ÉCHOGRAPHIE DU FOIE
Échographie du foie : normalité et anomalies
PARTIE 1 : NORMALITÉ
Auteur(s) : Bérangère Ravary-Plumioën
Fonctions : Chuv animaux de production
UP pathologie des animaux de production
ENV d’Alfort
7, avenue du Général de Gaulle
94700 Maisons-Alfort
La position et la taille du foie, ainsi que son aspect et sa vascularisation peuvent être évalués facilement par l’échographie transcutanée chez les ruminants.
Les ruminants peuvent être atteints d’affections hépatiques diverses par leur nature et leur gravité, telles que des abcès hépatiques, une stéatose, une hépatite (leptospirose, intoxication), une parasitose (douve, échinococcose), des calculs biliaires, un foie cardiaque, une thrombose veineuse, voire des tumeurs [9, 11, 12, 14]. Le diagnostic de telles affections est généralement difficile à établir faute de signes cliniques spécifiques (souvent une perte de poids, une anorexie, un abattement, une diarrhée, parfois une fièvre intermittente, un ictère ou une dermatite secondaire à une photosensibilisation) et du nombre réduit d’examens complémentaires disponibles (tests biochimiques de routine). Le diagnostic est donc fréquemment établi post-mortem, à la vue de lésions hépatiques et/ou des résultats d’analyses histologiques ou toxicologiques réalisées sur des prélèvements de foie. Du vivant de l’animal, il est possible de recourir au dosage sanguin d’enzymes hépatiques (bilirubine, gamma-glutamyl transpeptidase ou γGT, aspartate aminotransférases ou Asat, cholestérol) et des protéines sanguines (albumine, globulines, fibrinogène), ainsi qu’à l’analyse histologique, bactériologique et/ou toxicologique de fragments de parenchyme hépatique obtenus par une biopsie transcutanée [2, 9, 12, 14, 15, 17, 18, 19]. Dans ce contexte, l’échographie peut être utile en permettant de détecter certaines affections hépatiques et/ ou biliaires. Afin de les mettre en évidence, il convient tout d’abord de connaître l’aspect normal du foie et de la vésicule biliaire, ainsi que leurs projections anatomiques à l’échographie.
Comme pour l’appareil digestif, l’exploration du foie s’effectue sur un animal debout, sans sédation préalable. Le foie des ruminants étant localisé dans la moitié droite de la région diaphragmatique, il convient de préparer les derniers espaces intercostaux droits, voire la région en arrière de l’arc costal droit chez le jeune. Le foie ne déborde l’arc costal droit que chez le très jeune ruminant. Chez les plus âgés, la visualisation du foie en arrière de la dernière côte est anormale. Après avoir tondu les poils de cette zone, la peau est rincée avec de l’eau chaude ou de l’alcool et du gel échographique est appliqué sur la peau. Sur des animaux aux poils courts et peu épais, l’échographie peut être tentée après l’humidification des poils avec de l’alcool à 70 %, au risque que l’image soit trop sombre et difficile à interpréter du fait d’une moins bonne pénétration des ultrasons.
L’exploration échographique du foie nécessite l’emploi d’une fréquence ultrasonore comprise généralement entre 3,5 et 5 MHz chez les adultes et entre 5 et 7,5 MHz chez les veaux [1, 3, 4, 8, 16, 21, 23]. Chez les petits ruminants, l’examen peut être effectué à l’aide de sondes de 5 à 8 MHz [7, 10, 13].
La visualisation du foie par échographie transcutanée est possible en appliquant la sonde échographique en regard des derniers espaces intercostaux droits (du 6e au 12e), voire en arrière de la dernière côte droite, selon les animaux (jeunes veaux versus adultes). En règle générale, l’exploration du foie débute caudalement puis se poursuit cranialement en se déplaçant à chaque fois d’un espace intercostal et en positionnant la sonde échographique parallèlement à l’axe des côtes. La limite dorsale d’exploration échographique du foie, dans chacun des espaces intercostaux les plus craniaux, correspond à la limite ventrale du poumon droit. Dans ces espaces, seule la portion de parenchyme hépatique située ventralement à cette limite est visible. En revanche, dans les espaces les plus caudaux, une grande quantité de parenchyme hépatique est visible (photo 1) [1, 3, 16, 21].
Les structures du foie sont d’abord évaluées visuellement (aspect échographique et localisation) puis peuvent être mesurées (détermination d’épaisseur, de diamètre, de circonférence le cas échéant).
Le parenchyme hépatique apparaît sous la forme d’une structure homogène à l’aspect légèrement granuleux, hypoéchogène à échogène (selon la fréquence de la sonde utilisée et les réglages du gain), au sein de laquelle de nombreux vaisseaux sanguins (anéchogènes) sont visibles en coupe (structures circulaires à tubulaires) (photos 2 à 6). Les canaux biliaires ne sont pas visibles au sein du parenchyme hépatique à l’état sain. Ainsi, les zones anéchogènes circonscrites au sein du parenchyme hépatique ne correspondent pas à de la bile, mais à du sang [1, 3, 4, 21]. Le foie présente une échogénicité moindre que la rate, toutefois la différence de localisation anatomique (foie visible à droite et rate à gauche, contre la paroi du rumen) rend la comparaison de l’échogénicité difficile chez les ruminants, les deux organes ne pouvant pas être visualisés sur une même image échographique [16].
Les gros vaisseaux du foie sont facilement identifiables. La veine porte et les veines hépatiques sont visibles au sein du parenchyme hépatique lorsque la sonde est appliquée au niveau du 12e, 11e ou 10e espace intercostal, voire plus cranialement. La lumière de ces vaisseaux est anéchogène [1, 5, 21]. Toutefois, la différenciation entre les veines porte et hépatiques peut se faire facilement au niveau de la fissure portale : à cet endroit, la veine porte présente l’aspect d’une “étoile” ou d’une “tête de lapin” du fait de ses ramifications visibles (photos 4 et 5), contrairement aux veines hépatiques qui conservent toujours une forme plus ou moins arrondie ou tubulaire, selon le plan de coupe [1, 3, 4, 16, 21]. En outre, la veine porte et ses ramifications paraissent délimitées par une paroi fine hyperéchogène, alors que la paroi des veines hépatiques n’est pas visible [3, 4, 5, 23]. La veine cave caudale est généralement visualisée dans le 12e ou le 11e espace intercostal, en plaçant la sonde dorsalement dans l’un des deux espaces. En coupe transversale, elle présente une forme triangulaire. Elle est observée plus dorsalement et plus profondément que la veine porte, contre le bord dorsal du foie (photos 6 et tableau 1). Toutefois, elle peut être difficile à visualiser en raison de sa position plus profonde (entre 8 et 15 cm de profondeur par rapport à la face diaphragmatique du foie chez les vaches laitières) et la profondeur d’exploration limitée de la sonde (environ 17 à 20 cm pour une sonde de 3,5 MHz) peut empêcher sa visualisation, notamment chez des animaux en bon état corporel [1, 3, 5, 16, 23]. Chez certains individus, les deux vaisseaux, veine cave caudale et veine porte, peuvent être reconnus sur la même image échographique (photo 7).
La vésicule biliaire est visible dans le 9e, 10e et/ou 11e voire 12e espace intercostal, vers la mi-hauteur, parfois plus bas, sous l’arc costal droit. Elle apparaît à la surface viscérale du foie, sous la forme d’une poche à paroi fine échogène et remplie de liquide anéchogène, de grosseur variable selon les moments de la journée (en lien avec la rumination ou la prise alimentaire). Suivant sa contenance, elle peut être visible en arrière du parenchyme hépatique (médialement au foie) ou contre la paroi abdominale, dépassant le bord ventral du foie (photos 8 à 10) [1, 3, 4, 5, 16, 21]. Toutefois, elle peut ne pas être observable chez certains sujets, probablement masquée par des structures digestives.
D’une hauteur de 12 à 15 cm et d’une largeur de 4 à 8 cm chez les bovins adultes, la taille de la vésicule biliaire est appréciée en mesurant sa circonférence selon Braun. Ainsi, sa circonférence normale, dans la région du 11e espace intercostal, est en moyenne de 21 cm (+ /- 5 cm) et n’excède pas 36 cm chez les vaches laitières (photo 8) [1, 3]. Cependant, comme il n’est pas toujours facile d’observer la vésicule biliaire en entier sur une seule et même image. Souvent, sa taille peut plus facilement être estimée en mesurant le petit ou le grand diamètre de la vésicule (photos 11). Un petit diamètre (épaisseur) de 4 à 5 cm (0,8 à 7,7 cm) et un grand diamètre (largeur) de 8 à 9 cm (3,5 à 14,3 cm) sont des mesures classiquement rapportées chez des vaches laitières en bonne santé [5]. En suivant le col de la vésicule biliaire, puis le conduit cystique, le canal hépatique commun peut être identifié au niveau du hile du foie chez certains animaux. En revanche, le conduit cholédoque ne peut pas être visualisé [1, 3, 4].
Chez les bovins adultes, le foie ne déborde pas en arrière de la dernière côte, contrairement aux veaux. Ainsi, la visualisation de parenchyme hépatique en arrière de la dernière côte droite peut traduire une hépatomégalie, voire un déplacement caudal du foie, ce dernier étant repoussé par un épanchement pleural important dans la cavité pleurale droite, ou par un épanchement péricardique. Lors de l’échographie transcutanée, le lobe hépatique gauche en région ventrale apparaît en contact vers la gauche avec le réseau au niveau des 6e et 7e espaces intercostaux. Plus caudalement, jusqu’au du 10e ou 11e espace intercostal, une grande partie du foie paraît moulée sur le feuillet (omasum) (photos 2, 3 et 8). Contre le bord viscéral du foie, le duodénum cranial peut être identifié dans la région du 10e ou 11e espace intercostal (photo 10). Enfin, le lobe droit est en contact avec les intestins à partir du 11e espace intercostal et le lobe caudé contre le pôle cranial du rein droit, en région dorsale du 12e espace intercostal (photo 12) [3]. À l’échographie, la taille du foie peut être appréciée plus particulièrement dans les 10e à 12e espaces intercostaux, où il est facilement visible. Toutefois, hormis lors d’hépatomégalie sévère (foie palpable ou visualisé à l’échographie en arrière de la dernière côte chez un bovin adulte) ou d’atrophie sévère (foie non visible dans les derniers espaces intercostaux), cette appréciation des modifications de dimension du foie est assez subjective et doit tenir compte de l’âge du bovin (jeune veau, génisse, adulte). Chez un bovin adulte, le parenchyme hépatique ne devrait pas s’étendre dorso-ventralement sur plus de 42 cm au niveau du 11e espace intercostal (espace où le foie apparaît le plus étendu) ni dépasser la dernière côte, et les vaisseaux ne devraient pas se trouver à une profondeur dépassant 15 cm pour la veine cave cau- dale et 14 cm pour la veine porte [1, 5]. Chez les génisses de 1 à 2 ans, des dimensions plus faibles sont attendues, car le foie est plus petit [5]. La race n’aurait pas d’influence sur les dimensions du foie, au moins chez les vaches laitières de race holstein, suisse brune ou simmental, aucune donnée n’étant rapportée chez des races allaitantes [5]. En revanche, le poids, le format de l’animal (hauteur au garrot) et son niveau de production laitière auraient une légère influence sur la taille apparente du foie à l’échographie, avec une possible augmentation de hauteur (étendue dorso-ventrale), d’épaisseur et de largeur (étendue cranio-caudale) chez des vaches plus lourdes, de plus grand format ou produisant plus de lait [5]. Imram et ses collaborateurs le démontrent chez des vaches croisées jersiaise-sindhi rouge, de plus petit format (300 à 450 kg) que les races laitières des études de Braun et son équipe (410 à 760 kg), chez lesquelles ils relèvent une hauteur moyenne de foie de 26 cm dans la région du 11e espace intercostal et de 17 cm dans celle du 10e, comparativement aux 30 cm et 26 cm notés respectivement par Braun et Gerber [5, 16].
Chez le veau, le foie est identifiable contre la paroi des 5e à 12e espaces intercostaux droits et contre la paroi du flanc droit juste en arrière de la dernière côte. Il est visible sur une hauteur de 10 à 20 cm selon l’espace intercostal considéré, la hauteur maximale étant généralement relevée entre le 8e et le 11e espace intercostal. Son épaisseur (distance entre la face diaphragmatique et la face viscérale) est de 4 à 8 cm chez des veaux holstein de moins de 4 mois (tableau 2) [4, 8].
Son aspect ressemble à celui de l’adulte, avec la visualisation au sein du parenchyme des vaisseaux sanguins uniquement, et non des canaux biliaires (photos 13 et 14).
Contrairement aux adultes, la veine cave caudale peut présenter diverses formes chez les veaux : pas seulement triangulaire, mais également ronde ou ovale chez certains individus, sans lien avec une maladie. Cela peut s’expliquer par une moindre pression exercée par les organes abdominaux adjacents. Son diamètre varie légèrement avec l’âge de l’animal et le site d’observation (tableau 2) [4, 8]. La vésicule biliaire est souvent identifiable dans la région du 9e espace intercostal comme une poche ronde ou ovalaire anéchogène à paroi échogène (photos 11) [4, 8].
Du fait d’une position plus verticale du foie chez les petits ruminants comparativement à celle des bovins, le foie peut n’est pas visible dans les deux derniers espaces intercostaux droits. Son bord ventral est plus proche de l’arc costal, et peut même le dépasser, entre la région xyphoïdienne et la 9e côte. Ainsi, il est le plus souvent échographié du 7e au 9e espace intercostal chez les caprins ou du 9e à 10e espace intercostal chez les ovins, même si, chez certains animaux, il est parfois vu plus cranialement (depuis le 5e ou 6e espace intercostal) et/ou plus caudalement (jusqu’au 11e à 12e) [6, 7, 10, 22]. La vésicule biliaire est le plus souvent observée au niveau du 9e espace intercostal droit, mais peut l’être aussi au 8e ou 10e espace intercostal [7, 20, 22].
L’aspect échographique du foie et de la vésicule biliaire des petits ruminants est comparable à celui des bovins (photos 15). La veine porte et la veine cave caudale peuvent y être reconnues, avec des formes respectives comparables à celles des bovins : en étoile pour la veine porte et triangulaire pour la veine cave caudale. La vésicule biliaire, au contenu anéchogène, voire hypoéchogène chez certaines chèvres, a une position un peu plus ventrale comparativement aux bovins, située à une trentaine de centimètres de la ligne du dos [7, 10, 22]. Seules des données morphométriques établies sur des chèvres saanen (tableau 3) et des brebis alpines sont rapportées dans la littérature [6, 10]. Il existe peu de différences entre les deux espèces. Toute valeur en dehors de ces données traduit la présence d’une affection (taille ou position anormale du foie), mais peut également s’expliquer par une différence de format de l’animal échographié (jeune versus adulte, gabarit différent lié à la race, comme les caprins de race naine ou les ovins d’Ouessant). En effet, une étude montre que la taille du foie chez les brebis est reliée à la circonférence abdominale, avec une tendance à l’augmentation des mesures chez les sujets de plus grand format [6]. En outre, la profondeur de la veine porte dans la région des 10e et 11e espaces intercostaux est susceptible de permettre d’estimer la taille du foie, puisqu’une corrélation positive entre cette mesure et le poids du foie est mise en évidence chez des brebis gestantes de race brésilienne [20].
Il peut être difficile de visualiser le foie chez des bovins en bon état corporel, voire gras, en raison de l’épaisseur plus prononcée de leur paroi abdominale et de la présence de gras intermusculaire et intramusculaire qui absorbe les ultrasons (photo 16) [1]. Il convient alors d’utiliser une fréquence ultrasonore plus basse (3,5 à 2,5 MHz). Par ailleurs, chez certains animaux dont les espaces intercostaux sont étroits, il peut être difficile de bien appliquer la sonde échographique contre la paroi abdominale entre les côtes et d’obtenir une image de bonne qualité, les côtes masquant une partie des structures profondes sur les bords de l’image. En outre, du fait de la position anatomique craniale du foie dans la cavité abdominale, une portion (celle la plus craniale) de l’organe ne peut pas être explorée par l’échographie transcutanée, car le poumon droit s’interpose entre la paroi et le foie recouvert par le diaphragme (photos 17).
L’échographie transcutanée du foie permet d’évaluer de façon non invasive la topographie, l’échogénicité et la vascularisation de l’organe, même si, en région craniale, une portion n’est pas observable en raison de la superposition du poumon droit. Ainsi, même si ailleurs, le foie présente un aspect normal, il n’est pas possible d’exclure complètement l’existence d’une affection hépatique localisée dans cette zone non accessible par l’échographie transcutanée. Il est aussi généralement possible d’apprécier les dimensions et l’aspect de la vésicule biliaire. Cet examen non invasif et facile à mettre en œuvre, qui ne nécessite qu’un échographe et une sonde de moyenne à basse fréquence, est utile dans le cadre du diagnostic des affections hépatiques chez les ruminants, bovins comme petits ruminants. Afin de pouvoir utiliser l’échographie dans cette démarche diagnostique, il est important de connaître l’aspect, la taille et la position du foie et de la vésicule biliaire à l’état sain.
Conflit d’intérêts : Aucun
• L’examen du foie s’effectue par voie transcutanée, sur un animal debout, au moyen d’une sonde de basse à moyenne fréquence chez un bovin adulte et de plus haute fréquence chez un veau ou un petit ruminant.
• Le foie est visible contre la paroi abdominale droite, en regard des derniers espaces intercostaux, voire légèrement en arrière de l’hypochondre chez le jeune animal.
• Le parenchyme hépatique apparaît comme une structure hypoéchogène à échogène, au sein duquel des vaisseaux sanguins apparaissent sous la forme de zones anéchogènes circonscrites. Les canaux biliaires ne sont pas visibles à l’état sain.
• L’échographie de la région du foie permet de déterminer la position, la taille et l’étendue de l’organe, mais aussi de ses principaux vaisseaux (veine porte et veine cave caudale) et de la vésicule biliaire.
• La veine cave caudale n’est visible qu’en région dorsale des derniers espaces intercostaux, le poumon droit gênant sa visualisation plus cranialement.