PRISE EN CHARGE DIÉTÉTIQUE ET MÉDICALE DE LA CONSTIPATION CHEZ LE CHAT - Le Point Vétérinaire n° 427 du 01/03/2022
Le Point Vétérinaire n° 427 du 01/03/2022

LA CONSTIPATION CHEZ LE CHAT

Dossier

Auteur(s) : Tarek Bouzouraa

Fonctions : (dipl. ECVIM-CA)
Vetalpha
1305, route de Lozanne
ZA des Grandes Terres
69380 Dommartin

Lors de constipation chez le chat, la priorité est de traiter sa cause. Lorsqu’elle est inconnue, des mesures diététiques et environnementales sont mises en place, ainsi que diverses options thérapeutiques.

Une fois le mécanisme et la cause d’un épisode de constipation identifiés, le praticien peut agir sur plusieurs axes de prise en charge. Lorsque c’est possible, l’origine de la constipation doit être corrigée afin de réduire le risque de rechute et de dégradation conduisant au mégacôlon.

1. PRISE EN CHARGE SPÉCIFIQUE DES CAUSES DE CONSTIPATION

Correction des troubles métaboliques

En cas de néphropathie, de déshydratation, d’hypercalcémie ou d’hypokaliémie, les perfusions intraveineuses doivent être initiées afin de rétablir l’équilibre hydroélectrolytique. Ces perfusions intègrent la correction de la déshydratation estimée à l’examen clinique, le maintien des besoins d’entretien, le remplacement des pertes dites “sensibles” (induites par l’état de polyurie qui accompagne fréquemment ces affections) et, si nécessaire, l’induction de la calciurèse et l’apport de chlorure de potassium. D’autres traitements ou supplémentations peuvent être indiqués chez le chat constipé qui présente des troubles métaboliques (tableau 1) [1-3, 7, 8, 10, 11, 13, 18].

Chez le chat insuffisant rénal chronique, la prise en charge et le suivi sont guidés par les recommandations consensuelles de l’International Renal Interest Society (Iris). Une démarche spécifique est en outre engagée pour explorer les causes d’insuffisance rénale, d’hypokaliémie et d’hypercalcémie, afin de les traiter en parallèle ou, ce qui est souvent le cas, dans un deuxième temps.

Il est important de noter que certains traitements spécifiques, comme les glucocorticoïdes lors d’hypercalcémie, pourront interférer avec le diagnostic de la cause de cette hypercalcémie et sont à éviter dans la mesure du possible en première intention.

Gestion environnementale

Lorsque la constipation est liée au surpoids chez un chat sédentaire, le clinicien doit élaborer un programme visant à retrouver un statut pondéral idéal. Cela nécessite prioritairement un ajustement diététique, afin de réduire l’apport calorique grâce à un aliment humide ou hypocalorique. Les aliments humides peuvent de surcroît contribuer à ramollir les fèces. Dans une étude, l’introduction partielle d’une alimentation humide a permis de faire passer le pourcentage d’humidité des selles de 69 à 71 % dans l’un des groupes de chats testés, tandis que le protocole inverse a fait chuter l’humidité de 73 à 68 % dans un autre groupe. Un autre axe de prise en charge vise à augmenter l’activité physique, ce qui améliore le transit intestinal, la propulsion des fèces et leur émission. Après avoir exclu une éventuelle dysfonction colorectale, la ration alimentaire peut être enrichie en fibres non fermentescibles, en optant pour un aliment industriel dédié, ou en ajoutant des légumes tels que la courgette cuite à l’eau à la ration (photo 1) [1-3, 7, 8, 10, 11, 13, 18]. L’aliment est distribué régulièrement, en quantité maîtrisée et rationnée.

Il peut arriver que la constipation soit consécutive à une réticence à déféquer due à un accès difficile à la litière (localisation ou hygiène inadaptée, agression par un congénère). La gestion environnementale consiste alors à identifier et à corriger tout facteur aggravant la situation. Une consultation comportementale peut se révéler nécessaire dans certains cas.

Prise en charge des atteintes douloureuses

La douleur viscérale peut provoquer une dysmotilité digestive, voire un iléus paralytique, et favoriser ou aggraver ainsi la constipation. Les douleurs ostéo-articulaires (rachidiennes, pelviennes ou sacro-coccygiennes) générées par un traumatisme, une arthropathie ou une neuropathie dégénérative, entraînent également une incapacité à déféquer (photo 2). Lorsqu’une affection douloureuse est diagnostiquée, que l’animal soit hospitalisé ou non, les traitements analgésiques doivent être adaptés en incluant une prise en charge multimodale de la douleur [2, 3, 10, 13].

Les atteintes cutanéo-muqueuses de l’arrière-train (engorgement ou abcès de glandes anales, plaie ou phlegmons) sont prises en charge par des soins locaux spécifiques, mais aussi par des traitements systémiques (anti-inflammatoires notamment) qui permettent de réduire la douleur à la défécation.

Arrêt des traitements favorisant la dysmotilité

Si un chat reçoit des traitements antispasmodiques (opioïdes ou anticholinergiques) et présente une constipation, il faut trouver une solution alternative visant à suspendre leur administration. Il peut être utile d’arrêter les traitements avec des agents couvrant la muqueuse (sucralfate, smectite, phosphate d’aluminium) [2, 3, 10, 13]. Lorsqu’un opioïde est prescrit pour prendre en charge la douleur, il est remplacé par une molécule réputée moins incommodante et qui “épargne” davantage la motilité intestinale. Ainsi, si cela est envisageable sur le plan pharmacologique, la morphine ou le tramadol sont notamment substitués par la buprénorphine, voire le fentanyl [2, 3, 10, 13].

Prise en charge spécifique des causes obstructives et fonctionnelles

Causes obstructives

Les causes d’obstruction à la vidange colorectale mises en évidence à l’imagerie médicale (radiographie, scanner, voire échographie) ou via un examen coloscopique, bénéficient d’une prise en charge dédiée (photo 3). Les masses rétropéritonéales et colorectales peuvent faire l’objet d’une exérèse. Les processus cicatriciels consécutifs à d’anciennes fractures générant une réduction de la filière pelvienne sont difficiles à prendre en charge.

Causes neurologiques

Lors de myélopathie ou de neuropathie, il est parfois trop tard pour intervenir. C’est notamment le cas lors d’un traumatisme ancien, ou à l’origine d’une section totale des structures nerveuses (neurotmésis) [2, 3, 10, 13]. Les affections nerveuses périphériques à l’origine d’une constipation font partie de syndromes généraux qui associent d’autres signes cliniques (dysautonomie ou myasthénie grave). La myasthénie grave répond à l’administration de pyridostigmine (parasympathomimétique), à la dose de 25 mg/kg par jour per os. Cette molécule inhibe l’hydrolyse de l’acétylcholine par les cholinestérases dans l’espace synaptique et augmente donc sa concentration et son activité sur la plaque motrice. Elle favorise ainsi la reprise du tonus musculaire [5]. En dehors de ce traitement spécifique pour la myasthénie, la prise en charge d’une constipation intervenant dans ce contexte nécessite un traitement symptomatique et associe des molécules prokinétiques (métoclopramide, ranitidine, maropitant, cisapride) et laxatives [5].

2. PRISE EN CHARGE GÉNÉRALE DE LA CONSTIPATION

La prise en charge générale doit être entreprise lorsqu’aucune cause n’est identifiée (mégacôlon idiopathique). Elle associe un ajustement diététique et la prescription de laxatifs ou de stimulants de la motricité, afin de prévenir les récidives (tableaux 2 et 3).

Ajustement diététique à l’aide d’un aliment riche en fibres ou hyperdigestible

Il existe des aliments riches en fibres et des aliments hyperdigestibles. Ces deux gammes ont leurs avantages et leurs limites dans la prise en charge du chat constipé. Le type d’aliment adapté varie selon la cause et le mécanisme de la constipation.

Aliment riche en fibres

Les fibres alimentaires ont un rôle déterminant dans l’équilibre fonctionnel colorectal. Elles sont indiquées en l’absence de dysmotilité et ont un effet limité en présence d’une atteinte fonctionnelle colorectale. Il existe plusieurs types de fibres alimentaires, comme la cellulose, l’hémicellulose, les pectines, les gommes et les lignines. Cette famille est sous-divisée en fibres solubles (ou fermentescibles) et non solubles (non fermentescibles) [2-4, 8, 9, 11, 13, 15].

Les différentes gammes alimentaires proposées sur le marché ne sont pas équivalentes au niveau de leur teneur en fibres. En effet, certaines sont uniquement composées de cellulose (insoluble), tandis que d’autres contiennent plutôt des associations de fibres solubles, dont des fructo-oligosaccharides, des mannan-oligosaccharides, du chitosane, des pectines ou de l’arabinoxylane [2-4, 8, 9, 11, 13, 15]. Les fibres solubles ont un fort pouvoir osmotique, forment des gels dans la lumière digestive et sont fermentées dans le côlon. Ce sont plutôt leurs produits de fermentation (acides gras à chaîne courte tels que le butyrate) qui soutiennent la fonctionnalité colorectale [2-4, 8, 9, 11, 13, 15]. Ce parcours biologique correspond à la définition d’un agent prébiotique (source énergétique alimentaire censée promouvoir la sélection de certaines bactéries au sein du microbiome, et qui apportent in fine un bénéfice à la santé). Les fibres insolubles ne sont pas fermentées et contribuent à la prise de volume, de masse et de densité des selles dans la sphère colorectale. La distension colique qui en résulte stimule le péristaltisme et les contractions géantes antérogrades qui propulsent les matières fécales distalement, et accélèrent donc le transit [2-4, 8, 9, 11, 13, 15]. Ainsi, lorsque le côlon est sain, l’apport de fibres alimentaires améliore le fonctionnement colorectal et l’expulsion des fèces. À l’inverse, lors de dysmotilité colorectale, voire de perte fonctionnelle totale, l’apport de fibres en trop grande quantité augmente le calibre des selles contenues dans la lumière, ce qui perturbe et réduit la motricité. Cela contribuerait à aggraver la situation clinique et augmenterait le risque de mégacôlon [2-4, 8, 9, 11, 13, 15]. Les fibres insolubles (qui augmentent le volume des fèces) sont aussi problématiques lors d’obstruction externe (réduction de la filière pelvienne). Lorsqu’un chat est suivi pour des épisodes récurrents de constipation et qu’il a déjà subi plusieurs lavements, l’administration d’un aliment riche en fibres est déconseillée.

Aliment hyperdigestible

En présence d’une dysmotilité colorectale ou d’une obstruction manifeste (comme une réduction de la filière pelvienne), il est plus prudent d’envisager un aliment hyperdigestible, hypercalorique et dont l’apport en fibres est maîtrisé, afin de réduire la quantité de résidus aboutissant à la lumière colique en fin de digestion [2-4, 8, 9, 11, 13, 15]. Les aliments hyperdigestibles contiennent peu de fibres insolubles et une quantité modérée de fibres solubles. Le volume des selles est faible, elles sont en général molles, mais la motilité colorectale n’est pas stimulée [2-4, 8, 9, 11, 13, 15]. Cet aliment peut être essayé, mais le passage à une gamme enrichie en fibres insolubles se révèle parfois nécessaire.

Autre aliment

Il est important de proposer un aliment humide et de favoriser la prise de boisson, qui contribuerait au maintien de l’hydratation et du volume des fèces, optimisant ainsi leur expulsion. Selon les cas, l’adjonction d’une poudre de psyllium à l’aliment humide peut être envisagée, à raison d’une cuillère à café une à deux fois par jour. Une publication documente tout de même l’intérêt d’un aliment sec modérément enrichi en fibres (Gastrointestinal Fibre Response de Royal Canin, à base de psyllium) testé chez quinze chats atteints de constipation “réfractaire” aux traitements médicaux. Une amélioration est rapportée chez dix de ces chats au bout d’une semaine. Après un mois, quatorze d’entre eux ne présentent plus de constipation, tandis que le quinzième chat montre aussi une amélioration après deux mois de prise en charge [9]. Le suivi à long terme des chats n’est cependant pas disponible dans cette étude et l’aliment testé n’a pas été comparé à une formule humide.

Rôle des prébiotiques et probiotiques

Des données récentes, issues de la médecine comparée avec les données chez l’humain, évoquent le rôle prometteur des fibres solubles (qui agissent comme des prébiotiques) dans la prise en charge de la constipation chez le chat. Leur hydrolyse dans la lumière colique libère du butyrate, qui est la source énergétique la plus valorisée par les colonocytes, dont l’activité augmente. De plus, le butyrate acidifie le pH colique et stimule ainsi le péristaltisme [2-4, 8, 9, 11, 13, 15, 19]. Enfin, dans une étude, la prescription de probiotiques à des chats constipés (Lactobacillus sp. et Bifidobacterium sp.) a permis de réduire les signes cliniques de constipation [14]. Associer des prébiotiques et des probiotiques pour prendre en charge la constipation chez le chat, telle est la stratégie de l’aliment Gastrointestinal Biome de Hill’s qui fait l’objet d’une attention grandissante, avec des résultats prometteurs et des études en cours [19]. Une publication récente a évalué l’impact clinique et biologique d’une supplémentation de 90 jours avec des probiotiques composés de bactéries vivantes (Sivoy®, contenant le Slab51), chez des chats constipés et réfractaires aux traitements médicaux usuels. Après 90 jours de supplémentation, les auteurs rapportent une chute significative du score clinique d’entéropathie chronique féline (feline chronic enteropathy activity index), de la consistance des fèces et des scores de l’analyse histologique de la paroi colique (plus de cellules interstitielles de Cajal et moins d’apoptoses) [14].

Les laxatifs

Les laxatifs employés permettent l’évacuation des selles via plusieurs mécanismes. Les fibres solubles évoquées précédemment (telles que le psyllium) ont également des propriétés physiques laxatives.

Suppositoires

Les suppositoires et gels rectaux employés en médecine humaine chez le nourrisson et l’enfant peuvent être utilisés chez le chat constipé. Parmi eux, le gel émollient à base de docusate de sodium (Norgalax ®(1) 120 mg), le gel osmotique à base de sorbitol (Microlax®(1) 2,6 g) ou les suppositoires lubrifiants à la glycérine ou au bisacodyl (Dulcolax®(1) 10 mg) sont les plus employés [2, 3, 7, 8, 10, 11, 13]. Ils ne peuvent être utilisés que chez des chats coopératifs et sont contre-indiqués en présence d’un fécalome (car totalement inefficaces), mais sont utiles en première intention, en dehors d’une hospitalisation, et représentent une option thérapeutique peu onéreuse.

Laxatifs émollients

La composition des laxatifs émollients assure un mélange homogène entre les lipides et l’eau contenus dans les matières digérées. Cela aboutit à une rétention hydrique dans la lumière colorectale et à une distribution et une absorption accrue des lipides à travers la paroi colique. Le docusate, sous sa forme orale, est le seul laxatif exclusivement émollient (Jamylène®(1) 50 mg, à raison d’un comprimé par jour per os) [2, 3, 7, 8, 10, 11, 13]. D’autres molécules émollientes, telles que le dioctyl calcium et le sulfosuccinate de potassium, sont présentes dans des compositions associant plusieurs types de laxatifs.

Laxatifs lubrifiants

Les laxatifs lubrifiants sont représentés par les huiles minérales comme la paraffine (contenue dans la pâte orale Laxatone®, à raison de 10 ml par jour et par chat) ou la vaseline (1 à 5 ml par jour per os). En tapissant la muqueuse colorectale, ces agents réduisent la réabsorption d’eau et favorisent le glissement des fèces [2, 3, 7, 8, 10, 11, 13]. Hormis pour le laxatone, leur utilisation est soumise à d’importantes précautions, car ces huiles minérales peuvent induire des pneumonies lipidiques fatales en cas d’aspiration, surtout chez des chats débilités en hospitalisation. Ce type de laxatif est considéré comme efficace pour les constipations légères à modérées, mais souvent inefficace lors de constipation sévère ou de mégacôlon. Par ailleurs, ils ne devraient pas être utilisés au long cours, mais uniquement en cas de constipation aiguë et modérée, parce qu’ils peuvent ralentir l’absorption des nutriments ou des autres médicaments.

Laxatifs hyperosmotiques

Les laxatifs hyperosmotiques sont des polysaccharides osmotiquement actifs et non absorbés dans le tube digestif, administrés par voie orale, comme le lactulose (Duphalac®(1), à raison de 0,25 à 2 ml par prise, per os, deux à trois fois par jour), le lactitol (Importal®(1), de 0,5 à 2 g par prise per os, deux fois par jour), le citrate, l’hydroxyde ou le sulfate de magnésium (à la dose de 2 à 4 ml/kg per os, une fois par jour, mais contre-indiqué lors de néphropathie), ainsi que les solutions de lavement contenant des polymères de polyéthylène glycol (Macrogol®(1) 3350, à raison de 2 mg de poudre par prise, per os, deux fois par jour) [11, 16]. Les solutés hypertoniques de phosphate de sodium (Normacol®(1)) sont désormais fortement déconseillés car leur emploi génère des désordres électrolytiques qui aggravent souvent la situation clinique initiale et peuvent entraîner la mort [2, 3, 7, 8, 10, 11, 13]. Le lactulose est considéré comme le laxatif hyperosmotique le plus sécuritaire et efficace. Des auteurs soulignent cependant son inefficacité lors de constipation grave et de mégacôlon.

Laxatifs stimulants

Les laxatifs stimulants incluent notamment le bisacodyl, le plus employé chez le chat (Dulcolax®(1) 5 mg, un comprimé par jour par chat, per os). La molécule stimule les voies inflammatoires et sécrétoires, via l’induction d’acide nitrique et la synthèse de prostaglandines (PGE2) qui activent l’excrétion de mucus et la fermeture des aquaporines de type 3 (générant une rétention d’eau) [2, 3, 7, 8, 10, 11, 13]. Le bisacodyl stimule aussi les contractions de la musculature lisse colique, par l’intermédiaire de l’activation des plexis myentériques. L’huile de ricin présente quant à elle des effets purgatifs via la stimulation des contractions musculaires. Elle est cependant peu employée chez le chat et son administration est également associée à un risque de pneumonie lipidique fatale [2, 3, 7, 8, 10, 11, 13].

Les agents prokinétiques

Les agents prokinétiques sont peu utilisés en France, car ils ne sont pas tous disponibles comme dans autres pays. La plupart d’entre eux n’ont pas les effets bénéfiques théoriquement recherchés, tandis que certains ont une innocuité controversée. Leur emploi doit être envisagé lors de dysmotilité colorectale ou d’atteinte nerveuse, tandis qu’en présence d’une obstruction, leur prescription est délétère. Il est donc indispensable de toujours connaître le mécanisme de la constipation avant d’envisager leur administration [2, 3, 7, 8, 10, 11, 13].

Cisapride

L’une des molécules les plus efficaces est le cisapride (Prépulsid®(1) suspension buvable 1 mg/ml, à raison de 0,1 à 0,5 mg/kg per os deux fois par jour). Elle agit directement comme un agoniste des récepteurs de la sérotonine 5-HT4 et indirectement comme un parasympathomimétique. L’agent n’avait pas d’autorisation de mise sur le marché chez l’animal et il a été retiré du marché humain en France, compte tenu de la survenue d’arythmies cardiaques chez un groupe restreint de patients ayant reçu le traitement. Ces effets indésirables n’ont jamais été rapportés chez l’animal. Les vétérinaires pourraient y avoir accès en faisant appel à des formulations spontanées offertes par les industries pharmacologiques en Amérique du Nord, mais cela reste difficile de s’en procurer. Ce traitement est considéré comme bénéfique dans les cas de constipation légère à modérée, mais demeure inefficace lors de mégacôlon.

Prucalopride

Une autre molécule sérotoninergique très proche, agissant aussi sur les récepteurs 5-HT4 et disponible en France, est le prucalopride (Resolor®(1) 2 mg, à raison d’un comprimé par chat une fois par jour). Cette molécule génère les contractions géantes de migrations permettant l’avancée des selles chez le chien et le chat [2, 3, 7, 8, 10, 11, 13, 14].

Pyridostigmine

La pyridostigmine (anticholinestérasique) est aussi un agent prokinétique dont le mécanisme d’action a déjà été abordé plus haut et qui n’est réellement indiqué qu’en cas de myasthénie grave.

Ranitidine et nizatidine

La ranitidine (Azantac®(1) ampoule injectable 50 mg/2 ml, à raison de 2 mg/kg toutes les huit heures par voie intraveineuse) et la nizatidine (Nizaxid®(1) gélule 150 mg, à raison de 75 mg par prise une fois par jour per os) sont les deux seuls antihistaminiques (agissant sur les récepteurs histaminergiques de type II) dont les effets prokinétiques sont démontrés dans des études in vitro [2, 3, 7, 8, 10, 11, 13, 14]. Leur rôle bénéfique résulterait d’une activité anticholinestérasique, absente chez les autres antihistaminiques. Cette activité peut justifier leur emploi en cas de constipation [2, 3, 7, 8, 10, 11, 13, 14]. Les experts considèrent que leur efficacité n’est pas prouvée in vivo.

Érythromycine

L’érythromycine (Erythrocine®(1) poudre 300 mg, à raison de 0,5 à 1 mg/kg/jour per os) est un antibiotique de la famille des macrolides qui favorise la libération de motiline, une hormone qui génère les ondes propulsives de type III (ou complexes migrants moteurs) et favorise la motricité colique chez le chien. Son activité chez le chat n’est pas encore démontrée [2, 3, 7, 8, 10, 11, 13, 14]. Il est souvent utilisé en Amérique du Nord et est disponible en pharmacie humaine en France.

Misoprostol

Le misoprostol (Cytotec®(1) comprimé 100 µg, à la dose de 5 à 10 µg/kg per os, trois fois par jour) est un analogue des prostaglandines PGE1, qui entraîne l’excrétion de fluides, de mucus et de bicarbonates, ainsi que l’augmentation des contractions de la musculature lisse intestinale et du côlon, le tout favorisant la motilité colorectale et l’expulsion des fèces [2, 3, 7, 8, 10, 11, 13, 14]. De leur côté, le métoclopramide et son analogue le mosapride n’ont pas prouvé leur intérêt dans la prise en charge de la constipation chez le chat [2, 3, 7, 8, 10, 11, 13, 14].

  • (1) Médicament à usage humain.

Références

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Conflit d’intérêts : Aucun

CONCLUSION

La prise en charge de la constipation chez le chat appelle la gestion spécifique de sa cause, lorsque celle-ci est identifiée. Lorsque l’origine reste incertaine, la constipation justifie un ajustement diététique vers un aliment hyperdigestible et générant peu de résidus en cas de dysmotilité, tandis que l’apport de fibres est une stratégie réservée à certains cas précis, pour lesquels la fonctionnalité colorectale est encore préservée et qui ne présentent pas d’obstruction externe. Les agents stimulants la motricité incluent les suppositoires, les laxatifs agissant via plusieurs mécanismes non exclusifs, et les agents prokinétiques, dont l’efficacité et l’innocuité ne sont malheureusement pas parfaites. En cas de coprostase réfractaire culminant vers le mégacôlon, la réalisation d’un lavement colorectal, voire d’une colectomie (sub) totale, offre un ultime moyen de prise en charge.

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