PRISE EN CHARGE SPÉCIFIQUE DE L’ANIMAL POLYTRAUMATISÉ - Le Point Vétérinaire n° 422 du 01/10/2021
Le Point Vétérinaire n° 422 du 01/10/2021

URGENCES

Dossier

Auteur(s) : Maxime Cambournac

Fonctions : (dipl. ECVECC)Service d’urgences et soins intensifs
Centre hospitalier vétérinaire Frégis
43, avenue Aristide Briand
94110 Arcueil

La prise en charge d’un animal polytraumatisé doit être organisée et méthodique. Les plaies sont traitées par des soins locaux et la prise en charge des fractures est retardée tant que l’animal n’est pas en mesure de subir une anesthésie.

Comme évoqué dans les articles précédents, l’évaluation initiale de l’animal traumatisé commence par l’examen primaire (voies aériennes, respiration, circulation, incapacité, exposition et environnement) afin d’identifier et de prendre en charge les lésions mettant immédiatement sa vie en danger (encadré). L’évaluation secondaire comprend un examen plus détaillé de l’animal, le plus souvent associé à des examens complémentaires. La prise en charge dépend de la gravité des lésions et de leur létalité. Par ailleurs, certains animaux gravement blessés peuvent survivre dans un premier temps, puis mourir en raison de complications telles qu’une hémorragie tardive, une infection ou le dysfonctionnement de plusieurs organes.

1. SOUTIEN DE LA VENTILATION

Le contrôle de la ventilation nécessite de considérer deux points clés : les voies respiratoires et l’assistance ventilatoire mécanique. Le contrôle des voies respiratoires ayant déjà été abordé dans le premier article, seule la ventilation mécanique assistée de l’animal polytraumatisé sera détaillée ici.

La ventilation mécanique

En l’absence de mouvements respiratoires spontanés ou efficaces, le recours à une ventilation mécanique est nécessaire. Cependant, comme tout traitement, elle peut entraîner des complications infectieuses ou traumatiques (barotraumatisme, volutraumatisme et atélectraumatisme) [8]. Lors de ventilation mécanique assistée, il est recommandé de recourir à une ventilation dite “protectrice” : les volumes courants utilisés sont de 6 à 8 ml/kg et les pressions plateau sont maintenues en dessous de 30 cmH20 [8]. Dans la plupart des situations, la fréquence ventilatoire usuelle est de 10 à 20 mouvements par minute, mais elle doit être adaptée à chaque cas selon les informations obtenues grâce à l’analyse de capnographie.

Les mesures hygiéniques

Les mesures hygiéniques visent à réduire les complications liées à la ventilation assistée et, dans certains cas, à favoriser le fonctionnement pulmonaire. Ainsi, il est recommandé d’élever la partie craniale du corps de l’animal de 30°, de réaliser des essais de sevrage quotidiens en sédatifs et en ventilation assistée, de procurer des soins buccaux quotidiens et de mettre en place une prophylaxie antiulcéreuse. Bien que son usage systématique reste controversé chez l’animal, cette dernière semble bénéfique chez les patients humains ventilés.

2. PRISE EN CHARGE DE L’HÉMORRAGIE

Conséquences de l’hémorragie

L’hémorragie est la cause la plus fréquente d’hypotension chez les animaux traumatisés [7]. Cependant, le “choc traumatique” ne se limite pas à la perte de sang ni à l’ischémie tissulaire, mais combine un état de choc hémorragique, un traumatisme tissulaire ainsi que leurs conséquences délétères. Dans les cas d’hémorragie grave, le remplissage vasculaire peut être à l’origine de complications qui entraînent un cercle vicieux de détériorations appelé “triade létale”. Elle associe une coagulopathie, une acidose métabolique et une hypothermie [14]. La coagulopathie du traumatisme comprend la dilution des facteurs de coagulation, la consommation de facteurs au site du saignement, la coagulation intravasculaire, l’hyperfibrinolyse, l’hypothermie, l’acidose et l’inflammation.

Le choix du soluté de remplissage

Bien qu’utilisés abondement en médecine vétérinaire, les volumes de solutés doivent être raisonnables et adaptés aux objectifs de la réanimation [16]. La responsabilité du NaCl à 0,9 % dans la survenue d’une acidose métabolique hyperchlorémique est largement démontrée dans ce contexte. Hormis l’acidose métabolique, de nombreux effets délétères liés à l’hyperchlorémie sont rapportés dans la littérature, conduisant in fine à une surmortalité (anomalies de la coagulation, activation des phénomènes inflammatoires, altération des fonctions digestives et rénales) [13]. Lors de choc hémorragique, la perfusion de NaCl à 0,9 %, comparée à celle de Ringer lactate, est associée à une perfusion accrue de produits sanguins, des troubles de la coagulation, ainsi qu’à une surmortalité.

L’acide tranexamique

Un traitement à base d’acide tranexamique est souvent entrepris lors de la prise en charge initiale de l’animal polytraumatisé(1). Il doit être poursuivi par la suite, plutôt en injections répétées qu’en perfusion continue. Sur la base des données actuelles, cette molécule semble être sûre pour un usage à moyen terme, même si des études à plus large échelle sont nécessaires en médecine vétérinaire.

3. PRISES EN CHARGE SPÉCIFIQUES

Le traumatisme thoracique

Un traumatisme thoracique grave peut entraîner des lésions des voies respiratoires, des poumons, du cœur, des gros vaisseaux et de l’œsophage.

Pneumothorax

Souvent diagnostiqués par échographie au chevet de l’animal, les pneumothorax et les hémothorax doivent être ponctionnés s’ils sont à l’origine de répercussions cliniques. Le pneumothorax est souvent traité par une thoracocentèse, parfois par la pose d’un drain thoracique ou plus rarement par une correction chirurgicale. L’utilisation d’un patch de sang autologue peut être envisagée lorsque le traitement conservateur a échoué, ou qu’une anesthésie en vue d’une intervention chirurgicale n’est pas envisageable. Son emploi suppose que la formation d’un caillot et l’activité fibrogénique secondaire du patch de sang provoquent une irritation et une inflammation pleurales. Elles scellent directement la fuite d’air par la formation d’un caillot. À l’aide d’un dispositif de prélèvement en circuit clos, le sang est prélevé directement dans la veine jugulaire avec une aiguille (18 à 22 G selon la taille de l’animal) et une seringue (20 à 50 ml selon la quantité à prélever), sans additif ni anticoagulant. Le sang est ensuite injecté immédiatement dans l’espace pleural, suivi d’une petite quantité de solution saline de rinçage.

Sur la base du protocole d’Oppenheimer et de ses collaborateurs, environ 10 ml/kg de sang sont administrés dans la cavité thoracique [11]. En outre, certains auteurs recommandent l’ajout d’acide tranexamique par voie intrapleurale [12].

Volet costal

Le volet costal correspond à de multiples fractures d’au moins trois côtes adjacentes, entraînant la séparation d’un segment de la paroi thoracique du reste de la cage thoracique. Dans la plupart des cas de volet costal, chaque côte affectée est fracturée à deux endroits au minimum. Cependant, un volet reste possible chez les animaux présentant une seule fracture par côte affectée, ou avec des dislocations ou un cartilage costal flexible [10]. Un bandage thoracique peut être réalisé, en prenant soin de couvrir le segment libre, puis tout le tour du thorax. Cette stabilisation médicale permet de diminuer les mouvements du volet costal, les douleurs et le risque de lacération des poumons et des vaisseaux intercostaux. La stabilisation chirurgicale doit être envisagée si les signes cliniques ne disparaissent pas à la suite de la mise en place du traitement médical conservateur, ou si l’animal subit une thoracotomie pour d’autres raisons (par exemple, la lacération d’un lobe pulmonaire).

Contusions pulmonaires

Les contusions pulmonaires sont courantes lors de traumatisme [2]. Elles se produisent lorsqu’un traumatisme contondant au niveau de la poitrine entraîne le remplissage des alvéoles par du sang et du liquide (inflammation). Elles peuvent provoquer une insuffisance respiratoire aiguë sévère.

Ces contusions sont identifiées radiographiquement par des infiltrats interstitiels ou alvéolaires, ou cliniquement par une tachypnée ou une augmentation de l’effort respiratoire chez les chiens ayant subi un traumatisme. Le traitement de choix est le soutien qui repose principalement sur une oxygénothérapie, et pour les cas les plus sévères sur une ventilation assistée. Dans la majorité des cas, lors de contusions pulmonaires, les signes cliniques s’améliorent de manière significative en deux à trois jours et l’animal se rétablit complètement en moins d’une semaine.

Le traumatisme abdominal

Conduite à tenir

Chez les animaux qui présentent un traumatisme abdominal contondant, les lésions des organes solides (foie, rate, rein) sont les plus fréquentes [3]. Nombre de ces blessures peuvent être traitées avec succès de manière non chirurgicale, tant que l’animal reste stable sur le plan hémodynamique.

Une instabilité hémodynamique inexpliquée ou une détérioration des paramètres cliniques lors d’une prise en charge conservatrice doivent inciter à repenser la stratégie thérapeutique.

Traumatismes contendants

Les lésions des viscères creux provoquées par un traumatisme contondant peuvent passer inaperçues lors de l’évaluation initiale de l’animal en raison d’une altération de l’état mental, de blessures distrayantes ou d’examens d’imagerie initialement négatifs. C’est pourquoi les échographies au chevet de l’animal doivent être répétées afin de détecter au plus tôt toute perforation d’organe. À l’échographie, la visualisation d’un épanchement doit conduire le praticien à s’interroger sur son origine ; il doit impérativement être analysé. S’il est septique, une prise en charge chirurgicale s’impose au plus vite.

Traumatismes pénétrants

Lors de traumatismes pénétrants, une exploration chirurgicale est recommandée. Cependant, une prise en charge non opératoire est possible en cas de traumatisme pénétrant stable sur le plan hémodynamique et sans péritonite au moment de l’admission.

Une approche dite “de contrôle des dommages”, similaire à celle décrite ci-dessus pour le traumatisme abdominal, est préconisée pour les animaux instables, dont la durée d’anesthésie doit être la plus courte possible. Cette approche se concentre sur le contrôle de l’hémorragie, la restauration de la perfusion et la minimisation de la contamination [15]. Enfin, toute réparation orthopédique définitive peut et doit être reportée lorsque cela est possible.

Le traumatisme crânien

Dans le cadre du traumatisme crânien, deux types de lésions sont distingués :

- la lésion “primaire”, directement consécutive au traumatisme initial, et pour laquelle le vétérinaire ne peut plus rien ;

- les facteurs d’agression cérébrale secondaire d’origine systémique, dites lésions secondaires.

La prise en charge du traumatisme crânien chez l’animal est largement axée sur la prévention et l’atténuation des agressions cérébrales secondaires d’origine systémique, telles que l’hypoxie, l’hypotension, l’hyperglycémie ou l’hypoglycémie, ainsi que l’œdème cérébral ou l’ischémie.

Les animaux comateux sont généralement définis comme affichant un score inférieur à 9 sur l’échelle de coma de Glasgow modifiée (tableau 1). Leurs voies aériennes doivent être sécurisées [5]. La prise en charge standard inclut une analgésie et une sédation adéquates, ainsi que l’instauration d’une prophylaxie des crises convulsives post-traumatiques. Des mesures hygiéniques doivent systématiquement être mises en place :

- une élévation de la tête du lit de 30° pour améliorer le drainage veineux cérébral ;

- une sédation et une analgésie à courte durée d’action pour permettre une réduction des besoins métaboliques cérébraux ;

- l’administration d’un antinauséeux-antiémétique pour limiter les vomissements.

Toute compression jugulaire doit être évitée. Le collier de l’animal doit être retiré, et il convient d’éviter les prises de sang à la veine jugulaire et de limiter les points de contact et de compression avec la surface de couchage. Enfin, des examens neurologiques fréquents sont primordiaux pour détecter des signes précoces d’aggravation. L’hypertension intracrânienne est caractérisée par une diminution de l’état de vigilance, une hypertension artérielle systémique associée à une bradycardie (réflexe de Cushing). Sa prise en charge nécessite une thérapie hyperosmolaire avec un soluté de mannitol à 20 % à la dose de 1 g/kg pour réduire l’œdème cérébral. Dans de rares cas, une craniotomie décompressive ou un coma barbiturique sont nécessaires.

Les lésions médullaires

Les traumatismes peuvent provoquer des lésions de la moelle épinière, des séquelles particulièrement dévastatrices. La moitié des lésions traumatiques de la moelle épinière affectent la zone cervicale. Elles sont associées à une morbidité à court et à long termes beaucoup plus élevée que les lésions de la moelle épinière thoracique ou lombaire [9]. Le traitement de base de tous les animaux atteints d’une lésion médullaire est essentiellement un traitement de soutien visant à minimiser les atteintes et les complications secondaires. Pour cela, l’animal doit être immobilisé autant que possible (photo). Les lésions cervicales graves peuvent entraîner un dysfonctionnement respiratoire total. Dans certains cas, le choc neurogène dû à la perte de stimulation du système nerveux sympathique au niveau de T6 ou au-dessus entraîne un choc distributif qui peut durer jusqu’à trois semaines. La réanimation liquidienne est le traitement de première intention avec l’objectif de maintenir la volémie. Le traitement de seconde intention comprend les vasopresseurs (en particulier la noradrénaline), les inotropes ou une combinaison des deux. La prévention de l’hypotension peut améliorer le pronostic neurologique. Les recommandations actuelles sont de maintenir la pression artérielle moyenne au-dessus de 85 à 90 mmHg pendant les sept premiers jours qui suivent un traumatisme cervical aigu.

Les fractures

Les urgences orthopédiques comprennent un petit groupe de lésions traumatiques et d’infections articulaires. La plupart des blessures orthopédiques ne constituent pas une urgence vitale, à l’exception de certains traumatismes crâniens et vertébraux [1].

Évaluer le type de fracture

Une fois l’animal stabilisé sur le plan hémodynamique, une couverture et/ou un bandage d’immobilisation peuvent être appliqués sur le ou les membres affectés. Une palpation douce des membres ainsi que l’évaluation de l’amplitude des mouvements et de la stabilité des articulations permettent de localiser les fractures, les luxations ou les lésions ligamentaires. Un examen digital rectal est effectué pour évaluer l’intégrité pelvienne. Un examen neurologique complet doit être effectué pour détecter la présence éventuelle d’une lésion nerveuse concomitante.

Aucune radiographie osseuse n’est réalisée avant que l’état de l’animal soit parfaitement stabilisé. Les fractures fermées ne sont pas traitées initialement et la réparation doit être retardée jusqu’à ce que l’animal soit stable pour une anesthésie générale.

Fractures ouvertes

Lors de fractures ouvertes associées à des plaies graves, il peut être nécessaire de réaliser les premiers soins : l’objectif de la prise en charge est alors de limiter les pertes sanguines, les contaminations et de prévenir les infections. Les fractures ouvertes sont classées en groupes qui décrivent le degré d’atteinte des tissus mous. Le schéma de classification le plus couramment utilisé en médecine vétérinaire est celui de Gustilo-Anderson (tableau 2) [18]. L’utilisation précoce d’antimicrobiens à large spectre se justifie uniquement pour le traitement des fractures ouvertes [4].

L’immobilisation

Les fractures des extrémités distales peuvent être provisoirement immobilisées par une attelle ou un pansement de type Robert-Jones. Cela permet de limiter le déplacement de la fracture, d’éviter un gonflement supplémentaire, d’empêcher une fracture fermée de s’ouvrir et de prévenir un traumatisme des tissus mous. L’immobilisation de la fracture augmente également le confort de l’animal et diminue la douleur. Elle doit si possible inclure les deux articulations (au-dessus et au-dessous) dans le bandage.

Gestion de la plaie

Les principaux vaisseaux doivent être isolés et ligaturés pour arrêter l’hémorragie. Selon l’état de l’animal, une sédation forte ou une anesthésie générale sont à prévoir. Il convient d’utiliser un pansement absorbant s’il est en contact direct avec la plaie. Une attelle peut être incorporée au bandage si elle peut être appliquée sans compromettre davantage les tissus lésés. Une fois que la phase de débridement est terminée, des bandages non adhérents sont apposés sur la plaie. La décision de fermer une plaie dépend d’une variété de facteurs, dont le temps écoulé depuis la blessure, l’aspect de la plaie, la charge bactérienne et le mécanisme de la blessure.

Réparation chirurgicale

Le délai entre la blessure initiale et la réparation chirurgicale définitive des fractures ouvertes varie. Elle n’est effectuée qu’après le traitement des atteintes concomitantes et lorsque l’animal est considéré comme apte à supporter une anesthésie. Ses objectifs comprennent l’alignement anatomique, l’apposition des fragments, la stabilisation de la fracture, la prévention de l’infection, la réparation des lésions des tissus mous et le rétablissement de la fonction normale. Si les dommages sont trop importants pour permettre la reconstruction et la stabilisation, les procédures de sauvetage (remplacement de l’articulation ou arthrodèse) ou l’amputation sont des options thérapeutiques à considérer.

Fracture sur la plaque de croissance

Les fractures impliquant la plaque de croissance des jeunes chiens sont à évaluer immédiatement. Si possible, elles doivent être réparées dans les trois jours qui suivent la blessure [1]. Les propriétaires doivent être informés du fait que la perturbation de la croissance des os longs peut entraîner des déformations angulaires.

4. PRISE EN CHARGE DES PLAIES

Les enjeux

Une revue complète du traitement des plaies dépasse le cadre de cet article [4]. Les animaux traumatisés présentent souvent des plaies externes plus ou moins complexes. Elles doivent être traitées après la prise en charge des blessures plus graves. Cependant, une attention rapide aux plaies et un traitement précoce et approprié peuvent faire la différence entre une cicatrisation sans complication et une évolution avec des complications. Tous les soins réalisés en urgence dans la prise en charge immédiate des plaies traumatiques peuvent avoir un impact important sur le résultat final. Lorsque d’autres blessures doivent être traitées en priorité, ou que l’animal est cliniquement instable, les plaies sont rapidement couvertes avec un matériau propre, stérile de préférence, afin de créer une barrière contre l’environnement.

La conduite à tenir

Dès que possible, les procédures suivantes doivent être effectuées dans l’ordre : une inspection rapide et efficace de la plaie, un lavage, un débridement approprié et la pose d’un bandage aseptique.

Lavage

Concernant la décontamination, il est généralement admis que les plaies doivent être irriguées abondamment dès que possible. Le lavage est donc effectué pour éliminer les petits débris et pour “diluer” les bactéries probablement présentes. Les médicaments topiques autres que les solutions de lavage sont rarement nécessaires pour le traitement initial des plaies. Une solution électrolytique équilibrée avec un pH physiologiquement acceptable, telle que la solution de Ringer lactate, est idéale. D’autres solutions ont été utilisées avec succès pour le lavage des plaies, notamment le sérum physiologique, la chlorhexidine à 0,05 %, la povidone iodée à 0,1 % et l’eau du robinet, cette dernière étant généralement réservée aux plaies excessivement souillées.

Débridement

Après les premiers soins de la plaie, il est souvent nécessaire d’effectuer un débridement. Il consiste à éliminer les “débris”, c’est-à-dire les tissus morts et les éventuels corps étrangers. La technique de rafraîchissement des bords de la plaie, qui consiste à inciser jusqu’à ce qu’un saignement soit constaté, élimine des tissus viables et ne doit pas être utilisée lors du débridement initial.

Bandage

En théorie, toutes les plaies devraient être pansées afin de minimiser le risque d’infection. Les bandages avec attelle sont nécessaires pour celles situées autour des articulations ou soumises à des mouvements excessifs. Les plaies recouvertes d’un tissu de granulation sain peuvent être laissées sans bandage et sont traitées à domicile et non dans un environnement hospitalier.

Utilisation d’un topique

La pommade antibiotique triple, ou à la gentamicine, la crème à la sulfadiazine d’argent, le sucre et le miel non pasteurisé peuvent être utilisés dans la prise en charge des plaies. Leur emploi n’est pas systématique : à chaque fois qu’un agent topique est appliqué sur une plaie, une raison justifiable (effet antimicrobien, débridement enzymatique et/ou amélioration directe de la cicatrisation) doit s’imposer [17]. Des topiques ont parfois des effets négatifs. Certaines pommades, par exemple, retiennent les exsudats dans la plaie, contribuant ainsi à la croissance bactérienne au lieu de la combattre. Cependant, des médicaments topiques améliorent la cicatrisation des plaies. Le sucre et le miel non pasteurisé sont des exemples de produits qui optimisent la cicatrisation. Mieux vaut généralement écarter les traitements systématiques des plaies avec des topiques, à moins qu’un objectif spécifique soit souhaité et susceptible d’être atteint avec la pommade.

L’antibiothérapie

Il existe une certaine tendance à prescrire une antibiothérapie aux animaux présentant des plaies afin de les “protéger” d’une infection, y compris lorsque rien ne permet de penser qu’une telle infection est présente ou probable. L’utilisation inconsidérée des antibiotiques est potentiellement dangereuse. Ainsi, la simple présence d’une lacération n’est pas une indication pour la mise en place d’urgence d’une antibiothérapie. Chez l’homme, il est démontré que l’antibiothérapie systémique n’offre aucune protection contre le développement d’une infection de la plaie [6]. Lors de plaies, une approche rationnelle consiste à ne pas utiliser d’antibiotique à moins que des signes d’infection ne soient évidents. Si une antibiothérapie est indiquée, le choix de l’antibiotique empirique doit reposer sur le contaminant le plus probable. La culture et la sensibilité sont les méthodes idéales pour le choix des antibiotiques. Cependant, les bactéries présentes dans la plaie au moment de la blessure ne sont pas toujours celles qui sont responsables de l’infection finale, et toutes les plaies à culture positive n’entraînent pas une infection clinique. Il est donc recommandé d’attendre une réelle preuve clinique d’infection avant de procéder à une culture. Les antibiotiques intraveineux sont recommandés lors de l’instauration d’une antibiothérapie, puis des formes orales sont privilégiées pour poursuivre le traitement. La prise s’effectue jusqu’à cinq à sept jours après le dernier signe d’infection. Lors de plaies avec une infection établie, une seconde culture, avant la fermeture secondaire de la plaie, est souvent justifiée.

  • (1) Voir l’article « Admission de l’animal polytraumatisé » dans ce dossier.

Références

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Conflit d’intérêts : Aucun

Encadré : ÉTAPES INITIALES DE LA PRISE EN CHARGE DE L’ANIMAL POLYTRAUMATISÉ

Préparation

- Recueillir les informations essentielles.

- Préparer les équipes.

- Définir les rôles de chacun.

- Organiser l’arrivée de l’animal.

Évaluation initiale

- Voies respiratoires : vérifier la perméabilité, contrôler, protéger.

- Ventilation : évaluer les efforts ventilatoires, apporter de l’oxygène, recourir à la capnographie, ventiler l’animal.

- Circulatoire : identifier l’origine de l’hémorragie, la ou les voies veineuses, évaluer les paramètres cardiovasculaires, le remplissage vasculaire.

- Dysfonction : évaluer l’état de conscience, les pupilles, le score de Glasgow.

- Exposition et environnement : laver et nettoyer, prévenir les pertes de chaleur.

- Soins et examens : assurer l’analgésie, réaliser une échographie, un bilan sanguin, un électrocardiogramme, des radiographies.

CONCLUSION

La prise en charge des animaux gravement traumatisés continue d’évoluer, bien que les principes de base de l’identification et de la prise en charge rapides des blessures potentiellement mortelles restent les mêmes. La stabilisation initiale repose sur le contrôle des voies respiratoires et le soutien de la ventilation, ainsi que le remplissage vasculaire pour atteindre les objectifs de réanimation (figure). La gestion initiale des plaies repose essentiellement sur des soins locaux. La prise en charge des fractures est rarement urgente et doit être retardée tant que l’animal n’est pas en mesure de subir une anesthésie. Les interventions chirurgicales majeures et ouvertes sont désormais remplacées par des approches non opératoires ou moins invasives, ce qui a déplacé une grande partie de la prise en charge précoce vers l’urgentiste. Son objectif est de rétablir l’homéostasie, limiter les contaminations, et initier la prise en charge tout en surveillant de près les indications chirurgicales.

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