TUMEUR DES CELLULES DE LA GRANULOSA À LA LOCALISATION ATYPIQUE CHEZ UNE CHIENNE STÉRILISÉE - Le Point Vétérinaire n° 417 du 01/05/2021
Le Point Vétérinaire n° 417 du 01/05/2021

ONCOLOGIE

Médecine canine

Auteur(s) : Eliot Gougeon*, Antoine Bernardé**

Fonctions :
*CHV Saint-Martin
275, route Impériale
74370 Saint-Martin-Bellevue

La stérilisation est, en principe, un gage d’absence d’activité sexuelle. Il existe dans certains cas un échappement hormonal potentiellement délétère dont il convient d’identifier l’origine.

Les tumeurs ovariennes représentent 1 % des néoplasies dans l’espèce canine. Les tumeurs des cellules de la granulosa (TCG) sont les plus fréquemment rencontrées (17 à 29 % des cas) après les adénomes papillaires (43 %) [25, 31]. Ces tumeurs sont principalement observées entre l’âge de 4 et 9 ans chez les chiennes entières, ou lors de rémanence ovarienne [31]. Classiquement localisées au niveau du pôle caudal du rein, elles sécrètent fréquemment des hormones stéroïdiennes (progestérone, testostérone, œstrogène, etc.) favorisant l’apparition d’affections hormonodépendantes telles que des chaleurs persistantes, des affections utérines ou des néoplasies mammaires [20, 23, 25]. Le diagnostic de certitude est histologique. Comme pour la plupart des tumeurs ovariennes, l’ovariectomie est le traitement de choix des TCG. Si le bilan d’extension est négatif, le pronostic est bon après une exérèse. La présence de métastases, retrouvées dans environ 20 % des cas, assombrit le pronostic [23, 25]. Aucun traitement de chimiothérapie n’est actuellement validé chez le chien pour traiter les tumeurs ovariennes [4]. Cet article présente le cas d’une chienne atteinte de troubles de l’appareil reproducteur, associés à une TCG à la localisation atypique, dont l’exérèse a permis la guérison.

PRÉSENTATION DU CAS

1. Anamnèse et commémoratifs

Une chienne âgée de 9 ans, de race dogue allemand, est présentée pour des pertes vulvaires brunes nauséabondes récidivantes, et une pollakiurie qui évolue depuis quatre mois (photo 1).

La chienne a reçu quatre injections contraceptives (à base de progestagènes) avant d’être stérilisée à l’âge de 3 ans par une ovariohystérectomie afin de traiter un pyomètre survenu après les chaleurs. Dès lors, les signes d’œstrus disparaissent pendant six ans. Une gastropexie et une splénectomie sont réalisées par laparotomie à l’âge de 5 ans en raison d’épisodes de dilatation-torsion gastrique. Quatre mois avant sa présentation, lors des premières pertes vulvaires, une antibiothérapie à base de céfalexine (Therios®), à la dose de 15 mg/kg per os deux fois par jour, a été administrée pendant quinze jours. Un mois après la fin de ce traitement, la poursuite des pertes vulvaires a motivé la prescription d’amoxicilline-clavulanate (Clavaseptin®), à raison de 20 mg/kg per os deux fois par jour pendant quinze jours, sans résultat. Aucun antibiogramme n’a été effectué avant le changement d’antibiotique.

2. Examen clinique

La chienne présente un bon état général, est normotherme (38,8 °C), normohydratée, ses muqueuses sont roses, le temps de recoloration capillaire est inférieur à 2 secondes, l’auscultation cardiaque et respiratoire ne décèle rien d’anormal.

La palpation abdominale est tendue et inconfortable. L’examen des mamelles est normal. La vulve est œdématiée et des pertes vulvaires nauséabondes et de couleur brune sont présentes en abondance. Un frottis vaginal en coloration de type May-Grünwald Giemsa (RAL 555, RAL Diagnostics®) révèle la présence de cellules superficielles kératinisées, de polynucléaires neutrophiles, de coques et de bacilles en grande quantité.

3. Hypothèses diagnostiques

Les pertes vulvaires évoquent une vaginite ou un pyomètre du moignon à col ouvert. L’œdème vulvaire et les cellules superficielles sur le frottis vaginal sont en faveur d’une imprégnation œstrogénique dont l’origine doit être explorée, car elle est a priori anormale chez une chienne ayant subi une stérilisation. Sa corrélation avec la douleur abdominale est aussi à identifier, le cas échéant.

4. Examens complémentaires

Examens sanguins

L’hémogramme montre une légère anémie normochrome microcytaire (globules rouges : 5,36.106/µl ; hématocrite : 32,1 %, hémoglobine : 11,9 g/dl, volume globulaire moyen : 59,9 fl, concentration corpusculaire moyenne en hémoglobine : 37,1 g/dl). Aucune leucocytose n’est observée. Le bilan biochimique révèle une augmentation de la concentration sanguine en phosphatases alcalines (341 U/l). Le bilan rénal est normal. L’anémie microcytaire peut résulter de l’effet myélotoxique des œstrogènes ou d’une autre affection chronique (rénale, urinaire, utérine par exemple). La chienne étant stérilisée, l’imprégnation hormonale suspectée peut être provoquée par un ovaire rémanent ou ectopique (tumorisé ou non), ou moins probablement par une tumeur de la zone réticulée des surrénales. Ces zones doivent donc être explorées. Dans un premier temps, l’échographie abdominale est l’examen de choix.

Échographie abdominale

L’échographie révèle au sein de l’abdomen moyen droit une masse de 5,5 cm délimitée par une paroi fine qui présente un aspect tissulaire hétérogène hyperéchogène et contient de multiples cavités hyperéchogènes, sans continuité avec aucun autre organe (photo 2). L’origine histologique de cette masse pourrait être l’ovaire droit, l’extrémité du lobe droit du pancréas ou un nœud lymphatique iléo-colique. Les anomalies cliniques hormonodépendantes rencontrées (œdème et pertes vulvaires) plaident en faveur d’une origine ovarienne, malgré une localisation atypique (à distance du pôle ovarien). Une autre masse de 3 cm de diamètre, plus caudale, est mise en évidence, évoquant un hématome. Une troisième anomalie, localisée entre la vessie et le côlon descendant et présentant une paroi similaire à celle de l’utérus, est identifiée comme étant le moignon utérin. Dans sa partie craniale, cette structure tubulaire d’environ 2,5 cm de diamètre est déformée par plusieurs cavités liquidiennes anéchogènes irrégulières et entourées de graisse hyperéchogène. Ces images sont compatibles avec un pyomètre du moignon utérin (photo 3). Le reste de l’examen échographique est normal.

L’urine, prélevée par cystocentèse échoguidée, est analysée : la densité urinaire est normale (1,050), la bandelette (Combur-Test®) révèle une protéinurie (3+), une leucocyturie (3+), un pH basique (8) et l’analyse microscopique du culot montre la présence de polynucléaires neutrophiles et de nombreuses bactéries de type bacilles.

Une uroculture identifie la présence d’une souche d’Escherichia coli présentant une résistance à toutes les ß-lactamines disponibles en médecine vétérinaire, ainsi qu’au triméthoprime sulfate. Cette infection urinaire est sans doute secondaire au pyomètre.

Examen tomodensitométrique

Afin de préciser la nature des deux masses et d’effectuer un bilan d’extension, un scanner thoraco-abdomino-pelvien (TAP), avec injection de produit de contraste, est réalisé. Il révèle une masse tissulaire hétérogène abdominale à droite de 8 × 7 × 5 cm, située médialement au rein gauche et présentant des structures vasculaires tortueuses au niveau de son pôle cranial (photos 4a à 4c). Une deuxième masse de 3 × 3 × 3 cm est située juste caudalement à la première, mais sans lui être adhérente. Une tuméfaction majeure du moignon utérin hétérogène est en outre observée, associée à un épaississement marqué de la paroi vaginale de façon circonférentielle et diffuse.

Hormis deux lésions nodulaires (de 7 et 15 mm) périaortique et péricavale, qui évoquent en priorité une adénopathie réactionnelle mais peuvent être d’origine métastatique, le reste du bilan d’extension échographique et du TAPscan est négatif.

5. Diagnostic clinique

L’anamnèse et l’ensemble des investigations cliniques et paracliniques sont compatibles avec une tumeur ovarienne sécrétante, associée à un pyomètre du moignon utérin secondaire à une imprégnation stéroïdienne. La seconde masse suggère l’existence d’un foyer de stéatonécrose, d’un granulome ou d’un hématome péritonéal.

6. Traitement chirurgical

À l’exclusion des deux nœuds lymphatiques dont la taille est légèrement augmentée, le bilan d’extension est intégralement négatif pour les sites préférentiels de métastases des tumeurs des cordons sexuels (poumons, pancréas, nœuds lymphatiques sous-lombaires et péritoine). Une exérèse des deux masses et du moignon est alors envisagée. Après une laparotomie médiane xipho-pubienne, les deux masses sont identifiées. Celle de 8 cm située sous la vessie, dans le cadran moyen droit, est de consistance tissulaire, vascularisée par trois cordons provenant de la voûte lombaire. La deuxième masse est recouverte d’épiploon sur l’intégralité de sa surface. Aucune des deux ne présente de rapport direct évident avec d’autres organes. Les deux pédicules ovariens sont exempts d’ovaires rémanents, qu’ils soient de structure normale ou tumorale, et ne communiquent pas directement avec les masses décrites. Le moignon utérin est hypertrophié et épiploïsé sur sa partie craniale. Deux nodules aux contours lisses et adhérents à l’aorte et à la veine cave caudale sont palpés, mais ne seront pas retirés en raison de leur adhérence à ces larges vaisseaux. L’exérèse des deux masses est réalisée à l’aide d’une pince de thermofusion (Ligasure®). La portion craniale du moignon utérin est retirée après la thermofusion des deux artères utérines et la mise en place d’une ligature transfixante au PDS 0 (décimale 3,5), à 5 mm distalement. Une exploration complète de l’ensemble des organes est effectuée et ne montre pas d’anomalies, à part un site de gastropexie et une ancienne splénectomie. Aucune métastase n’est remarquée au niveau de l’omentum, du péritoine, du pancréas ou du foie.

7. Traitement médical

L’analgésie postopératoire est réalisée à l’aide de morphine (à raison de 0,3 mg/kg par voie sous-cutanée toutes les quatre heures) puis de tramadol (Tralieve®, à la dose de 3 mg/kg par voie orale, matin et soir, pendant cinq jours).

Une antibiothérapie à base d’enrofloxacine (Baytril® comprimés, à la posologie de 5 mg/kg per os une fois par jour) est conduite pendant quatre semaines sur la base de l’antibiogramme issu de l’uroculture.

8. Examen histologique

L’examen histologique (Vet Diagnostics) de la masse de 8 cm fait état d’une tumeur kystique multifocale, avec des plages massivement nécrotiques, mal délimitée et soutenue par un abondant stroma collagénique. Des cellules de la granulosa, organisées en rangées, présentent des formes rondes à fusiformes, un rapport nucléo-plasmique modéré et un cytoplasme mal délimité et finement vacuolisé. Leurs noyaux sont ovales et centraux, la chromatine disposée en amas fins, les nucléoles magenta et proéminents. L’anisocytose et l’anisocaryose sont modérées. L’index mitotique est de 1,5 mitose par champ (grossissement × 40). Aucun embole lymphatique ou vasculaire n’est mentionné. De même, aucune infiltration éosinophilique n’est rapportée. L’analyse histologique établit un diagnostic de tumeur des cellules de la granulosa (TCG) (photos 5a à 5c).

La deuxième masse est une lésion encapsulée contenant de la fibrine et des hématies, compatible avec un hématome péritonéal. L’exérèse des deux masses est jugée complète. La muqueuse du moignon utérin est ulcérée et sa lumière contient de nombreux neutrophiles dégénérés, de la fibrine, ainsi que des coques évoquant ainsi une cervicite suppurée multifocale.

9. Évolution

L’état général de la chienne est excellent dès le lendemain de l’intervention. Elle peut rentrer à domicile.

Au contrôle à 21 jours postopératoires, les propriétaires rapportent une disparition complète des pertes vulvaires dès la sortie d’hospitalisation, et une diminution progressive de la pollakiurie pendant les trois semaines suivantes. La chienne est en très bon état général, normotherme, et ses muqueuses sont roses. Une analyse urinaire montre une disparition des polynucléaires-neutrophiles et des bactéries sur la lame, et l’examen cytobactériologique des urines (ECBU) de contrôle est négatif.

Au suivi à 8 et 24 semaines, la chienne est toujours en très bon état général. L’anémie et les troubles urinaires et reproducteurs initiaux ont tous totalement disparu.

DISCUSSION

1. Épidémiologie des tumeurs ovariennes de la chienne

Les tumeurs ovariennes sont relativement peu fréquentes. Leur incidence atteint 6,25 % chez les chiennes non stérilisées. Les races berger allemand, boxer, yorkshire, caniche et boston terrier semblent plus affectées [3, 25, 31].

La plupart des tumeurs ovariennes surviennent chez des chiennes entières âgées de 6 ans ou plus [3, 25, 31]. Des tératomes sont quelquefois observés avant cet âge [9, 15, 25]. Elles sont également décrites lors de rémanence ovarienne, pour laquelle il est rapporté une proportion de tumorisations de l’ovaire rémanent plus importante que pour un ovaire entier (23,8 %) [2].

Les tumeurs ovariennes de la chienne sont classées selon leur origine histologique. Les tumeurs épithéliales et celles des cordons sexuels sont les plus fréquemment rencontrées, alors que les tumeurs germinales sont moins fréquentes [25]. Les tumeurs des cordons sexuels regroupent les tumeurs des cellules de la granulosa (TCG), les lutéomes et les thécomes [25]. Les premières représentent environ 20 % des tumeurs ovariennes de la chienne. Bien qu’un cas de TCG bilatérale soit rapporté chez une chienne, ces néoplasies sont le plus souvent unilatérales, contrairement aux thécomes et aux lutéomes, généralement bilatéraux (tableau) [8, 25]. Les tumeurs des cordons sexuels semblent être les tumeurs ovariennes les plus fréquemment rencontrées dans un contexte de rémanence ovarienne [2, 26, 29, 32].

2. Localisation des tumeurs ovariennes chez la chienne

Sauf certains cas d’essaimages péritonéaux métastatiques “en semailles”, les tumeurs ovariennes de la chienne sont toujours localisées au niveau du pédicule ovarien, dans le plan sagittal du rein et immédiatement caudalement à celui-ci [10, 16, 25]. À notre connaissance, ce cas est la première description d’une tumeur ovarienne située à distance des pédicules ovariens chez une chienne stérilisée.

Chez des chattes stérilisées, des ovaires ont été retrouvés sur l’omentum, à proximité de la fosse rétro-rénale [12]. Une TCG en position extraovarienne est aussi rapportée dans cette espèce [1]. Chez la femme, le terme de syndrome d’implantation ovarienne caractérise un ovaire en position non anatomique, et treize cas de TCG ont été associés à ce syndrome [18, 28].

Ce dernier regroupe trois entités étiologiques qui peuvent servir d’hypothèses pour décrire l’origine de la TCG observée dans le cas présenté :

– l’ovaire surnuméraire, qui n’entretient aucun rapport anatomique avec l’ovaire et peut être qualifié d’ectopique. Chez la chienne, un ovotestis ectopique est décrit, mais aucune tumorisation n’y est associée [7]. Dans notre cas, la disparition immédiate et durable des signes d’œstrus (six ans), juste après l’ovariohystérectomie, est plutôt en faveur d’une rémanence ovarienne que d’un ovaire strictement ectopique ;

– l’ovaire accessoire, qui est situé à proximité du pédicule ovarien. Dans notre cas, un ovaire accessoire non retiré lors de la stérilisation aurait pu se “tumoriser” et voir son mésovarium se distendre sous son poids, comme cela est décrit pour certaines tumeurs ovariennes de grande taille [16] ;

– la rémanence ovarienne, qui est associée à une exérèse incomplète lors d’une ovariectomie. Chez les carnivores domestiques, il est admis qu’elle représente la majorité des syndromes d’implantation ovarienne. En effet, il est démontré expérimentalement chez la chatte que près de 90 % des ovaires entiers suturés à la paroi abdominale après une ovariectomie redeviennent fonctionnels six mois plus tard [6]. Dans notre cas, il est envisageable qu’une dissémination de cellules ovariennes, voire la perte de l’ovaire entier dans la cavité abdominale pendant l’ovariohystérectomie, ait pu se “tumoriser” à distance du pôle ovarien. Les cellules de la granulosa de la thèque ovarienne étant les principales sources de la néovascularisation de l’ovaire, cela pourrait expliquer leur prévalence importante lors de rémanence ovarienne [11].

3. Des tumeurs sécrétantes à répercussions gynécologiques

La sécrétion d’hormones sexuelles par les TCG est fréquente et provoque des signes cliniques associés au tractus génital : œstrus persistant, œdème de la vulve ou pertes vulvaires hémorragiques et/ou purulentes [32, 36]. Dans notre cas, l’œdème et les pertes vulvaires ont été observés, ainsi qu’une anémie sans doute due à l’effet myélotoxique des œstrogènes [33]. Des infections urinaires sont rapportées lors de rémanence ovarienne probablement en raison de pyomètres concomitants [2]. Même si la majorité des germes urinaires isolés lors de pyomètre semblent plus sensibles à la plupart des antibiotiques, il est indispensable de réaliser un ECBU [13]. Ce dernier a révélé, dans notre cas, un germe vésical multirésistant, conséquence probable des antibiothérapies non ciblées conduites quelques semaines plus tôt. D’autres signes couramment observés lors de rémanence ovarienne peuvent également être observés lors de TCG, comme une hypertrophie mammaire, des troubles cutanés ou une masse vaginale [2]. Aucun d’eux n’a été identifié dans le cas présenté.

La présence de tels signes cliniques chez une chienne stérilisée peut motiver la réalisation de dosages hormonaux. Une précédente étude semble confirmer l’intérêt du dosage des œstrogènes et de la progestérone pour le diagnostic des tumeurs des cellules de la granulosa. Chez des chiennes entières présentant une TCG, les œstrogènes et la progestérone plasmatiques augmentent très fortement (respectivement 24 à 327 pmol/l et 5,4 à 13,6 nmol/l) par rapport à leurs congénères en anœstrus (0 à 14,1 pmol/l et 0,95 à 1,9 nmol/l). Si la TCG survient lors d’un syndrome de rémanence ovarienne, ces deux hormones sont moins augmentées (24 à 94 pmol/l et 0,64 à 8,2 nmol/l), mais restent supérieures aux valeurs rencontrées chez des chiennes stérilisées (0 à 7 pmol/l et 0,15 à 2,2 nmol/l). L’hormone lutéinisante peut également être dosée, mais son interprétation est plus délicate [5]. Cette étude portait néanmoins sur un nombre restreint de chiennes et, comme pour les rémanences ovariennes, des taux bas de ces hormones ne permettent pas d’exclure une TCG [5, 32].

Si les dosages hormonaux ne sont pas réalisables, un simple frottis vaginal peut mettre en évidence une imprégnation œstrogénique.

Enfin, l’activité sécrétante est utilisée à des fins diagnostiques lors de l’analyse histochimique. En effet, la protéine Melan-A, qui permet de mettre en évidence une synthèse de stéroïdes sexuels, est retrouvée dans 59 % des TCG de la chienne et le marquage de l’inhibine alpha est employé pour différencier ces tumeurs des carcinomes ovariens [19, 27].

4. Apports de l’imagerie

L’échographie et l’examen tomodensitométrique permettent de rechercher une masse au niveau du pédicule ovarien (fosse rétro-rénale) fortement évocatrice, le cas échéant, d’une tumeur ovarienne, surtout chez une chienne non stérilisée.

La cytoponction de la masse sous contrôle échographique permet d’établir un diagnostic dans 95 % des cas [31]. Le risque de dissémination de cellules tumorales le long du trajet de ponction ou dans la cavité abdominale doit inciter à réserver cette technique aux animaux présentant un risque anesthésique élevé [16].

En outre, les TCG sont fréquemment associées à des affections utérines concomitantes telles qu’une hyperplasie glandulo-kystique, une endométrite, un pyomètre, plus rarement un léiomyome ou une adénomatose endométriale polypoïde [2, 8, 22, 25, 32, 36]. Lorsque la chienne a subi une ovariohystérectomie, ces signes sont à rechercher au niveau du moignon utérin [22].

Enfin, un bilan d’extension doit être réalisé en recherchant en priorité des métastases pulmonaires (radiographies ou scanner du thorax), péritonéales, pancréatiques et lymphatiques (échographies abdominales et/ou scanner abdominal).

5. Traitement chirurgical des TCG

Comme pour la plupart des tumeurs ovariennes, le pronostic lors de TCG est généralement bon après leur exérèse et en l’absence de métastases. La réalisation d’un hémogramme préanesthésique est indispensable pour écarter toute pancytopénie liée à une aplasie médullaire sous l’action des œstrogènes, potentiellement irréversible [33]. Des métastases sont retrouvées dans environ 20 % des cas de TCG chez la chienne [25]. Ainsi, un bilan d’extension doit être réalisé par le praticien d’abord par l’imagerie, puis par une exploration complète de la cavité abdominale.

Des métastases concerneraient environ 20 % des TCG, ce qui doit inciter à réaliser un bilan d’extension par l’imagerie au scanner puis, lors de l’intervention chirurgicale, via une exploration complète de la cavité abdominale [25]. L’exérèse est le plus souvent similaire à une stérilisation standard, mais peut aussi se révéler plus complexe lors de tumeur de grande taille ou lorsque des tissus anormaux doivent être biopsiés (par exemple nœuds lymphatiques, pancréas, péritoine). Lors de tumeurs ovariennes de grande taille, l’identification de l’ovaire est relativement simple, à la différence de celle du tissu ovarien, notamment en cas de rémanence d’un tissu ovarien de petite taille nécessitant, dans la plupart des cas, une prise en charge par un chirurgien expérimenté [34].

Dans notre cas, un nœud lymphatique sous-aortique de taille augmentée n’a pas été retiré pour des raisons techniques anatomiques. Ce choix constitue une limite pour la précision du bilan d’extension. L’hématome retrouvé est idiopathique. Aucune métastase n’y a été observée. Après 24 semaines, l’examen de la chienne n’a rien décelé d’anormal, mais il n’y a pas eu d’exploration échographique ou tomodensitométrique chez le vétérinaire traitant.

6. Traitements adjuvants des TCG

En médecine humaine, la mise en place d’un protocole de chimiothérapie, d’hormonothérapie ou de radiothérapie n’est pas associée à une augmentation de l’espérance de vie des femmes ayant bénéficié d’une exérèse de TCG [30]. Un nouveau protocole d’immunothérapie semble accroître la médiane de survie des patientes présentant une TCG [17]. En médecine vétérinaire, des instillations intra-abdominales (n = 1 à 6) de cisplatine (50 à 70 mg/m2) espacées de trois à quatre semaines montrent de bons résultats sur les carcinomes ovariens, compliqués ou non de carcinomatose, avec des survies supérieures à 200 jours en moyenne [4, 21, 24]. Une seule étude vétérinaire rapporte un traitement d’immunothérapie intrapéritonéale pour une TCG métastasée, conduit chez une chienne avec une survie supérieure à deux ans, mais l’étude est ancienne, porte sur une seule chienne et inclut peu de données [14].

Actuellement, aucun protocole de chimiothérapie ou de radiothérapie n’est validé de façon consensuelle pour la prise en charge de TCG chez la chienne. Ainsi, les bénéfices apportés par une chimiothérapie doivent être discutés avec un oncologue.

Après l’exérèse complète de la tumeur, l’ensemble des signes cliniques disparaissent en général rapidement. Un suivi par l’imagerie ou des dosages hormonaux sont pertinents. A fortiori, en cas de persistance de troubles de la reproduction, les hypothèses d’une exérèse incomplète ou de métastases hormonosécrétantes doivent être explorées.

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Conflit d’intérêts : Aucun

Points clés

• Des chaleurs répétées, des pertes vulvaires nauséabondes et de couleur brune ou encore une vulve œdématiée observées chez une chienne stérilisée évoquent fortement une rémanence ovarienne.

• Si les examens d’imagerie mettent en évidence une masse abdominale associée à ces troubles de la reproduction, une tumeur des cellules de la granulosa (TCG) doit être prioritairement suspectée.

• Une localisation à distance de la fosse rétro-rénale n’écarte pas une tumeur ovarienne développée à partir d’un tissu ectopique ou dont le pédicule s’est distendu sous le poids de la masse.

• Environ un quart des ovaires rémanents vont se “tumoriser” et les TCG sont fréquemment diagnostiquées.

• Le bilan d’extension doit explorer les poumons, le pancréas, le péritoine et les nœuds lymphatiques abdominaux par un examen d’imagerie thoracique, abdominal et éventuellement la réalisation de biopsies lors de la laparotomie.

• En l’absence d’infiltration des nœuds lymphatiques, de métastases ou de pancytopénie sévère, le pronostic est bon après l’exérèse de la ou des tumeurs.

CONCLUSION

Lors de palpation abdominale anormale ou de troubles gynécologiques, une tumeur ovarienne doit faire partie du diagnostic différentiel, même chez une chienne stérilisée. Une masse observée à distance de la fosse rétro-rénale lors de l’exploration échographique ou tomodensitométrique n’écarte pas l’hypothèse d’une tumeur ovarienne, issue d’un tissu ovarien ectopique ou d’une distension du pédicule sous le poids de la tumeur. Après la réalisation d’un bilan d’extension complet, l’exérèse de la masse, en l’absence de métastases, permet à la fois le diagnostic histologique et la disparition rapide des signes cliniques liés à l’imprégnation hormonale et/ou à l’effet de masse.

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