BRADYCARDIE ET FAIBLESSE CHEZ UN BORDER COLLIE - Le Point Vétérinaire n° 423 du 01/11/2021
Le Point Vétérinaire n° 423 du 01/11/2021

CARDIOLOGIE

Cardiologie

Auteur(s) : François Serres

Fonctions : (DESV médecine interne, option cardiologie)
Oncovet
Avenue Paul Langevin
59650 Villeneuve d’Ascq

Un bloc atrioventriculaire de haut grade peut être la séquelle d’une myocardite ou avoir une origine dégénérative.

Un chien border collie castré, âgé de 5 ans, est présenté en consultation pour l’exploration d’une fatigabilité apparue brutalement deux mois auparavant, initialement associée à un épisode de syncope et à une nette bradycardie mise en évidence par le vétérinaire traitant. Aucun antécédent cardiovasculaire n’est rapporté.

PRÉSENTATION DU CAS

1. Anamnèse

Les examens électrocardiographique et échocardiographique réalisés par le vétérinaire traitant peu après l’apparition des signes cliniques ont permis d’identifier un bloc atrioventriculaire, sans lésion cardiaque échographique concomitante. Un dosage de la troponine I, effectué à la suite de ces examens, a montré une élévation modérée à 400 ng/l, la valeur normale étant inférieure à 50 ng/l. Une recherche de maladie infectieuse, réalisée via un examen sérologique incluant notamment la maladie de Lyme, s’est révélée négative. La mise en place d’un traitement à base de corticoïdes (prednisolone à la dose de 0,5 mg/kg/j per os pendant trois semaines) n’a pas entraîné d’amélioration clinique.

2. Examen clinique

À l’examen clinique, l’état général de l’animal apparaît correct, sans évolution récente du poids. Les muqueuses sont roses et le temps de recoloration capillaire est normal. L’examen respiratoire ne décèle pas d’anomalie de rythme (fréquence respiratoire égale à 20 mpm) et l’auscultation pulmonaire reste dans les normes. En revanche, une nette dysrythmie est mise en évidence à l’auscultation cardiaque (fréquence cardiaque oscillant entre 40 et 55 bpm).

3. Électrocardiogramme

Un examen éléctrocardiographique est réalisé et révèle des ventriculogrammes fins, non sinusaux, non issus d’une onde P (la distance PR étant très variable) (photo). Ce tracé est caractéristique d’un bloc atrioventriculaire du troisième degré. Cette anomalie peut être isolée (probablement due à une dégénérescence du tissu de conduction) ou associée à une affection cardiaque (endocardiose évoluée, endocardite ou myocardite, infiltration néoplasique). Dans le cas présenté, l’hypothèse d’un épisode de myocardite, probablement isolée, est privilégiée.

4. Dosage de la troponine I

Un dosage de contrôle de la troponine I est effectué et affiche une valeur encore anormale, mais en régression par rapport à l’examen effectué deux mois plus tôt (100 ng/l). Un bloc atrioventriculaire du troisième degré est finalement diagnostiqué, d’origine indéterminée mais sans signe biologique de myocardite active. Étant donné le jeune âge de l’animal et la bradycardie majeure détectée, la pose d’un pacemaker est envisagée.

DISCUSSION

Les blocs atrioventriculaires correspondent à un ralentissement, voire à une interruption de la conduction de l’influx électrique provenant des atria au niveau du nœud atrioventriculaire.

Ceux de haut grade, des second et troisième degrés (BAV 3), sont en général idiopathiques et souvent associés à des lésions de fibrose ou de dégénérescence du tissu de conduction [5]. La majorité des animaux atteints sont âgés (9 ans en moyenne) et, le plus souvent, aucune lésion macroscopique associée n’est rapportée [5]. Dans notre cas, vu le jeune âge du chien et l’évolution de la troponinémie, l’hypothèse retenue est celle d’une séquelle de myocardite. Une origine dégénérative ne peut être exclue, même si elle semble moins probable.

Dans ce contexte de bloc atrioventriculaire chez un jeune animal, une recherche de borréliose est recommandée. Des myocardites sont régulièrement décrites lors de maladie de Lyme chez l’homme et souvent associées à des blocs atrioventriculaires.

Chez le chien, dans une étude portant sur onze cas de myocardite (confirmés à l’histologie), six d’entre eux ont présenté un test sérologique positif confirmant la présence de formes végétatives ou sporulées de Borrelia burgdoferi [2]. En revanche, aucun de ces animaux n’a présenté de bloc atrioventriculaire, et seul un cas de BAV 3 associé à une borréliose est rapporté dans la littérature [3].

Si la recherche de la borréliose reste donc préconisée, de plus amples investigations doivent être menées car d’autres causes de myocardite sont décrites (lupus érythémateux disséminé, myocardite idiopathique, etc.). La réalisation d’un suivi de la troponine est également recommandée [1, 2, 4]. Une élévation majeure de ce marqueur est classiquement observée lors de myocardite, et associée à un potentiel risque de mortalité [1]. Il est indispensable que les valeurs de tropinine soient proches de la normale avant de proposer la mise en place d’un pacemaker, car une myocardite active en contre-indique la pose. Un traitement médical peut théoriquement être proposé lors de bloc atrioventriculaire de haut grade, mais peu de molécules présentent un profil pharmacologique intéressant. Un effet chronotrope positif “isolé” est en effet recherché, sans action défavorable sur l’excitabilité ou la contractilité. La prescription de théophylline ou de pimobendane est principalement évoquée, mais le traitement médical n’a pas montré d’effet statistiquement significatif sur la survie [5]. Chez un animal jeune qui ne présente pas de lésion cardiaque macroscopique ou microscopique évidente, comme dans le cas présenté, la mise en place d’un pacemaker est clairement indiquée (1).

  • (1) Voir l’article « Mise en place d’un pacemaker épicardique par thoracotomie » dans ce numéro.

Références

  • 1. Church WM, Sisson DD, Oyama MA et coll. Third degree atrioventricular block and sudden death secondary to acute myocarditis in a dog. J. Vet. Cardiol. 2007;9:53-57.
  • 2. Janus I, Noszczyk-Nowak A, Nowak M et coll. Myocarditis in dogs : etiology, clinical and histopathological features (11 cases : 2007-2013). Ir. Vet. J. 2014;67:28.
  • 3. Levy SA, Duray PH. Complete heart block in a dog seropositive for Borrelia burgdorferi. Similarity to human Lyme carditis. J. Vet. Intern. Med. 1988;2:138-144.
  • 4. Malik R, Zunino P, Hunt GB. Complete heart block associated with lupus in a dog. Aust. Vet. J. 2003;81:398-401.
  • 5. Schrope DP, Kelch WJ. Signalment, clinical signs, and prognostic indicators asssociated with high-grade second- or third-degree atrioventricular block in dogs: 124 cases (january 1, 1997-December 31, 1997). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2006;228(11):1710-1717.

Conflit d’intérêts : Aucun

CONCLUSION

Lors de bloc atrioventriculaire chez de jeunes chiens, une recherche de borréliose est nécessaire. Dans notre cas, le fait qu’elle soit négative, ainsi que l’évolution de la troponinémie, ont orienté vers une séquelle de myocardite. Les traitements médicaux étudiés n’ayant pas abouti à une augmentation de la survie des animaux affectés, la pose d’un pacemaker apparaît comme l’option de choix.

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