JABOT ŒSOPHAGIEN SECONDAIRE À UNE MALFORMATION DES ARCS AORTIQUES - Le Point Vétérinaire n° 425 du 01/01/2022
Le Point Vétérinaire n° 425 du 01/01/2022

CHIRURGIE

Chirurgie

Auteur(s) : Mélissa Pottier*, Kévin Minier**

Fonctions :
*(dipl. ECVS)
Oncovet
Avenue Paul-Langevin
59650 Villeneuve d’Ascq

Les malformations congénitales des arcs aortiques doivent faire partie du diagnostic différentiel lors de régurgitations chez le chien et le chat, particulièrement chez les jeunes animaux.

Un chiot épagneul femelle, âgé de 3 mois, est présenté pour des régurgitations depuis son sevrage. La chienne présente un retard de croissance et une maigreur importants. Ses propriétaires décrivent des régurgitations après chaque repas, plus intenses lorsque des croquettes sont ingérées.

DIAGNOSTIC

Des radiographies thoraciques, réalisées après l’ingestion de baryte, mettent en évidence un jabot œsophagien majeur, qui s’arrête de façon brutale cranialement à la silhouette cardiaque (photo 1).

Un examen au scanner de la région thoracique met en évidence le jabot œsophagien et une bride tissulaire est visible à la base de celui-ci. Une dextroposition de l’aorte est associée à la malformation. L’examen permet de confirmer une persistance du quatrième arc aortique droit avec la présence à gauche d’un ligament artériel.

TRAITEMENT

Une thoracotomie intercostale est effectuée au niveau du quatrième espace intercostal gauche.

Les poumons sont réclinés par des compresses à laparotomie humides. Le jabot œsophagien est visualisé et une bride est palpée caudalement à celui-ci, cranialement à la base du cœur. Après l’isolement du nerf vague à l’aide d’un ruban de nylon, la zone est prudemment disséquée jusqu’à pouvoir encercler la bride. Deux ligatures non résorbables sont mises en place, et la bride est sectionnée entre celles-ci (photo 2). Un tube est alors glissé dans l’œsophage jusqu’à la zone de la bride aortique. Une sténose œsophagienne pariétale résiduelle est notée et atténuée via une dissection périœsophagienne non perforante. Un drain thoracique est mis en place et la thoracotomie est refermée de manière conventionnelle.

SUIVI

Le drain thoracique est retiré après 24 heures et la chienne rendue à ses propriétaires le jour suivant. Des spécificités alimentaires sont maintenues (repas liquides administrés en hauteur et en petite quantité, puis maintien de la position debout pendant quinze minutes). Une diminution de la fréquence et de la quantité des régurgitations est constatée dès la phase postopératoire.

Un suivi régulier est instauré. L’amélioration clinique permet le passage progressif à une alimentation plus solide, et à des repas moins fréquents et plus volumineux. Le cliché de contrôle réalisé après l’ingestion de baryte, trois mois après l’intervention, ne montre qu’une amélioration radiographique modérée.

Un suivi téléphonique est réalisé un an après l’intervention. La chienne présente à ce stade une croissance et un score corporel normaux. Les régurgitations sont ponctuelles.

DISCUSSION

Les anomalies de formation de l’arc aortique sont des malformations congénitales qui provoquent un encerclement de l’œsophage et de la trachée dans un anneau vasculaire, complet ou non. Chez le chien et le chat, il en existe de nombreux types. Leur fréquence serait de 20 %, mais elles sont souvent asymptomatiques. La plus courante des malformations qui entraîne des signes cliniques (95 % chez le chien) est la persistance du quatrième arc aortique droit. Physiologiquement, l’aorte se développe à partir du quatrième arc aortique gauche : l’aorte et le tronc pulmonaire sont alors situés dans l’hémithorax gauche de l’animal, tout comme le ligament artériel qui chemine entre l’aorte et le tronc pulmonaire. L’œsophage et la trachée étant logés plutôt dans l’hémithorax droit de l’animal, aucun conflit anatomique n’existe avec le ligament artériel. Lors d’une persistance du quatrième arc aortique droit, l’aorte se développe du côté droit et va donc se situer à droite de l’œsophage, tandis que le tronc pulmonaire reste à gauche. L’œsophage, qui chemine alors entre l’aorte et le tronc pulmonaire, se trouve enserré par le ligament artériel qui, lui, passe dorsalement, créant ainsi une sténose et un jabot œsophagiens. Ce ligament est une structure avasculaire qui dérive de la fermeture du canal artériel après la naissance. Un éventuel flux sanguin dans le canal résiduel, présent chez 10 % des cas, est difficile à détecter via les examens d’imagerie classiques. Il est donc recommandé de ligaturer la bride avant de la sectionner [1, 2].

Chez 45 % des animaux qui présentent une malformation de l’arc aortique, une veine cave craniale gauche persiste et peut compliquer l’approche chirurgicale. Une composante génétique étant suspectée, il est conseillé de stériliser les animaux affectés [1]. Les premiers signes cliniques sont souvent visualisés au moment du sevrage, secondaires à l’obstruction œsophagienne. Les régurgitations sont fréquentes et surviennent parfois à distance des repas (effet du jabot œsophagien). La plupart des animaux atteints présentent des retards de croissance et une maigreur importante en dépit d’un très bon appétit, comme dans le cas décrit. Des signes respiratoires peuvent survenir en cas de fausse déglutition.

Un examen radiographique du thorax, idéalement après l’ingestion de baryte, permet de visualiser une dilatation de l’œsophage cranialement au cœur. Un examen de scanner ou d’imagerie par résonance magnétique permet de confirmer le diagnostic et d’aider à la classification de l’anomalie afin d’anticiper au mieux l’intervention [1, 2]. Le traitement est chirurgical, idéalement après une période de réalimentation adaptée (nourriture liquide, en hauteur, maintien de la position debout pendant quinze minutes après le repas). La glycémie des animaux, souvent jeunes et mal nourris, doit être surveillée en période peropératoire.

Les objectifs de l’intervention chirurgicale sont de sectionner la bride obstructive, mais aussi de libérer l’œsophage des multiples adhérences qu’il présente avec les tissus environnants. La plupart des malformations s’abordent par une thoracotomie intercostale gauche, bien que la caractérisation de l’anomalie par un examen d’imagerie en 3D permette de confirmer la voie idéale au cas par cas [2].

Le passage d’un tube dans l’œsophage permet de vérifier la réduction effective de la sténose. Le pronostic postopératoire dépend essentiellement de la récupération de la fonction œsophagienne. Après la correction chirurgicale, les chiens qui présentent une persistance de l’arc aortique droit avec ligamentum arteriosum gauche bénéficient d’un pronostic excellent dans 30 % des cas (moins d’un épisode de régurgitations par semaine avec une alimentation “normale”) et mauvais dans 13 % (mort, euthanasie, régurgitations quotidiennes). Les autres (57 %), qui se situent entre ces deux extrêmes, nécessitent une alimentation adaptée et/ou présentent des régurgitations plusieurs fois par semaine avec une bonne qualité de vie. Il est important de prévenir les propriétaires que la convalescence sera potentiellement longue, de plusieurs mois, après l’intervention [1].

Références

  • 1. Johnston SA, Tobias KM. Diseases of the œsophagus. In: Veterinary Surgery: Small Animal. Elsevier, St Louis. 2018:1684-1694.
  • 2. Morgan K, Bray J. Current diagnostic tests, surgical treatments, and prognostic indicators for vascular ring anomalies in dogs. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2019;254(6):728-733.

Conflit d’intérêts : Aucun

CONCLUSION

La gestion des malformations congénitales des arcs aortiques du chien et du chat est chirurgicale lorsque cela est possible. Le pronostic est globalement bon, mais dépend de la récupération de la fonction œsophagienne.

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