TÉTRAPARÉSIE CHEZ UN COCKER - Le Point Vétérinaire n° 418 du 01/06/2021
Le Point Vétérinaire n° 418 du 01/06/2021

NEUROLOGIE

Quel est votre diagnostic ?

Auteur(s) : Pierre Guigo*, Jean-François Boursier**

Fonctions :
*(dipl. ECVS)
**Clinique TouraineVet
12, rue des Internautes
37210 Rochecorbon

PRÉSENTATION CLINIQUE

Un chien mâle entier de race cocker, âgé de 8 ans, est présenté pour une tétraparésie non ambulatoire survenue la veille à la suite d’une chute d’une hauteur d’environ 10 m au cours d’une chasse.

L’examen clinique révèle un animal abattu, mais avec un état de conscience normal. Une hémiparalysie gauche et une hémiparésie droite sont observées. L’absence de proprioception est notée au niveau des quatre membres. Les réflexes médullaires sont normaux et les sensibilités superficielle et profonde sont conservées sur les membres thoraciques et pelviens. L’évaluation des nerfs crâniens ne montre pas d’anomalie. Une douleur importante est objectivée à la manipulation du rachis cervical.

Des radiographies du rachis cervical sont effectuées et ne révèlent pas d’anomalie.

Un scanner du rachis cervical est réalisé, avant et après l’injection intraveineuse de produit de contraste iodé, puis de nouveau après l’injection intrathécale de produit de contraste iodé par voie atlanto-occipitale. Les images obtenues via le myéloscanner sont présentées ici en reconstruction sagittale et en coupe transversale au niveau de la jonction C6-C7 (photos 1 et 2).

Qualité des images tomodensitométriques

→ L’animal est bien positionné et les coupes sont réalisées dans des plans sagittal et transversal parfaits. La diffusion du produit de contraste au sein de l’espace sous-arachnoïdien est bonne.

Description des images

→ Plusieurs sites d’extravasation du liquide cérébrospinal sont mis en évidence le long de la moelle épinière en regard de C4 à C7, de façon ventro-latérale bilatérale, plus marquée à gauche. Le liquide se retrouve ainsi en position péridurale, puis diffuse le long des émergences nerveuses des espaces intervertébraux entre C4 et C7 jusqu’aux muscles paravertébraux ventralement.

L’espace sous-arachnoïdien est focalement élargi à gauche en C5-C6 et en C6-C7 par une accumulation intradurale de liquide cérébrospinal.

Aucune lésion vertébrale osseuse ou articulaire n’est visible. La moelle épinière est en place, sans signe de compression significative par ailleurs.

Interprétation des images

→ Le myéloscanner met en évidence plusieurs brèches méningées en C4-C5, C5-C6 et C6-C7 avec une fuite de liquide cérébrospinal rela­tivement étendue à gauche, et discrète à droite, au sein des tissus mous paravertébraux.

Les brèches sont ici un signe indirect de myélopathie traumatique, des contusions ou hématomes médullaires concomitants n’étant pas exclus.

Conflit d’intérêts : Aucun

DISCUSSION

Les brèches méningées, ou lacérations durales, sont le plus souvent provoquées par des traumatismes contondants ou des exercices intenses ou inappropriés et entraînent une fuite du liquide cérébrospinal en dehors de l’espace sous-arachnoïdien [4]. Le liquide se retrouve le plus souvent en région péridurale, mais des fuites au sein de la moelle épinière, des muscles paravertébraux, de l’espace extrapleural ou encore d’un disque intervertébral rompu sont possibles [3]. Une hypotension intracrânienne peut en résulter [3]. Des luxations ou fractures vertébrales, ainsi que des hernies discales sont fréquemment observées lors de brèches méningées [3, 4].

La myélographie et le myéloscanner sont les techniques d’imagerie le plus souvent utilisées pour mettre en évidence des brèches méningées. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est diagnostique pour cette indication avec l’injection intrathécale de produit de contraste à base de gadolinium [3]. Ces examens permettent également d’objectiver d’autres lésions rachidiennes et/ou médullaires concomitantes, susceptibles d’expliquer les signes cliniques observés [4].

Une gestion conservatrice permet parfois une guérison des lacérations durales et un retour à un statut neurologique normal dans des délais variables (quelques jours à plusieurs mois) [2, 5]. Un traitement médical pour gérer la douleur peut être proposé en parallèle (tramadol ou gabapentine, par exemple). Les propriétés adhésives des produits de contraste myélographiques favoriseraient la cicatrisation des brèches méningées, ce qui offrirait un intérêt thérapeutique en plus de l’indication diagnostique du myéloscanner [2]. Une chirurgie d’ouverture du canal vertébral, éventuellement associée à une durotomie, est indiquée lors de compression médullaire importante (hernie discale, contusions médullaires étendues, etc.) [1].

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