CHIRURGIE URINAIRE
Chirurgie urinaire
Auteur(s) : Mélissa Pottier*, Kévin Minier**
Fonctions :
*Oncovet
Avenue Paul-Langevin
59650 Villeneuve d’Ascq
**(dipl. ECVS)
La première cause d’incontinence urinaire chez le chiot est la présence de malformations au niveau des abouchements urétéraux, associée ou non à d’autres anomalies de l’appareil urogénital.
Une chienne spitz, âgée de 3 mois, est présentée pour une incontinence urinaire évoluant depuis son adoption, avec une perte de gouttes d’urine en permanence malgré une émission régulière par des mictions normales. L’examen clinique est satisfaisant en dépit de la présence de lésions cutanées inguinales et périvulvaires de type dermite ulcérée (photo 1).
L’examen locorégional vulvaire externe et interne ne montre aucune anomalie (recherche d’une malformation anatomique notamment). Les résultats des analyses de sang et d’urine sont dans les normes.
L’examen échographique de l’abdomen révèle une ectopie urétérale bilatérale, avec une dilatation de l’uretère droit et la visualisation d’un trajet intramural droit. L’uretère gauche, de taille normale, présente également un trajet intramural. La vessie est modérément remplie lors de l’examen.
L’exploration chirurgicale via une laparotomie révèle une implantation extravésicale normale bilatérale de la jonction urétéro-vésicale, avec un méga-uretère droit (photo 2).
Une cystotomie caudo-ventrale est réalisée et prolongée caudalement au-delà du col vésical. Aucune papille urétérale n’est visible dans la vessie, mais un flux rétrograde d’urine provenant de l’urètre est visualisé. Les papilles n’étant pas accessibles, le trajet intramural droit est isolé après l’incision de la muqueuse vésicale qui le recouvre. Un cathéter de petit diamètre est inséré dans le trajet urétéral et une néo-cysto-urétérostomie est réalisée. Le trajet intramural distal est ligaturé et enfoui sous la muqueuse. La même procédure est réalisée pour l’uretère gauche (photo 3). Des prélèvements d’urines et d’un fragment de muqueuse vésicale sont envoyés pour une analyse bactériologique (aucun agent pathogène ne sera isolé). La cystotomie est ensuite suturée à l’aide d’un surjet simple apposant non perforant, suivi d’un rinçage abdominal. La plaie de cystotomie est épiploïsée, et l’abdomen fermé de manière conventionnelle.
La chienne est hospitalisée pendant 48 heures pour gérer la douleur, surveiller les mictions et détecter un éventuel épanchement abdominal laissant suspecter un uro-abdomen.
Lors du contrôle clinique dix jours plus tard, une pollakiurie est toujours présente, sans incontinence associée. Un mois après l’intervention, les propriétaires décrivent une continence urinaire normale.
L’ectopie urétérale est une anomalie congénitale au niveau de l’implantation de l’extrémité distale de l’uretère. Une prédisposition raciale est rapportée (skye terrier, labrador et golden retriever) [1]. Cette affection est plus fréquente chez la chienne, et souvent liée à l’existence d’un trajet intramural : l’uretère semble entrer dans la vessie en position normale, mais après un trajet dans l’épaisseur de la muqueuse, il s’ouvre caudalement au sphincter vésical dans l’urètre ou le vagin. Chez le chat, en revanche, le trajet de l’uretère ectopique est le plus souvent uniquement extramural, séparé de la vessie jusqu’à son abouchement dans l’appareil urogénital. Il existe de nombreuses variations ou combinaisons entre ces possibilités, comme la présence d’abouchements multiples [1].
Les signes cliniques sont assez typiques : les animaux atteints présentent une incontinence urinaire permanente, souvent depuis la naissance. Toutefois, des mictions normales sont possibles, même dans le cas de malformations bilatérales, car un flux d’urine rétrograde vers la vessie peut exister.
Les ectopies urétérales sont souvent associées à d’autres anomalies du système urinaire, notamment des méga-uretères, des malformations rénales et/ou des anomalies vestibulo-vaginales. Un examen complet du système urogénital est donc indispensable avant d’envisager une correction chirurgicale [2].
Un examen échographique permet d’obtenir une vision complète de l’appareil urinaire. Cependant, un scanner abdominal avec l’injection intraveineuse de produit de contraste est idéal pour caractériser l’intégralité des anomalies présentes. Un examen urographique de contraste sous fluoroscopie est également possible, mais il est plus difficilement accessible et ne permet pas une bonne évaluation du reste du tractus urinaire [1].
Plus récemment s’est développé en médecine vétérinaire l’examen cystoscopique, qui permet à la fois de visualiser l’appareil génital et les abouchements urétéraux ectopiques et de corriger certaines anomalies par les voies naturelles, au laser diode, par l’ouverture des trajets intramuraux jusqu’à la zone d’abouchement physiologique [1]. La correction d’uretères ectopiques extramuraux n’est toutefois pas possible via la cystoscopie. La correction chirurgicale par laparotomie des implantations urétérales ectopiques dépend de la morphologie de l’anomalie. Dans le cas de trajets intramuraux, une néo-cysto-uretérostomie est réalisée après une cystotomie ventrale. Lorsque cela est possible, un cathéter est inséré de manière rétrograde par les papilles urétérales afin de repérer le trajet intramural. Le trajet distal de l’uretère est ligaturé ou réséqué, afin de prévenir une possible reperméabilisation.
Pour les ectopies extramurales, une réimplantation urétérale “classique” est pratiquée, après la ligature et la section de l’uretère dans sa partie distale hors de la vessie.
Il est souhaitable de réaliser un examen bactériologique des urines durant l’intervention, une infection urinaire étant fréquemment observée en phase préopératoire. Le taux de réussite de la correction chirurgicale d’implantations urétérales ectopiques varie entre 22 et 72 % [1]. Une partie des échecs chirurgicaux sont dus à une incontinence sphinctérienne associée, auquel cas un traitement médical alpha-adrénergique apporte parfois un soutien complémentaire. Une amélioration pourrait aussi être suscitée par l’imprégnation hormonale qui accompagne les chaleurs [2].
L’ectopie urétérale peut se présenter sous de nombreuses formes et être associée à d’autres anomalies du système urogénital. Pour la correction de certaines malformations, des techniques chirurgicales peu invasives sont envisageables, telles que l’approche par la cystoscopie. Pour d’autres, une intervention par laparotomie se révèle nécessaire.
Conflit d’intérêts : Aucun