INCONTINENCE URINAIRE ET FÉCALE CHEZ UN CHIOT BOULEDOGUE FRANÇAIS - Le Point Vétérinaire n° 423 du 01/11/2021
Le Point Vétérinaire n° 423 du 01/11/2021

NEUROLOGIE

Quel est votre diagnostic ?

Auteur(s) : Pierre Guigo*, François Wauquier**, Aurore Fouhety***, Jean-François Boursier****

Fonctions :
*Clinique Touraine
Vet 12, rue des Internautes
37100 Rochecorbon

PRÉSENTATION CLINIQUE

Un chiot bouledogue français mâle, âgé de 3 mois, est présenté pour une incontinence urinaire et fécale qui évolue depuis son adoption. L’examen clinique révèle un animal en bon état général avec un état de conscience normal. La palpation du rachis met en évidence une dépression anormale et douloureuse au niveau des arcs dorsaux des 6e et 7e vertèbres lombaires, sans anomalie de la surface cutanée en regard. Le réflexe périnéal est absent. Aucun autre déficit neurologique n’est objectivé.

Un scanner du rachis lombo-sacré est réalisé, complété par une injection sousarachnoïdienne de produit de contraste iodé par voie atlanto-occipitale (photos 1 et 2).

Qualité des images tomodensitométriques

→ L’animal est bien positionné et les coupes sont réalisées dans des plans sagittal et transversal parfaits. La diffusion du produit de contraste au sein de l’espace sous-arachnoïdien est bonne.

Description des images

→ Les lames dorsales de L6 et de L7 présentent un défaut de fermeture, ce qui forme un orifice de 7 mm de long dans la partie dorsale du canal vertébral. Caudalement à L5, le cordon médullaire et le filum terminale sont déplacés dorsalement. Le sac thécal est dilaté dorsalement en regard de l’orifice présent en L6-L7. Il se prolonge hors du canal médullaire en formant un cul-de-sac avec, en son centre, l’engagement d’une partie du filum terminale, tandis que l’autre partie se prolonge normalement dans le canal vertébral.

Interprétation

→ L’examen met en évidence une spina bifida en L6 et en L7, associée à un myéloméningocèle.

Références

  • 1. De Lahunta A, Glass EN, Kent M. Veterinary Neuroanatomy and Clinical Neurology. 4th edition. St Louis, MO: Saunders Elsevier. 2014:600p.
  • 2. Martín Muñiz L, Del Magno S, Gandini G et coll. Surgical outcomes of six bulldogs with spinal lumbosacral meningomyelocele or meningocele. Vet. Surg. 2020;49:200-206.
  • 3. Song RB, Glass EN, Kent M. Spina bifida, meningomyelocele, and meningocele. Vet. Clin. North Am. Small Anim. Pract. 2016;46:327-345.

Conflit d’intérêts : Aucun

DISCUSSION

La spina bifida correspond à un défaut de fusion des arcs vertébraux qui forme un orifice dorsalement à la moelle épinière [1]. Elle est qualifiée d’ouverte (aperta) ou de fermée (occulta) selon qu’il existe ou non une communication entre le canal vertébral et le milieu extérieur [1]. Elle peut avoir des répercussions cliniques lorsqu’elle s’accompagne de malformations de la moelle et des méninges [3]. Le méningocèle(1) et le myéloméningocèle(2) sont des malformations congénitales rares du tube neural associées à des degrés variables d’atteintes neurologiques chez le chien [3]. Leur origine est probablement multifactorielle, avec des causes génétiques, médicamenteuses et nutritionnelles [2]. Une prédisposition raciale est rapportée chez le bouledogue anglais [2].

La présentation clinique dépend de la localisation et du degré de sévérité de la malformation. La jonction lombo-sacrée étant la zone la plus fréquemment atteinte, les signes cliniques qui en découlent sont ceux d’une atteinte de l’intumescence lombosacrée ou des racines nerveuses de la queue-de-cheval (incontinence urinaire et fécale, diminution, voire absence du réflexe du sphincter anal et de la sensibilité de la région périnéale, parésie des membres pelviens) [2]. Un risque de méningomyélite existe lors de communication entre le canal vertébral et le milieu extérieur [3].

L’imagerie par résonance magnétique (IRM) constitue l’examen de choix pour l’exploration des atteintes médullaires. À défaut, l’examen tomodensitométrique, voire myélotomodensitométrique après l’injection de produit de contraste dans la citerne cérébellomédullaire, peut permettre de caractériser les malformations vertébrales et d’évaluer les anomalies du sac dural associées [3].

À l’heure actuelle, il n’existe aucun consensus pour la prise en charge thérapeutique de ces affections chez le chien [2]. Un traitement chirurgical précoce visant à rétablir une anatomie normale des méninges et de la queue-de-cheval peut permettre une amélioration des déficits neurologiques et éviter les risques de contamination des méninges et de la moelle épinière par le milieu extérieur [2].

(1) Protrusion des méninges hors du canal vertébral via l’orifice et accumulation de liquide cérébrospinal au sein du sac dural.

(2) Méningocèle associé à une protrusion de tissu nerveux.

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