SUIVI D’UNE CARDIOMYOPATHIE HYPERTROPHIQUE CHEZ UNE CHATTE - Le Point Vétérinaire n° 422 du 01/10/2021
Le Point Vétérinaire n° 422 du 01/10/2021

CARDIOLOGIE

Médecine féline

Auteur(s) : François Serres

Fonctions : (DESV médecine interne, option cardiologie)
Oncovet
Avenue Paul Langevin
59650 Villeneuve d’Ascq

Une classification des cardiomyopathies félines a récemment été proposée. Elle catégorise les différentes affections cardiaques selon leur phénotype et leur fonctionnement, mais présente des limites.

Une chatte européenne à poil court, stérilisée et âgée de 12 ans, est reçue dans le cadre du suivi d’une cardiomyopathie hypertrophique, avec un épaississement initialement septal sous-aortique isolé. L’affection a été diagnostiquée huit ans auparavant, lors d’un dépistage systématique des apparentés, car l’un des chats de la même portée a présenté une cardiomyopathie hypertrophique rapidement évolutive, avec une insuffisance congestive et une thrombœmbolie aortique fatale survenue à l’âge de 3 ans. Depuis le diagnostic de la maladie, une hypertrophie progressive des parois ventriculaires gauches et une dilatation atriale gauche ont été observées (photo 1). Ces anomalies sont apparues majorées lors du dernier contrôle réalisé un an plus tôt. Un traitement à base de benazépril (à la dose de 0,5 mg/kg par jour per os) et d’aténolol (à raison de 1 mg/kg toutes les 12 heures per os) est administré depuis le diagnostic, associé à l’administration de clopidogrel (Plavix®(1), à la posologie de 18 mg par animal et par 24 heures per os) depuis un an. La chatte est toujours asymptomatique.

PRÉSENTATION DU CAS

Auscultation et échocardiographie

Lors de l’examen clinique d’admission, la chatte apparaît calme. À l’auscultation, la fréquence cardiaque est normale, à 160 battements par minute, sans dysrythmie ni souffle associé.

La coupe temps-mouvement transventriculaire obtenue par voie parasternale droite montre un ventricule gauche de taille et de morphologie anormales. Le septum interventriculaire et la paroi postérieure du ventricule gauche sont d’une épaisseur diastolique dans les valeurs usuelles normalisées, en nette diminution par rapport aux examens précédents. Les contours ventriculaires internes gauches sont irréguliers, mais sans dilatation diastolique de la cavité du ventricule gauche (photo 2). La cinétique ventriculaire gauche est également modifiée, avec une fraction de raccourcissement mesurée à 20 %, en diminution par rapport aux examens précédents.

L’atrium gauche est nettement dilaté, avec un rapport atrium gauche/aorte de 2,4, en augmentation par rapport à l’examen précédent. Des images de volutes préthrombotiques sont visualisées au sein de l’auricule gauche (photo 3). L’examen du flux mitral diastolique montre un profil restrictif (onde E de vélocité augmentée avec un temps de décélération diminué).

Diagnostic et traitement

L’examen échocardiographique révèle donc, chez un animal asymptomatique, un cœur présentant des signes de dysfonction diastolique, avec une dilatation atriale gauche majeure et une régression de l’épaississement ventriculaire par rapport aux examens effectués précédemment. Cela correspond à un stade Acvim B2, selon la classification de l’American College of Veterinary Internal Medicine. Des signes de dysfonctions diastolique majeure et systolique débutante sont observés, en faveur de l’évolution terminale d’une cardiomyopathie hypertrophique.

La poursuite du traitement déjà mis en place reste d’actualité, notamment celui à base de clopidogrel qui sert à limiter le risque de thrombœmbolie aortique. Un traitement par du pimobendane (à la dose de 0,625 mg toutes les 12 heures per os) est ajouté en raison de la dysfonction systolique détectée.

DISCUSSION

La classification des cardiomyopathies félines a récemment fait l’objet d’un consensus de l’Acvim (figure) [1]. Elle permet de “catégoriser” les différentes affections cardiaques grâce à la réalisation d’un examen échocardiographique qui détermine le phénotype de la cardiomyopathie, et à des examens complémentaires pour l’identification étiologique lorsqu’elle est possible. Cette classification n’est pas un étiquetage définitif dans chaque situation, la présentation phénotypique pouvant varier au cours de l’évolution de la maladie.

Ainsi, dans notre cas, une affection correspondant initialement à un phénotype de cardiomyopathie hypertrophique, probablement primitive et génétique, a présenté un amincissement progressif avec une évolution restrictive et une dysfonction systolique. Ce phénotype de cardiomyopathie hypertrophique terminale est parfois difficile à distinguer d’une cardiomyopathie restrictive “primitive”, en particulier lorsque le praticien voit l’animal à ce stade pour la première fois. Cette forme terminale de cardiomyopathie hypertrophique est régulièrement décrite [1, 2].

La prise en charge thérapeutique “optimale” des cardiomyopathies reste à définir, seul le clopidogrel faisant l’objet d’un consensus au stade Acvim B2 [1]. L’administration de pimobendane (à raison de 0,625 à 1,25 mg par chat toutes les 12 heures per os) a montré une innocuité et un intérêt potentiel dans le cadre de la prise en charge des cardiomyopathies félines, mais les limites et les bénéfices réels de ce traitement restent encore à démontrer [3].

CONCLUSION

Pour les cardiomyopathies félines, seule une classification phénotypique est disponible, fondée sur des critères échographiques qui peuvent évoluer au cours du temps. En l’absence de caractérisation génétique ou histologique possible, il existe peu de recommandations thérapeutiques validées, à l’inverse des affections canines.

  • (1) Médicament à usage humain.

Références

  • 1. Luis Fuentes V, Abbott J, Chetboul V et coll. ACVIM consensus statement guidelines for the classification, diagnosis, and management of cardiomyopathies in cats. J. Vet. Intern. Med. 2020;34:1062-1077.
  • 2. White AJ. End-stage hypertrophic cardiomyopathy in a cat. Can. Vet. J. 2015;56:509-511.
  • 3. Gordon SG, Saunders AB, Roland RM et coll. Effect of oral administration of pimobendan in cats with heart failure. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2012;241:89-94.

Conflit d’intérêts : Aucun

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