ASCITE SANS SOUFFLE CHEZ UN CHIOT BOULEDOGUE ANGLAIS - Le Point Vétérinaire n° 424 du 01/12/2021
Le Point Vétérinaire n° 424 du 01/12/2021

CARDIOLOGIE

Cardiologie

Auteur(s) : François Serres

Fonctions : (DESV médecine interne, option cardiologie)
Oncovet
Avenue Paul Langevin
59650 Villeneuve d’Ascq

Le cor triatriatum dexter est une affection parfois asymptomatique, mais qui entraîne souvent une insuffisance cardiaque congestive droite, avec une ascite observée dans les deux tiers des cas environ.

Un chien bouledogue anglais mâle, âgé de 4 mois, est présenté pour l’exploration d’une dilatation abdominale mise en évidence depuis l’adoption. Aucun antécédent familial d’affection cardiovasculaire n’est rapporté. L’animal présente par ailleurs une fatigabilité avec un essoufflement lors d’efforts minimes.

PRÉSENTATION DU CAS

1. Examen clinique

À l’examen clinique, l’animal présente un état général correct, ainsi qu’une prise de poids satisfaisante. Une dilatation abdominale très importante est observée, avec une paroi abdominale sous tension, associée à un signe du flot caractérisant la présence d’une ascite majeure. Les muqueuses sont roses et le temps de recoloration capillaire est dans les normes.

L’auscultation pulmonaire ne décèle aucune anomalie, et la courbe respiratoire est normale (fréquence respiratoire à 20 mouvements par minute). Une tachycardie régulière et modérée est mise en évidence lors de l’auscultation cardiaque, sans bruit cardiaque surajouté.

2. Examens d’imagerie

Un examen échocardiographique est réalisé pour explorer une éventuelle origine cardiaque de l’ascite. Il montre des ventricules gauche et droit à la morphologie et à la cinétique normales. L’atrium gauche est également non modifié, avec un rapport atrium gauche/ aorte normal, visualisé sur la coupe 2D transaortique obtenue par voie parasternale droite. Cette vue révèle un atrium droit à l’aspect modifié, divisé par une membrane en deux chambres distinctes : une chambre “accessoire” postérieure qui communique avec la veine cave caudale, et une chambre antérieure communiquant avec la valve tricuspide (photo 1). Cette membrane fine présente un orifice de communication de moins de 4 mm de diamètre. Un flux turbulent, de vélocité modérée, systolo-diastolique (oscillant entre 1 et 1,8 m/s) est visualisé de la chambre accessoire vers l’atrium droit (photos 2 et 3). Aucune malformation concomitante n’est mise en évidence (flux aortique et pulmonaire laminaires et de vélocité normale, absence de communication interventriculaire ou interatriale, absence d’insuffisance ou de sténose des valves).

Un examen échographique abdominal confirme la présence d’un épanchement péritonéal abondant, couplé à une hépatomégalie très marquée (le bord caudal du foie dépassant largement l’hypochondre) associée à une dilatation de la veine cave caudale et des veines hépatiques. Un examen du liquide d’épanchement confirme une ascite de type transsudat modifié (densité 1.030, taux protéique de 25 g/l).

3. Diagnostic et traitement

Les examens permettent de confirmer l’existence d’une malformation de l’atrium droit, qui est divisé. Il s’agit du cor triatriatum dexter. Elle est ici associée à des signes de congestion droite majeure : une ascite et une stase veineuse hépatique marquée.

Un traitement diurétique à base de furosémide (à la dose de 2 mg/kg toutes les douze heures per os) est instauré dans un premier temps, complété par l’administration d’un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (benazépril à raison de 0,25 mg/kg par jour per os). Une régression clinique de la dilatation abdominale, associée à une moindre fatigabilité, est observée après une semaine de traitement.

DISCUSSION

Le cor triatriatum dexter est une malformation résultant de la persistance de la valve du sinus venosus droit embryonnaire qui divise l’atrium droit en deux chambres séparées par une fine membrane plus ou moins largement perforée. Cette malformation est décrite dans un nombre limité de cas chez le chien, la plus importante étude incluant 17 animaux identifiés rétrospectivement dans trois universités américaines sur une longue période [3]. Si elle est parfois très bien supportée et peut rester asymptomatique, cette malformation est habituellement à l’origine d’une insuffisance cardiaque congestive droite, avec une ascite constatée dans près des deux tiers des cas [3]. Chez 14 animaux sur 17, un souffle cardiaque a été identifié à l’examen clinique. Celui-ci n’est a priori pas lié au cor triatriatum dexter, mais à la présence d’une affection cardiaque concomitante observée dans 82 % des cas. Le plus souvent, il s’agit d’une dysplasie mitrale ou tricuspidienne ou d’une sténose pulmonaire [3]. Ces malformations multiples participent parfois significativement à la gravité clinique de la maladie et doivent être recherchées [2, 3]. Il n’est pas anormal de ne pas entendre de souffle face à un flux, même turbulent, circulant à faible vitesse. Dans l’étude publiée, la vitesse enregistrée du flux oscillait entre 1,4 et 2,5 m/s. Le gradient de pression entre les deux chambres atriales droites restant faible, le flux est lent, donc peu, voire pas audible.

Le traitement de ce type de malformation via une dilatation par ballonnet de la zone sténosée est souvent rapporté, avec des résultats très satisfaisants. Dans certains cas, la pose d’un stent est décidée simultanément [1].

Références

  • 1. Barncord K, Stauthammer C, Moen SL et coll. Stent placement for palliation of cor triatriatum dexter in a dog with suspected patent foramen ovale. J. Vet. Cardiol. 2016;18:79-87.
  • 2. Hokanson CM, Rhinehart JD, Scansen BA. Bidirectional flow across a perforate cor triatriatum dexter in a dog with concurrent pulmonary, tricuspid, and mitral valve dysplasia. J. Vet. Cardiol. 2019;21:93-97.
  • 3. Nadolny KE, Kellihan HB, Scansen BA et coll. Cor triatriatum dexter in 17 dogs. J. Vet. Cardiol. 2019;23:129-141.

Conflit d’intérêts : Aucun

CONCLUSION

L’origine cardiaque d’une ascite ne peut être exclue en l’absence de souffle cardiaque. Si un examen du liquide d’épanchement confirme un transsudat modifié, un examen échocardiographique doit être proposé pour rechercher des causes cardiaques congénitales, comme dans le cas présenté, ou éventuellement acquises (épanchement péricardique, tumeurs de la base du cœur).

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