EXAMEN ET IMAGES NORMALES DES INTESTINS DES RUMINANTS - Le Point Vétérinaire n° 419 du 01/07/2021
Le Point Vétérinaire n° 419 du 01/07/2021

ÉCHOGRAPHIE DES INTESTINS

Échographie des intestins : normalité et anomalies

PARTIE 1 : NORMALITÉ

Auteur(s) : Bérangère Ravary-Plumioën

Fonctions : Chuv animaux de production
UP pathologie des animaux de production
ENV d’Alfort
7, avenue du Général de Gaulle
94700 Maisons-Alfort

Le péristaltisme, le contenu et le diamètre des différents segments du petit intestin peuvent être appréciés par échographie, contrairement au gros intestin où seule la paroi la plus proche de la sonde échographique peut être visualisée.

La masse intestinale des ruminants occupe une part importante de la cavité abdominale droite du fait de la longueur remarquable de leurs intestins (environ 50 m chez un bovin adulte). L’exploration échographique au travers de la paroi abdominale droite permet donc d’évaluer chez ces animaux, quel que soit leur âge, les différentes portions de l’intestin (duodénum, jéjunum, iléon, cæcum, côlon), bien que certaines ne soient pas visibles à l’état normal en raison de la présence d’un contenu gazeux en leur sein.

PRÉPARATION DE L’ANIMAL

L’exploration des intestins s’effectue par voie transcutanée sur un animal debout non sédaté, notamment chez les bovins adultes [2, 5, 7, 10]. Chez les veaux ou les petits ruminants, elle peut être effectuée sur un animal debout ou couché en décubitus sternal, latéral ou dorsal [4, 6, 9]. Les poils sont tondus de la 7e côte au tuber coxae et sur toute la hauteur des processus transverses des vertèbres lombaires à la veine mammaire droite, voire plus ventralement dans la région du ventre. De l’eau chaude ou de l’alcool (pour dégraisser la peau) est appliqué sur la peau avant d’y déposer du gel échographique. Comme pour les autres régions d’exploration échographique de la zone abdominale, l’échographie peut être tentée sans tonte préalable pour les animaux dont les poils ne sont pas trop longs ou denses. Toutefois, selon la fréquence de la sonde utilisée, cette préparation plus sommaire ne permet pas toujours d’obtenir des images échographiques d’une qualité optimale, ce qui peut rendre leur interprétation difficile, voire impossible, du fait d’une moindre pénétration des ultrasons.

CHOIX DU MATÉRIEL

L’exploration échographique de la masse intestinale (petit et gros intestins) au travers de la paroi abdominale droite ou ventrale peut être effectuée à l’aide d’une sonde échographique de fréquence ultrasonore comprise entre 2 et 5 MHz chez un bovin adulte, ou entre 5 et 7,5 MHz chez un jeune [2, 3, 5, 7, 8, 9, 10]. Chez les petits ruminants, l’examen peut être réalisé à l’aide d’une sonde de 5 à 7,5 MHz [4, 6, 11]. Pour des segments superficiels (comme le duodénum cranial ou descendant), une fréquence plus élevée (jusqu’à 10 MHz) est nécessaire pour obtenir une image plus précise.

Chez les bovins d’assez grande taille, cette exploration transcutanée est complétée par une exploration transrectale de la partie caudo-dorsale de la masse intestinale (côlon, cæcum, voire portion caudo-dorsale du petit intestin), à l’aide d’une sonde transrectale d’une fréquence de 6 à 10 MHz.

TECHNIQUE D’EXPLORATION CHEZ LES BOVINS

L’exploration échographique de la masse intestinale s’effectue en positionnant la sonde échographique contre la peau de la paroi abdominale droite, entre le 10e espace intercostal (voire le 8e ou 9e chez certains animaux) et le tuber coxae, de la région située sous les processus transverses des vertèbres à la veine mammaire, voire la ligne blanche [1, 2, 3, 5, 7, 8, 10]. Toutefois, tous les segments intestinaux ne sont pas visibles. Leur visualisation dépend de la profondeur d’exploration de la sonde ultrasonore utilisée (environ 15 à 25 cm avec une sonde de 3,5 MHz, jusqu’à 36 cm avec une sonde de 2 MHz) et du segment intestinal considéré (petit intestin versus gros intestin). L’examen repose sur la connaissance de la localisation anatomique précise de chacun de ces segments (figure 1) [10].

IMAGES NORMALES CHEZ LE BOVIN ADULTE

L’examen échographique des différentes portions de l’intestin (duodénum, jéjunum, iléon, cæcum, côlon) permet d’apprécier à la fois leur aspect, leur diamètre, leur contenu et/ou leur mobilité (péristaltisme intestinal) selon la portion considérée (tableau 1). Les différents segments peuvent être visualisés en coupe transversale (forme ronde), longitudinale (forme de tuyau), voire oblique (forme ovale) selon la position de la sonde échographique. Au niveau du petit intestin, le contenu digestif est visible chez les ruminants, en raison de l’absence de contenu gazeux contrairement aux carnivores (photos 1 à 4, tableau 2). En revanche, il ne l’est pas au niveau du gros intestin à cause de la présence de gaz de fermentation à l’origine d’artefacts de réflexion des ultrasons (photos 5 et 6) [1, 2, 7, 8]. Comme le contenu digestif passe en continu au travers des intestins, indépendamment de toute prise alimentaire, le diamètre de la lumière intestinale de ces segments ne varie pas chez les ruminants au cours de la journée selon la prise alimentaire, mais seulement par les mouvements péristaltiques à l’origine du transit intestinal [1].

La motilité intestinale peut être évaluée au niveau du duodénum (cranial et descendant) en observant et en dénombrant durant plusieurs minutes les mouvements visibles sous la forme d’oscillations ou de contractions (photos 7). En revanche, au niveau du jéjunum ou de l’iléon, l’évaluation précise du péristaltisme est moins aisée du fait du mouvement constant de ces segments intestinaux. Cette évaluation est donc objectivée par la visualisation d’un mouvement constant du contenu intestinal au sein des anses, et non par un dénombrement des contractions de la paroi [5].

Le grand omentum apparaît interposé entre la paroi abdominale et certains segments intestinaux (jéjunum-iléon, gros intestin) sous la forme d’une structure échogène avec, en son sein, de petites structures hypoéchogènes correspondant à des vaisseaux sanguins. Néanmoins, chez les bovins, il est relativement mince (quelques millimètres), sauf en cas d’omentum gras associé à une note d’état corporel élevée.

IMAGES NORMALES CHEZ LE VEAU

Chez le veau nouveau-né, en raison du faible développement du rumen, la masse intestinale n’est pas seulement visible au travers du flanc droit, voire du ventre, mais également dans la région du flanc gauche. Ainsi, le gros intestin, voire le jéjunum et l’iléon peuvent être visualisés des deux côtés. Comme l’intestin des veaux nouveau-nés ne contient que peu de gaz, il peut presque être examiné dans sa globalité. À partir de 7 à 10 semaines d’âge, la visualisation du contenu du petit intestin, quel que soit le segment considéré, devient possible (photos 8), contrairement au gros intestin du fait d’un contenu gazeux comme chez l’adulte [9].

Le contenu du duodénum est d’apparence hétérogène (anéchogène avec des particules fortement échogènes), celui du jéjunum et de l’iléon d’apparence anéchogène (chez les très jeunes veaux avant 1 mois d’âge) ou homogène avec une échogénicité gris moyen (chez des veaux plus âgés). Une épaisseur de paroi de 2 à 3 mm peut être relevée au niveau du duodénum, et de 1 à 2 mm au niveau du jéjunum-iléon ou du gros intestin. Le diamètre des anses du jéjunum est d’environ 1 cm chez un veau nouveau-né. Cependant, le diamètre de chacune des parties de l’intestin a tendance à augmenter au fur et à mesure de la croissance du veau (tableau 3) [1, 9].

Contrairement aux adultes, l’activité péristaltique, notamment au niveau du jéjunum-iléon, augmente après un repas de lait pendant environ deux heures, et le contenu intestinal apparaît légèrement modifié, avec un aspect plus hypoéchogène. Cette augmentation du péristaltisme semble plus marquée chez les très jeunes animaux : alors qu’avant un repas de lait, quatorze à quinze contractions par minute sont dénombrées en moyenne dans la région du jéjunum-iléon chez des veaux âgés de 1 à 10 semaines, le nombre de contractions à deux heures postprandiales augmente à dix-neuf par minute chez des veaux de 1 semaine, et à dix-sept par minute chez des veaux de 10 semaines [9].

CAS PARTICULIER DES PETITS RUMINANTS

Chez les petits ruminants, les intestins ont un aspect échographique comparable à celui des bovins, avec un contenu intestinal du petit intestin qui apparaît sous la forme de multiples points d’échogénicité différente, paraissant en mouvement perpétuel (si la sonde échographique est maintenue en position fixe pendant une dizaine de secondes) et, à l’inverse, l’absence de visualisation du contenu du gros intestin, gazeux et à l’origine d’artefacts de réverbération [4, 6, 11].

La paroi du jéjunum-iléon évaluée par échographie est comprise entre 0,8 et 2,1 mm, celle du cæcum entre 1,8 et 4,1 mm et celle du côlon spiralé entre 1 et 2,6 mm [4, 6, 12]. Le grand omentum, échogène, peut être observé entre la paroi abdominale principalement dans la région du flanc droit. Son épaisseur, plus importante que chez les bovins, est en moyenne de 10 mm, avec des variations possibles entre 2 et 29 mm selon les individus [12]. Contrairement aux bovins, le duodénum cranial semble difficile à voir ou à différencier du reste du tractus digestif, au moins chez les caprins, et le côlon spiralé est souvent visible médialement au petit intestin (donc en profondeur sur l’image) [4, 6].

À ce jour, une seule étude décrit la projection anatomique et la taille normale à l’échographie des différents segments intestinaux chez les chèvres adultes saanen (tableau 4 et figure 2) [6].

LIMITES DE L’EXAMEN

La visualisation de l’ensemble du petit intestin dépend de la fréquence de la sonde utilisée, du format de l’animal, ainsi que de l’épaisseur de la paroi abdominale. L’emploi d’une sonde de moyenne à haute fréquence peut limiter l’exploration en raison d’une profondeur limitée.

La différenciation entre la partie craniale du duodénum et le jéjunum ou l’iléon est parfois complexe si le grand omentum n’est pas visible. La visualisation du grand omentum dépend de sa richesse en tissu adipeux [10].

Étant donné la variabilité de taille et de position des différents segments du gros intestin chez les bovins, il n’est pas toujours aisé de savoir si la structure échographiée au contenu gazeux en région dorsale du flanc droit correspond au cæcum ou à l’anse proximale du côlon ascendant, bien que la taille du cæcum soit plus importante que celle du côlon.

De plus, contrairement au petit intestin, l’activité péristaltique dans la région du gros intestin est difficile à objectiver : peu ou pas de contractions sont observées au niveau de la paroi intestinale, et seuls des glissements de la paroi du segment contre la paroi abdominale sont visibles si la sonde est maintenue en position fixe pendant plusieurs minutes, ces mouvements pouvant être induits par les mouvements respiratoires [2, 7].

Références

  • 1. Braun U. Ultrasonography in gastrointestinal disease in cattle. Vet. J. 2009;25:567-590.
  • 2. Braun U, Amrein E. Ultrasonographic examination of the caecum and the proximal and spiral ansa of the colon of cattle. Vet. Rec. 2001;149(2):45-48.
  • 3. Braun U, Feller B, Hässig M et coll. Ultrasonographic examination of the omasum, liver, and small and large intestines in cows with right displacement of the abomasum and abomasal volvulus. Am. J. Vet. Res. 2008;69(6):777-784.
  • 4. Braun U, Jacquat D, Steininger K. Ultrasonographic examination of the abdomen of the goat. I. Reticulum, omasum, abomasum and intestines. Schweiz. Arch. Tierheilkd. 2013;155(3):173-184.
  • 5. Braun U, Marmier O. Ultrasonographic examination of the small intestine of cows. Vet. Rec. 1995;136(10):239-244.
  • 6. Braun U, Steininger K, Tschuor A et coll. Ultrasonographic examination of the small intestine, large intestine and greater omentum in 30 Saanen goats. Vet. J. 2011;189(3):330-335.
  • 7. Imram S, Tyagi SP. Reliability of ultrasonographic examination of the large intestine in healthy cows. Vet. Med. 2014;59(2):63-67.
  • 8. Munday K, Mudron P. Abdominal ultrasonography in cattle. Folia Vet. 2016;1:34-40.
  • 9. Padel-Gschwind D, Stocker H. Sonographic examinations of the intestines in calves. Schweiz. Arch. Tierheilkd. 2004;146(4):173-181.
  • 10. Ravary B. Exploration échographique de la caillette et de l’intestin. Numéro spécial “Examens paracliniques chez les bovins”. Point Vét. 2003:82-87.
  • 11. Scott P. Abdominal ultrasonography as an adjunct to clinical examination in sheep. Small Anim. Res. 2017;152:132-143.
  • 12. Stieger-Vanegas SM, Mc Kenzie E. Abdominal imaging in small ruminants: liver, spleen, gastrointestinal tract and lymp nodes. Vet. Clin. North Am. Food Anim. Pract. 2021;37:55-74.
  • 13. Streeter RN, Step DL. Diagnostic ultrasonography in ruminants. Vet. Clin. North Am. Food Anim. Pract. 2007;23:541-574.

    Points clés

    • L’examen échographique des intestins chez les ruminants s’effectue par voie transcutanée, à travers la paroi abdominale droite, au moyen d’une sonde de préférence sectorielle et de basse fréquence, au moins chez les bovins adultes.

    • Les segments du petit intestin sont identifiables par leur forme ronde (en coupe transversale) ou allongée (en coupe longitudinale), se déformant en permanence du fait du péristaltisme intestinal.

    • Le contenu digestif du petit intestin apparaît sous la forme d’une structure hétérogène en mouvement.

    • Au niveau du cæcum ou du côlon, seule la paroi intestinale proche de la paroi abdominale droite est visible à cause du contenu gazeux de ces segments.

    • L’échographie de la masse intestinale permet d’apprécier la position anatomique de chacun de ses segments, mais aussi leur taille (diamètre ou étendue de la projection).

    • Le péristaltisme intestinal est objectivable à l’échographie dans la région du petit intestin par le mouvement du contenu intestinal et la déformation des différents segments.

    CONCLUSION

    L’exploration échographique de la masse intestinale peut être réalisée par voie transcutanée, voire transrectale, chez les ruminants (nouveau-nés, jeunes ou adultes) pour objectiver la position anatomique, la taille, le contenu et le péristaltisme de chaque segment. Cet examen repose sur une bonne connaissance à la fois de la projection anatomique des différents segments intestinaux et de leur aspect échographique. Ainsi, l’échographie constitue un examen complémentaire intéressant pour confirmer ou infirmer des suspicions cliniques, notamment lorsque l’auscultation abdominale du côté droit ne permet pas de détecter des bruits péristaltiques ou qu’un arrêt du transit est suspecté en l’absence d’émission de fèces. Afin de pouvoir utiliser l’échographie pour établir un diagnostic d’anomalies dans la région des intestins, il est important de connaître l’aspect, la taille et la position des différents segments chez les animaux sains, mais aussi les limites de cet examen d’imagerie. Les principales résultent de l’exploration impossible du gros intestin du fait de son contenu gazeux, même chez un ruminant sain, ou de l’exploration limitée du petit intestin selon la fréquence de la sonde échographique employée (30 à 36 cm de profondeur au maximum avec une sonde de 2,5 MHz).

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