CHIRURGIE
Chirurgie canine
Auteur(s) : Mélissa Pottier*, Kévin Minier**
Fonctions :
*Oncovet
Avenue Paul Langevin
59650 Villeneuve d’Ascq
Les fractures vertébrales sont fréquentes chez l’animal de compagnie accidenté. Elles peuvent être multiples, et leur prise en charge varie selon le type, la localisation ainsi que les lésions neurologiques associées.
Un chien croisé pékinois, âgé de 6 ans, est référé pour une paralysie des membres pelviens survenue à la suite d’un accident de la voie publique. Le bilan réalisé par le vétérinaire référant révèle que l’animal est dans un état stable, mais paraplégique. Une fracture vertébrale de T12, visualisée à l’examen radiographique, est suspectée.
Le chien est entravé sur une civière à son arrivée, et un examen neurologique complet est réalisé. De légers mouvements volontaires sont visibles sur les membres pelviens, et l’existence d’une sensibilité nociceptive est très nette. Les réflexes rotuliens, de retrait et périanal sont présents, mais le réflexe panniculaire s’arrête en L1. L’examen neurologique est en faveur d’une myélopathie de type motoneurone central localisée en T3-L3, compatible avec la lésion vertébrale visible sur le cliché thoracique. Un examen au scanner du rachis entier, effectué sous anesthésie générale en gardant l’animal immobilisé, confirme la présence d’une fracture vertébrale intéressant le corps de T12, associée à une luxation T12-T13 qui entraîne un déplacement dorso-ventral de 40 %, ainsi qu’un hématorachis compressif (photo 1).
Comme la fracture affecte le corps vertébral de T12, une instabilité vertébrale est considérée comme avérée et une stabilisation chirurgicale est donc proposée aux propriétaires.
Un abord dorsal médian du rachis est réalisé en regard des vertèbres T11, T12 et T13. Le foyer fracturaire est visualisé, et une laminectomie de Funkquist de type B est pratiquée sur la vertèbre T12. La fracture est ensuite réduite et stabilisée temporairement par la mise en place de deux broches au niveau des processus articulaires de T12 et T13. Des broches à filetage positif sont ensuite placées, avec un angle de 45°, au travers des trois corps vertébraux préalablement forés, de part et d’autre de chaque vertèbre. Enfin, les broches sont pliées et stabilisées ensemble par du ciment de polyméthacrylate de méthyle (PMMA) (photo 2).
Après quatre jours d’hospitalisation, une reprise des mictions spontanées est constatée et le chien retourne chez ses propriétaires. Des séances bihebdomadaires d’hydrothérapie sont rapidement entreprises. Trois semaines plus tard, l’animal est ambulatoire, malgré la persistance d’une ataxie importante. Au contrôle à trois mois postopératoires, il présente une démarche très légèrement ataxique, avec une qualité de vie normale.
Les fractures vertébrales du chien et du chat sont quasi exclusivement d’origine traumatique. Situées pour moitié sur le segment vertébral T10-L2, elles sont associées à des lésions concomitantes dans 45 à 83 % des cas [1, 2]. La réanimation médicale de l’animal traumatisé est nécessaire au soutien de sa fonction cardio-vasculaire et limite les lésions nerveuses secondaires en améliorant la perfusion et l’oxygénation de la moelle épinière. Lorsqu’une atteinte du rachis est suspectée, l’animal est fixé sur une planche rigide pendant son évaluation et peut être sédaté dès l’examen neurologique terminé, afin de limiter les éventuelles lésions médullaires secondaires à l’instabilité au niveau du site fracturaire. L’intégralité du rachis doit être explorée via l’imagerie médicale, afin de vérifier l’absence d’une seconde lésion vertébrale, retrouvée dans 15 à 20 % des situations [2]. En cas de luxation ou de fracture vertébrale, l’absence de nociception est associée à un pronostic sombre quant aux chances de récupération fonctionnelle, sans données statistiques précises. La sensibilité profonde doit être testée avant la mise en place des traitements antalgiques : sa présence doit susciter une réaction de l’animal (gémissement, tentative de se soustraire ou de mordre, tachycardie, etc.), à ne pas confondre avec un réflexe de retrait.
Parmi les techniques d’imagerie, la radiographie présente une sensibilité limitée dans la détection des lésions vertébrales (72 %). Cet examen doit rester à visée de “screening”. La tomodensitométrie possède une bonne sensibilité dans la détection des lésions osseuses des compressions médullaires. Elle permet également d’établir un planning chirurgical, facilitant le placement des implants après la réduction d’une fracture ou d’une luxation. De son côté, l’imagerie par résonance magnétique met en évidence le parenchyme médullaire, alors que les parties osseuses sont moins bien visualisées qu’avec un examen au scanner [1].
Un traitement conservateur peut être envisagé lors de fractures non déplacées avec des signes nerveux minimes et stables, et uniquement si la douleur est maîtrisée correctement. L’emploi de la cortisone est controversé, ses bénéfices n’ayant pas été démontrés dans le cadre de lésions médullaires aiguës.
La réduction et la stabilisation chirurgicales sont recommandées face à une lésion compressive ou instable. Toute atteinte du corps vertébral doit être considérée comme instable, de même qu’une lésion qui implique plus d’un compartiment vertébral (dorsal, moyen et/ou ventral) [2].
La nécessité d’une décompression par une laminectomie ou une hémilaminectomie est débattue, mais souvent préférée dans le contexte d’une hernie discale concomitante ou avec une compression supérieure à 30 % (hématome périmédullaire ou fragment osseux) [1]. Dans ce cas, une laminectomie est réalisée dans l’objectif d’une décompression, les processus articulaires étant laissés en place afin de limiter au minimum la déstabilisation du rachis.
Parmi les nombreuses techniques de fixation chirurgicale figurent la mise en place de broches ou de vis fixées avec du PMMA, et l’emploi de plaques vissées ou d’un fixateur externe. Durant l’intervention, le rachis est manipulé le moins possible, l’obtention d’une réduction parfaite étant moins importante que celle d’une bonne stabilité [1]. Pour les fractures du corps vertébral ou comminutives, il est parfois nécessaire de ponter la vertèbre fracturée, comme dans le cas présenté.
Un examen au scanner postopératoire permet ensuite de contrôler la réduction, la décompression médullaire, ainsi que le positionnement des implants. Le pronostic de récupération dépend du stade neurologique préopératoire, et il est important de prévenir les propriétaires que la récupération peut être longue (quelques mois) et qu’elle ne débute parfois qu’après plusieurs semaines [1].
Conflit d’intérêts : Aucun
Le traitement des fractures vertébrales est à adapter au cas par cas, selon la localisation, le type de fracture et l’état neurologique de l’animal. L’évaluation préopératoire de la nociception est l’élément pronostique le plus important à considérer. Un examen d’imagerie de type scanner de l’intégralité du rachis est une étape clé de la prise en charge de ce type d’atteintes.