont de nature carcinomateuse, les autres sont des adénomes [1]. Les insulinomes produisent majoritairement de l’insuline, mais également d’autres hormones (glucagon, somato statine, gastrine, etc.) [1]. Les critères histopathologiques classiques invitent parfois à classer ce type tumoral au sein des tumeurs bénignes, mais leur comportement clinique est relativement agressif, avec 50 % de métastases au moment du diagnostic [1]. Dans le cas présenté, un adénome a été diagnostiqué et excisé. Néanmoins, des métastases sécrétantes ont engendré une récidive des signes cliniques quelques mois seulement après l’intervention chirurgicale, mettant en évidence le contraste entre l’aspect histopathologique et le comportement de ce type de tumeur. Les sites métastatiques préférentiels de l’insulinome sont les nœuds lymphatiques de drainage ainsi que le foie [1].
Chez un animal sain, la sécrétion d’insuline est inhibée par un rétrocontrôle lorsque la glycémie baisse. Les cellules tumorales ne sont pas sensibles à ce mécanisme et poursuivent la production d’insuline malgré l’hypoglycémie. La détection sanguine de cette association d’anomalies peut renforcer une suspicion clinique d’insulinome. Cependant, une euglycémie ne permet pas d’exclure définitivement un insulinome, un faible pourcentage d’animaux atteints présentant une glycémie normale à l’admission [2]. Les signes cliniques sont souvent secondaires aux épisodes d’hypoglycémie et incluent une ataxie, des convulsions et une faiblesse, voire des syncopes. L’hypoglycémie chronique peut entraîner des troubles nerveux par une démyélinisation et induire une polyneuropathie périphérique associée à une tétraparésie et/ou des anomalies des nerfs faciaux. La présence de troubles nerveux au moment du diagnostic n’est toutefois pas un facteur pronostique négatif [2]. Une masse pancréatique est mise en évidence idéalement par échographie abdominale. Cet examen permet aussi d’obtenir le bilan d’extension abdominal, mais seules 19 % des métastases sont visualisées en phase préopératoire [1]. Un examen scanner abdominal montre souvent la masse, mais il n’est pas rare d’obtenir des faux positifs dans la recherche de métastases [1].
Avant l’exérèse, une stabilisation médicale est nécessaire (fractionnement des repas, éviction des exercices, administration d’un corticoïde le cas échéant) et des perfusions glucosées sont indiquées pour faire face aux hypoglycémies majeures. Lorsque l’hypoglycémie persiste malgré ces mesures, il est possible d’effectuer des perfusions continues de glucagon. Il est contre-indiqué de mettre ces chiens à jeun avant l’intervention [1].
Le traitement chirurgical de l’insulinome est rarement curatif en raison de la fréquence élevée des métastases qui sont souvent elles-mêmes sécrétrices d’insuline. Cependant, il est généralement essentiel à la confirmation du diagnostic et à la prise en charge globale du cas. La réduction de la quantité de tissu tumoral améliore en effet l’efficacité du traitement médical, augmentant ainsi les médianes de survie [1]. De plus, une réintervention chirurgicale est possible en cas de récidive d’hypoglycémie, notamment lorsqu’elle est engendrée par une métastase nodale.
À l’exploration abdominale, le nodule pancréatique unique (0,4 à 4 cm en moyenne) est visible dans 80 % des cas et peut souvent être palpé, sa texture étant plus ferme que le tissu environnant. Une pancréatectomie partielle est alors réalisée autour du nodule, par ligature-fracture ou par fusion tissulaire. Les nœuds lymphatiques voisins ainsi que le foie sont inspectés et biopsiés dans le cadre du bilan d’extension. Lorsque la tumeur primaire n’est pas palpable, elle est parfois révélée par l’injection intraveineuse de bleu de méthylène [1]. Une surveillance du chien en phase postopératoire est nécessaire pour relever d’éventuels signes de pancréatite et suivre la glycémie. Lors d’hypoglycémie persistante, certains traitements médicaux hypoglycémiants ou visant à la destruction des cellules tumorales peuvent être mis en place [1]. Une phase d’hyperglycémie postopératoire est possible, le temps que le pancréas restant reprenne la sécrétion physiologique d’insuline, réduite au silence par la sécrétion autonome de l’insulinome. Dans de rares cas, l’administration d’insuline est temporairement requise [1].
Le pronostic dépend du stade clinique au moment du diagnostic. Des médianes de persistance d’une euglycémie sont rapportées après quatorze mois en l’absence de métastases lors de l’intervention, versus 2,5 mois lorsque celles-ci sont diagnostiquées. Les médianes de survie rapportées sont de dix-huit mois, versus sept à neuf mois, respectivement [1, 2].
Conflit d’intérêts : Aucun
L’insulinome canin est une tumeur pancréatique endocrine à haut taux métastatique. Le diagnostic précoce ainsi que la prise en charge chirurgicale améliorent le pronostic.