MÉDECINE INTERNE
Article de synthèse
Auteur(s) : Laetitia Lucarelli
Fonctions : Clinique VetHorizon
Centre médical La Palunette n° 4456
RD 568
13220 Châteauneuf-les-Martigues
Une mesure ou un suivi de la pression artérielle est nécessaire dans une population de chats à risque d’hypertension. Un traitement rapide de cette affection permet de prévenir les dommages potentiels sur certains organes.
L’hypertension artérielle systémique féline est sousdiagnostiquée, car la mesure de la pression artérielle est peu réalisée lors des examens de routine et qu’elle peut passer inaperçue. Comme les conséquences de l’hypertension peuvent être graves, un diagnostic précoce est nécessaire avant de mettre en place un traitement adapté.
Des recommandations récentes ont été établies par un panel d’experts afin d’identifier les chats à risque de développer une hypertension. Ils indiquent également la procédure pour réaliser des mesures fiables de la pression artérielle et la démarche à suivre pour le traitement et le suivi de ces chats.
Une hypertension artérielle doit être recherchée chez tous les chats qui présentent des lésions sur les organes cibles : une rétinopathie ou une choroïdopathie hypertensives, des signes neurologiques intracrâniens, des anomalies rénales ou cardiovasculaires. Parfois, les signes cliniques sont subtils et mis sur le compte de l’âge de l’animal. Les propriétaires peuvent alors rapporter une diminution de l’activité, une léthargie, une photophobie ou une modification de l’appétit [1, 22].
Un suivi de la pression artérielle doit être réalisé chez tous les chats atteints d’une affection connue pour être associée à l’hypertension, principalement une maladie rénale ou une hyperthyroïdie. Un examen clinique complet, avec une attention particulière portée à l’auscultation cardiaque, la réalisation d’un fond d’œil, l’évaluation de la fonction rénale et un examen neurologique permettent d’identifier les chats à risque de développer des lésions au niveau des organes cibles [1].
Enfin, une mesure de la pression artérielle est conseillée lors des examens de routine annuels chez les chats âgés de plus de 9 ans (tableau 1) [1, 2, 17, 22].
La mesure directe de la pression artérielle est réalisée par un cathétérisme artériel. Cette méthode correspond au gold standard, mais elle est trop invasive pour être utilisée en routine. Les méthodes indirectes comme le Doppler et l’oscillométrie à haute définition sont donc privilégiées en pratique et fournissent des mesures précises et fiables de la pression artérielle systolique [10, 15]. Une étude récente indique que les mesures par oscillométrie semblent surestimées par rapport à celles obtenues par la méthode Doppler. Cependant, elle souligne surtout l’importance des conditions de mesure de la pression artérielle [6]. En effet, un protocole standardisé est élaboré et concerne l’environnement, le personnel, la position du chat, le choix du matériel et du brassard. La procédure est répétée à l’identique lors du dépistage et à chaque suivi de la pression artérielle systolique chez les chats vigiles afin d’obtenir des résultats précis et interprétables (photo) [1, 22].
Plusieurs études ont permis d’établir des valeurs de référence de la pression artérielle systolique chez le chat sain. Cependant, les résultats sont très variables, car les populations étudiées diffèrent, la méthode de mesure et l’équipement ne sont pas standardisés. Le recours à un protocole standard pour mesurer la pression artérielle est donc, une fois encore, indispensable pour interpréter les valeurs obtenues [1, 22]. En médecine féline, il ne semble pas y avoir d’effet du sexe ou de la race sur la pression artérielle [4, 17]. En revanche, une étude récente montre une augmentation de la pression artérielle avec l’âge chez les chats de plus de 9 ans. Cette hausse dans le temps reste néanmoins limitée (inférieure à 1 mmHg pour cent jours). En outre, le risque de développer une hypertension est plus faible chez les chats a priori sains, par rapport à ceux présentant une maladie rénale azotémique [2].
L’International Renal Interest Society (Iris) propose une classification des mesures de la pression artérielle chez le chat fondée sur le risque de développement d’atteintes au niveau des organes cibles. Cette classification est un outil utile pour établir un diagnostic d’hypertension (tableau 2).
La présence de lésions sur les organes cibles justifie l’initiation d’un traitement antihypertenseur après une seule mesure de la pression artérielle. Cependant, dans la majorité des cas, les résultats doivent être confirmés en répétant ultérieurement les mesures, au moins à deux occasions (figure 1, en ligne sur lepointveterinaire.fr).
Si les mesures réalisées confirment une hypertension (après l’exclusion d’un effet “blouse blanche”), les affections associées à l’hypertension artérielle secondaire doivent être recherchées.
Dans plus de 80 % des cas, c’est une hypertension secondaire et non primaire qui est diagnostiquée. Le traitement de l’affection sous-jacente doit être instauré immédiatement. Il peut permettre une résolution complète de l’hypertension chez certains chats, mais pour la plupart, la diminution de la pression artérielle est seulement partielle. Ainsi, le traitement antihypertenseur est mis en place, en parallèle, sans attendre de contrôler la maladie concomitante [1, 22].
Dans la majorité des cas, l’installation de l’hypertension se fait de façon silencieuse et les lésions des organes cibles apparaissent après une longue période. L’éducation des propriétaires est primordiale. Ils doivent comprendre que le contrôle de l’hypertension permet d’améliorer la qualité de vie de leur animal, même si les effets du traitement ne sont pas immédiats.
La prise en charge de l’hypertension doit être individualisée et réévaluée régulièrement. Un traitement une fois par jour avec le moins de médicaments possible est préférable. Son objectif est d’obtenir une diminution progressive de la pression artérielle (en dessous de 160 mmHg), afin de minimiser le risque et la sévérité des lésions sur les organes cibles [1, 22]. Si le traitement est efficace partiellement, une augmentation de la dose ou l’ajout d’une autre molécule sont à envisager. Les hypertensions réfractaires aux traitements sont rares chez le chat. Les experts conseillent, par précaution, d’éviter une alimentation riche en sel [1, 22].
L’amlodipine, un inhibiteur des canaux calciques, constitue le traitement de choix de l’hypertension artérielle chez le chat [3, 8, 11, 12, 16, 19, 20]. Selon les études, une réduction moyenne de la pression artérielle systolique est observée (entre 28 et 55 mmHg) et 60 à 100 % des chats répondent à l’amlodipine en monothérapie [3, 8, 11, 12, 13, 19].
Une dose initiale de 0,625 mg par chat et par jour par voie orale est efficace chez les chats dont la pression artérielle systolique est inférieure à 200 mmHg. En revanche, ceux dont la pression artérielle dépasse 200 mmHg nécessitent une dose de départ plus importante de 1,25 mg par chat et par jour [3]. Des posologies supérieures à 2,5 mg par chat sont rarement nécessaires (tableau 3) [12]. Malgré une bonne efficacité antihypertensive, les études n’ont pas prouvé qu’un traitement à base d’amlodipine permettait d’augmenter le temps de survie des chats souffrant d’hypertension [8, 13]. L’existence d’une protéinurie est un facteur prédictif clé pour la survie des chats hypertendus. Sa diminution significative a été identifiée chez des chats atteints traités par un inhibiteur des canaux calciques [13, 21]. Quant aux effets indésirables de l’amlodipine, ils sont rares dans l’espèce féline [12].
Le telmisartan est un inhibiteur des récepteurs de l’angiotensine II (ARA-II). Il dispose actuellement d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour traiter la protéinurie chez les chats atteints d’une maladie rénale chronique [18]. Récemment, plusieurs essais cliniques ont montré son intérêt dans le traitement de l’hypertension féline, et le médicament a obtenu une AMM pour cette indication.
En effet, l’utilisation du telmisartan, à la dose de 2 mg/kg par jour par voie orale, est efficace pour diminuer significativement la pression artérielle par rapport à un placebo. Cependant, son efficacité n’a pas été évaluée chez les chats sévèrement hypertendus (pression artérielle systolique supérieure à 200 mmHg) ou présentant des lésions sur les organes cibles [7, 9].
Le recours aux inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA) pour traiter en première intention l’hypertension féline n’est pas recommandé. La diminution de la pression artérielle obtenue avec cette classe de médicaments est faible et probablement insuffisante chez la majorité des chats [5]. Néanmoins, le bénazépril est utilisé chez les chats qui nécessitent un deuxième antihypertenseur et la combinaison IECA-amlodipine est bien tolérée [18]. Les IECA et les ARA-II sont à l’origine d’une dilatation de l’artériole efférente qui, théoriquement, entraîne une diminution du débit de filtration glomérulaire. Les praticiens doivent prendre en compte la possibilité d’une exacerbation de l’azotémie avec ces médicaments et réaliser un suivi attentif de ces animaux.
Ces traitements ne doivent pas être commencés chez des chats déshydratés, chez lesquels le débit de filtration glomérulaire pourrait diminuer brutalement (encadré) [1, 5, 14].
L’hypertension est, en général, une affection chronique. Cependant, certains chats peuvent être présentés pour une augmentation brutale et marquée de la pression artérielle systolique, accompagnée de signes cliniques sévères et de lésions sur les organes cibles, principalement oculaires et neurologiques. Les recommandations de traitement lors de crises hypertensives aiguës sont peu nombreuses chez le chien et le chat et extrapolées de la médecine humaine. Les chats qui nécessitent une prise en charge thérapeutique en urgence doivent être hospitalisés afin de suivre régulièrement la pression artérielle systolique et d’adapter le traitement (figure 2, en ligne sur lepointveterinaire.fr) [1, 22].
L’objectif du traitement antihypertenseur est d’abaisser progressivement la pression artérielle en dessous de 160 mmHg. Si elle persiste au-dessus de 160 mmHg, le traitement doit être ajusté puis réévalué. Si la pression artérielle est inférieure à 120 mmHg et s’accompagne de signes cliniques tels qu’une faiblesse, des syncopes ou une tachycardie, une hypotension est probable et le traitement doit être diminué et réévalué (figure 3, en ligne sur lepointveterinaire.fr) [1].
Une fois stabilisés, les chats souffrant d’une affection sous-jacente connue (maladie rénale chronique de stade 2 ou plus, hyperthyroïdie) sont suivis tous les trois à six mois. Un traitement efficace de la maladie associée peut permettre une résolution partielle ou complète de l’hypertension. Cependant, une hypertension peut se développer plus tard [1].
L’existence d’une hypertension chez des chats hyperthyroïdiens est corrélée à une diminution de la survie. L’existence d’une protéinurie est associée à une réduction de la survie chez les chats hyperthyroïdiens, ceux atteints d’une maladie rénale chronique et ceux avec une hypertension, toutes causes confondues [13, 21, 23]. La pression artérielle est corrélée positivement à la protéinurie [21, 23]. Traiter les chats hypertendus avec de l’amlodipine réduit le rapport protéines/créatinine urinaire (RPCU) [13]. Ainsi, le traitement efficace de l’hypertension, en diminuant la sévérité de la protéinurie, allonge probablement la survie.
Le traitement de l’hypertension permet, en outre, d’améliorer la qualité de vie du chat et de réduire le risque de lésions graves, voire irréversibles, sur les organes cibles.
Conflit d’intérêts : Aucun
• Un protocole standardise repete a l’identique (technique, materiel, equipement, personnel, procedure) est necessaire pour mesurer la pression arterielle chez le chat et obtenir des resultats fiables.
• La prise en charge de l’hypertension arterielle chez le chat repose sur le traitement de l’affection sousjacente en parallele du traitement antihypertenseur.
• L’amlodipine besylate est le traitement de choix de l’hypertension arterielle feline.
• Une fois le traitement antihypertenseur instaure, un suivi regulier et individualise de la pression arterielle est recommande.
• Pour les chats presentant une hypertension et une hyperthyroidie, l’amlodipine besylate reste le traitement de premiere intention en association avec celui de l’hyperthyroidie.
• Pour les chats atteints d’hypertension et de maladie renale chronique, le recours aux inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA) ou au telmisartan est interessant s’il existe une proteinurie. L’hypertension peut, quant a elle, etre traitee en ajoutant de l’amlodipine besylate ou en doublant la dose de telmisartan.
• Pour les chats avec un hyperaldosteronisme primaire, une prise en charge initiale (avant une eventuelle intervention chirurgicale) a l’aide d’un antagoniste de l’aldosterone (spironolactone) et une supplementation en potassium sont requises. L’amlodipine besylate est souvent necessaire pour obtenir un controle adequat de la pression arterielle et peut etre administre simultanement.
Une mesure de la pression artérielle est recommandée chez les chats âgés de plus de 9 ans en bonne santé, chez ceux souffrant d’une maladie rénale chronique ou d’une hyperthyroïdie, ainsi que chez les chats qui sont présentés en consultation avec des lésions touchant les organes cibles. À chaque dépistage et lors de chaque contrôle, le même protocole standardisé est à utiliser pour obtenir des valeurs interprétables. Un traitement rapide de l’hypertension permet d’améliorer la qualité de vie des animaux et de diminuer le risque de dommages irréversibles au niveau des yeux, des reins, du cœur et du cerveau. Un suivi régulier de la pression artérielle est recommandé afin d’ajuster le traitement.