TECHNIQUES CHIRURGICALES ADAPTÉES AUX AFFECTIONS DES SACS ANAUX - Le Point Vétérinaire n° 425 du 01/01/2022
Le Point Vétérinaire n° 425 du 01/01/2022

CHIRURGIE

Article de synthèse

Auteur(s) : Yaiza Ara*, Mélanie Olive**

Fonctions :
*Clinique vétérinaire de Parme
2, rue de Pelletier
64200 Biarritz

Les indications de la sacculectomie anale sont principalement les abcès récidivants ou les tumeurs du sac anal. Plusieurs techniques chirurgicales existent, ouverte ou fermée, standard ou modifiée.

La sacculectomie est une intervention chirurgicale fréquemment pratiquée chez les chiens atteints d’une sacculite anale chronique ou de tumeurs des sacs anaux. Plusieurs méthodes chirurgicales sont décrites pour cette intervention et sont abordées dans cet article, à l’exception de la prise en charge des fistules périanales.

RAPPELS ANATOMIQUES

Le canal anal commence au niveau de la ligne anorectale et est divisé en trois zones : la zone courte des colonnes, la zone intermédiaire et la zone cutanée. La zone des colonnes est formée de plis longitudinaux qui se rejoignent caudalement. Les boucles formées par ces plis entourent une petite poche appelée sinus anal. Chaque sinus anal a une extrémité aveugle qui forme une poche dirigée caudalement, également appelée crypte anale. La sous-muqueuse de cette première zone est riche en glandes anales sudoripares. La zone intermédiaire est très courte. Enfin, la zone cutanée est formée d’un épithélium kératinisé riche en glandes. La région interne contient principalement des glandes sudoripares modifiées. La région externe, qui est la partie visible de l’anus, contient les glandes circumanales (chez le chien) et les sacs anaux, lesquels correspondent à des invaginations de la zone cutanée interne (figure 1) [1].

Le sphincter anal interne se situe dans l’épaisseur caudale de la couche circulaire de muscle lisse de la musculature rectale. Il représente une bande circonférentielle du muscle strié squelettique. Les sacs anaux sont situés entre ces deux types musculaires, de part et d’autre de l’anus. Le canal est vascularisé par les branches de l’artère honteuse interne.

SACCULECTOMIE ANALE

Les indications de la sacculectomie anale sont principalement les abcès récidivants ou les tumeurs du sac anal [5]. Avant de réaliser cette intervention, un traitement médical doit être mis en place, afin de limiter l’inflammation et de traiter l’infection le cas échéant. Lorsqu’une lésion tumorale est suspectée, il est important de réaliser un bilan d’extension local et à distance, ainsi qu’un bilan sanguin complet avant toute intervention, car des métastases au niveau des nœuds lymphatiques et une hypercalcémie paranéoplasique sont fré quemment associées à des adénocarcinomes de ces glandes [6]. Selon le stade clinique, une exérèse de la lésion, des nœuds lymphatiques, une irradiation de la zone ou un protocole de chimiothérapie peuvent se révéler nécessaires [6]. Plusieurs techniques de sacculectomie anale sont rapportées : ouverte ou fermée, standard ou modifiée.

1. Préparation

Quelle que soit la technique, le positionnement et la préparation de l’animal sont identiques. La région périanale est tondue, le rectum et les sacs anaux sont vidangés puis ces derniers sont flushés avec une solution isotonique. Une suture en bourse est mise en place, située entre 4 et 5 h pour le droit et entre 7 et 8 h pour le gauche, tandis que l’orifice du sac anal est laissé accessible. L’animal est placé en décubitus ventral avec les membres pelviens retombant en arrière de la table. La queue est fixée dorsalement sur le dos afin de dégager la zone périanale et le site chirurgical est préparé, nettoyé et tondu.

2. Technique fermée

Lors de la technique fermée, le sac anal est disséqué sans entrer dans sa lumière (figure 2). L’intervention comprend plusieurs étapes. Tout d’abord, le sac anal est identifié à l’aide d’une pince hémostatique, d’une sonde de Foley ou d’un cathéter spécial (anal sac balloon catheter) placé au travers de l’orifice du sac anal [3, 4]. Ce dernier a été spécialement conçu pour aider à la sacculectomie. Le recours à ce cathéter est préférable, car sa sonde se termine au niveau du ballon, à la différence de la sonde de Foley qui présente une petite longueur au-delà du ballon, ce qui peut rendre son placement plus difficile (photo 1a). Puis une incision curviligne est réalisée, à quelques millimètres de la marge anale, parallèle aux fibres du sphincter anal externe. Une dissection mousse du sac anal permet de le dégager des tissus sous-jacents. Il convient de veiller à ne pas traverser la paroi du sac anal, ainsi qu’à préserver le muscle sphincter anal externe. Il est important de rester le plus possible au contact du sac (photo 1b). Ensuite, le conduit est ligaturé avant d’être sectionné le plus près possible de son orifice cutané. Quelques points peuvent être positionnés sur le muscle sphincter anal externe (photo 1c). Un rinçage abondant est réalisé avec du chlorure de sodium stérile, puis le tissu sous-cutané et la peau sont suturés. Si une masse a été retirée, elle est envoyée au laboratoire pour une analyse histopathologique.

3. Technique ouverte

La technique ouverte permet de visualiser la muqueuse sécrétoire du sac anal et de retirer complètement le canal et l’orifice de ce dernier (figure 3).

Les inconvénients de cette technique incluent un traumatisme potentiel du sphincter anal externe, un risque d’infection postopératoire via la contamination du tissu sous-cutané par le contenu de la glande, ainsi qu’une éventuelle dissémination de la tumeur. Les risques de complications sont également plus importants qu’avec la technique fermée [5]. La procédure débute par l’insertion d’un guide dans le conduit et dans le sac anal. Son extrémité est pointée vers la surface de la peau. Une incision à la lame froide est réalisée, en commençant par l’orifice anal et en poursuivant sur toute la longueur de la glande. Il est possible d’opter pour une incision à l’aide d’une paire de ciseaux qui est alors insérée dans le conduit et dans le sac, puis une section est effectuée en exerçant une traction vers la surface de la peau.

La muqueuse du sac anal est ensuite maintenue avec une pince d’Allis ou avec plusieurs pinces d’hémostase autour de sa circonférence. Une rétraction caudale du sac et une dissection du tissu environnant sont alors réalisées. Le sac peut être distingué du tissu sous-jacent par sa couleur grise et grâce à son épithélium. Une incision autour de l’orifice du conduit et du sac est pratiquée, puis le sac anal et son canal sont retirés. Il existe une technique ouverte modifiée, au cours de laquelle l’incision sur le sac est faite uniquement jusqu’à la zone du sphincter anal externe, ce qui réduit le traumatisme pour ce dernier. Un rinçage abondant est réalisé avec du sérum physiologique stérile, puis la zone est suturée simplement ou laissée telle quelle pour une cicatrisation par seconde intention.

COMPLICATIONS

L’incidence des complications chirurgicales majeures associées à la sacculectomie anale est faible et elles sont plus fréquentes lors de l’utilisation de la technique chirurgicale ouverte. Les complications peropératoires comprennent une hémorragie, un traumatisme nerveux iatrogénique et une lacération du rectum [2].

À court terme, les complications décrites sont une inflammation, une production excessive de liquide inflammatoire, une infection de la plaie, une déhiscence, la formation d’un sérome, un ténesme et une constipation. Des problèmes de défécation, comme une diminution du tonus anal, des salissures périnéales après la défécation, ou une incontinence fécale sont rapportées chez les animaux après une intervention de sacculectomie. Ces signes disparaissent généralement en quelques semaines. En cas de persistance de ces derniers après trois à quatre mois, la récupération est faible.

À long terme, les complications rapportées sont un léchage intensif du site opératoire, une incontinence fécale (rarissime après une sacculectomie unilatérale) ou le développement d’une fistule [2].

GESTION POSTOPÉRATOIRE

En phase postopératoire, la douleur doit être maîtrisée. L’administration d’un anti-inflammatoire non stéroïdien (méloxicam à la dose quotidienne de 0,2 à 0,1 mg/kg per os) et d’un opioïde (tramadol à raison de 2 à 4 mg/kg toutes les huit heures, per os) est recommandée. Une antibiothérapie à large spectre (par exemple à base d’amoxiciline-acide clavulanique à la posologie de 12,5 mg/kg) est souvent mise en place jusqu’au retrait des points en raison du risque de contamination du site opératoire par des fèces. L’animal doit impérativement porter une collerette afin d’éviter qu’il ne se lèche. Une suture avec des points résorbables intradermiques est préférable, sinon le retrait des points est conseillé douze à quinze jours après l’intervention.

Références

  • 1. Budras KD, McCarthy PH, Fricke W et coll. Anatomy of the Dog. 2007:224p.
  • 2. Charlesworth TM. Risk factors for postoperative complications following bilateral closed anal sacculectomy in the dog. J. Small Anim. Pract. 2014;55(7):350-354.
  • 3. Diaz D, Boston S, Ogilvie A et coll. Modified balloon-catheter-assisted closed anal sacculectomy in the dog: description of surgical technique. Can. Vet. J. 2019;60(6):601-604.
  • 4. Javanbakht J, Tavassoli A, Sabbagh A et coll. Evaluation of an anal sac adenocarcinoma tumor in a Spitz dog. Asian Pac. J. Trop. Biomed. 2013;3(1):74-78.
  • 5. Johnston SA, Tobias KM. Veterinary Surgery: Small Animal, 2nd edition. 2017;(Chap. 94).
  • 6. Murphy MC, Sullivan M, Gomes BJ et coll. Evaluation of radiographs for the detection of sublumbar lymphadenopathy in dogs. Can. Vet. J. 2020;61(7):749-756.

Conflit d’intérêts : Aucun

Points clés

• Les indications de la saccultectomie sont principalement les abcès récidivants, les tumeurs du sac anal et les fistules périanales.

• Deux techniques chirurgicales, fermée ou ouverte, sont décrites.

• L’incidence des complications majeures associées à la sacculectomie anale est faible.

• Les complications sont plus fréquentes lors de l’utilisation de la technique chirurgicale ouverte.

CONCLUSION

Selon les cas, la prise en charge des affections des sacs anaux peut varier, notamment en raison de l’existence ou non d’une indication chirurgicale. Pour les impactions, une vidange manuelle par pression digitale des sacs anaux ainsi qu’un nettoyage par irrigation sous sédation est possible. Une sacculectomie anale (exérèse d’un sac anal) est recommandée lors de tumeur du sac anal ou d’abcès récidivant. En cas d’abcès, il est préférable de traiter médicalement avant toute intervention, afin de limiter l’inflammation, voire de maîtriser l’infection lorsqu’elle est présente. Sur un tissu sain, une sacculectomie peut ensuite être réalisée. Actuellement, le protocole de choix fait appel à la technique fermée, standard ou modifiée.

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