PANARTHRODÈSE ULNO-CARPIENNE DANS UN CONTEXTE DE DYSOSTOSE CHEZ UN JEUNE CHIEN - Le Point Vétérinaire n° 416 du 01/04/2021
Le Point Vétérinaire n° 416 du 01/04/2021

ORTHOPÉDIE

Chirurgie orthopédique

Auteur(s) : Annaëlle Saucet-Zerbib*, Chantal Ragetly**

Fonctions :
*Clinique Seinevet
26, rue de la République
76520 Boos
**Service de chirurgie
Clinique Evolia
43, avenue du Chemin Vert
95290 L’Isle-Adam

Même avec les progrès considérables de la chirurgie vétérinaire, des techniques classiques restent indiquées pour corriger certaines anomalies, notamment congénitales.

Le terme de dysostose regroupe l’ensemble des malformations osseuses qui ont lieu au cours du développement embryonnaire. Lorsqu’elles intéressent le membre thoracique, elles prennent des formes variées selon leur localisation et peuvent aller de la simple déformation à l’absence partielle ou totale du membre [8]. Bien que rare et présente dès la naissance, la boiterie que la déformation occasionne peut s’aggraver au cours du temps et être source d’atteintes concomitantes, telles que de l’arthrose, des déformations compensatrices ou autres.

Lorsqu’une gêne mécanique est constatée, l’option chirurgicale s’impose comme la solution thérapeutique de choix. Plus particulièrement, la panarthrodèse, couplée à un mécanisme d’élongation en cas de malformation et de raccourcissement majeurs, constitue l’une des meilleures options envisageables.

PRÉSENTATION DU CAS

1. Commémoratifs

Une chienne croisée berger de 10 mois, stérilisée, originaire de Guadeloupe, est référée pour la correction d’une déformation majeure de l’antérieur droit, au niveau du carpe, du radius et de l’ulna. Cette déformation congénitale a été détectée par l’association locale qui a recueilli l’animal dès ses premières semaines de vie. Elle se manifeste par un raccourcissement important du membre et un varus à l’origine d’une boiterie chronique de grade 4 sur 5 (photo 1).

2. Examens clinique et orthopédique

Aucune anomalie n’est constatée lors de l’examen général, hormis une boiterie. À l’examen orthopédique à distance, la boiterie, qui concerne le membre thoracique droit, est notée de grade 4 à 5 sur 5, avec un discret appui intermittent. L’examen rapproché met en évidence une malformation radiale et ulnaire droite majeure, avec subluxation du carpe, rotation externe à 90° de l’articulation du carpe et raccourcissement de l’avant-bras droit de près d’un tiers par rapport au membre controlatéral. Par ailleurs, le doigt I droit est hypertrophié et ne semble plus s’articuler normalement avec le carpe. Les propriétaires rapportent que la chienne s’accroche souvent avec ce doigt lorsqu’elle joue.

4. Diagnostic différentiel

Au vu de l’antériorité et de la déformation du membre, plusieurs hypothèses sont avancées. Il peut s’agir d’une anomalie congénitale isolée (radius, ulna, coude, carpe) ou multiple de plusieurs de ces os, d’une anomalie des cartilages de croissance consécutive à un traumatisme (radius curvus) ou encore d’une anomalie sur le site d’une ancienne fracture associée à un processus de non-union.

5. Examens complémentaires

Deux clichés radiographiques du membre thoracique droit sont réalisés pour explorer cette malformation (photos 2a et 2b). Les vues de face et de profil confirment la rotation externe à 90° de la main par rapport à l’articulation du coude, le carpe étant en outre très modifié.

En effet, l’incidence médio-latérale montre une subluxation des os carpiens proximaux (ulnaire et radial) et distal I, une atrophie du radius, une hypertrophie compensatrice de l’ulna et une déformation curviligne de ces deux os, avec un procurvatum marqué. Par ailleurs, le radius est directement articulé avec l’os carpien distal I, sans l’intermédiaire de l’os radial. Ce dernier ne s’articule alors plus qu’avec les os carpiens distaux III et IV ventralement et l’os carpien ulnaire dorsalement (au lieu de latéralement).

L’os carpien distal II est en contact avec le doigt II distalement et l’os carpien distal III latéralement, mais a perdu tout contact articulaire médial et proximal. L’os accessoire, quant à lui, est en position anatomique en face palmaire de l’os carpien ulnaire. Enfin, le radius est plus long que l’ulna d’environ 2 cm. Des radiographies du membre thoracique controlatéral sont également effectuées afin d’estimer la différence de longueur entre les deux membres, qui est d’environ 5 cm.

6. Diagnostic et traitement

L’atteinte identifiée chez ce chien est une dysostose majeure de l’avant-bras droit, avec une désarticulation du radius et du doigt I avec le carpe, une atrophie du radius, une hypertrophie compensatrice et une déformation curviligne de l’ulna, dans un contexte de raccourcissement du membre et de rotation externe à 90° de la main. Vu l’importance de la déformation osseuse, la différence de longueur des membres (près de 33 mm) et les répercussions cliniques chez ce jeune animal, une correction chirurgicale en deux temps est proposée. La première étape consiste à rallonger le membre à l’aide d’un montage de distraction osseuse, la seconde à réaliser une panarthrodèse du carpe. Néanmoins, pour des raisons financières, seule une décision d’amputation du doigt I et d’arthrodèse du carpe est prise.

Préparation

L’animal est prémédiqué à l’aide de morphine (Morphine Cooper® à la dose de 0,1 mg/kg par voie intraveineuse) et de médétomidine (Domitor® à raison de 5 µg/kg par voie intraveineuse) et l’anesthésie est induite avec du propofol (PropoVet ® à la posologie de 4 mg/kg par voie intraveineuse) jusqu’à l’effet recherché. L’animal est maintenu sous anesthésie grâce à un mélange d’oxygène et d’isoflurane. La mise en place d’un implant et le temps opératoire long (supérieur à une heure) justifient une antibioprophylaxie à l’amoxicilline (Clamoxyl ®, à la dose de 20 mg/kg par voie intraveineuse) toutes les deux heures en phase peropératoire. Par ailleurs, une perfusion de Ringer lactate, selon les besoins d’entretien (10 ml/kg par heure), est également mise en place durant toute l’intervention.

Intervention

Après une incision dorso-médiale à l’ulna, le premier temps chirurgical consiste en l’amputation du doigt I par une désarticulation avec le radius distal. Faisant protrusion, le radius est réséqué distalement sur 2 cm, permettant également de corriger la différence de taille par rapport à l’ulna. La section osseuse radiale est conservée pour réaliser un greffon cortical qui sera placé au niveau du site d’arthrodèse, entre l’ulna et l’os central du carpe, afin d’allonger cette région. Le tendon du muscle extenseur commun des doigts est identifié dorsalement aux os métacarpiens et protégé.

Les surfaces articulaires cartilagineuses ulno-carpienne, intercarpienne et carpo-métacarpienne sont abrasées à l’aide d’une fraise pneumatique. Un prélèvement d’os spongieux est réalisé dans la portion humérale proximale ipsilatérale, à l’aide d’une curette. Plusieurs rinçages de la zone opératoire sont effectués avec du NaCl à 0,9 %.

Par la suite, une distraction manuelle et une rotation interne d’environ 90° de la zone carpo-métacarpienne sont assurées par l’aide opératoire, permettant la mise en place des greffons spongieux entre les différents étages articulaires, et du greffon cortical radial entre l’ulna distal et l’os radial du carpe. Enfin, l’arthrodèse est pratiquée via la mise en place d’une plaque DCP hybride (dynamic compression plate) maintenue à l’aide de neuf vis de 2,7 et 3,5 mm : une vis de 2,7 dans l’os central du carpe, quatre de 2,7 dans le métacarpien IV et quatre de 3,5 dans l’ulna distal (photos 3a à 3c).

Les différents plans sont suturés et un pansement de type Robert-Jones, avec une attelle, est mis en place après la réalisation des radiographies postopératoires (photos 4a et 4b).

Temps postopératoire immédiat

L’animal montre rapidement une bonne récupération. Une antibiothérapie à base de céfalexine (Rilexine® 300 mg à la posologie de 15 mg/kg toutes les douze heures) visant à prévenir l’infection au site chirurgical et un traitement anti-inflammatoire à base de carprofène (Carprox vet 100 mg, à raison de 4 mg/kg par jour) sont prescrits pour respectivement quatorze et dix jours. Un repos strict de quatre mois y est associé, ainsi que des contrôles réguliers pour le changement de pansement, jusqu’à la cicatrisation osseuse.

Le retour au domicile de la chienne intervient soixante-douze heures après l’opération.

7. Suivi postopératoire

L’animal est revu de façon hebdomadaire au cours des six semaines qui suivent l’intervention, pour un changement de pansement. Au niveau de la cicatrice, un écoulement sérohémorragique et une macération sont observés au bout de quinze jours, l’antibiothérapie est donc poursuivie quinze jours de plus. Pour ne pas favoriser de résistances, il a été choisi de ne pas changer l’antibiotique administré initialement, la céfalexine étant indiquée pour les surinfections bactériennes comme pour les infections ostéoarticulaires, sur des durées pouvant aller jusqu’à quatre semaines.

Un mois plus tard, une seconde plaie d’escarre provoquée par le pansement est observée, cette fois-ci dans la région du coussinet central. Un nouveau pansement, de type hydrocolloïdal (Algoplaque, Urgo), est alors mis en place sur cette zone et changé régulièrement jusqu’à la cicatrisation.

Un premier contrôle radiographique, à six semaines, montre des images évocatrices d’une ostéomyélite dans la région ulnaire distale (ostéolyse en “mie de pain” et réaction périostée discrète), ainsi qu’un début de formation d’un cal osseux au niveau métacarpien proximal (photos 5a et 5b). Le traitement antibiotique à base de céfalexine est repris pour deux semaines supplémentaires, toujours à la dose de 15 mg/kg, deux fois par jour. Par ailleurs, l’état général de l’animal est bon, bien que celui-ci ne pose toujours pas le membre opéré lorsqu’il se déplace.

Le second suivi radiographique, neuf semaines après l’intervention, met en évidence une nette régression de l’ostéolyse et de la réaction périostée, ainsi que la progression du cal osseux (photos 6a et 6b).

Quatre mois après la chirurgie, l’animal a un très bon appui sur son membre au pas, mais plus limité en phase de course. À six mois postopératoires, l’appui est retrouvé, l’alignement de l’antérieur est satisfaisant, mais une boiterie de grade 2 sur 5 persiste, certainement en raison de la différence de longueur entre les l’avant-bras, entre le coude et le carpe, est de 11 cm à droite versus 14,5 cm à gauche.

Les images radiographiques réalisées lors de ce troisième et dernier contrôle montrent une cicatrisation osseuse satisfaisante, associée à un léger dévissage de certaines vis distales au niveau du métacarpe IV (photos 7a et 7b). À ce stade, une ablation du matériel d’ostéosynthèse est proposée au propriétaire, mais déclinée pour des raisons financières.

Un an et demi après l’intervention, la cicatrice est saine et le propriétaire est satisfait de l’opération de son animal, qui peut courir et jouer sur de longues périodes durant la journée.

DISCUSSION

1. Épidémiologie et signes cliniques

Comme la dysostose est d’origine congénitale, les animaux présentés sont toujours jeunes, quel que soit leur stade de croissance [6, 1, 8]. Le cas présenté en est un exemple caractéristique. L’étiologie de ces malformations reste, à ce jour, inconnue. Aucune origine définie n’est renseignée dans les publications sur le sujet.

Le motif de consultation est la boiterie, qui est plus ou moins importante selon le degré d’atteinte du membre, ainsi que les déformations associées, qui peuvent être de légères à particulièrement invalidantes [6, 1, 8].

2. Traitement

Choix de la technique chirurgicale

Dans le cas présenté, la malformation sévère de l’extrémité distale du membre avec des modifications des deux étages articulaires du carpe, couplée à une rotation de 90° de la main, a justifié le recours à un traitement chirurgical par une panarthrodèse ulno-carpo-métacarpienne. L’arthrodèse est une intervention chirurgicale qui consiste à fusionner les surfaces contiguës d’une articulation dans une position donnée, avec une angulation physiologique [4]. Cette procédure est le plus souvent envisagée en dernière intention, face à des lésions ligamentaires provoquant une hyperextension du carpe, en cas d’arthrose sévère distale ou de fractures articulaires irréductibles [9, 11].

Dans la région du carpe, il existe deux types différents d’arthrodèse : la panarthrodèse (ou arthrodèse totale) et l’arthrodèse partielle. C’est l’étage articulaire impliqué qui permet de choisir [11]. En effet, l’articulation du carpe est composée de deux étages solidement fixés entre eux par des capsules articulaires et des ligaments. La panarthrodèse est recommandée si l’étage antébrachio-carpien est concerné et lorsqu’une atteinte de l’os carpien moyen, ou de l’articulation carpo-métacarpienne, lèse les ligaments palmaires du carpe, le fibrocartilage et les ligaments palmaires [11]. L’arthrodèse totale du carpe peut être réalisée selon trois voies d’abord différentes : médiale, ventrale ou dorsale. Classiquement, c’est l’abord dorsal qui est choisi [4, 9, 11]. L’articulation étant fixée avec une position de 10 à 12° d’extension, la surface palmaire est la surface de tension. D’un point de vue biomécanique, ce serait la face idéale pour placer les implants, afin de limiter les contraintes et le pliage des plaques d’ostéosynthèse utilisées [1]. D’un autre côté, l’abord médial permet l’utilisation de vis plus longues, assurant ainsi un meilleur ancrage au montage [9]. En pratique, ces voies d’abord sont peu utilisées, car elles imposent une dissection des tissus mous beaucoup plus importante [11, 9]. Dans le cas présenté, l’incision a été effectuée sur la face dorsale et légèrement médiale par rapport à l’ulna, afin d’avoir aussi bien accès à celui-ci qu’à l’extrémité distale du radius à réséquer. En outre, contrairement au montage classiquement effectué, la plaque d’ostéosynthèse a été fixée sur l’ulna, et non sur le radius. En effet, comme cela est visible sur les radiographies, les déformations du membre ont considérablement modifié les contraintes biomécaniques qui s’exercent sur les différents os de l’articulation, et plus particulièrement sur l’ulna et le radius. Habituellement, 51 % du poids du membre antérieur est supporté par le radius au niveau de son articulation avec l’humérus, le reste étant porté par l’ulna [11]. Dans notre cas, vu son amincissement, son absence d’articulation avec le carpe et l’élargissement compensateur de l’ulna, il est raisonnable d’envisager que la quasi-totalité du poids du membre reposait sur l’ulna.

L’arthrodèse ulno-carpienne est une technique déjà rapportée dans quelques cas d’agénésie radiale avec un raccourcissement du membre, chez deux chiens et un chat, et qui a montré des résultats très satisfaisants [6, 1, 8]. Dans notre cas, une seconde particularité tient à la fixation de la plaque d’ostéosynthèse sur le métacarpe IV au lieu du III, cette dernière étant vissée à l’ulna, un montage plus latéral que d’habitude. Ce type de fixation est également déjà décrit dans l’un des cas d’agénésie radiale chez un chien [8].

Choix du montage d’ostéosynthèse

Plusieurs types de plaques d’ostéosynthèse sont utilisables dans une indication de panarthrodèse du carpe. Les implants les plus couramment employés sont soit la plaque HDCP (hybrid dynamic compression plate), soit la plaque CLP (castless plate) [11, 3]. Le recours à d’autres types de plaques, à un fixateur externe ou à des broches est également décrit [11, 3].

L’utilisation d’une vis distale de 2,7 mm limite la quantité d’os retiré, en comparaison d’une vis distale de 3,5 mm, lors de son insertion. Le choix d’une plaque HDCP diminuerait donc, en théorie, le risque de fracture au niveau du métacarpe III, par rapport à une plaque classique de 3,5 mm [11]. De plus, une étude rétrospective qui compare les plaques castless et hybrid associées à un pansement contentif postopératoire, menée chez 219 chiens ayant subi une panarthrodèse du carpe, montre l’absence de différence franche en termes de résultats ou de complications entre les deux types de plaques. Cette étude tend à démontrer que l’ajout d’une contention externe peut se révéler délétère, en majorant le risque de complications infectieuses sans apporter de réel bénéfice en matière de protection du montage [2, 3].

Selon une étude biomécanique, l’ajout dans le carpe d’un clou de Kirchner à une plaque HDCP peut cependant augmenter le poids supporté par le membre, sans montrer pourtant de bénéfices au niveau de la rigidité ou des défaillances du montage [11]. Dans notre cas, le choix du chirurgien s’est porté sur une plaque HDCP avec l’ajout d’une contention supplémentaire (pansement avec attelle) durant un mois. En effet, la mise en place d’un greffon d’os cortical radial entre l’ulna distal et l’os radial du carpe empêche la fixation en compression de la plaque de panarthrodèse.

Méthodes de correction de la longueur du membre

Parmi les méthodes pour corriger la longueur d’un membre, qu’elle qu’en soit l’origine (traumatique, congénitale ou contexte tumoral), la technique d’élongation progressive d’Ilizarov est la plus connue [10]. Une étude sur un cas d’agénésie du radius chez un chien rapporte une très bonne récupération après un traitement par l’association, à quatre mois d’intervalle, d’une arthrodèse ulno-carpienne (à 6 mois d’âge) et d’un élongateur d’Ilizarov (à 10 mois) [8]. Cette technique nécessite la mise en place de fixateurs externes associés à un système de distraction, qui peut être manuel ou automatique. L’allongement du segment osseux est obtenu via l’ostéogenèse par distraction [11, 10]. Les deux abouts sont progressivement séparés l’un de l’autre, grâce au système de distraction, à un rythme idéal de 1 mm par jour (soit 0,5 mm matin et soir) et une fréquence la plus élevée possible [10].

Selon une étude expérimentale menée chez 29 chiens opérés avec un système élongateur d’Ilizarov au niveau tibial, le choix d’une fréquence d’élongation importante permet une meilleure restauration de l’amplitude musculaire, tout en modifiant très peu les paramètres quantitatifs du cartilage articulaire et en réduisant significativement les phénomènes dégénératifs et d’atrophie des fibres nerveuses [10]. Cependant, en pratique, une distraction manuelle de 0,5 mm deux fois par jour est souvent appliquée.

Dans le cas présenté, l’utilisation d’un montage élongateur aurait été bénéfique pour corriger l’important différentiel de longueur entre les deux membres. Cette option, proposée au propriétaire en plus de la panarthrodèse du carpe, a été déclinée pour des raisons financières. Néanmoins, lors du réalignement du carpe avec la partie proximale du membre, la partie distale radiale réséquée a été insérée entre l’ulna et l’os radial du carpe afin de gagner un peu en longueur. La mise en place de ce greffon a ainsi permis un gain d’environ 5 mm, ce qui reste toutefois insuffisant en regard des 3,5 cm séparant les deux membres.

3. Pronostic

Sur le long terme, le pronostic associé à une panarthrodèse du carpe est bon, voire très bon, et ne dépend que des éventuelles complications postopératoires qui sont observées dans 7 à 50 % des cas (encadré) [11].

Dans notre cas, au cours des six semaines qui ont suivi l’intervention, des suintements au niveau de la partie distale de la plaie ont été notés et gérés par une désinfection locale, des changements de pansement hebdomadaires et une antibiothérapie probabiliste à base de céfalexine.

Chez le chien et le chat, la bactérie isolée est un staphylocoque dans 60 % des cas d’infection ostéoarticulaire à la suite d’une intervention chirurgicale. Plus rarement, il peut s’agir de streptocoques ou d’Escherichia coli(1). Le spectre d’action de la céfalexine couvre ces trois bactéries. Par ailleurs, cette molécule ayant été choisie pour l’antibiothérapie postopératoire, il était préférable de l’administrer plus longtemps plutôt que d’en changer, afin de ne pas favoriser de résistances, dans un contexte particulier où la réalisation d’un antibiogramme n’était pas possible pour guider ce choix. Cependant, la prolongation d’un traitement antibiotique probabiliste initial, sans être absolument certain du type de bactérie responsable de l’infection, n’est pas sans risque d’antibiorésistance. Les contrôles réguliers ont toutefois permis de gérer l’efficacité de ce traitement.

La complication majeure a été une suspicion d’ostéomyélite, visible au premier contrôle radiographique, à six semaines postopératoires. En effet, les images d’ostéolyse “en mie de pain”, associées à une réaction périostée modérée au niveau de l’ulna distal, sont assez évocatrices.

En cas d’ostéomyélite, il est recommandé de traiter l’infection avec un antibiotique adapté, sur la base d’un antibiogramme, de s’assurer de la rigidité du montage orthopédique, puis de retirer l’implant d’ostéosynthèse lorsque cela est possible, une fois la fusion osseuse obtenue [5].

La réalisation d’un antibiogramme n’a d’intérêt que si le prélèvement est effectué à même l’implant. En effet, certaines bactéries, notamment les staphylocoques, synthétisent un “biofilm” qui constitue une matrice tridimensionnelle solidement adhérente à l’implant et les protège de l’action des antibiotiques. Ainsi, le réaliser sur d’éventuelles sécrétions au niveau de la plaie n’est pas représentatif, en raison des contaminations bactériennes de la peau, tandis qu’une ponction profonde présente le double inconvénient de ne pas prélever au contact de l’implant et de majorer le risque septique.

Cette option n’étant pas financièrement envisageable pour les propriétaires de la chienne, une antibiothérapie probabiliste par voie orale à large spectre, à base de céfalexine (Rilexine®), a été mise en place. La posologie recommandée est de 30 mg/kg toutes les douze heures pour cette molécule. Outre les céphalosporines de première génération, la clindamycine (à la dose de 11 mg/kg toutes les douze heures) bénéficie d’une bonne diffusion osseuse et peut être employée pour instaurer une antibiothérapie initiale probabiliste, dans l’attente des résultats d’un antibiogramme.

Par la suite, les figures d’ostéolyse “en mie de pain” ont nettement régressé et les contrôles suivants ont permis d’apprécier la mise en place d’un cal osseux sans nouveau signe d’infection. Cependant, tant que la plaque est présente, il existe un risque important de récidive de l’infection et les propriétaires de l’animal en ont été avertis.

  • (1) Selon le « Guide de bonnes pratiques, fiches de recommandations pour un bon usage des antibiotiques, filière animaux de compagnie » édité par l’Afvac en 2016.

Références

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  • 2. Bristow PC, Meeson RL, Thorne RM et coll. Clinical comparison of the hybrid dynamic compression plate and the castless plate for pancarpal arthrodesis in 219 dogs. Vet. Surg. 2015;44(1):70-77.
  • 3. Cabon Q. Panarthrodèse du carpe chez le chien : quel type de plaque ? Utilité de la contention externe en phase postopératoire ? Point Vét. 2015;(353):46-47.
  • 4. Fossum TW. Small Animal Surgery, 4th edition. Elsevier. 2013;(34):1297-1302.
  • 5. Gieling F, Peters S, Erichsen C et coll. Bacterial osteomyelitis in veterinary orthopaedics: pathophysiology, clinical presentation and advances in treatment across multiple species. Vet. J. 2019;250:44-54.
  • 6. Hildreth BE 3rd, Johnson KA. Ulnocarpal arthrodesis for the treatment of radial agenesis in a dog. Vet. Comp. Orthop. Traumatol. 2007;20(3):231-235.
  • 7. Lee MI, Kwak HH, Kim JH et coll. Surgical ectrodactyly repair using limb-lengthening and bone tissue engineering techniques in a toy dog breed. In Vivo. 2020;34(2):815-824.
  • 8. McKee WM, Reynolds J. Ulnocarpal arthrodesis and limb lengthening for the management of radial agenesis in a dog. J. Small Anim. Pract. 2007;48(10):591-595.
  • 9. Pillard P, Bismuth C, Viguier E. Arthrodèse totale du carpe: indications, principes, complications, pronostic. Rev. Vét. Clin. Elsevier Masson. 2014;50(1):1-10.
  • 10. Shchudlo N, Varsegova T, Stupina T et coll. Benefits of Ilizarov automated bone distraction for nerves and articular cartilage in experimental leg lengthening. World J. Orthop. 2017;8(9):688-696.
  • 11. Tobias K, Johnston S. Veterinary Surgery: Small Animal Expert Consult. Saunders WB. 2017.

Conflit d’intérêts : Aucun

Points clés

• La panarthrodèse ulno-carpienne est une option chirurgicale à envisager en cas de malformation majeure du radius.

• Lorsque la correction de la longueur du membre n’est pas réalisée, une boiterie persiste, mais la récupération fonctionnelle est malgré tout satisfaisante.

• Les complications de débricolage ou d’infection après la chirurgie ostéo-articulaire avec implant doivent être évoquées avec le propriétaire, car elles peuvent justifier une nouvelle intervention.

Encadré : TYPES DE COMPLICATIONS CONSÉCUTIVES À UNE PANARTHRODÈSE

Après une panarthrodèse, la première complication qui peut survenir est l’arrachage de vis, notamment la plus distale au niveau métacarpien. Puis viennent la fracture d’implant, l’infection du montage, la fracture de l’os métacarpien III, l’augmentation de la sensibilité de la zone à la palpation, ou encore une arthrodèse incomplète [11, 3].

CONCLUSION

Le cas présenté est l’une des rares descriptions répertoriées de panarthrodèse ulno-carpienne dans un contexte de dysostose majeure du membre thoracique droit. La correction des défauts d’angulation du membre a permis une amélioration notable de la démarche. Cependant, le maintien d’une différence marquée de longueur entre les membres thoraciques explique la persistance d’une boiterie (photos 8a et 8b). Ce type de déformation anatomique congénitale nécessite une correction morphologique grâce aux techniques d’arthrodèse, ainsi qu’une correction de taille par des techniques conjointes d’élongation du membre. Ce sont des interventions chirurgicales lourdes, avec des taux de complications et des soins postopératoires importants, ainsi qu’un temps de récupération assez long. Autant d’éléments à prendre en considération et à discuter avec les propriétaires.

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