ÉTAPE 2 : INDUIRE DES CHALEURS FERTILES CHEZ LA CHIENNE ET LA CHATTE - Le Point Vétérinaire n° 429 du 01/05/2022
Le Point Vétérinaire n° 429 du 01/05/2022

La reproduction en 10 étapes

Auteur(s) : Sylvie Chastant

Fonctions : NeoCare
ENV de Toulouse
23 chemin des Capelles
31300 Toulouse

L’induction médicamenteuse des chaleurs est efficace. Néanmoins, de bonnes conditions de mise en œuvre doivent être respectées, tout en prévenant le propriétaire des éventuelles complications.

Chez la chienne, l’induction médicale des chaleurs est l’option thérapeutique face aux cas d’anoestrus prolongé : il s’agit soit d’une chienne non venue en chaleurs depuis dix mois, soit d’une femelle non pubère à l’âge de 24 mois. Les indications zootechniques, qui visent à raccourcir l’interoestrus pour diminuer la durée des périodes improductives, à induire des chaleurs à une période où le mâle est disponible ou à obtenir des chiots à une période de l’année donnée, sont à considérer avec précaution en raison des complications éventuelles. La congélation de la semence est une autre réponse possible à la non-disponibilité du mâle.

Chez la chatte, l’objectif est le plus souvent l’induction de chaleurs en période d’anoestrus hivernal avec la naissance de chatons à contre-saison.

INFORMATION DU PROPRIÉTAIRE

Afin d’obtenir un consentement éclairé, le propriétaire doit être informé concernant le taux de réussite attendu, le temps nécessaire pour obtenir les chaleurs et l’ovulation, les complications possibles et le coût de la solution retenue, à calculer selon le poids de la femelle et en tenant compte de la durée maximale de traitement éventuellement nécessaire.

EXAMEN PRÉALABLE DE LA FEMELLE

1. Examen clinique et commémoratifs

L’état clinique de la femelle doit être compatible avec la reproduction(1). L’induction des chaleurs n’est pas une solution pour traiter l’infertilité : une femelle qui reste vide sur des chaleurs spontanées n’a pas plus de chances de reproduire sur des chaleurs induites. Les conseils de préparation à la reproduction qui s’appliquent à un œstrus spontané s’appliquent également avant une induction des chaleurs(1). Chez la chienne, le taux de gestation obtenu après l’induction d’un œstrus par la desloréline apparaît décevant chez les femelles nullipares (essai effectué avec un demi-implant) [7].

2. Évaluation des conditions de vie de la femelle

La femelle ne doit pas se trouver dans une situation de stress (vie en surpopulation ou en situation hiérarchique de dominée). Chez la chatte, l’entrée en chaleurs est favorisée par la présence d’un mâle à proximité (“effet mâle”), ou par un programme lumineux de 12 à 14 heures de jour, avec une intensité de 300 à 400 lux au sol (permettant de lire un journal sans se fatiguer). Ce programme peut être efficace à lui seul, avec un œstrus induit en deux à quatre semaines.

Chez la chienne, il convient d’éviter le surentraînement à la chasse et à la course, par exemple, qui semble inhiber la cyclicité. Une prise en charge de l’effet de groupe est à considérer, les chiennes élevées en meute ayant tendance à synchroniser leurs cycles : placer une chienne en contact avec des congénères en chaleurs peut contribuer à hâter son retour en chaleurs ; inversement, laisser une chienne au milieu d’autres femelles en diœstrus ou en anœstrus n’est pas favorable.

VÉRIFICATION DU STADE DU CYCLE

L’induction des chaleurs doit se faire en phase d’anœstrus (ou interoestrus chez la chatte) en raison des résultats extrêmement décevants lorsque les traitements débutent en phase lutéale (diœstrus de la chienne, pseudogestation chez la chatte). Le taux de réussite est d’autant meilleur que le traitement est mis en place tard en anœstrus. Par conséquent :

– un délai écoulé depuis les dernières chaleurs de plus de 145 jours permet d’optimiser les résultats chez la chienne (aucun délai similaire n’est connu pour la chatte) ;

– il n’est pas indiqué de déclencher des chaleurs juste après avoir établi un diagnostic de gestation négatif (vers 30 jours après l’ovulation, donc en diœstrus chez la chienne et potentiellement en pseudogestation chez la chatte) ;

– la concentration sanguine en progestérone doit être inférieure à 0,3 ng/ml. Le dosage est indiqué également chez les chiennes déclarées en anœstrus prolongé (dernier œstrus datant de plus de dix mois) afin de s’assurer que des chaleurs silencieuses ne sont pas survenues dans l’intervalle et que la femelle ne se trouve pas en diœstrus (photo 1). Chez la chatte, le dosage doit être pratiqué même si la femelle n’a pas été saillie en raison de l’existence d’ovulations spontanées ;

– un -frottis vaginal permet aussi de vérifier que la chienne n’est pas déjà en proœstrus (chaleurs silencieuses).

PROTOCOLES D’INDUCTION DES CHALEURS

Aucune spécialité n’est indiquée pour l’induction des chaleurs. Chez la chienne, la desloréline et la cabergoline permettent d’induire les chaleurs et l’ovulation ; chez la chatte, la cabergoline n’étant pas efficace, seule la desloréline est une option pour induire l’œstrus, et l’ovulation doit être provoquée par le coït ou par un traitement complémentaire (encadrés 1 et 2, tableau). La gonadolibérine (GnRH), les gonadotropines (equine chorionic gonadotropin ou eCG, hormone folliculostimulante ou FSH) et les prostaglandines F2alpha ne sont pas utilisables en pratique [6].

Afin de détecter tous les œstrus, même sans expression clinique, l’entrée en proœstrus est identifiée grâce à un suivi fondé sur des frottis vaginaux, y compris chez la chatte (photo 2). Le moment de l’ovulation est déterminé classiquement ensuite chez la chienne(1) (les profils de progestérone peuvent être différents de ceux des chaleurs spontanées, avec une élévation plus lente ou moins régulière). Au-delà de quinze jours de pose d’un implant de desloréline, celle-ci exerce un effet antagoniste de la GnRH et la sécrétion d’hormone lutéinisante (LH) s’arrête : les corps jaunes n’étant plus stimulés, une insuffisance lutéale se développe. L’implant est donc retiré, soit au moment de l’ovulation, soit au moment de l’insémination chez la chienne, le lendemain des saillies chez la chatte. La durée de la gestation et la taille de la portée sont dans les normes, aussi bien avec la cabergoline qu’avec la desloréline. L’efficacité des traitements en termes de taux de mise bas est à comparer avec le taux obtenu lors d’œstrus spontanés qui est de l’ordre de 80 % en France pour les deux espèces [1, 4].

L’induction médicamenteuse n’altère ni l’interœstrus suivant, ni la fertilité et la prolificité ultérieures.

  • (1) Voir l’étape 1 : « Prendre en charge la mise à la reproduction d’une femelle », Point vétérinaire n° 428, avril 2022.

Références

  • 1. Chastant-Maillard S, Guillemot C, Feugier A et coll. Reproductive performance and pre-weaning mortality: preliminary analysis of 27,221 purebred female dogs and 204,537 puppies in France. Reprod. Domest. Anim. 2017;52 (2):158-162.
  • 2. Cirit U, Bacinoglu S, Cangul IT et coll. The effects of a low dose of cabergoline on induction of estrus and pregnancy rates in anestrous bitches. Anim. Reprod. Sci. 2007;101:134-144.
  • 3. Ferre-Dolcet L, Frumento P, Abramo F et coll. Disappearance of signs of heat and induction of ovulation in oestrous queens with gonadorelin: a clinical study. J. Feline Med. Surg. 2021;23 (4):344-350.
  • 4. Fournier A, Masson M, Corbiere F et coll. Epidemiological analysis of reproductive performances and kitten mortality rates in 5,303 purebred queens of 45 different breeds and 28,065 kittens in France. Reprod. Domest. Anim. 2017;52 (2):153-157.
  • 5. Graham LH, Swanson WF, Brown JL. Chorionic gonadotrophin administration in cats causes an abnormal endocrine environment that disrupts oviductal embryo transport. Theriogenology. 2000;54:1117-1131.
  • 6. Kutzler MA. Estrous cycle manipulation in dogs. Vet. Clin. North Am. Small Anim. Pract. 2018;48:581-594.
  • 7. Mila A, Grellet A, Chastant-Maillard S. Induction de l’ovulation chez la chienne (desloréline, cabergoline). Numéro spécial “La chienne et la chatte reproductrices”. Nouveau Prat. 2020:101-104.
  • 8. Zambelli D, Bini C, Küster DG et coll. First deliveries after estrus induction using deslorelin and endoscopic transcervical insemination in the queen. Theriogenology. 2015;84:773-778.

Conflit d’intérêts : Aucun

Encadré 1 : MISE EN PLACE ET RETRAIT DE L’IMPLANT DE DESLORÉLINE

L’implant (Suprelorin® 4,7 mg) est posé dans la région ombilicale, cranialement ou caudalement à l’ombilic. Cette position permet un retrait facile (à la différence de la position interscapulaire) tout en prévenant le léchage ou le retrait de l’implant par la femelle. Le site est préparé avec une simple tonte autour du lieu d’introduction de l’aiguille, complétée par une désinfection. Les chiennes ne nécessitent généralement aucune anesthésie locale ou tranquillisation, ni pour la pose ni pour le retrait de l’implant. Les réactions des chattes peuvent être plus violentes : il est donc conseillé de les faire venir à jeun, au cas où une tranquillisation se révélerait nécessaire. Chez les deux espèces, une anesthésie locale peut être réalisée via l’application d’une crème anesthésiante pendant quinze minutes avant la pose de l’implant (sous protection d’un morceau de film alimentaire). L’anesthésie locale par injection sous-cutanée de lidocaïne n’est pas conseillée en raison de la vasodilatation associée.

Le dispositif aiguille-implant est sorti de son emballage stérile et vissé sur l’implanteur. La femelle est placée en décubitus dorsal, idéalement dans un coussin de type Doggy relax®. L’aiguille est insérée à travers la peau, biseau vers le haut, et poussée en position strictement sous-cutanée jusqu’à la garde (photo). L’implant est alors poussé à l’extérieur de l’aiguille et les doigts serrent la peau en position immédiatement caudale à l’implant, pour empêcher celui-ci de reculer, puis l’aiguille est retirée. La présence de l’implant est contrôlée par une palpation douce (il est parfois même directement visible). L’implant ne doit pas être excessivement manipulé pour éviter de le briser, ce qui compliquerait son retrait. Comme il est de couleur blanche, la présence d’un cylindre transparent bleu clair dans l’aiguille après l’expulsion de l’implant est normale. De la colle chirurgicale peut être appliquée au point d’insertion (éviter les agrafes qui risquent de stimuler le grattage). L’implanteur (bleu foncé) est conservé pour la pose des autres implants contenus dans la boîte. Une fois l’ovulation obtenue ou lors de la saillie, le retrait de l’implant s’effectue par une simple incision cutanée à proximité d’une extrémité de l’implant, en veillant à ne pas inciser l’implant lui-même. Une pression avec le doigt est exercée à l’autre extrémité de l’implant et, si nécessaire, ce dernier est saisi à l’aide d’une pince mousse (attention à ne pas le casser).

Points clés

• Avant de mettre en place un traitement d’induction des chaleurs, il convient de vérifier que la femelle est bien en anœstrus par un frottis vaginal et un dosage de progestérone.

• Une attention particulière doit être portée à l’information du propriétaire sur les effets indésirables et le coût du traitement.

• Chez la chienne, cabergoline et desloréline permettent d’obtenir des taux de mise bas proches de ceux obtenus sur des œstrus spontanés.

• Chez la chatte, seule la desloréline est utilisable, mais le recul quant à son efficacité est encore limité.

Encadré 2 : INDUCTION DE L’OVULATION CHEZ LA CHATTE

L’induction de l’ovulation permet d’interrompre les manifestations de chaleurs gênantes pour les propriétaires, notamment chez les femelles destinées à la reproduction et encore trop jeunes. Le comportement s’arrête 24 à 48 heures après l’ovulation. Néanmoins, l’induction de l’ovulation ne doit pas être utilisée de façon répétée en raison de l’augmentation du risque de pyomètre (et de fibroadénomatose mammaire). De façon anecdotique, l’ovulation doit être induite lorsqu’une insémination artificielle est pratiquée.

Le traitement le plus simple est l’administration de gonadolibérine (GnRH) : la dose de 50 µg de gonadoréline par chat par voie intramusculaire administrée entre deux et quatre jours après le début des chaleurs permet d’obtenir l’ovulation dans 85 % des cas [3].

L’human chorionic gonadotropin ou hCG (Chorulon®) induit l’ovulation, à la dose maximale de 100 UI par voie intramusculaire, mais sa longue durée de vie diminuerait les chances de gestation et son poids moléculaire élevé induirait une immunisation [5]. Une solution mécanique est également efficace, mais parfois moins facile à mettre en œuvre : il s’agit de pratiquer cinq stimulations vaginales à l’aide d’un écouvillon pendant 30 secondes chacune et espacées de 30 minutes.

CONCLUSION

Les traitements d’induction des chaleurs et de l’ovulation sont efficaces à condition d’être entrepris dans de bonnes conditions. Ils sont globalement sûrs, mais compte tenu du fait qu’ils sont appliqués chez des animaux sains et dont il faut préserver le potentiel reproducteur, les complications possibles doivent être expressément présentées pour garantir le consentement éclairé du propriétaire.

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