MYOCARDIOPATHIE DILATÉE ET ALIMENTATION SANS CÉRÉALES - Le Point Vétérinaire n° 429 du 01/05/2022
Le Point Vétérinaire n° 429 du 01/05/2022

NUTRITION CANINE

Dossier

Auteur(s) : Mathilde Thierry

Fonctions : 650 avenue de la Petite Camargue
30470 Aimargues
mathilde.thierry@royalcanin.com

Si « l’aliment est le premier des médicaments », il peut à l’inverse, dans certains cas, être le premier facteur de nocivité pour la santé. Si les effets délétères de certains déséquilibres ou carences sont connus depuis longtemps et désormais corrigés, d’autres semblent émerger avec les régimes à la mode.

La myocardiopathie dilatée (MCD) est une affection du myocarde associée à une dilatation de la cavité cardiaque. Il s’agit de la deuxième cardiopathie la plus fréquente chez le chien. Son étiologie est complexe. Certaines formes, comme la MCD primitive, ont une étiologie héréditaire, avec une prévalence plus élevée dans certaines races de taille grande à géante (notamment doberman, dogue allemand et boxer). Elle peut également être secondaire à des causes infectieuses, inflammatoires, toxiques, ou à des carences nutritionnelles. Chez le chat, des cas de MCD consécutive à une alimentation carencée en taurine sont rapportés. Chez le chien, dans le cas des MCD secondaires à un régime alimentaire inadapté, les MCD non tauriprives sont distinguées des MCD tauriprives, dans lesquelles le statut en taurine est altéré.

Au début des années 2000, plusieurs études ont suspecté un lien entre l’alimentation et l’apparition d’une MCD chez des chiens présentant une taurinémie basse. D’autres cas de MCD, plus rares, étaient associés à une carence en L-carnitine. Ces cas différaient sur le plan clinique des cas de MCD primitive, car une supplémentation en taurine, souvent associée à une supplémentation en L-carnitine, permettait généralement une amélioration des variables cliniques et échocardiographiques, ainsi que de l’espérance de vie [23, 35]. En revanche, les mécanismes sous-jacents susceptibles d’expliquer le lien entre l’alimentation, la carence en taurine et la MCD n’avaient pas été tous élucidés (voir aussi plus loin) [35].

Récemment, une relation entre la consommation d’aliments sans céréales et/ou riches en légumineuses (pois, lentilles) ou pomme de terre et la MCD a été suspectée. La majeure partie des chiens concernés ne présentaient pas de carence en taurine, ce qui laisserait envisager des mécanismes différents de ceux observés dans les cas précédemment rapportés (photo 1). Ces cas de MCD sont à mettre en regard du contexte des tendances alimentaires actuelles. Depuis une dizaine d’années, de nouvelles modes alimentaires fleurissent sur le marché des aliments pour chiens et chats. Aujourd’hui, les aliments industriels “sans céréales” représentent environ 45 % du marché des aliments pour animaux aux États-Unis et sont consommés par 25 % des chiens en France, selon l’enquête Facco-Kantar 2020 [32]. Dans ces produits, les céréales sont remplacées par d’autres sources d’amidon, comme les légumineuses, la pomme de terre ou la patate douce.

1. LES ALIMENTS SANS CÉRÉALES ET/OU RICHES EN LÉGUMINEUSES SUSPECTÉS DE PROVOQUER UNE MCD CHEZ LE CHIEN

Signaux d’alarme de la Food and Drug Administration

En 2018, l’United States Food and Drug Administration (FDA) a publié un rapport alarmant sur une potentielle relation entre des cas de MCD et certains régimes alimentaires émergents. Les chiens atteints avaient plusieurs points communs : l’appartenance, pour nombre d’entre eux, à une race non connue comme génétiquement prédisposée à la MCD, et la consommation, pour la grande majorité d’entre eux, d’un aliment riche en pomme de terre ou légumineuses [16, 29]. En 2019, la FDA publie des mises à jour dans lesquelles elle précise la race, l’âge et le sexe des chiens touchés, ainsi que les aliments qu’ils consommaient (type, composition, marque). Les chiens atteints consommaient majori tairement des croquettes (88 % des cas), sans céréales (91 % des cas) et riches en certains types de légumineuses (pois ou lentilles dans 93 % des cas), voire en pommes de terre (42 % des cas). La FDA explique également avoir entrepris des analyses nutritionnelles de nombreux aliments (minéraux, oligoéléments, acides aminés) et qu’aucune n’a révélé d’anomalies [27, 28]. Dans son dernier rapport de 2020, la FDA annonce poursuivre sa collaboration avec la communauté scientifique et vétérinaire pour avancer sur la question [30]. À date, plus de 1 000 cas de chiens atteints de MCD potentiellement associée à l’alimentation ont été signalés à la FDA aux États-Unis (photo 2) [30].

Données publiées

Depuis le premier communiqué de la FDA, plus d’une dizaine d’études ont été réalisées. Elles révèlent plusieurs éléments intéressants.

Premier constat : certaines études confirment des séries de cas de MCD diagnostiquée chez des chiens de races non génétiquement prédisposées à cette maladie et consommant des aliments dits “non traditionnels”(1) [1, 2, 9, 16, 17, 20, 31, 40]. Parmi ces cas, certains chiens sont non génétiquement apparentés, mais vivent dans le même foyer et sont nourris avec le même type d’aliment [1]. Ensuite, plusieurs études rétrospectives mettent en évidence des différences notables entre les chiens atteints de MCD consommant des aliments “non traditionnels” et ceux consommant des aliments “traditionnels” (avec céréales et/ou sans légumineuses). Certaines montrent ainsi que les chiens atteints de MCD consommant un aliment non traditionnel présentent des variables échographiques témoignant d’un stade plus avancé de la MCD, ainsi que des signes d’insuffisance cardiaque plus fréquents par rapport aux chiens atteints de MCD et consommant un aliment traditionnel. L’existence d’un lien direct entre la durée durant laquelle le chien est nourri avec un aliment non traditionnel et la sévérité du pronostic est également notée (figure 1) [1, 17, 40]. Autre constat : selon plusieurs études, un changement alimentaire a un effet positif sur l’évolution des chiens atteints de MCD nourris avec un aliment non traditionnel, indépendamment d’une supplémentation en taurine, et ce que le chien présente ou non une carence objectivée en cet acide aminé [9, 17, 20, 31, 40]. Ce changement alimentaire entraîne une amélioration des variables échographiques, une baisse des doses médicamenteuses et une augmentation du temps de survie par rapport aux chiens chez lesquels aucun changement alimentaire n’est effectué (figure 2), mais aussi par rapport à ceux consommant un aliment traditionnel au moment du diagnostic. Ce dernier point, intéressant, laisse à penser qu’il existe plusieurs formes et mécanismes d’installation de la MCD selon que l’aliment est ou non impliqué dans la maladie, combiné ou non à une MCD primitive. L’origine de la MCD aurait également un impact sur le pronostic, qui serait meilleur lors de MCD associée à l’alimentation que lors de MCD primitive, pour peu qu’un changement alimentaire adéquat soit effectué (encadré 1) [9, 17, 40].

Il existe aussi à ce jour deux études prospectives évaluant l’impact d’aliments non traditionnels sur la fonction cardiaque de chiens supposés sains. La première, réalisée sur 86 chiens de race golden retriever, montre une concentration sanguine en taurine significativement plus basse, ainsi que des variables échocardiographiques signant une dysfonction systolique dans le groupe consommant un aliment non traditionnel depuis au moins trois mois [31]. La seconde a été menée chez 188 chiens de quatre races différentes, consommant depuis au moins six mois un aliment avec ou sans céréales, et riche ou non en pois, lentilles ou pommes de terre. L’étude des différents marqueurs de la fonction cardiaque (variables échocardiographiques, NT pro-NBP) ainsi que de la taurinémie ne montre pas de différence significative entre les différents groupes de chiens, hormis une élévation significative de la troponine I de haute sensibilité, un marqueur associé à des lésions myocardiques, dans le groupe consommant un aliment riche en pois, lentilles ou pommes de terre [2].

2. HYPOTHÈSES CONCERNANT LES MÉCANISMES PHYSIOPATHOLOGIQUES SUSCEPTIBLES D’EXPLIQUER LE LIEN ENTRE ALIMENTATION ET MCD

Actuellement, les mécanismes physiopathologiques sous-jacents qui pourraient expliquer un lien entre l’alimentation et la MCD ne sont pas connus, mais plusieurs hypothèses ont été émises. Historiquement, les cas rapportés de MCD en lien avec l’alimentation étaient associés à une mesure sanguine ou plasmatique de la taurine et/ou de la L-carnitine anormale [22, 23, 35, 38]. À l’inverse, dans les cas étudiés ici (aliments sans céréales et/ou riches en légumineuses), les processus physiopathologiques en jeu semblent être différents, car tous les chiens atteints ne présentent pas de modification de la taurinémie. Dans les études multiraces, les chiens atteints de MCD et consommant un aliment non traditionnel présentaient une taurinémie basse dans 0 %, 10 %, 26 % et 38 % des cas respectivement [1, 9, 17, 40, 30]. Par ailleurs, les chiens affichant une taurinémie basse étaient pour la plupart des golden retrievers, une race connue comme plus sensible à une carence en taurine [20, 31]. Les hypothèses concernant les mécanismes en jeu diffèrent donc selon qu’une altération du statut en taurine est objectivée ou non.

Hypothèses concernant la MCD tauriprive

Chez le chien, la taurine n’est pas un acide aminé essentiel, car elle peut être synthétisée dans le foie à partir de la méthionine ou de la cystéine. Il n’existe donc pas actuellement de recommandation d’apport minimal en taurine dans les aliments pour chiens dans les documents de référence (NRC, guides nutritionnels de la Fediaf ou de l’Aafco(2)).

La taurine est un acide aminé non inclus dans les protéines, qui intervient dans un grand nombre de processus métaboliques. Son rôle exact au niveau cardiaque est encore mal connu, et l’hypothèse la plus répandue est la modulation du calcium intracellulaire [35]. Plusieurs caractéristiques inhérentes à l’aliment peuvent expliquer une carence en taurine. La quantité ainsi que la qualité des protéines peuvent altérer la taurinémie. En effet, historiquement, des cas de MCD ont été observés chez des chiens consommant des aliments diététiques restreints en protéines et non supplémentés en taurine [12, 35]. Par ailleurs, l’utilisation de sources de protéines de piètre qualité, peu digestibles, ou carencées en acides aminés soufrés a également été associée à une carence en taurine. Des aliments végétariens et à base d’agneau ont notamment été incriminés (source protéique limitée en méthionine et cystéine) [3, 5, 8, 16, 26, 35, 38].

D’autres nutriments peuvent également moduler les besoins en taurine ou en ses acides aminés précurseurs. Chez le chien, une proportion importante de la taurine est utilisée dans la conjugaison des acides biliaires. Ainsi, des aliments plus riches en fibres fermentescibles peuvent favoriser un microbiote intestinal capable de dégrader la taurine associée aux acides biliaires [7, 25, 26, 38]. Une richesse en fibres non fermentescibles peut, elle, diminuer la digestibilité globale de l’aliment et augmenter la perte fécale en acides biliaires [7, 25, 26]. L’un comme l’autre, ces mécanismes entraînent une baisse du recyclage entéro-hépatique de la taurine, donc une augmentation des besoins en acides aminés soufrés ou en taurine. L’implication des fibres, historiquement suspectée pour certains aliments contenant du son de riz, fait également partie des hypothèses pour ceux contenant une proportion élevée de légumineuses, mais les résultats entre les différentes études restent contradictoires [7, 25, 33, 34]. Indépendamment des caractéristiques concernant l’aliment, certaines races canines sont réputées être prédisposées à exprimer une carence en taurine. C’est notamment le cas du golden retriever, du labrador ou du cocker [20, 25, 26, 31, 35]. Chez ces races, les besoins en méthionine et en cystéine, voire en taurine, peuvent donc potentiellement être supérieurs à ceux décrits pour les autres races.

Hypothèses concernant les MCD non tauriprives

Les carences en taurine ne représentant pas la majorité des cas de MCD associée aux aliments “non traditionnels”, certains auteurs envisagent d’autres hypothèses comme des carences en d’autres nutriments ou encore la présence de composés toxiques [17, 26].

Une étude récente de “foodomique”, une discipline permettant de comparer les composés biochimiques entre différents aliments, met en parallèle la composition de neuf aliments traditionnels et neuf non traditionnels [36]. Les aliments non traditionnels font partie des marques listées par la FDA comme associées à la plupart des cas rapportés de MCD. Sur les 830 composés comparés, 122 ont un niveau plus élevé dans les aliments non traditionnels, et 27 un niveau abaissé par rapport aux aliments traditionnels. Le pois est l’ingrédient qui contribue de manière significativement plus importante aux différences observées, suivi des lentilles (photos 3a et 3b). Les composés présents en moindre quantité dans les aliments non traditionnels comprennent notamment sept vitamines du groupe B (dont B1, B2, B5, B6 et B9). Or, une carence en vitamine B1 peut provoquer une MCD, et la vitamine B6 est un cofacteur de la synthèse de taurine et de L-carnitine [26, 39]. Les composés détectés en quantité plus élevée dans les aliments non traditionnels comprennent en particulier six composés connus pour être associés à la MCD en médecine humaine. Certains autres des composés présents en quantité plus élevée sont connus pour limiter la biodisponibilité de la L-carnitine. Or, celle-ci joue un rôle important au niveau du métabolisme cardiaque. La L-carnitine permet le transport dans la mitochondrie des acides gras, dont l’oxydation représente 60 % de l’énergie utilisée par le cœur. Ainsi, toute perturbation du métabolisme de la L-carnitine pourrait altérer le métabolisme énergétique du cœur [25, 26, 35]. Enfin, certains composés, présents en plus grandes concentrations que dans les aliments non traditionnels sont de nature inconnue. De plus amples recherches seraient nécessaires pour confirmer ou infirmer l’éventuelle toxicité de certains d’entre eux [36].

Facteurs de risque en lien avec l’animal

Si un mécanisme de carence est suspecté, qu’il s’agisse d’une carence en taurine, en acides aminés précurseurs de taurine ou en d’autres nutriments (vitamines B, L-carnitine, etc.), le risque peut être majoré si le chien a un besoin énergétique bas et consomme un aliment non adapté à ce paramètre [31]. En effet, si un chien a un besoin énergétique réduit par rapport à ses congénères de même format (surpoids, stérilisation, sédentarité, race prédisposée au surpoids) et que la ration est réduite de manière à limiter la prise de poids, l’apport en nutriments essentiels diminue d’autant. C’est pour cette raison que les aliments de gamme vétérinaire destinés aux animaux stérilisés ou en surpoids sont formulés de manière à être moins caloriques, mais également plus riches en nutriments essentiels, dont les protéines et les acides aminés essentiels (par rapport à l’énergie métabolisable de l’aliment, soit en grammes pour 1 000 kcal). Or, les aliments “à la mode” ne sont que rarement formulés spécifiquement pour répondre à ces besoins. La plupart s’adressent “aux chiens” ou “aux chiots”, voire à tous les stades de vie, l’accent étant davantage mis sur les ingrédients utilisés que sur les besoins de l’animal (encadré 2). Nombre d’entre eux sont également très caloriques, la tendance étant à la réduction des glucides assimilables (amidon) et à leur remplacement par des lipides. Ce dernier point est important, car les chiens sont aujourd’hui de plus en plus sédentaires et, en France, la moitié d’entre eux sont stérilisés selon l’enquête Facco-Kantar 2020. Entre 30 et 50 % sont en surpoids, voire obèses, une condition qui aggrave le risque de carences si l’aliment est inadapté [6, 24, 25, 37].

3. PRISE EN CHARGE NUTRITIONNELLE À EFFECTUER LORS DU DIAGNOSTIC DE MCD

Cahier des charges de l’aliment

Lors de MCD, si l’aliment initial est un aliment sans céréales, riche en pois et lentilles, ou de composition peu classique (aliment végétarien ou végan, source de protéines exotique), l’ensemble des données existant à ce jour encourage à effectuer un changement alimentaire. Par ailleurs, certains auteurs conseillent d’évaluer la fonction cardiaque des autres chiens de la famille consommant le même type d’aliment [16].

L’aliment choisi devra être non restreint en protéines. Si un aliment industriel est recommandé, un apport minimal de 45 g/Mcal pour un chien ayant un besoin énergétique de 110 × P0,75 devra être respecté(3). Cela correspond au besoin énergétique d’un chien sain non restreint par la sédentarité, la stérilisation ou le surpoids. Cependant, le besoin énergétique est souvent augmenté lors de maladie chronique, notamment d’affection cardiaque, et doit donc être réévalué au cas par cas chez l’animal malade. La qualité des protéines utilisées dans l’aliment choisi est également primordiale et il reste prudent de choisir un aliment formulé par un fabricant vétérinaire, effectuant des mesures de digestibilité protéique et des aminogrammes [13].

L’apport en sodium devra être ajusté au stade de la maladie : modéré (0,8 à 1 g/Mcal) lorsque la cardiopathie est compensée, modérément restreint (0,5 à 0,8 g/Mcal) quand des signes d’insuffisance cardiaque sont présents à l’effort, et restreint (0,3 à 0,5 g/Mcal) lorsque des signes d’insuffisance cardiaque sont présents au repos ou en cas d’œdème réfractaire [14]. L’apport en sodium des éventuelles friandises, y compris celles utilisées pour administrer des médicaments, devra aussi être pris en compte. Un apport en acides gras oméga 3 EPA et DHA est particulièrement intéressant en cas de cardiopathie. L’acide eicosapentaénoïque (EPA) et l’acide docosahexaénoïque (DHA) aident à limiter la production de cytokines inflammatoires, à retarder l’apparition de la cachexie, et ont un effet antiarythmique. Les doses conseillées varient de 45 à 65 mg/kg/j d’EPA et de DHA, soit un apport dans l’aliment de 0,4 g/Mcal (chien de très petit format) à 1,7 g/Mcal (chien de très grand format), en l’absence de restriction calorique [4, 11, 14, 15]. Dans ce cas, comme pour la plupart des maladies inflammatoires chroniques, la nature des acides gras oméga 3 apportés (EPA et DHA) et leur quantité sont plus importantes que le ratio oméga 6/oméga 3 [13].

Supplémentation en taurine

En sus du changement alimentaire, une supplémentation en taurine est systématisée si une carence est objectivée (taurine sanguine inférieure à 150 nmol/ml ou plasmatique en dessous de 40 nmol/ml). Les doses recommandées dépendent des auteurs et varient classiquement entre 250 mg et 2 g par voie orale, deux à trois fois par jour [14, 35]. Lors de carence objectivée en taurine, il est généralement conseillé d’associer à la prise en charge une supplémentation en L-carnitine, à la dose de 50 à 100 mg/kg par voie orale, trois fois par jour [14, 23, 35].

Dans les études décrites précédemment, une supplémentation en taurine a été mise en place de manière quasi systématique en plus du changement alimentaire, que le chien présente ou non une carence objectivée en taurine. Cette supplémentation a permis dans certaines études d’améliorer la durée de survie [17]. En effet, même en l’absence de carence objectivable à la prise de sang, la taurine possède des propriétés antioxydantes, osmorégulatrices, et elle est suspectée d’augmenter la contractilité cardiaque, des fonctions qui ont un effet potentiellement protecteur du myocarde [18, 35]. De plus, la mesure de la taurine sur le sang ou le plasma n’est pas toujours un reflet fiable du statut en taurine totale de l’organisme [25]. Les normes de référence utilisées sont également discutables, et certaines études suggèrent qu’elles sont inadaptées aux races les plus sensibles à une carence en taurine [20, 31]. Une supplémentation ne présentant par ailleurs aucun risque, il paraît plus prudent de la systématiser [16]. Cette supplémentation, associée à un changement alimentaire, doit être poursuivie entre trois et neuf mois avant qu’un remodelage cardiaque puisse être objectivé. Une amélioration des signes cliniques peut cependant être observée plus rapidement [17, 20, 40].

Lutte contre la cachexie cardiaque

La cachexie se définit comme une perte de poids liée à une perte de masse maigre. Elle affecterait environ la moitié des chiens au stade de l’insuffisance cardiaque. Extrêmement délétère pour l’animal, elle assombrit fortement le pronostic [19]. Contrairement aux apparences, la cachexie est loin d’être uniquement liée à un ingéré protéique insuffisant. En effet, elle succède majoritairement à une couverture insuffisante des besoins énergétiques. Or, lors des stades tardifs de la cardiopathie, ces besoins sont augmentés tandis que le chien est généralement dysorexique. Le contexte inflammatoire intense et la production de cytokines orientent alors le métabolisme vers un catabolisme protéique plutôt que vers l’utilisation des réserves graisseuses [10]. La lutte contre la cachexie s’appuie avant tout sur une détection précoce, grâce à une évaluation régulière de la note d’état musculaire(4) (photo 4). La seconde étape consiste à lutter contre l’anorexie ou la dysorexie, présentes dans 34 à 84 % des cas lors d’insuffisance cardiaque [14]. Au stade de l’insuffisance cardiaque, l’aliment choisi devra être calorique, avec une densité énergétique supérieure à 4 000 kcal/kg. Un rationnement précis et adapté devra également être calculé, suivi et ajusté dans le temps, et les propriétaires devront être conseillés sur la façon de favoriser la prise alimentaire : petits repas fréquents, choix d’un aliment appétent, utilisation d’un aliment humide tiédi proposé seul ou ajouté à l’aliment sec pour stimuler la prise alimentaire, ajout de substances appétentes en petites quantités sur l’aliment (yaourt, miel, morceaux de viande cuite sans sel, etc.), passage à une ration ménagère ou mixte [14].

4. FAUT-IL ÉVITER CERTAINS TYPES D’ALIMENTS PAR PRÉCAUTION ?

Toutes les études publiées à ce jour orientent vers une confirmation de l’association entre les aliments “non traditionnels” et la MCD, mais elles ne démontrent pas la causalité (photo 5). À ce stade des connaissances, il ne semble pas raisonnable de déconseiller de manière préventive les aliments sans céréales et/ou riches en légumineuses. En effet, l’impact potentiel de chaque ingrédient ainsi que l’interaction des différents nutriments entre eux sont encore mal connus. En revanche, les études récentes soulignent l’importance de systématiser une enquête alimentaire auprès des propriétaires : type d’aliment consommé par leur chien (industriel, ménager, sec, humide), marque, composition, quan tité, durée depuis laquelle l’aliment est consommé, quantité et type de friandises ajoutées à la ration. Cette démarche est d’autant plus importante chez les animaux atteints de MCD et chez ceux d’une race prédisposée à la MCD primitive (doberman, dogue allemand et boxer) ou à une carence en taurine (golden retriever, cocker, labrador) [16]. Il peut également être intéressant d’échanger avec les propriétaires de chiens à risque sur l’état actuel des connaissances, afin que leur choix alimentaire puisse être réfléchi en toute conscience. Enfin, il reste fondamental de réaliser une bonne évaluation nutritionnelle individuelle et de recommander un aliment adapté aux besoins de l’animal concerné. Les critères relatifs à la mode du moment ou à l’anthropomorphisme ne doivent pas faire partie d’une démarche médicale sensée.

La problématique étant bien plus complexe que ce à quoi certains voudraient la réduire (absence de céréales, présence de pois ou de lentilles), il paraît plus prudent, au moment de choisir un aliment, de s’interroger sur la créance(5) du fabricant et sur son expertise à formuler et à fabriquer, ou non, un aliment sûr et sain permettant de couvrir les besoins de l’animal de manière adéquate (encadré 3).

  • (1) Par souci de simplicité, la terminologie “aliments non traditionnels” inclut les aliments sans céréales et/ou riches en légumineuses ou pommes de terre, voire appartenant à l’une des marques associées aux cas de MCD dans les communiqués de la FDA [1, 2, 7, 9, 17, 20, 31, 36, 40].

  • (2) NRC : Nutrient Requirements of Dogs and Cats, écrit par le National Research Council, ouvrage de référence se voulant une synthèse des données existantes sur les besoins nutritionnels du chien et du chat. Guides nutritionnels de la Fédération européenne de l’industrie des aliments pour animaux familiers (Fediaf) ou de l’Association of American Feed Control Officials (Aafco) : guides donnant des recommandations pour la formulation des aliments pour animaux familiers (notamment des minima et maxima). Ces guides, rédigés par un comité scientifique (professeurs de nutrition des universités européennes), s’appuient sur la littérature scientifique existante (dont le NRC).

  • (3) Fediaf Nutritional guidelines for complete and complementary pet food for cats and dogs, Fédération européenne de l’industrie des aliments pour animaux familiers, 2020.

  • (4) Voir les tables d’évaluation de la note d’état musculaire sur https://wsava.org/wp-content/uploads/2020/02/Muscle-Condition-Score-Chart-Dogs-French.pdf

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  • 29. C. for V. Medicine. FDA investigating potential connection between diet and cases of canine heart disease. FDA, 2020. https://wayback.archive-it.org/7993/20201222194256/ https://www.fda.gov/animal-veterinary/cvm-updates/fdainvestigating-potential-connection-between-diet-and-cases-canine-heart-disease
  • 30. C. for V. Medicine. Questions & answers: FDA’s work on potential causes of nonhereditary DCM in dogs. FDA, 2021. https://www.fda.gov/animal-veterinary/animal-health-literacy/questions-answers-fdas-work-potential-causes-nonhereditary-dcm-dogs
  • 31. Ontiveros ES, Whelchel BD, Yu J et coll. Development of plasma and whole blood taurine reference ranges and identification of dietary features associated with taurine deficiency and dilated cardiomyopathy in golden retrievers: a prospective, observational study. PLoS One. 2020;15:e0233206.
  • 32. Petfood industry. How pet food retail shifts are playing out in each channel. 2019. https://www.petfoodindustry.com/blogs/7-adventures-in-pet-food/post/7948-howpet-food-retail-shifts-are-playing-out-in-each-channel
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  • 40. Walker AL, DeFrancesco TC, Bonagura JD et coll. Association of diet with clinical outcomes in dogs with dilated cardiomyopathy and congestive heart failure. J. Vet. Cardiol. 2021;S1760-2734 (21):00019-9.

Conflit d’intérêts : L’auteure est responsable régionale de la communication scientifique de Royal Canin.

Encadré 1 : SUIVI CLINIQUE ET ÉCHOCARDIOGRAPHIQUE D’UN CHIEN PRIS EN CHARGE À L’UNITÉ DE CARDIOLOGIE D’ALFORT (ENVA, CHUVA)

Une chienne boxer de 3 ans est référée pour un deuxième avis à la suite d’une suspicion de myocardiopathie dilatée (MCD) de stade avancé (photos A et B). Elle est nourrie depuis l’âge de 2 mois avec un aliment sans céréales, non vétérinaire. Celui distribué depuis la fin de sa croissance possède les caractéristiques suivantes : riche en légumineuses (lentilles), densité énergétique de 3 670 kcal/kg, apport en protéines de 82 g/Mcal, supplémenté en taurine (0,3 g/Mcal) et en L-carnitine (136 mg/Mcal).

La prise en charge thérapeutique a consisté en l’instauration d’un traitement inotrope, associé à une gestion nutritionnelle. Un changement alimentaire a été effectué avec une transition vers un aliment vétérinaire aux caractéristiques suivantes : densité énergétique 4 002 kcal/kg, apport en protéines 75 g/Mcal, méthionine 1,5 g/Mcal, cystéine 1 g/Mcal, Na 0,9 g/Mcal, EPA + DHA 2,7 g/Mcal, non supplémenté en taurine. Une supplémentation en taurine (1 g per os deux fois par jour), L-carnitine (1 g per os deux fois par jour) et EPA et DHA (EPA 460 mg et DHA 380 mg per os une fois par jour) a également été instaurée. À la suite de la prise en charge thérapeutique et nutritionnelle, une évolution assez spectaculaire, à la fois clinique et échocardiographique, est observée en trois mois (photos C et D). Une telle amélioration n’est généralement pas observée lors de MCD primaire. Néanmoins, lors de MCD d’origine nutritionnelle, il faut habituellement plusieurs mois supplémentaires (parfois jusqu’à neuf) avant de constater une normalisation de la taille des cavités ventriculaires et de la fonction systolique [3-5].

Photos et légendes : Pr Valérie Chetboul, unité de cardiologie d’Alfort (ENVA, CHUVA).

Références

1. Boon JA. Veterinary Echocardiography, 2nd edition. Wiley-Blackwell. 2010:632p. 2. Chetboul V, Sampedrano CC, Concordet D et coll. Use of quantitative twodimensional color tissue Doppler imaging for assessment of left ventricular radial and longitudinal myocardial velocities in dogs. Am. J. Vet. Res. 2005;66 (6):953-961. 3. Freid KJ, Freeman LM, Rush JE et coll. Retrospective study of dilated cardiomyopathy in dogs. J. Vet. Intern. Med. 2021;35 (1):58-67. 4. Kaplan JL, Stern JA, Fascetti AJ et coll. Taurine deficiency and dilated cardiomyopathy in Golden Retrievers fed commercial diets. PLoS One. 2018;13 (12):e0209112. 5. Walker AL, DeFrancesco TC, Bonagura JD et coll. Association of diet with clinical outcomes in dogs with dilated cardiomyopathy and congestive heart failure. J. Vet. Cardiol. 2021;S1760-2734 (21):00019-9.

Encadré 2 : COMMENT DES CARENCES SONT-ELLES POSSIBLES AVEC UN ALIMENT DIT COMPLET ?

Les carences éventuelles en un nutriment donné ne proviennent pas nécessairement d’un défaut d’apport stricto sensu. Elles peuvent également résulter d’une faible qualité des nutriments, d’interactions entre les différents nutriments, et de la présence de facteurs antinutritionnels, mais aussi d’une mauvaise maîtrise des procédés industriels, certains nutriments étant thermosensibles. L’ensemble de ces facteurs peut altérer la biodisponibilité finale d’un ou de plusieurs nutriments [25]. Il faut également mettre en regard l’aliment et le chien qui le consomme, car les besoins en nutriments sont intrinsèquement liés au statut physiologique de l’animal, à son âge, voire à sa race. Respecter les minima recommandés par la Fediaf ou par l’Aafco ne permet pas de garantir un apport nutritionnel adéquat, quantité et qualité étant indissociables en nutrition.

Encadré 3 : ANALYSES DE COMPOSITION EFFECTUÉES SUR UN ALIMENT INDUSTRIEL

La réglementation impose la mesure de plusieurs composés sur le produit fini, qui doivent systématiquement être déclarés sur l’étiquette de l’aliment. Ces mesures, effectuées avec une méthode d’analyse standardisée, sont regroupées sous le terme d’“analyse proximale” :

– taux d’humidité, si supérieur à 14 % ;

– taux de protéines brutes, qui donne, d’après une mesure de l’azote, une estimation proche du pourcentage de protéines de l’aliment ;

– taux de matières grasses ;

– taux de cellulose brute, qui représente uniquement une partie des fibres (majorité de fibres insolubles, les fibres solubles n’étant pas prises en compte par cette méthode de mesure) ;

– taux de cendres brutes, ce qui correspond à la matière inorganique (minéraux, oligoéléments).

Ces analyses obligatoires ne permettent pas de connaître la composition et l’équilibre des différents acides aminés ou acides gras essentiels, le détail de la composition en minéraux, la quantité de fibres totales, ou la digestibilité de l’aliment et des différents nutriments. Si le fabricant n’a pas fait appel à un nutritionniste qualifié au moment de la formulation, et si les procédés industriels sont mal maîtrisés, l’aliment peut donc être totalement inadapté à l’animal qui le consomme.

Toutes les grandes marques vétérinaires effectuent des analyses beaucoup plus poussées sur les aliments qu’elles commercialisent :

– analyse fine de la composition de l’aliment (détail des minéraux, vitamines, oligo-éléments, acides gras essentiels, fibres solubles et insolubles, etc.) ;

– aminogramme qui permet de vérifier l’équilibre en acides aminés essentiels et de l’ajuster pour répondre aux besoins de l’animal ;

– mesures de digestibilité, in vivo et in vitro ;

– mesures liées à la maîtrise des procédés industriels : gélatinisation de l’amidon (qui impacte directement sa digestibilité), taux d’oxydation des matières grasses, mesures de pertes éventuelles en nutriments thermosensibles, etc. ;

– mesures des risques de formation de cristaux urinaires.

Ces mesures, tout comme la maîtrise de la formulation et des procédés de fabrication, ne sont pas le strict apanage des marques vétérinaires. Les unes comme les autres ne sont cependant guère répandues dans les pratiques actuelles des petites marques, où tout un chacun peut se hisser au rang de fabricant d’aliment sans avoir la moindre connaissance en nutrition. Il est donc intéressant, au moment du choix d’un aliment, de s’interroger sur la créance(5) du fabricant, via la pertinence des informations communiquées par la marque en plus du simple paquet de l’aliment (publicité et marketing, présence ou non d’un catalogue des aliments détaillant la composition exacte des produits, etc.). Pour cela, le comité de nutrition de la World Small Animal Veterinary Association (Wsava) a rédigé une liste de questions permettant d’apprécier le sérieux d’un industriel (https://wsava.org/wpcontent/ uploads/2020/01/Selecting-the-Best-Food-for-your-Pet-French.pdf).

(5) Créance : probabilité préjugée qu’un aliment soit fiable dans les informations qu’il fournit et équilibré dans ses apports.

CONCLUSION

La myocardiopathie dilatée associée aux aliments non traditionnels est une problématique d’actualité, dont les tenants et les aboutissants sont complexes et encore peu élucidés. Davantage d’études seraient nécessaires pour établir, confirmer ou infirmer une relation de cause à effet entre ces aliments et l’apparition ou l’aggravation d’une MCD. Cependant, si la maladie est détectée chez un chien consommant un aliment non traditionnel, un changement alimentaire est préconisé. Enfin, la FDA a rapporté de manière plus anecdotique quelques cas de MCD féline associés à la consommation d’aliments non traditionnels. Une étude rétrospective montre que, comme chez le chien, le changement alimentaire permet une amélioration de la durée de vie [21]. Affaire à suivre.

Remerciements

L’auteure remercie Pauline Bouissou et Lucien Noël pour leur relecture attentive et leurs nombreux conseils.

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