DIMINUER LA PEUR ET LE STRESS INDUITS PAR LA CONSULTATION VÉTÉRINAIRE - Le Point Vétérinaire n° 427 du 01/03/2022
Le Point Vétérinaire n° 427 du 01/03/2022

COMPORTEMENT CANIN ET FÉLIN

Article de synthèse

Auteur(s) : Anne-Sophie Personnat

Fonctions : (CEAV en médecine du comportement des animaux domestiques)
50, rue de la Tour de Bau
18400 Saint-Florent-sur-Cher

De nombreux outils sont disponibles en pratique quotidienne afin de limiter le stress et la peur chez les chiens et les chats lors des visites vétérinaires, et ainsi optimiser les conditions de la consultation.

Les visites chez le vétérinaire sont essentielles pour la santé de l’animal. Toutefois, celles-ci ne doivent pas avoir lieu, autant que possible, au détriment de son bien-être et de la relation avec son propriétaire, à condition que le pronostic vital ne soit pas engagé, une situation pour laquelle la santé demeure prioritaire. Adopter une démarche “pet-friendly”, une approche bienveillante prenant en compte les émotions de l’animal, est à la portée de tous les praticiens.

PRÉVALENCE DE LA PEUR OU DU STRESS CHEZ LE VÉTÉRINAIRE

La peur, le stress, l’anxiété et la phobie sont quatre notions à différencier :

– la peur est définie comme une réponse permettant d’éviter un danger perçu et est donc un comportement normal [8, 14] ;

– un stimulus stressant est défini comme tout élément chimique, physique ou émotionnel qui menace l’homéostasie corporelle, entraînant une réaction chez l’animal afin de s’adapter [8]. Cette réaction, appelée réponse physiologique de stress, peut inclure une réponse comportementale, endocrinienne et neurologique ;

– l’anxiété correspond à l’anticipation d’un futur danger qui peut être inconnu, imaginé ou réel [8]. Elle peut ainsi résulter de l’anticipation d’un événement négatif à la suite d’une précédente expérience négative, ayant provoqué de la peur ou de la douleur chez l’animal [14] ;

– la phobie est une peur persistante, excessive face à certaines situations et disproportionnée par rapport à la menace réelle que ces situations représentent [8].

Dans une étude portant sur l’état émotionnel des animaux lors des visites vétérinaires, 20 % des 750 vétérinaires interrogés mentionnent qu’au moins la moitié des chiens et environ 65 % des chats montrent des signes modérés à sévères de peur ou d’anxiété lors des consultations [18]. Dans une étude relative au bien-être canin dans la salle d’attente d’une clinique vétérinaire, deux tiers des 45 chiens inclus passent plus de 20 % du temps à exprimer au moins un signe de stress, 53,3 % montrent au moins quatre signes comportementaux évocateurs de stress et 29 % présentent un niveau de stress élevé [13]. Une étude menée chez 135 chiens rapporte que 78,5 % d’entre eux présentent des comportements de peur lorsqu’ils se trouvent sur la table de consultation [4]. Une autre étude réalisée à partir de 26 555 réponses au Canine behavioral assessment and research questionnaire (C-Barq) révèle que, selon leurs propriétaires, 41 % des chiens expriment une peur légère à modérée lorsqu’ils sont examinés par un vétérinaire et que 14 % présentent une peur sévère ou extrême [5]. Bien que les chiffres diffèrent suivant les études, l’existence de peur ou de stress est indéniable chez certains animaux de compagnie lors des visites vétérinaires.

CAUSES DE PEUR ET DE STRESS CHEZ LES ANIMAUX EN CLINIQUE

Les causes de peur et de stress pour l’animal sont nombreuses lors d’une visite chez le vétérinaire (encadré 1). En outre, le confinement dans la caisse de transport est une source de peur supplémentaire pour le chat [11, 12, 13].

INTÉRÊTS À DIMINUER LA PEUR RESSENTIE PAR L’ANIMAL

1. Meilleur suivi

Les soins vétérinaires sont essentiels pour assurer la santé des animaux. Cependant, le stress subi par l’animal, et par conséquent par son propriétaire, constitue une cause majeure de non-présentation au vétérinaire [17]. Cette réticence à présenter l’animal en consultation est encore plus notable chez le chat [10, 14]. Une étude révèle que 28 % des propriétaires de chats et 22 % des détenteurs de chiens consulteraient plus souvent le vétérinaire si la consultation n’était pas associée à autant de stress pour leur animal [12, 17].

Plus la peur augmente, plus le propriétaire est réticent à emmener son animal à la clinique [18]. Limiter le stress lors des visites vétérinaires permet alors de mieux fidéliser sa clientèle, d’autant qu’un nombre croissant de propriétaires prennent en compte les attitudes du praticien, notamment lors des interactions avec l’animal, dans le choix de leur vétérinaire et la détermination de la fréquence des visites chez celui-ci [5].

2. Augmenter le bien-être de l’animal

Il est essentiel de limiter les peurs et le stress à la clinique vétérinaire et de promouvoir les pratiques “pet-friendly” pour améliorer le bien-être des animaux de compagnie [5]. Une seule visite chez le vétérinaire peut avoir des conséquences dramatiques à long terme sur le bienêtre de ces animaux : une expérience stressante en consultation chez l’animal âgé de 8 à 12 semaines, une période durant laquelle les zones corticales cérébrales sont toujours en développement, peut en effet entraîner une chaîne d’événements neurochimiques susceptibles d’être préjudiciables pour l’apprentissage. Ainsi, l’augmentation de la concentration en cortisol provoque une modification de la concentration en facteur neutrophique dérivé du cerveau, appelé brain-derived neurotrophic factor, actif dans l’hippocampe et dans le cortex qui sont des aires vitales pour l’apprentissage, la mémoire et d’autres fonctions cognitives [8].

3. Assurer la sécurité de tous

Les chiens et les chats peuvent montrer de l’agressivité liée à la peur, à la douleur ou à la mémorisation d’expériences négatives lors des consultations vétérinaires, ce qui entraîne des risques de blessure pour l’animal, pour le propriétaire, mais également pour l’équipe soignante [5, 8, 10, 13, 14].

Les manipulations forcées, notamment au cours de l’examen clinique, sont l’un des contextes associés à une augmentation de la probabilité d’agression, l’animal n’ayant pas la possibilité de fuir en cas d’inconfort [12]. Plus la peur augmente chez l’animal, plus les risques de blessure sont importants pour l’équipe vétérinaire. À l’inverse, plus un animal se sent à l’aise dans l’environnement et durant la manipulation, plus il est probable qu’il restera calme et coopératif [12, 18].

4. Meilleure évaluation des paramètres physiologiques

Le stress généré chez l’animal par la visite chez le vétérinaire peut influer sur les mesures des paramètres physiologiques, notamment la température, la pression sanguine, la fréquence cardiaque et la glycémie, entraînant un risque de mauvaise interprétation et d’erreur de diagnostic [2, 7, 12, 13, 14]. En effet, les catécholamines et les glucocorticoïdes libérés via la réponse physiologique de stress peuvent induire une augmentation de la glycémie ainsi que des modifications du leucogramme (monocytose, neutrophilie, lymphopénie, éosinopénie) [7, 10, 13].

Une étude réalisée chez 30 chiens sains montre des différences significatives pour les valeurs de la pression sanguine, la température rectale et le rythme cardiaque entre les mesures réalisées au domicile, puis en clinique vétérinaire [1]. Une étude concernant 33 chiens âgés de 6 à 12 mois met en évidence une augmentation significative de la fréquence cardiaque lors de l’examen clinique chez le vétérinaire, que le propriétaire interagisse ou non avec son animal durant l’examen [2].

5. Faciliter les prochaines consultations

Chaque expérience négative risque d’augmenter la peur de l’animal lors des prochaines visites vétérinaires et de rendre l’examen plus compliqué [8, 12]. Les chiens ayant vécu uniquement des expériences positives en clinique vétérinaire sont significativement moins peureux dans cet environnement comparativement à ceux ayant vécu des expériences négatives [15]. Les chiots qui présentent de la peur dans l’environnement vétérinaire entre l’âge de 2 à 4 mois présentent également de la peur à l’âge adulte dans le même contexte. Il est alors important de veiller à ne pas provoquer de peur chez le chiot, mais aussi chez le chaton, afin de limiter le risque de peur chez l’animal adulte lors des visites vétérinaires [8].

REPÉRER LES SIGNAUX DE PEUR ET DE STRESS CHEZ L’ANIMAL

1. Chez le chien

Les signaux de peur et de stress chez le chien sont divers (tableau 1). Les postures corporelles et les expressions faciales doivent être bien interprétées par l’équipe vétérinaire afin de réagir dès l’apparition de ces signaux et de placer à nouveau l’animal dans un état émotionnel positif.

2. Chez le chat

Chez le chat, les signaux de peur et de stress sont également importants à détecter afin de repérer un inconfort chez l’animal et de pouvoir y remédier. La peur chez le chat peut conduire à trois réactions : la fuite, l’immobilisation ou l’agression [9]. Les signaux de peur et de stress incluent des modifications de postures corporelles et des changements au niveau de la face (figure 1). L’agitation de la queue, la transpiration des coussinets ainsi que les variations de vocalisation (passage d’un miaulement de détresse au grondement, puis au feulement) sont également à repérer [8, 13, 14].

ADAPTER SA PRATIQUE POUR DIMINUER LA PEUR ET LE STRESS

1. En amont de la consultation

Le choix de la caisse de transport du chat peut influer sur le stress de l’animal : recourir à un modèle au couvercle amovible permet d’ouvrir la caisse en consultation sans forcer l’animal à en sortir et ainsi réaliser l’examen clinique dans le fond de la boîte, ce qui permet de réduire le stress du chat (photo 1 et encadré 2) [14].

Les auxiliaires vétérinaires ont un rôle à jouer lors de la prise des rendez-vous afin de limiter le stress de l’animal : si un chien n’est pas à l’aise avec ses congénères, cette information doit être prise en compte afin de proposer un rendez-vous à un moment de la journée plus calme [12]. Il en est de même pour les chats peu à l’aise à la clinique vétérinaire. De plus, l’auxiliaire peut s’assurer par téléphone que le propriétaire du chat met tout en œuvre pour limiter le stress de ce dernier lors du transport.

2. Créer un environnement positif dans toutes les pièces de la clinique

Que ce soit en salle d’attente, en salle de consultation, ou lors de l’hospitalisation, il est important de créer un environnement positif pour l’animal. Les odeurs (désinfectants, autres animaux), sources potentielles de stress chez l’animal, doivent être gérées au mieux. Il convient ainsi de nettoyer les surfaces à l’aide de produits sans odeur lorsque cela est possible, de se laver les mains entre chaque consultation, de changer de blouse après avoir reçu un animal stressé et d’aérer les locaux régulièrement, plus particulièrement après le départ d’un animal ayant excrété le contenu de ses glandes anales à la suite d’un stress [14].

Certains auteurs préconisent l’utilisation de phéromones faciales de synthèse chez le chat, bien que l’efficacité de ces dernières dans la réduction de la peur chez cet animal soit controversée. Une salle de consultation dédiée aux chats est une autre solution proposée par certains auteurs, mais jamais réellement mesurée à ce jour [8, 14].

Réduire autant que possible l’exposition au bruit durant tout le temps de présence de l’animal à la clinique vétérinaire permet également de créer un environnement moins stressant. La diffusion d’une musique apaisante (comme de la musique classique) peut être envisagée durant les consultations [14]. Enfin, le langage corporel de l’équipe vétérinaire doit être adéquat tout au long de la visite (tableau 2).

3. Organisation de la salle d’attente

La salle d’attente doit être adaptée afin de limiter l’exposition aux autres animaux [12]. Si disposer d’une salle d’attente réservée aux chats est idéal, créer un espace pour les chiens séparé de celui dédié aux chats peut être une solution alternative [14]. En cas d’impossibilité d’adapter la salle d’attente, certains auteurs recommandent de prévoir les rendez-vous pour les chats aux moments les plus calmes de la journée, ou à des plages horaires différentes de celles des chiens [8, 12, 14]. Il est également conseillé de disposer d’un espace en hauteur pour pouvoir poser la caisse de transport du chat et de proposer, le cas échéant, une couverture pour couvrir cette caisse : certains chats sont plus apaisés si les autres animaux sont maintenus hors de leur champ de vision, tandis que d’autres préfèrent observer leur environnement [12, 14].

Concernant les chiens, la salle d’attente doit être organisée afin d’augmenter autant que possible l’espace entre deux congénères [12]. Des friandises peuvent être mises à leur disposition en salle d’attente afin d’associer l’arrivée à la clinique vétérinaire à un élément positif [8]. Le propriétaire peut aussi être invité à amener des friandises ou le jouet favori de l’animal [12].

L’arrivée en salle d’attente est souvent suivie de la pesée du chien. Or monter sur la balance peut être source de peur pour l’animal. Elle peut être diminuée en utilisant une surface antidérapante, en évitant de placer la balance dans un angle et en encourageant l’animal à monter dessus volontairement à l’aide de friandises [12].

La durée d’attente avant l’examen doit être la plus courte possible, six minutes en salle d’attente potentialisant le risque de signes de stress [9]. Pour cela, les consultations sur rendez-vous sont à privilégier [14]. En cas d’attente prolongée, les auxiliaires vétérinaires peuvent inviter les propriétaires de chiens à patienter dans leur voiture, à condition que leur animal y soit à l’aise, ou à promener ce dernier à l’extérieur afin de limiter leur temps de présence en salle d’attente [12].

4. Adapter sa pratique en salle de consultation

Arrivée en salle de consultation

Le premier contact entre le praticien et l’animal est déterminant pour la suite de la consultation, ainsi que pour les visites ultérieures : il doit donc être le plus agréable possible. Forcer un chat à sortir de la caisse de transport est anxiogène pour l’animal. Il est conseillé, dès l’entrée en salle de consultation, de placer la cage de transport sur la table d’examen, de l’orienter afin que l’animal puisse voir son propriétaire, d’ouvrir la grille et de laisser la possibilité au chat de sortir de lui-même pour explorer son environnement le temps du recueil de l’anamnèse [12, 13, 14]. Si le chat n’est pas sorti de la caisse au moment de l’examen, il est alors conseillé de démonter le couvercle afin d’accéder à l’animal [14].

De même, il est important de laisser le chien prendre l’initiative du premier contact avec le praticien.

Examen clinique

L’examen clinique est à adapter selon l’individu et doit être réalisé dans une position où l’animal est confortable, en commençant par les zones corporelles les moins sensibles [12, 14]. Certains animaux présentent moins de peur s’ils sont examinés au sol (hormis pour le chat), sur les genoux ou dans les bras de leur propriétaire, plutôt que sur la table de consultation [8, 9, 12, 14]. Examiner le chat dans le socle de la caisse de transport est moins stressant pour certains d’entre eux [14]. Une couverture permettant de cacher le chat durant une partie de l’examen clinique peut aussi contribuer à diminuer sa peur [14]. Le placement dans un sac de contention étant parfois source de peur pour le chat, cette solution n’est pas recommandée. Si nécessaire, il est préférable d’enrouler l’animal à l’intérieur d’une serviette [12, 19].

Le recours à la “clipnose” est également controversé : si certains auteurs préconisent l’utilisation de cet outil chez le chat, visant à entraîner une inhibition du comportement et une immobilisation de l’animal, pour d’autres cette immobilisation s’apparente à une réaction de “freezing” associée à la peur [12, 14].

Opter pour une table de consultation avec un tapis antidérapant adapté à tout animal, et spécifiquement recouverte d’un tissu confortable pour le chat changé à chaque fois ou idéalement apporté par le propriétaire et imprégné des odeurs familières pour l’animal, contribue en outre à l’amélioration du bien-être en consultation (photos 2a à 2c) [12]. L’examen doit être raccourci au maximum (le matériel nécessaire est préparé à l’avance), sans contraintes excessives (laisser l’animal libre de ses mouvements, ne pas le tenir par la peau du cou) et le moins douloureux possible (manipuler l’animal avec douceur et utiliser des aiguilles fines pour les injections) [10, 12, 13, 14]. Le recours à l’analgésie, voire à l’anesthésie, est à envisager en cas d’acte potentiellement douloureux [12]. Limiter le bruit et le nombre de personnes autour de l’animal lors de l’examen permet également de réduire la peur [13, 14].

Utilisation de friandises et de jouets

Distribuer des friandises, à l’exception de rares contre-indications (anesthésie, anomalie digestive majeure), présente de nombreux avantages à condition que l’animal ait un intérêt pour les récompenses alimentaires et que le propriétaire y consente (encadré 3). Elles doivent être distribuées régulièrement durant la consultation et pas uniquement après l’examen clinique et peuvent être données directement à l’animal ou posées sur la table de consultation ou sur le sol pour les animaux plus réservés [12]. Le recours aux friandises sera plus fréquent chez le chien et plus difficile chez le chat. La mise à disposition de jouets est également recommandée [8, 12, 14, 18]. Chez le chat, l’emploi de jouets à base de cataire est décrit par certains auteurs, bien que la sensibilité à cette plante soit variable d’un animal à l’autre [14].

Présence du propriétaire

Permettre au propriétaire de rester à proximité de son chien et d’interagir avec lui contribue à améliorer le bienêtre de l’animal durant l’examen clinique [2, 12]. Toutefois, si le propriétaire présente un niveau de stress élevé, il est préférable de réaliser l’examen en son absence afin d’éviter qu’il ne stresse son animal [12]. Bien que peu d’études aient été réalisées sur le sujet, la présence du propriétaire lors de l’examen semble être un élément positif pour l’animal [6, 12].

S’adapter en permanence

En cas de perception d’un signal de peur, le praticien doit adapter sa conduite, en effectuant une courte pause durant l’examen sans rompre le contact avec le chat, ou en détournant l’attention du chien par le jeu ou avec une friandise afin de diminuer cette peur et de poursuivre la consultation dans de meilleures conditions [12, 14]. À défaut, une sédation peut être réalisée avant que l’animal atteigne un niveau de peur trop élevé, ou l’examen clinique peut éventuellement être reporté en l’absence d’urgence. Lors d’une hospitalisation, si l’animal présente de la peur ou du stress, il peut être judicieux de différer l’examen clinique ou complémentaire à un moment où il sera plus calme, si son état le permet.

L’utilisation de la force physique est à proscrire afin de ne pas augmenter le risque de peur et d’agression lors des prochaines visites [12]. Si besoin, une contention minimale est à privilégier. De même, il est important de ne pas sanctionner un animal apeuré, car les sanctions (physiques ou verbales) peuvent augmenter sa peur et le risque d’agression [8].

Le vétérinaire peut également guider l’attitude du maître durant la consultation afin d’éviter de renforcer la peur de l’animal. Inciter le propriétaire d’un chien à rester à proximité de la table de consultation durant l’examen et à interagir avec ce dernier en lui parlant et en le caressant peut atténuer le degré de stress. Une étude montre ainsi une diminution significative du nombre de fois où le chien descend de la table durant l’examen, ainsi qu’une fréquence cardiaque et une température de l’œil mesurée par caméra thermique plus basses lorsque le propriétaire est positionné à proximité immédiate de la table de consultation et entretient des interactions affiliatives avec son animal (lui parler, le caresser durant l’examen), comparativement aux chiens pour lesquels le propriétaire est présent mais passif et assis à environ 3 m de la table d’examen [2]. Les interactions affiliatives entre le chat et son propriétaire sont à encourager également, même si peu d’études sont publiées sur le sujet.

PROPOSER DE L’ENTRAÎNEMENT MÉDICAL

1. Modalités de l’entraînement

L’entraînement médical consiste à obtenir la coopération de l’animal pour les soins vétérinaires (encadré 4). Il est conseillé pour tout individu dès l’adoption par son propriétaire afin d’éviter l’apparition de stress lors des soins et devient capital chez l’animal présentant des signes de peur ou d’agression en milieu vétérinaire. Une distinction doit cependant être réalisée entre la peur et la phobie des soins. En effet, les mesures d’habituation, très efficaces chez un animal normal pour diminuer les comportements de peur, risquent d’être aggravantes chez un animal phobique. Lors de peur des soins, l’entraînement médical débute par une consultation au cours de laquelle le vétérinaire établit un plan d’action individuel : la fréquence et le nombre de séances d’entraînement à réaliser en clinique par le praticien ou une auxiliaire sont définis selon les besoins de chaque animal. Des exercices, réalisables par le propriétaire à son domicile entre deux séances, peuvent aussi être conseillés. Le plan d’action, généralement dépourvu de traitement médical, est régulièrement adapté par le vétérinaire en fonction des progrès. Bien qu’encore peu proposé par les praticiens, l’entraînement médical peut satisfaire les propriétaires qui accordent beaucoup d’importance au bien-être de leur animal.

Les principales techniques utilisées lors de l’entraînement sont l’habituation et le conditionnement opérant. L’habituation correspond à la diminution de la réactivité à un stimulus à la suite d’une exposition croissante et contrôlée à ce dernier. Le conditionnement opérant consiste quant à lui à associer un comportement à une conséquence (encadré 5) [3]. Le renforcement positif est le seul type de conditionnement opérant utilisé en entraînement médical [3]. La nourriture est souvent le stimulus agréable choisi. L’habituation à la muselière, un outil parfois nécessaire pour garantir la sécurité de l’équipe vétérinaire et du propriétaire de l’animal durant les consultations, est l’un des exercices réalisables lors de l’entraînement médical (figure 2). Le choix du type de muselière doit se faire selon la conformation de l’animal (recours à un modèle spécifique chez le chien brachycéphale, par exemple). L’utilisation d’une muselière grillagée, plus confortable pour le chien, est à privilégier (photo 3).

Références

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Conflit d’intérêts : Aucun

Encadré 1
CAUSES DE PEUR ET DE STRESS CHEZ LE CHIEN ET LE CHAT LORS DE LA VISITE VÉTÉRINAIRE

• Exposition aux autres animaux, à des personnes non familières, à un environnement inconnu.

• Odeurs (produits nettoyants ou désinfectants, autres animaux dont certains ayant exprimé du stress).

• Bruits (niveau sonore, aboiements, miaulements, voix forte, tondeuse médicale, sonneries, etc.).

• Exposition à des surfaces lisses ou glissantes telles que le revêtement de sol ou la table d’examen métallique.

• Mouvements rapides ou précipités autour de l’animal.

• Contrainte physique lors de l’examen clinique, manipulations.

• Imprévisibilité de la situation et perte de contrôle durant la contrainte.

• Séparation d’avec le propriétaire ou absence d’interaction avec lui.

D’après [2, 7, 10, 11, 12, 13, 16].

Points clés

• De nombreux animaux ont peur lorsqu’ils arrivent dans un environnement vétérinaire, ce qui génère du stress chez le propriétaire de l’animal.

• Les causes de peur ou de stress dans un contexte vétérinaire sont nombreuses et doivent être réduites à leur minimum.

• Diminuer la peur et le stress a plusieurs intérêts : meilleur suivi et amélioration du bien-être de l’animal, sécurité de tous, meilleure évaluation des paramètres physiologiques, facilitation des consultations ultérieures.

• Repérer les signes de peur et de stress est capital afin de pouvoir adapter sa pratique à chaque individu.

• Créer un environnement favorable au bien-être de l’animal de son arrivée jusqu’à son départ de la clinique permet de diminuer le risque de peur ou de stress chez ce dernier.

Encadré 2
HABITUATION DU CHAT À LA CAISSE DE TRANSPORT

La réalisation, en amont de la consultation, d’une habituation à la caisse de transport permet de diminuer la réactivité du chat à cette dernière. L’équipe vétérinaire peut expliquer au propriétaire de l’animal la démarche, qui consiste à placer la caisse de transport en permanence dans l’environnement du chat, à la laisser ouverte pour y permettre un libre accès, à placer à l’intérieur des friandises, voire des jouets selon la motivation du chat, pour l’inciter à y entrer volontairement. Une fois qu’il entre régulièrement dans la caisse et l’utilise comme lieu de repos, il est possible de fermer la porte quelques secondes, puis de plus en plus longtemps. L’étape suivante consiste à déplacer progressivement la caisse alors que le chat se trouve à l’intérieur. La distribution de friandises, si le chat les apprécie, permet d’associer la caisse de transport à une expérience positive (renforcement positif) [11, 12, 13, 14].

Encadré 3
INTÉRÊT DE LA DISTRIBUTION DE FRIANDISES DURANT LA CONSULTATION

• Initier un premier contact positif entre le praticien et l’animal.

• Placer l’animal dans une valence émotionnelle positive durant l’ensemble de la consultation.

• Associer l’examen clinique à un élément positif et diminuer ainsi la peur générée.

• Distraire l’animal pour diminuer la sensation de douleur lors d’une injection.

• Augmenter la coopération de l’animal.

D’après [8, 10, 12, 14, 18].

Encadré 4
APPRENTISSAGES EN ENTRAÎNEMENT MÉDICAL CHEZ LE CHIEN ET LE CHAT

• Accepter le toucher, les soins des yeux ou des oreilles, l’utilisation du stéthoscope et de l’otoscope, l’examen de la gueule, la coupe des griffes, le brossage.

• Apprendre à l’animal à effectuer une action sur demande, comme ouvrir la gueule, présenter une partie précise de son corps, etc.

• Accepter une injection ou une prise de sang.

D’après [12].

Encadré 5
LES QUATRE TYPES DE CONDITIONNEMENT OPÉRANT

• Renforcement positif : ajout d’un stimulus agréable immédiatement après un comportement afin d’augmenter la probabilité de répétition de ce dernier. Par exemple : distribution d’une friandise dès que le chien est monté de lui-même sur la table de consultation.

• Renforcement négatif : retrait d’un stimulus désagréable immédiatement après un comportement afin d’augmenter la probabilité de répétition de ce dernier. Par exemple : retrait de la tension sur la laisse quand le chien revient aux pieds de son propriétaire.

• Punition négative : retrait d’un stimulus agréable immédiatement après un comportement afin de diminuer la probabilité de répétition de ce dernier. Par exemple : isolement du chien (retrait de la présence de l’humain) lors de mordillements.

• Punition positive : ajout d’un stimulus désagréable immédiatement après un comportement afin de diminuer la probabilité de répétition de ce dernier. Par exemple : application d’une décharge électrique lorsque le chien aboie. La punition positive est à proscrire.

D’après [3].

CONCLUSION

Tenir compte de la peur et du stress de l’animal lors de la venue de ce dernier dans un environnement vétérinaire doit faire partie du quotidien de tout praticien. De nombreuses solutions s’offrent aux équipes vétérinaires afin de transformer la consultation, souvent source de peur ou de stress pour l’animal, en un moment presque agréable pour ce dernier. En cas de persistance de peur, voire d’agressivité, malgré une approche “pet-friendly”, le recours à la médicalisation peut se révéler nécessaire.

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