CARDIOLOGIE
Quel est votre diagnostic ?
Auteur(s) : Pierre Guigo*, Camille Poissonnier**, François Wauquier***, Aurore Fouhety****
Fonctions :
*Clinique TouraineVet
12, rue des Internautes
37210 Rochecorbon
Un chat européen mâle castré, âgé de 5 ans, est présenté pour des difficultés respiratoires apparues soudainement, sans antécédent médical significatif. L’examen clinique révèle un animal abattu, hypotherme (35,3 °C) et dyspnéique (84 mouvements respiratoires par minute). Les muqueuses sont pâles et le temps de recoloration capillaire est supérieur à deux secondes. Le pouls fémoral est filant pour les deux membres pelviens et concordant avec le choc précordial.
À l’auscultation cardiaque, la fréquence cardiaque est mesurée à 180 battements par minute et un souffle cardiaque basal gauche diastolique, de grade 3 sur 6, est détecté. L’auscultation respiratoire met en évidence des crépitements audibles sur l’ensemble des champs pulmonaires.
Les radiographies thoraciques réalisées révèlent des signes en faveur d’un œdème pulmonaire aigu cardiogénique. Une échocardiographie est effectuée une fois l’animal stabilisé médicalement. Les images échocardiographiques de la coupe grand axe cinq cavités, obtenue par voie parasternale droite, sont présentées en diastole (photo 1) et en systole (photo 2). La coupe petit axe transaortique est présentée en télédiastole (photo 3).
→ Les images sont de bonne qualité. La valve aortique présente, à l’extrémité de sa cuspide non-coronaire, une prolifération bourgeonnante pédiculée hyperéchogène de 1 cm de long sur 3 mm d’épaisseur. Celle-ci fait protrusion au sein de la chambre de chasse du ventricule gauche en diastole, et bascule au sein de l’aorte en systole. La coupe temps-mouvement transventriculaire montre une dilatation diastolique du ventricule gauche (VGd = 19,7 mm) [2]. La coupe transaortique révèle une dilatation de l’atrium gauche (AG/Ao télédiastolique = 2,6) et de l’auricule gauche [1]. Les modes Doppler pulsé et couleur mettent en évidence une insuffisance aortique holosystolique à l’extension colorimétrique importante.
→ L’aspect de la valve aortique est en faveur d’une endocardite aortique. L’insuffisance aortique importante qui en résulte est à l’origine d’une dilatation du ventricule et de l’atrium gauches, expliquant l’œdème pulmonaire cardiogénique objectivé.
Conflit d’intérêts : Aucun
“Les endocardites infectieuses sont des affections rarement décrites dans l’espèce féline [5]. Elles affectent le plus souvent les valves mitrales et aortiques [5]. Les agents pathogènes les plus fréquemment impliqués sont Staphylococcus, Streptococcus, Escherichia coli et Bartonella [5]. Une altération du système immunitaire (leucose ou virus de l’immunodéficience féline, traitement corticoïde prolongé) ou un antécédent d’intervention chirurgicale, de traumatisme ou de foyer infectieux (digestif ou urinaire notamment) sont considérés comme des facteurs de risque d’endocardite infectieuse féline [5]. La majorité des chats atteints présentent des signes d’insuffisance cardiaque congestive, contrairement à l’espèce canine chez laquelle la présence de ces signes n’est rapportée que dans 23 à 44 % des cas d’endocardite infectieuse [4, 5]. Des signes de thromboembolie aortique sont également rapportés chez le chat [5]. Le diagnostic d’endocardite infectieuse féline repose théoriquement sur des critères échocardiographiques (présence de proliférations valvulaires végétatives associée à une insuffisance aortique modérée à importante en l’absence de myocardiopathie primitive) et microbiologiques (bactériémie) [5]. La confirmation d’une bactériémie associée à l’endocardite peut être réalisée au moyen d’hémocultures, mais il s’agit d’un examen complexe à mettre en œuvre en pratique en raison des importants volumes sanguins à prélever et des risques de faux négatifs [3]. La réalisation d’une réaction de polymérisation en chaîne (PCR) présente un intérêt lors d’une suspicion d’endocardite due à une bartonellose, en raison de la sensibilité importante de cette technique et du plus faible volume sanguin requis pour l’examen [5]. Le traitement repose sur une antibiothérapie par voie intraveineuse puis par voie orale de longue durée (six à huit semaines) si possible ciblée contre l’agent pathogène impliqué, sur la gestion de l’insuffisance cardiaque congestive et des éventuelles arythmies associées, et sur la prévention des thromboembolies [3]. Le développement d’une insuffisance cardiaque congestive secondaire à une endocardite infectieuse est généralement relié à un pronostic sombre chez le chien et le chat [4].