INTÉRÊT DE L’ÉCHOCARDIOGRAPHIE LORS DE SOUFFLE SYSTOLIQUE MARQUÉ CHEZ UN CHIEN PRÉCONGESTIF - Le Point Vétérinaire n° 428 du 01/04/2022
Le Point Vétérinaire n° 428 du 01/04/2022

CARDIOLOGIE

Cardiologie

Auteur(s) : François Serres

Fonctions : (DESV médecine interne, option cardiologie)
Oncovet
Avenue Paul Langevin
59650 Villeneuve d’Ascq

Un souffle systolique apexien gauche chez un chien de race de petite taille est quasiment pathognomonique de l’évolution d’une maladie valvulaire mitrale, mais l’intensité du souffle est peu corrélée à la gravité de cette affection. L’échocardiographie permet de préciser le diagnostic.

Un chien mâle croisé de type terrier, âgé de 9 ans et pesant 9 kg, est présenté pour l’exploration d’un souffle systolique mis en évidence deux ans auparavant. Un examen échocardiographique avait alors révélé une maladie valvulaire mitrale de stade Acvim B1, selon la classification de l’American College of Veterinary Internal Medicine, et aucun traitement n’avait été préconisé. Le souffle a récemment été entendu par le propriétaire lui-même, pourtant à distance de son chien. Suspectant une aggravation, celui-ci demande spontanément un examen de contrôle.

PRÉSENTATION DU CAS

1. Examen clinique

Lors de l’examen clinique d’admission, l’animal semble en bon état général, avec des muqueuses roses et un temps de recoloration capillaire dans les valeurs usuelles. L’auscultation permet de percevoir un souffle systolique apexien gauche à l’intensité marquée (6 sur 6, audible à distance), avec une fréquence cardiaque normale (100 à 120 battements par minute).

Aucune polypnée n’a été observée par le vétérinaire (avec une fréquence respiratoire au repos de 20 mouvements par minute), ni rapportée par le propriétaire qui décrit toutefois une légère fatigabilité lors d’un effort prolongé.

2. Examen échocardiographique

La coupe transventriculaire réalisée en mode temps-mouvement, obtenue par voie parasternale droite, montre un ventricule gauche à la morphologie modifiée, très nettement dilaté en diastole et en systole : le diamètre diastolique (VGd) est de 43 mm (avec un diamètre normalisé par rapport au poids de 2,1), le diamètre systolique de 20 mm. Le ventricule droit est très peu visible (diamètre en systole [VGs] = 20 mm). La fraction de raccourcissement est mesurée à 54 %.

L’examen au mode 2D confirme un épaississement marqué des feuillets mitraux, associé à la présence d’un prolapsus valvulaire. L’atrium gauche est nettement dilaté, avec un rapport atrium gauche/aorte de 2,1 mesuré selon la technique rapportée dans l’étude Epic [2]. L’examen en mode Doppler couleur confirme la présence d’un reflux mitral systolique, qui occupe 100 % de la surface atriale gauche et remonte dans les veines pulmonaires.

La zone de convergence (ou vena contracta) de l’insuffisance mitrale est de taille très importante, avec un rapport vena contracta/aorte mesuré à 0,5 (photo 1). Les ondes mitrales diastoliques affichent une vélocité élevée, avec une onde E mesurée à 1,625 mètre par seconde (photo 2). Un reflux tricuspidien à la vitesse peu élevée est identifié, avec un gradient de pression ventricule droit/atrium droit de 26 mmHg.

3. Diagnostic

L’examen confirme donc le passage de la maladie valvulaire mitrale au stade clinique Acvim B2. La prescription de pimobendane est préconisée, à la dose de 0,28 mg/kg toutes les douze heures. Le pronostic est relativement favorable à court et moyen termes, même si la présence de nombreux marqueurs échographiques de gravité (dilatation cardiaque, vitesse de l’onde E mitrale, taille de la régurgitation, présence d’une hypertension pulmonaire marquée) invite à une surveillance rapprochée. Un bilan échographique est préconisé dans six mois. Un monitorage de la fréquence respiratoire au domicile est proposé afin de détecter l’apparition d’une congestion cardiaque [3].

DISCUSSION

1. Intensité du souffle et gravité de la maladie valvulaire mitrale

L’examen échocardiographique lors de la suspicion d’une maladie valvulaire mitrale asymptomatique présente un intérêt en complément de l’examen clinique. L’identification d’un souffle systolique apexien gauche, non présent depuis la naissance, chez un chien de race de petite taille, est quasiment pathognomonique de l’évolution d’une maladie valvulaire mitrale, les autres causes de souffle systolique apexien gauche (souffle fonctionnel secondaire à une cardiomyopathie dilatée ou endocardite mitrale, par exemple) étant rarissimes dans cette population. L’intensité du souffle n’est cependant que partiellement corrélée à la gravité de la maladie. Un souffle d’intensité 6 sur 6, comme dans le cas présenté, n’est identifié que chez 5 % des chiens atteints de maladie valvulaire mitrale. Ces souffles de forte intensité sont le plus souvent observés lors de maladie avancée, mais 10 % des chiens qui présentent un thrill (c’est-à-dire un souffle d’intensité 5 à 6 sur 6) ne sont pas atteints d’une dilatation cardiaque [4].

2. Intérêts de l’échocardiographie

Lors d’une suspicion de maladie val­vulaire, l’examen échocardiographique doit aller au-delà de la visualisation des lésions de la valve mitrale et de la confirmation par l’examen Doppler de l’origine du souffle. La mesure du diamètre ventriculaire gauche et du rapport atrium gauche/aorte permet, depuis la publication des consensus de l’Acvim, de distinguer les chiens en phase asymptomatique non dilatée (B1) de ceux en phase dilatée (B2) [3]. L’exploration échographique peut être complétée ou partiellement remplacée par la réalisation d’examens radiographiques [3].

Cette distinction a des implications :

– pronostiques : le stade B1 est considéré comme une affection bénigne, alors que le stade B2 évoluera vers une insuffisance cardiaque chez près de la moitié des chiens atteints. Dans l’étude Epic, cette évolution a lieu au bout d’une durée médiane de 766 jours chez les animaux qui ne reçoivent pas de traitement [2] ;

– thérapeutiques : le consensus recommande un traitement avec du pimobendane uniquement à partir du stade B2. Des études récentes montrent que certaines mesures échographiques permettent encore d’affiner le pronostic pour ces stades, ce qui permet notamment de répondre aux questions des propriétaires et de préciser la fréquence des suivis préconisés [5, 6].

La vitesse de l’onde E mitrale diastolique à l’examen Doppler pulsé (qui donne une estimation de la pression atriale gauche) et la vena contracta mesurée par l’examen Doppler couleur (qui offre une estimation de l’importance de la fuite) sont ainsi des éléments utiles pour préciser le risque de décompensation [5]. Dans le cas présenté, les valeurs élevées observées sont associées à des médianes de survie inférieures à un an, soit nettement en dessous de la médiane mesurée dans l’étude Epic pour un animal au stade B2 sous traitement [2, 3].

À côté de ces marqueurs “indépendants”, l’emploi d’un marqueur “composite”, le mitral insufficiency echocardiographic score (Mine) qui associe le diamètre ventriculaire gauche diastolique indexé au poids, le rapport atrium gauche/aorte, la fraction de raccourcissement du ventricule gauche et la vélocité de l’onde E, a été récemment décrit [6]. Sur une population d’animaux au stade Acvim B2, ce marqueur permet de distinguer les cas avec une atteinte “modérée” des cas avec une atteinte “marquée”, comme dans le cas présenté, avec des médianes de survie significativement différentes (1 107 versus 1 644 jours). Un suivi tous les six mois est donc fortement recommandé chez les animaux avec une atteinte marquée, comme dans notre cas. Une hypertension pulmonaire est aussi souvent mise en évidence lors de maladie valvulaire mitrale, avec une prévalence et une gravité croissantes selon l’évolution de l’affection, ainsi qu’un impact certain sur le pronostic [1].

Références

  • 1. Borgarelli M, Abbott J, Braz-Ruivo L et coll. Haggstrom prevalence and prognostic importance of pulmonary hypertension in dogs with myxomatous mitral valve disease. J. Vet. Intern. Med. 2015;29:569-574.
  • 2. Boswood A, Häggström J, Gordon SG et coll. Effect of pimobendan in dogs with preclinical myxomatous mitral valve disease and cardiomegaly: the EPIC study, a randomized clinical trial. J. Vet. Intern. Med. 2016;30:1765-1779.
  • 3. Keene BW, Atkins CE, Bonagura JD et coll. ACVIM consensus guidelines for the diagnosis and treatment of myxomatous mitral valve disease in dogs. J. Vet. Intern. Med. 2019;33:1127-1140.
  • 4. Ljungvall I, Rishniw M, Porciello F et coll. Murmur intensity in small-breed dogs with myxomatous mitral valve disease reflects disease severity. J. Small Anim. Pract. 2014;55:545-550.
  • 5. Sargent J, Muzzi R, Mukherjee R et coll. Echocardiographic predictors of survival in dogs with myxomatous mitral valve disease. J. Vet. Cardiol. 2015;17:1-12.
  • 6. Vezzosi T, Grosso G, Tognetti R et coll. The Mitral INsufficiency Echocardiographic score: a severity classification of myxomatous mitral valve disease in dogs. J. Vet. Intern. Med. 2021;35:1238-1244.

Conflit d’intérêts : Aucun

CONCLUSION

L’échocardiographie est depuis longtemps un outil majeur pour l’évaluation des chiens atteints de maladie valvulaire mitrale au stade asymptomatique, dans l’objectif de développer une médecine préventive de qualité, fondée sur des preuves scientifiques récentes et croissantes.

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