SYNCOPE ET SOUFFLE CHEZ UNE CHIENNE CAVALIER KING CHARLES - Le Point Vétérinaire n° 418 du 01/06/2021
Le Point Vétérinaire n° 418 du 01/06/2021

CARDIOLOGIE

Médecine canine

Auteur(s) : François Serres

Fonctions : (DESV médecine interne, option cardiologie)
Oncovet
Avenue Paul Langevin
59650 Villeneuve d’Ascq

La survenue d’épisodes de syncope fait partie de l’évolution clinique lors de maladie valvulaire mitrale chez le chien et peut être détectée dès les stades précongestifs.

Une chienne cavalier king charles stérilisée, âgée de 9 ans, est présentée pour réaliser une échocardiographie de suivi d’une maladie valvulaire mitrale. Elle avait été diagnostiquée six mois plus tôt lors de l’exploration d’un souffle systolique, de stade B2 selon la classification de l’American College of Veterinary Internal Medicine (Acvim). Le traitement mis en place associe la spironolactone et le bénazépril, à la posologie respective de 2 mg/kg et 0,25 mg/kg.

Depuis plusieurs semaines, des épisodes de syncope, avec perte de connaissance aiguë et récupération rapide, sont observés lors d’efforts minimes ou de phases d’excitation.

PRÉSENTATION DU CAS

L’examen clinique à l’admission montre un animal en bon état général, avec des muqueuses roses et un temps de recoloration capillaire dans les normes. Un souffle systolique apexien gauche, d’intensité 5 sur 6, est audible à l’auscultation, associé à une tendance à la tachycardie (fréquence cardiaque mesurée entre 150 et 180 battements par minute). Aucune polypnée n’est rapportée par les propriétaires, qui effectuent un suivi à domicile via une application dédiée (fréquence respiratoire au repos mesurée entre 25 et 32 mouvements par minute). La fréquence respiratoire durant la consultation est de 34 mpm.

Un examen échocardiographique est réalisé pour mesurer l’évolution de la maladie valvulaire mitrale et son rapport avec les syncopes. Il met en évidence un ventricule gauche à la morphologie modifiée, nettement dilaté en diastole et en systole, en aggravation par rapport à l’examen précédent (diamètre diastolique de 50 mm versus 40 mm auparavant, le diamètre maximal « attendu » étant de 37 mm pour le poids de l’animal) (photo 1). En mode 2D, un épaississement marqué des feuillets mitraux et des cordages associés est visible, conjugué à la présence d’un net prolapsus du feuillet postérieur, sans perte de coaptation qui serait en faveur d’une rupture de cordage. L’atrium gauche est nettement dilaté (avec un rapport atrium gauche/aorte de 2,8), en majoration par rapport à l’examen précédent.

L’examen en mode Doppler de l’appareil mitral confirme la présence d’un reflux mitral systolique, occupant jusqu’à 100 % de la surface atriale gauche. En mode Doppler continu, ce flux est de vélocité “normale basse” (4,8 m/s), traduisant une différence de pression systolique entre le ventricule gauche et l’atrium gauche de 90 mmHg. Le flux mitral diastolique est de vélocité augmentée (1,6 m/s), avec une fusion des ondes E et A.

Un reflux tricuspidien de vélocité élevée est identifié en mode Doppler couleur, ce qui révèle la présence d’une hyper­tension pulmonaire minime, estimée à 80 mmHg au minimum (photo 2). Une élévation modérée de la troponine I cardiaque (100 ng/l) y est associée. L’examen est en faveur d’une maladie valvulaire mitrale de stade clinique Acvim B-B2 a minima, avec la présence d’une régurgitation et d’une dilatation cavitaire, mais sans signe congestif associé le jour de la consultation ou d’historique de polypnée ayant répondu à un traitement diurétique. La majoration de la dilatation cardiaque, la tachycardie et l’hypertension pulmonaire secondaire observée peuvent expliquer les épisodes de syncope chez ce chien.

Un traitement à base de pimobendane est mis en place (à la dose de 0,25 mg/kg, deux fois par jour, per os) en accord avec les recommandations de l’Acvim, afin d’augmenter le délai avant la décompensation de la maladie cardiaque.

Un contrôle de la fonction rénale et un ionogramme normaux permettent de maintenir le traitement à base de bénazépril-spironolactone, et d’y ajouter la digoxine à faible dose (5 µg/kg toutes les douze heures) pour traiter la tachycardie. Le suivi de la fréquence respiratoire au domicile est poursuivi, un traitement diurétique est mis à la disposition des propriétaires en cas d’apparition d’une polypnée au repos.

DISCUSSION

La survenue de syncopes lors de maladie valvulaire mitrale est régulièrement rapportée. Selon une étude, les syncopes concernent 9,3 % des animaux dans les phases précongestives, et près de 50 % de ceux qui sont symptomatiques au repos [3].

Ces syncopes constituent un élément pronostique défavorable lors de maladie valvulaire mitrale, de même que la présence d’une dilatation atriale et d’un flux diastolique mitral de haute vélocité [3]. Ces trois paramètres sont présents dans notre cas.

Une étude menée à l’aide d’un examen Holter montre que ces épisodes de syncopes ne sont pas liés à des arythmies, ce qui limite l’intérêt de ce type d’examen pour explorer leur cause [5]. Une mesure de la troponine I cardiaque peut être proposée en complément ou préalablement à la réalisation d’un examen échocardiographique. Selon une autre étude, un taux de troponine supérieur à 80 ng/l permet de distinguer les épisodes de syncope cardiogéniques des manifestations épileptiformes, ou des syncopes d’origine vagale, avec une valeur prédictive négative de 88 % [4].

L’association de spironolactone et de benazépril a été récemment évaluée dans le traitement des phases précongestives de la maladie valvulaire mitrale [2]. Un effet bénéfique a été observé sur des paramètres échographiques et biochimiques, mais aucun impact positif n’a été mis en évidence sur l’évolution clinique de la maladie (pas d’augmentation de la durée de survie ou du délai avant la décompensation congestive de l’affection cardiaque). Remplacer ce traitement par l’administration de pimobendane, ou l’ajouter à l’association déjà administrée, est donc recommandé lors de maladie valvulaire mitrale précongestive, comme dans le cas présenté, car cette molécule possède un effet bénéfique sur l’hypertension pulmonaire [1].

Références

  • 1. Atkinson KJ, Fine DM, Thombs LA et coll. Evaluation of pimobendan and N-terminal probrain natriuretic peptide in the treatment of pulmonary hypertension secondary to degenerative mitral valve disease in dogs. J. Vet. Intern. Med. 2009;23:1190-1196.
  • 2. Borgarelli M, Ferasin L, Lamb K et coll. DELay of Appearance of sYmptoms of canine degenerative mitral valve disease treated with spironolactone and benazepril: the DELAY study. J. Vet. Cardiol. 2020;27:34-53.
  • 3. Borgarelli M, Savarino P, Crosara S et coll. Survival characteristics and prognostic variables of dogs with mitral regurgitation attributable to myxomatous valve disease. J. Vet. Intern. Med. 2008;22:120-128.
  • 4. Dutton E, Dukes-McEwan J, Cripps PJ. Serum cardiac troponin I in canine syncope and seizures. J. Vet. Cardiol. 2017;19:1-13.
  • 5. Rasmussen CE, Falk T, Domanjko Petri? A et coll. Holter monitoring of small breed dogs with advanced myxomatous mitral valve disease with and without a history of syncope. J. Vet. Intern. Med. 2014;28 (2):363-370.

Conflit d’intérêts : Aucun

CONCLUSION

L’observation de syncopes chez un chien présentant une maladie valvulaire mitrale au stade précongestif justifie a minima de réaliser un examen échocardiographique, éventuellement précédé d’une mesure de la troponine I cardiaque. Un traitement est souvent nécessaire, notamment si une dilatation cardiaque marquée et/ou une hypertension pulmonaire sont mises en évidence. Il est composé en priorité de pimobendane, et éventuellement de l’association benazépril-spironolactone. Un début de congestion ne peut être exclu dans le cas présenté (en l’absence d’examen radiographique réalisé), mais l’ajout de diurétiques pour ce type d’animal doit avant tout être motivé par la présence de difficultés respiratoires au repos.

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