BOITERIE D’UN MEMBRE PELVIEN CHEZ UN JEUNE ROTTWEILER - Le Point Vétérinaire n° 428 du 01/04/2022
Le Point Vétérinaire n° 428 du 01/04/2022

MÉDECINE INTERNE

Quel est votre diagnostic ?

Auteur(s) : Pierre Guigo*, Guillaume Reinsch**, Jean-François Boursier***

Fonctions :
*(dipl. ECVS, DESV de chirurgie)
Clinique TouraineVet
12, rue des Internautes
37210 Rochecorbon

PRÉSENTATION CLINIQUE

Une chienne rottweiler non stérilisée, âgée de 6 mois, est référée en consultation spécialisée pour l’exploration d’une boiterie des membres pelviens qui évolue depuis un mois. Les propriétaires décrivent une boiterie avec un report d’appui, plus importante à froid. Aucun traumatisme susceptible d’être à l’origine de cette boiterie n’est rapporté. Les traitements anti-inflammatoires prescrits n’ont pas abouti à une amélioration clinique.

À l’admission, l’examen général ne montre pas d’anomalie. L’examen orthopédique met en évidence une démarche chaloupée sur les membres pelviens. L’examen rapproché révèle une tuméfaction bilatérale marquée des tarses. Leur mobilisation est douloureuse et s’accompagne de craquements en flexion et en extension. Des clichés radiographiques des tarses sont réalisés sous sédation, notamment du tarse gauche en incidences de face, oblique interne et de profil (photos 1 à 3).

Qualité et description des images radiographiques ?

→ L’exposition, le contraste et la netteté des images radiographiques sont corrects. La qualité des clichés radiographiques est suffisante pour l’interprétation. Les tissus mous en regard du tarse sont épaissis et leur opacité est augmentée. Une ligne radiotransparente irrégulière est présente au niveau de l’aspect proximal de la lèvre latérale de la trochlée du talus. Cette ligne, mieux visualisée sur l’incidence oblique, isole un fragment osseux triangulaire non déplacé. Une sclérose du talus et de l’os sous-chondral tibial y est associée. Un fragment osseux est visible sur l’incidence de profil en regard de l’aspect proximo-dorsal du talus.

Interprétation et diagnostic

→ L’examen met en évidence une ostéochondrite disséquante de la lèvre latérale de la trochlée du talus, avec la présence d’une souris articulaire en regard du talus. Des radiographies du membre contro­latéral montrent des lésions similaires au niveau de la lèvre latérale de la trochlée du talus.

Références

  • 1. Dingemanse WB, Van Bree HJ, Duchateau L et coll. Comparison of clinical and computed tomographic features between medial and lateral trochlear ridge talar osteochondrosis in dogs. Vet. Surg. 2013;42:340-345.
  • 2. Fossum TW. Diseases of the joints. In: Small Animal Surgery, 4th edition. Elsevier. 2012:1371-1374.
  • 3. Gielen I, van Ryssen B, van Bree H. Computerized tomography compared with radiography in the diagnosis of lateral trochlear ridge talar osteochondritis dissecans in dogs. Vet. Comp. Orthop. Traumatol. 2005;18:77-82.
  • 4. Wisner ER, Berry CR, Morgan JP et coll. Osteochondrosis of the lateral trochlear ridge of the talus in seven rottweiler dogs. Vet. Surg. 1990;19 (6):435-439.
  • 5. Wisner ER, Pollard RE. Orthopedic diseases of young and growing dogs and cats. In: Textbook of Veterinary Diagnostic Radiology, 6th edition. 2013:267-268.

Conflit d’intérêts : Aucun

DISCUSSION

L’ostéchondrose de la trochlée du talus représente 9 % des cas d’ostéchondrose chez le chien [3]. Les lésions touchent le plus souvent l’extrémité proximale de la lèvre médiale [4]. Les atteintes de la lèvre latérale sont plus rares et ne sont rapportées que dans 20 % des cas d’ostéchondrose du tarse [1]. Celles-ci sont souvent associées à des fragments osseux plus larges et à des signes cliniques plus marqués, comme dans le cas présenté [1].

Les lésions d’ostéchondrose de la lèvre latérale de la trochlée du talus sont mieux visualisées en incidence radiographique oblique dorso-latérale/plantaro-médiale, avec une rotation interne du tarse de 45° [4]. L’incidence dorso-plantaire présente une faible sensibilité de détection de ce type de lésions, en raison notamment de la superposition de la lèvre latérale et du calcanéus [4]. La réalisation d’une incidence dorso-plantaire avec une flexion du tarse à 15° permet cependant de désuperposer ces structures et de mieux évaluer l’articulation tarso-crurale [3]. Des signes radiographiques d’arthrose accompagnent fréquemment ces lésions, tels que des proliférations ostéophytiques périarticulaires, une sclérose de l’os sous-chondral du tibia et des lèvres de la trochlée du talus, des proliférations périostées et des plages radiotransparentes sous-chondrales au niveau de la malléole latérale de la fibula [3, 4]. Les lésions d’ostéchondrose étant fréquemment bilatérales, l’évaluation systématique du membre controlatéral est recommandée [5].

Lors d’une suspicion d’ostéchondrose du tarse, le scanner et l’imagerie par résonance magnétique permettent une évaluation plus précise des surfaces articulaires [3]. Ces examens complémentaires servent également à déterminer précisément le nombre, la taille et la localisation des fragments [3]. Ces informations sont essentielles lorsqu’un traitement par arthroscopie est choisi, notamment pour déterminer la voie d’abord [3]. Le traitement chirurgical permet généralement une bonne amélioration clinique. Cependant, l’apparition de lésions d’arthrose sur le long terme peut nécessiter l’instauration d’un traitement médical conservateur, ou la mise en place d’une prothèse totale ou partielle du tarse [2].

Abonné au Point Vétérinaire, retrouvez votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr