STÉNOSE SOUS-AORTIQUE CHEZ UN CHIEN REPRODUCTEUR - Le Point Vétérinaire n° 427 du 01/03/2022
Le Point Vétérinaire n° 427 du 01/03/2022

CARDIOLOGIE

Cardiologie

Auteur(s) : François Serres

Fonctions : (DESV médecine interne, option cardiologie)
Oncovet
Avenue Paul Langevin
59650 Villeneuve d’Ascq

La classification des sténoses sous-aortiques a été remise en cause. Une catégorie “très marquée” s’ajoute désormais à celles qui existaient auparavant.

Un chien american bully mâle non castré, âgé de 3 ans, a été acquis par le propriétaire trois semaines auparavant pour une mise à la reproduction. L’animal est présenté pour l’exploration d’un souffle systolique entendu récemment à l’auscultation.

Depuis l’adoption, une fatigabilité à l’effort ainsi qu’une nette tendance à la polypnée lors de stress minime sont également observées. Aucun traitement n’est actuellement administré.

PRÉSENTATION DU CAS

Examens général et cardiaque

À l’examen clinique, l’état général de l’animal est satisfaisant (score d’état corporel de 6 sur 9), sans perte de poids récente. Les muqueuses sont roses et le temps de recoloration capillaire est dans les normes. L’examen respiratoire révèle une polypnée continue sans cyanose ni anomalie lors de l’auscultation pulmonaire. Une tachycardie nette est audible à l’auscultation cardiaque (fréquence oscillant entre 140 et 180 battements par minute), associée à un souffle systolique basal gauche de forte intensité (5 sur 6).

Un examen échocardiographique est réalisé afin d’explorer l’origine du souffle. L’examen, effectué en modes bidimensionnel et temps mouvement, met en évidence un ventricule gauche présentant une hypertrophie myocardique marquée. L’examen bidimensionnel montre également un atrium gauche nettement dilaté, avec un rapport atrium gauche/aorte de 2. Une obstruction au flux est détectée en mode Doppler couleur, en position sous-aortique, avec un net épaississement fibromusculaire septal (photo 1). L’examen en mode Doppler continu confirme la présence d’un flux aortique non laminaire et à la vélocité nettement augmentée (vitesse maximale de 6,5 à 7 m/s, enregistrée sur la coupe 2D cinq cavités obtenue par voie apicale gauche) (photo 2).

Diagnostic

L’examen réalisé permet d’identifier une sténose aortique sous-valvulaire d’un gradient très élevé (gradient ventricule gauche/aorte calculé à partir de la vitesse du flux aortique dépassant 190 mmHg), associée à une hypertrophie marquée du ventricule gauche. La dilatation de l’atrium gauche et le tableau clinique (fatigabilité et polypnée à l’effort) permettent de suspecter l’existence d’une décompensation avec une insuffisance cardiaque gauche. Face à l’importance de la sténose, un traitement à base d’un bêtabloquant (aténolol, à la dose de 1 mg/kg toutes les 12 heures per os) est prescrit. Une surveillance est mise en place, en raison des signes de décompensation observés.

En cas d’identification d’une polypnée au repos et au domicile, un traitement diurétique complémentaire est recommandé (furosémide, à raison de 2 mg/kg toutes les 12 heures per os initialement). Étant donné le caractère habituellement héréditaire de cette affection congénitale, la mise à la reproduction est fortement déconseillée.

DISCUSSION

La sténose sous-aortique est une malformation congénitale qui peut, si elle est marquée, affecter de façon très importante l’espérance et la qualité de vie de l’animal atteint.

Classification

La sténose sous-aortique est généralement classée en trois catégories : minime, modérée et marquée. Cette classification est fondée sur le gradient de pression : plus il est élevé, plus il traduit l’existence d’une obstruction au flux importante, qui majore le risque de complications (mort subite ou développement d’une insuffisance cardiaque congestive). L’étude qui définit ces catégories indique ainsi qu’une sténose sous-aortique minime (correspondant à un gradient ventricule gauche/aorte de 16 à 35 mmHg) ou modérée (gradient ventricule gauche/aorte de 36 à 80 mmHg) est associée à un pronostic nettement plus favorable qu’une sténose marquée (correspondant à un gradient ventricule gauche/aorte supérieur à 80 mmHg) dont la médiane de survie rapportée est inférieure à 19 mois [3]. Cette classification a cependant été récemment remise en cause, car des survies très longues sont régulièrement observées chez des chiens présentant une sténose sous-aortique marquée.

Une étude récente, menée sur une population plus importante, a ainsi défini une “nouvelle” catégorie, qui correspond à des sténoses sous-aortiques très marquées, avec un gradient dépassant 130 mmHg. Cette catégorie est associée à un pronostic significativement plus mauvais (avec une médiane de survie rapportée de trois ans) que lors de sténose “marquée” (médiane de survie de 7,3 ans pour un gradient entre 80 et 130 mmHg) [1, 2]. Si cette nouvelle classification semble plus adaptée pour préciser le pronostic, son intérêt au plan thérapeutique reste à démontrer.

Étiologie

L’aspect génétique héréditaire de ces malformations est fortement suspecté, mais une seule mutation génétique, l’insertion d’un codon dans le gène de la phosphatidylinositol binding clathrin assembly protein (Picalm), a été identifiée chez des lignées de terre-neuve nord-américaines [4].

Traitement

Les études thérapeutiques consacrées aux sténoses sous-aortiques sont encore rares et essentiellement rétrospectives. Les bêtabloquants sont principalement recommandés, car ils présentent un profil thérapeutique théoriquement favorable, en particulier en raison de leurs effets isotrope et chronotrope négatifs. Une étude chez des chiens présentant une sténose sous-aortique marquée (gradient supérieur à 80 mmHg) n’a pas montré de différence de survie liée à la mortalité cardiaque (avec des médianes proches de six ans chez des animaux recevant un traitement d’aténolol ou non traités) [2]. Il n’existe aucune étude prospective randomisée thérapeutique (sur l’aténolol ou tout autre traitement), réalisée chez des chiens présentant une sténose sous-aortique très marquée, qui semble correspondre à la population “à risque” pour cette maladie.

Références

  • 1. Eason BD, Fine-Ferreira DM, Leeder D et coll. Natural history of subaortic stenosis in 166 dogs (1999-2011). J. Vet. Cardiol. 2021;37:71-80.
  • 2. Eason BD, Fine DM, Leeder D et coll. Influence of beta blockers on survival in dogs with severe subaortic stenosis. J. Vet. Intern. Med. 2014;28 (3):857-862.
  • 3. Kienle RD, Thomas WP, Pion PD. The natural clinical history of canine congenital subaortic stenosis. J. Vet. Intern. Med. 1994;8 (6):423-431.
  • 4. Ontiveros ES, Stern JA. Genetics of canine subvalvular aortic stenosis (SAS). Canine Med. Genet. 2021;8 (1):4.

Conflit d’intérêts : Aucun

CONCLUSION

Malgré sa fréquence, la sténose sous-aortique reste une affection pour laquelle les outils diagnostiques et thérapeutiques ont peu évolué depuis les premières études réalisées. L’emploi de tests génétiques permet d’espérer une diminution de la fréquence de cette affection chez les races prédisposées, en sélectionnant plus tôt les reproducteurs, mais le diagnostic et l’évaluation pronostique sont encore dépendants des examens échocardiographique et Doppler.

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