DÉMARCHE THÉRAPEUTIQUE FACE AU SORB - Le Point Vétérinaire n° 416 du 01/04/2021
Le Point Vétérinaire n° 416 du 01/04/2021

SYNDROME OBSTRUCTIF RESPIRATOIRE DES BRACHYCÉPHALES

Dossier

Auteur(s) : Thomas Rousseau*, Antinéa Ceccaldi-Delorme**, Niels Gomez***, Olivier Gauthier****

Fonctions :
*Service de chirurgie des animaux de compagnie
CHUV d’Oniris
101, route de Gachet
44300 Nantes

La correction de tares physiques entretenues pour des critères esthétiques est un acte vétérinaire réparateur qui doit être précoce et précis. Ainsi, il permet aux animaux qui en bénéficient de recouvrer une vie pratiquement normale.

En raison de leur conformation, les chiens de races brachycéphales sont prédisposés au développement d’une insuffisance respiratoire parfois sévère. Parmi les nombreuses anomalies qui engendrent des signes cliniques, trois entités principales sont habituellement traitées chirurgicalement : la sténose des narines, l’élongation/épaississement du palais mou, et l’éversion des ventricules laryngés corrigeant le stade 1 du collapsus laryngé. Depuis peu, grâce à l’imagerie en coupe, l’implication des cornets nasaux a été confirmée et de nouvelles voies thérapeutiques sont explorées aujourd’hui. Cet article revient en détail sur les objectifs du traitement des différentes entités du syndrome obstructif respiratoire des races brachycéphales (SORB) et sur les différentes options thérapeutiques, majoritairement chirurgicales, pour chacune de ses composantes pathologiques.

1. TRAITEMENT CHIRURGICAL DES LÉSIONS PRINCIPALES

Sans parler d’intervention chirurgicale prophylactique, il est nécessaire d’intervenir précocement, dès l’apparition des premiers signes cliniques, afin de prévenir ou d’enrayer le caractère évolutif et autoaggravant du syndrome. Un modèle de “scoring” du SORB a récemment été proposé. Grâce à cet index, la sévérité du syndrome est quantifiée via l’utilisation de la pléthysmographie barométrique. Il permet un suivi clinique quantitatif de la fonction respiratoire (suivi à long terme, évaluation préopératoire et de l’amélioration postchirurgicale) sur une échelle exprimée en pourcentage (plus celui-ci est élevé, plus l’atteinte est sévère) [17, 31].

Bien que cet examen ne soit pas réalisé en pratique courante, il permet néanmoins d’objectiver la sévérité de l’atteinte des voies respiratoires.

La rhinoplastie pour corriger la sténose des narines

Il existe de nombreuses techniques de correction de la sténose des narines qui reposent toutes sur la résection d’une partie de l’aile et du pli du nez, le plus souvent à la lame froide, ou par le recours à l’énergie laser ou à d’autres modalités d’électrochirurgie [13].

Les animaux sont placés en décubitus sternal, avec la tête surélevée à l’aide d’un coussin. La précaution à prendre pour toutes les techniques décrites est de corriger les deux narines de manière symétrique. Le préjudice esthétique doit être minimisé, car même s’il est accessoire une fois l’animal guéri ou soulagé, gardent en mémoire, notamment en raison de l’apparition de petites plages de dépigmentation en regard des points de suture.

Rhinoplastie en coin vertical

Cette technique, sans doute la plus couramment pratiquée, a pour objectif d’augmenter l’ouverture des narines en profondeur. Elle consiste en l’exérèse d’une portion de l’aile du nez et de la partie rostrale du pli alaire, en incisant le cartilage alaire (photos 1a à 1c). L’incision est réalisée à la lame froide de 11 en forme de V inversé, avec un trait d’incision médial et vertical et une autre incision latérale oblique (photo 2a). L’incision est poursuivie en profondeur afin de pratiquer l’exérèse de la partie rostrale du pli alaire et d’obtenir une ouverture satisfaisante en profondeur sur le vestibule nasal, par latéralisation de la portion de narine restante au moyen de points de suture. Une pièce d’exérèse pyramidale est alors obtenue, libérée par l’incision de sa base.

L’hémorragie engendrée par l’incision à la lame de bistouri peut être profuse, mais elle est facilement jugulée par compression et se tarit généralement avec la mise en place du premier point de suture, qui latéralise le bord ventral de la partie médiale de la narine. De même, les mouvements de la lame de bistouri doivent éviter l’incision du plancher de la narine, sous peine d’une hémorragie additionnelle. Les sutures sont réalisées à l’aide d’un fil monofilament résorbable de petit diamètre (décimale 1,5 ou 1) et de points simples, généralement au nombre de trois pour permettre une apposition satisfaisante 32].

Rhinoplastie en coin horizontal

Cette technique repose sur les mêmes principes chirurgicaux que la rhinoplastie en coin vertical, seul l’emplacement des incisions diffère (photo 2a). En effet, un coin horizontal est réséqué grâce à une incision latéro-médiale proximale et une incision latéro-médiale distale.

Les sutures sont réalisées sur le même principe que pour la technique précédente [32].

Rhinoplastie au punch à biopsie

Cette technique consiste à utiliser un punch à biopsie pour réséquer un coin de narine. Un punch de 2 à 6 mm peut être choisi pour enlever un morceau circulaire dans la partie la plus charnue de l’aile latérale de la narine. La carotte ainsi obtenue est incisée à sa base à l’aide d’une lame de bistouri et des points de suture sont réalisés selon la procédure précédemment décrite (figure 1) [37].

Quelle que soit la technique sélectionnée, elle peut être mise en œuvre dès le plus jeune âge. Une étude réalisée chez des chiens de race shi tzu âgés de moins de 6 mois, dans le but de réduire l’obstruction des voies respiratoires hautes et de limiter la progression des autres entités du SORB (en particulier le collapsus laryngé), rapporte que la réalisation d’une rhinoplastie avant l’âge de 6 mois produit une amélioration clinique statistiquement significative. Une résolution complète des signes cliniques associés à la sténose des narines (dyspnée, intolérance à l’effort, bruits respiratoires, etc.) a été constatée chez tous les chiens opérés. Les auteurs recommandent donc une intervention précoce de rhinoplastie lors de sténose bilatérale des narines, lorsque cela est possible [14, 28].

Le principal écueil de cette étape est de ne retirer que la partie la plus externe (rostrale) de la narine, sans travailler suffisamment en profondeur pour obtenir la latéralisation du cartilage alaire. Ainsi, lors de rhinoplastie en coin vertical, une incision latérale placée à près de 90° de l’incision verticale médiale permet de venir fixer la narine et l’aile du nez en profondeur, avec un effet de latéralisation proche de celui recherché par la technique d’alapexie (photo 2b).

Alapexie

L’alapexie consiste en une abduction de l’aile du nez par sa fixation permanente à la peau adjacente latéralement. Cette technique est réalisée par une incision elliptique de 0,5 à 1 cm ventro-latéralement aux ailes du nez à la lame froide. Une seconde incision est effectuée 3 à 5 mm latéralement à la première (figure 2).

La peau entre les deux incisions est retirée et la plaie est fermée par un surjet sous-cutané et cutané avec un monofilament résorbable. Cette technique est généralement réservée aux sténoses sévères des narines, soit en cas de reprise chirurgicale, soit lorsque le chirurgien estime qu’une rhinoplastie en coin ne permettra pas une ouverture satisfaisante des narines [9].

La palatoplastie

L’un des axes thérapeutiques majeurs de la prise en charge du SORB est la reperméabilisation des voies respiratoires nasopharyngée et laryngée. L’objectif de la palatoplastie est de réduire la taille du palais mou en corrigeant sa longueur et/ou son épaisseur, de manière à lever l’obstruction de la glotte à l’inspiration (raccourcissement) et d’ouvrir le nasopharynx (désépaississement).

Palatoplastie de raccourcissement

La palatoplastie de raccourcissement vise à réduire la longueur du palais mou jusqu’au bord cranial des amygdales. Une fois l’animal positionné en décubitus sternal, gueule ouverte (photo 3), une traction rostrale est appliquée sur le bord caudal du palais mou à l’aide d’un fil de suture ou d’une pince d’Allis. La longueur du palais est ainsi évaluée afin de déterminer l’emplacement de l’incision. Deux fils de traction peuvent être mis en place aux extrémités latérales de la ligne d’incision, de manière à mieux la délimiter et à faciliter la section (figure 3).

Plusieurs techniques sont décrites pour réaliser cette palatoplastie. La section du palais mou peut être effectuée avec des ciseaux froids, mais face aux saignements occasionnés et à l’encombrement du site opératoire qui en résulte, cette méthode est devenue obsolète au profit de techniques utilisant différentes modalités d’électrochirurgie (photo 4), principalement un bistouri électrique monopolaire, un laser CO2, un laser diode ou un instrument de fusion tissulaire (Ligasure®) [3, 6, 13, 30]. L’utilisation d’un bistouri électrique bipolaire permet une hémostase plus précise et plus efficace en cas de saignement, mais ne permet pas la section. L’usage du laser CO2 ou du Ligasure® raccourcit le temps opératoire et diminue le traumatisme tissulaire, donc les complications liées à l’inflammation du pharynx [3]. Plus récemment, l’emploi d’un bistouri à ultrasons ou d’un instrument de coblation a été décrit [4, 20, 27]. L’utilisation d’une pince ultrasonique permet une résection rapide du palais mou, avec une parfaite hémostase (vidéo 1 en ligne sur lepointveterinaire.fr) [4]. De même, la technique de coblation permet une diminution du temps opératoire et du taux de complications [27].

Pour toutes les techniques, la section du palais mou expose trois épaisseurs tissulaires : la muqueuse orale, les muscles palatins et la muqueuse pharyngée (photos 5a et 5b). La suture du bord libre du palais mou exposé par la résection appose les muqueuses orale et pharyngée, recouvrant le tissu musculaire palatin. Elle est réalisée par un surjet simple ou des points simples à l’aide d’un monofilament résorbable de faible diamètre (décimale 1,5).

L’absence de suture des muqueuses nasopharyngée et oropharyngée peut entraîner des saignements itératifs et des granulomes cicatriciels sur la ligne de section si le muscle palatin n’est pas recouvert. Toutefois, l’absolue nécessité de suturer le palais mou après son raccourcissement reste controversée aujourd’hui, notamment en regard de la qualité de l’hémostase fournie par les nouvelles techniques d’électrochirurgie. Initialement, un raccourcissement jusqu’au bord caudal des amygdales était préconisé, mais plusieurs publications ont suggéré qu’il pouvait être insuffisant et ont proposé de l’avancer jusqu’au pôle cranial des amygdales [3, 6].

Palatoplastie de désépaississement

La palatoplastie de désépaississement est une technique proposée plus récemment qui consiste d’abord à désépaissir le palais mou dans sa partie oropharyngée, puis à replier sur elle-même, ventralement, la muqueuse nasopharyngée préservée, de caudal en cranial, pour obtenir en plus un effet de raccourcissement (figure 4) [8, 10]. La position de l’animal et la traction vers l’avant sur le bord caudal du palais mou sont similaires à la technique précédente. Le palais mou est rabattu sur lui-même, afin de déterminer la limite rostrale de l’incision. Une incision en trapèze qui débute à la limite rostrale préalablement déterminée est réalisée à la lame froide ou au bistouri électrique monopolaire et se prolonge jusqu’au bord caudal du voile du palais. Les marges latérales de l’incision passent médialement aux amygdales. La muqueuse orale du palais mou et les tissus mous définis par l’aire d’incision sont retirés, ainsi que les muscles palatins. Seules la muqueuse nasopharyngée et la sous-muqueuse sont conservées, celles-ci sont ensuite repliées sur ellesmêmes et suturées par des points simples à l’aide d’un monofilament résorbable. L’avantage théorique de cette technique est donc de permettre à la fois un amincissement et un raccourcissement du palais mou, donc une meilleure prise en charge du collapsus pharyngé [10]. De fait, le désépaississement espéré, parce qu’une certaine épaisseur de muscle palatin est réséquée, est compensé par le repli sur luimême du bord ventral du palais mou, qui demeure néanmoins raccourci et le nasopharynx plus ouvert. Si sa réalisation est relativement aisée, sous réserve d’une hémostase parfaite, les manœuvres de désépaississement comportent toutefois des risques de perforation de la muqueuse nasopharyngée (photo 6).

2. TRAITEMENT DU COLLAPSUS LARYNGÉ

Traitement de l’éversion des ventricules laryngés

Le collapsus laryngé est une conséquence du syndrome brachycéphale. L’éversion de la muqueuse des ventricules laryngés correspond au stade 1 du collapsus laryngé. C’est pourquoi il est essentiel de corriger précocement les composantes du SORB (rhinoplastie si les narines sont collabées, palatoplastie si le palais mou est trop long, etc.). Dans certains cas, cela suffit à améliorer les signes cliniques associés à une éversion des ventricules [23]. Il est recommandé de revoir le chien au cours des quatre à six semaines qui suivent l’intervention pour une réévaluation [36].

En l’absence d’amélioration des signes cliniques, il est possible de procéder à une ventriculectomie, qui correspond à une résection de la muqueuse des ventricules laryngés. La difficulté de la technique réside dans le fait que la visualisation du larynx et de la glotte n’est pas toujours facile, en raison des ventricules oedématiés. Il est plus aisé d’utiliser des instruments fins et longs. Pour que les ventricules soient bien visualisables, la sonde endotrachéale doit être repoussée, dorsalement à droite pour aborder le ventricule gauche, puis dorsalement à gauche pour aborder le ventricule droit. Le ventricule est saisi à l’aide d’une pince à préhension de type pince d’Allis ou d’un clamp long, puis il est réséqué au plus près de sa base au contact du cartilage aryténoïde, à l’aide de ciseaux de Metzenbaum ou d’une lame froide (figure 5).

Les saignements sont exceptionnels ou peuvent être maîtrisés à l’aide d’une compresse hémostatique laissée en place quelques minutes. Un œdème postopératoire obstructif vient parfois compliquer cette intervention. C’est pourquoi les tissus doivent être manipulés avec des gestes les moins traumatiques possibles. L’utilisation de laser ou d’électrocoagulation doit être précautionneuse afin de ne pas amplifier l’inflammation des tissus adjacents. L’efficacité de la ventriculectomie reste cependant incertaine.

Une étude a comparé l’évolution postopératoire de chiens ayant subi une rhinoplastie, une palatoplastie, combinées ou non à une ventriculectomie. La ventriculectomie est associée à une augmentation de la morbidité postopératoire, qui apparaît cependant plus élevée en regard du degré de collapsus laryngé. Les complications postopératoires sont essentiellement liées à des troubles respiratoires ou digestifs (toux, dyspnée, bronchopneumonie par fausse déglutition, régurgitations, etc.) [15]. Lors d’éversion des ventricules laryngés, il a longtemps été admis que le traitement des affections primaires par rhinoplastie et palatoplastie permettait une régression spontanée des éversions [7]. Une étude, menée chez dix chiens présentant un SORB et ayant subi une palatoplastie, ainsi qu’une rhinoplastie couplée à l’ablation d’un seul ventricule laryngé, conteste cette hypothèse.

Lors d’une endoscopie de contrôle, deux à quatre mois après l’intervention, aucun des chiens n’a présenté de régression de l’éversion du second ventricule initialement laissé en place, et un chien présentait même une récidive de l’éversion du ventricule qui avait été réséqué [5].

D’autres travaux rapportent également une récidive de l’éversion des ventricules laryngés après leur ablation, ou une absence de régression spontanée une fois la cause primaire corrigée [16, 38].

Traitement du collapsus laryngé de stade II ou III

Les stades II et III sont les phases avancées du collapsus laryngé et correspondent respectivement à un effondrement des processus cunéiformes et des processus corniculés des cartilages aryténoïdes. Ces deux stades peuvent également être pris en charge chirurgicalement. Pour cela, plusieurs techniques sont proposées, certaines n’étant que rarement pratiquées, car le résultat est peu probant ou à fort risque de complications (laryngectomie partielle par abord oral ou laryngoplastie crénelée). La trachéostomie permanente est alors recommandée en cas d’échec, pour les animaux en détresse respiratoire sévère [24].

Enfin, la latéralisation du cartilage aryténoïde peut être entreprise, et même si cela est rarement nécessaire ou même réalisable en raison de la chondromalacie qui affecte les cartilages laryngés, elle semble offrir un soulagement à l’animal et une résolution des signes respiratoires [38].

Dans la plupart des cas, le traitement des causes primaires du syndrome obstructif des races brachycéphales, associé à une exérèse des ventricules laryngés, suffit à améliorer le tableau clinique sur le plan respiratoire, même en cas de collapsus laryngé de stade II ou III. Selon une étude menée chez des chiens présentant un collapsus laryngé de stade II ou III qui avaient subi une correction chirurgicale des causes primaires du SORB, accompagnée d’une ablation des ventricules laryngés, une nette amélioration de l’état général, voire une résolution des signes cliniques ont été constatées chez tous les animaux opérés. En revanche, les ronflements et le stertor n’étaient pas entièrement résolus à la suite de la chirurgie [36].

3. TRAITEMENT DES LÉSIONS ASSOCIÉES

Turbinectomie au laser

La résistance au passage de l’air concerne en majeure partie la sphère nasale [25]. Ainsi, il est possible de traiter l’hyperplasie des cornets nasaux par une turbinectomie partielle. Cette technique, peu utilisée en pratique, car très invasive et exigeante techniquement, a pour objectif de réaliser l’ablation des cornets nasaux qui obstruent le passage de l’air dans les cavités nasales. Cette intervention est indiquée dans les cas de syndrome brachycéphale sévère, avec une architecture des cornets nasaux fortement modifiée. Elle vient s’insérer dans une prise en charge chirurgicale globale du SORB et permet en théorie de lever l’obstruction au passage de l’air à l’endroit où elle est majeure, mais très difficile d’accès. Elle a fait l’objet de développements récents, exploitant les données obtenues par l’imagerie en coupe (IRM, scanner) et l’utilisation du laser. Le cornet nasal ventral est d’abord retiré, puis les cornets nasaux rostraux et caudaux [33].

Oechtering et ses collaborateurs ont présenté une technique de turbinectomie partielle à l’aide d’un laser diode sous contrôle rhinoscopique. Une coagulation profonde des tissus est obtenue grâce à la bonne pénétration tissulaire et à la petite taille du laser diode, qui permettent de l’introduire par le canal opérateur d’un rhinoscope [26]. Il est possible d’intervenir soit sur les cornets nasaux rostraux et caudaux, soit uniquement sur le cornet nasal caudal si le cornet rostral est sain [26, 34]. En effet, chez certains chiens, seuls les cornets nasaux caudaux sont hypertrophiés. Cela permet de préserver la muqueuse des autres cornets qui assurent la thermorégulation et l’hydratation de l’air inspiré [33].

Cette intervention affiche des résultats très encourageants, avec une réduction importante des signes cliniques. Cependant, des cicatrisations hypertrophiques des cornets nasaux sont décrites après la réalisation d’une turbinectomie, elles-mêmes à l’origine d’une obstruction : 15,8 % des chiens opérés ont nécessité une reprise chirurgicale en raison de cette cicatrisation postopératoire aberrante [34]. Bien qu’invasive, cette intervention ne semble pas entraîner de conséquences délétères sur l’olfaction des animaux opérés : 55 % des propriétaires de chiens ayant subi une turbinectomie observent même une amélioration notable de l’odorat chez leur animal, la muqueuse olfactive étant principalement localisée sur les volutes de l’éthmoïde, dans la partie caudale des cavités nasales, qui devient alors plus accessible à l’air inhalé. Peu de complications majeures sont rapportées, la plus fréquente étant une hémorragie (un tiers des chiens opérés) sans conséquence postopératoire délétère [26].

L’intérêt clinique est clairement démontré par une étude prospective menée chez des chiens qui n’avaient pas montré d’amélioration satisfaisante après une prise en charge chirurgicale conventionnelle. Ces chiens ont subi une turbinectomie et tous ont alors présenté une amélioration significative de la fonction respiratoire, quantifiée par une diminution significative du BOAS index [19].

La difficulté technique et la nécessité d’équipements coûteux restent les principales limites de cette intervention.

Rétroversion de l’épiglotte

Le traitement de la rétroversion de l’épiglotte (vidéo 2), récemment décrite comme une conséquence potentielle du SORB, est la pexie de celle-ci, l’objectif étant de maintenir l’épiglotte en position horizontale pour permettre le passage de l’air [11]. Le principe de la chirurgie consiste à retirer un fragment de muqueuse sur la face craniale de l’épiglotte et à suturer celle-ci à la base de la langue. En cas de récidive, il est possible de réaliser une épiglottectomie partielle, en venant sectionner le cartilage de l’épiglotte puis suturer la muqueuse par-dessus ce même cartilage [21].

Une étude rapporte cependant un taux de complications majeures de 48 % lors de la correction chirurgicale d’une rétroversion de l’épiglotte (pexie de l’épiglotte et épiglottectomie) [21]. La pexie incisionnelle de l’épiglotte reste la technique de référence pour traiter cette affection. En effet, elle est considérée comme la plus sûre du fait de la création d’un tissu fibreux cicatriciel qui assure la pexie, mais présente un taux de récidives de 37 % [22]. L’intérêt de ce traitement chirurgical peut donc être difficile à établir et ses complications ne sont pas négligeables.

Exérèse des amygdales

En cas d’éversion des amygdales, qui peuvent alors contribuer à l’obstruction de l’entrée du larynx, il est recommandé d’en réaliser l’ablation [1]. L’amygdale est alors saisie à l’aide d’une pince d’Allis puis sectionnée à sa base, à la lame ou aux ciseaux froids, après une ligature préventive pour en assurer l’hémo stase, ou bien grâce à un instrument d’électrochirurgie de fusion tissulaire ou d’ultracision (figure 6). Les complications liées à cette intervention sont rares et le bénéfice dépend du degré obstructif de l’éversion.

4. TRAITEMENT COMPLÉMENTAIRE DES TROUBLES DIGESTIFS

Les troubles digestifs associés au syndrome brachycéphale sont relativement fréquents (vomissements, régurgitations, ptyalisme, etc.).

Leur résolution accompagne souvent la disparition des signes respiratoires, après le traitement chirurgical des différentes entités du SORB. La mise en place d’un traitement médical est recommandée afin d’aider à la rémission de ces troubles qui peuvent être majorés en phase postopératoire, en raison de l’anesthésie générale et des manipulations opératoires. Des médicaments antiacides sont alors prescrits, en particulier des inhibiteurs de la pompe à protons (oméprazole) ou d’autres molécules anti-H1, les plus efficaces pour diminuer l’acidité gastrique. Les anti-H2, avec des molécules telles que la ranitidine, sont moins efficaces pour la diminution du pH gastrique, mais peuvent être choisis pour leur activité prokinétique [2]. Enfin, des prokinétiques (cisapride) et des protecteurs de la muqueuse gastrique (sucralfate) peuvent être utilisés durant les premières semaines qui suivent l’intervention [29]. Il est par ailleurs montré que le traitement médical des affections gastro-intestinales après une correction chirurgicale (palatoplastie et rhinoplastie, voire ventriculectomie) permet d’améliorer le pronostic opératoire et de diminuer le taux de complications, en particulier la survenue d’une bronchopneumonie par fausse déglutition [29].

Une amélioration des signes digestifs est rapportée dans plus de 90 % des cas après la mise en place d’un traitement médical postopératoire à base d’antiacides et de prokinétiques [29]. Ce traitement peut d’ailleurs être initié avant l’intervention. En cas d’absence de résolution des signes digestifs, une endoscopie digestive peut être réalisée ou renouvelée pour objectiver les lésions présentes et évaluer la nécessité d’une prise en charge chirurgicale spécifique, en particulier lors de hernie hiatale ou d’hypertrophie de la muqueuse gastrique.

5. PRONOSTIC

Le succès de la prise en charge d’un chien atteint de SORB réside autant dans le geste chirurgical que dans l’environnement dans lequel il est pratiqué, la surveillance postopératoire relevant de véritables soins intensifs. La phase de réveil des animaux opérés doit faire l’objet d’une vigilance redoublée, afin d’éviter toute surexcitation et toute majoration de l’œdème postopératoire (photo 7). L’oxygénothérapie est souvent prolongée en période postopératoire, tout comme la sédation. La nécessité d’une trachéotomie temporaire, voire d’une trachéostomie définitive doit être anticipée, notamment via l’information des propriétaires.

Après la prise en charge chirurgicale du SORB, les chiens présentent une nette amélioration clinique. Certaines études rapportent plus de 80 % de satisfaction des propriétaires concernant l’amélioration des troubles respiratoires après la réalisation d’une palatoplastie (photos 8a et 8b) et d’une rhinoplastie chez leur animal [12, 29]. L’aggravation du pronostic en cas de collapsus laryngé de grade II ou III chez les brachycéphales demeure controversée [12, 36]. Cependant, une étude récente, qui utilise une méthode objective d’évaluation de la fonction respiratoire grâce à la pléthysmographie, met en évidence plusieurs facteurs pronostiques négatifs significatifs, dont la présence d’une paralysie laryngée, un score corporel élevé et l’apparition de troubles respiratoires dès le jeune âge [17, 18]. De même, un score préopératoire (BRisk score) permet depuis peu de prédire les risques de complications. Combinant notamment la race du chien, ses antécédents chirurgicaux, sa note d’état corporel, sa présentation clinique à l’admission (bruits respiratoires, nécessité d’oxygénation, d’une sédation ou d’une intubation, température rectale), plus ce score préopératoire est élevé, plus les risques de complications sont importants [35].

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Conflit d’intérêts : Aucun

CONCLUSION

Actuellement, la prise en charge chirurgicale du syndrome obstructif respiratoire des races brachycéphales ne permet pas une correction de l’ensemble des anomalies anatomiques identifiées, mais conduit néanmoins à un soulagement très significatif. L’échec des traitements chirurgicaux résulte souvent d’une prise en charge trop tardive et/ou d’une résection insuffisante des tissus nasaux et palatins. Il est important d’avertir les propriétaires de la possible persistance, après l’intervention, d’un certain degré d’intolérance à l’effort et aux fortes chaleurs, ainsi que de ronflements. Dans la plupart des cas, la résolution des signes digestifs suit l’amélioration des signes respiratoires après la correction chirurgicale des principales entités du SORB.

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